"Lieutenant, content de vous revoir."

Le soldat Annaz venait de débarquer, la main sur l'épaule et l'air aussi épuisé que Benam. Pensif, ce dernier hocha la tête à l'encontre de son subalterne. Ils venaient d'arriver, calmement mais sûrement, aux portes du Secteur 14. Les gardes qui les escortaient partirent sans dire un mot. Bien. Il était temps. Le Lieutenant soupira.

"Lieutenant, il serait peut-être judicieux de contacter le Valiant...", suggéra Biggs sur un ton monotone.
"Le Valiant est de nouveau opérationnel ?"

Le sergent acquiesça et machinalement, il alluma son omni-tool et contacta Jackson. Le vaisseau débarqua quelques secondes plus tard, dans un gros bruit qui avait sans doute surpris les vortchas les plus proches. Sans attendre, le commando entra par le hangar. On remarquait de suite la navette de la clinique, qui avait sans doute du entrer en trombe vu la position dans laquelle elle était. Mais les hommes éludèrent cette question et partirent directement vers la salle principale. Sur le chemin, ils croisèrent le civil qui avait accepté de conduire la navette, dans un état passablement proche de l'extase.

"Lieutenant ! Je voulais vous remercier de m'avoir laisser conduire la navette !" lâcha t-il sans attendre.
"Vous étiez volontaire et votre femme avez besoin de vous. A ce propos, comment va t-elle ?"
"Elle est en vie et heureuse de l'être, tout comme moi ! En tout cas, Lieutenant, si vous avez besoin d'un coup de main un jour, contactez-moi. Vous me trouverez au nom de Silas Massani."

Puis il partit de manière nonchalante. Massani ? Ça rappelait vaguement quelque chose à Benam mais il n'avait pas le temps d'y penser. Toujours avec ses soldats, il marcha vers la salle de vie où Grayson avait convié tout le monde par le haut-parleur quelques secondes plus tôt. En arrivant, ils virent Jackson, entouré de Fahrys et Allen d'un côté de la table et de l'autre, Demetra qui faisait les cents pas tout en boitant. La pièce était relativement spacieuse pour un vaisseau : il y avait donc une table, servant pour les divers diners entre équipage, une cuisine légèrement surélevée, un jeu d'échec holographique ainsi que le plan du Valiant. Mais même si c'était plus une pièce convivial que réellement militaire, elle était aussi la salle centrale, puisqu'elle donnait sur les compartiments principaux : la salle de navigation et le cockpit par l'entrée nord, les entrées est et ouest donnait sur des escaliers menant au deuxième étage et l'entrée sud, d'où ils venaient, donnait évidemment sur la soute, le hangar et la salle au moteur.
Instinctivement, Benam se plaça au milieu de la table, entre les deux camps qui se disputaient à son arrivée sur quoi faire.

"On a des ordres, sergent. On doit continuer à se battre en attendant l'arrivée de l'Alliance ! Sinon nous nous feront écrasés comme des insectes !" clamait l'un.
"Écoutez, artilleur, si j'en avais l'occasion, je serai le premier à me faire ses enfoirés de vortchas. Mais on doit d'abord penser à l'évacuation des civils !" clamait l'autre, aussi déterminé.

Les sourcils froncés, Benam croisa les bras et regarda les deux, successivement. Ils n'étaient même pas surpris de le voir, alors qu'il venait de sortir du camp de leurs ennemis avec le tapis rouge et l'escorte royale.

"Oh ! Taisez-vous !" hurla t-il sans précédent. Il avait maintenant tout les regards portés vers lui. "Il y a une vingtaine de minutes, j'aurais donné raison à chacun de vous. Mais les ordres ont visiblement changé, sinon je ne serai pas ici pour en parler."

Il s'appuya sur la table à l'aide de ses mains et continuer à jeter des regards inquisiteurs à sa droite et à sa gauche.

"Dans le doute, nous allons faire ce qui est le plus logique : évacuer les civils."
"Mais Lieutenant, on a que deux navettes : une de quatre et une de six. Au mieux, si on sert, on peut évacuer une douzaine.", expliqua le mécanicien butarien.
"Le SSC avait des navettes d'extradition, quand j'y étais encore. Aux dernières nouvelles, elles étaient entreposées aux secteurs 21 et 22. Avec un peu de chance, elles y sont encore." intervenait Biggs en s'avançant.
"Ça peut valoir le coup de tenter. Mais avant, on doit contacter l'Ambassadeur pour savoir de quoi il en retourne. Officier Montello, à vous de jouer."

La dame au teint hispanique hocha par l'affirmative et quitta la pièce sur le champ.

"Et c'est quoi la suite du plan, au juste ?" quémanda Jackson sur un ton dérisoire.
"Il n'y en a pas. Tant qu'on a pas reçu d'ordres, on ne peut rien faire. En attendant, on retourne à la clinique et on emmène la maximum de réfugiés avec nous."
"Et pour les Vortchas ?"
"Les Vortchas ne nous causeront plus d'ennuis pour le moment." affirmait Benam. "Mais on a un autre problème : Cerberus."

Il avait annoncé ça de but en blanc, sans prévenir ou prendre des pincettes. Il échangea un regard complice avec l'artilleur, aussi une ex-agent de Cerberus. Elle avait les yeux écarquillés comme jamais et pour ainsi dire, elle semblait avoir peur - ce qui était rare pour elle.

"Quoi ? Cerberus est dans le coup ?!"
"Plus que ça : ils aident les Vortchas. Et quand Cerberus aide une race non-humaine, alors on peut craindre le pire. C'est pourquoi ils doivent s'être implantés quelque part sur la Citadelle... Demetra, tu sais aussi bien que moi comment ils fonctionnent. Cherche s'il y a un secteur qui se démarque des autres. Connaissant Cerberus, ça peut être n'importe quoi : un appel d'aide aux réfugiés comme un QG de fanatiques biotiques."

Il se redressa. Demetra s'était contenté de partir rejoindre Cassie, à la salle de transmission.

"A tout l'équipage : on arrive à la clinique. Préparez-vous."

Par habitude, le Lieutenant balança le "Vous savez ce que vous avez à faire" à ses hommes et tous sortirent d'un côté ou de l'autre. Il espérait avoir une réponse de l'Ambassadeur au plus vite car ils étaient dans le brouillard le plus complet. En sortant, il remarqua aussi que son médecin agrée, le docteur MacAllister, soignait la blessure d'Annaz. Annaz s'était bien battu et avait accompli assez d'exploit. Le moment venu, il dirigerait l'évacuation.

Plusieurs heures s'étaient déroulées depuis le débarquement à la clinique. Elles auront été largement plus calmes et sûres que celles qui avaient précédé, avides de sang et de combats. Heureusement, d'ailleurs, car Lleyton eu la possibilité d'y caser un petit somme pendant que Demetra et le sergent Jackson faisait des rondes avec le Valiant pour récupérer les survivants et réfugiés humains qui souhaiteraient se sortir de là avant que la cavalerie arrive. Il ne s'était reposé que trois-quarts d'heure tout au plus mais c'était suffisant compte tenu de sa condition physique habituelle. D'autant plus que ses rêves, transformés en cauchemars, étaient parsemés d'incertitude et d'indignation. Il repensait à sa conversation avec Chimera et à ce qui avait précédé son choix à Londres. Les horreurs qu'il avait pu découvrir en arrivant sur Terre, les missions impitoyables que lui avait confié Harper, la destruction de la Station Haestrom, la mort de... Enfin, rien ne servait de ressasser tout ça, de toute façon.
En se relevant du lit improvisé, dans un coin relativement caché de l'hôpital, sa douleur aux côtes se réveilla. Munit que d'un survêtement militaire, il profita des quelques minutes de répit qu'il lui restait pour ré-enfiler son armure. Tranquillement, au milieu de deux couchettes, il se rhabilla minutieusement. Son armure en avait vu des vertes et des pas mûres au cours de la bataille. Et encore, ce n'était pas la pire à laquelle il avait assisté. Mais il n'empêchait que l'on voyait clairement des impacts de balles gros comme une main de volus et des éraflures en masses se réunir sur les côtés...

En sortant, Lleyton vit qu'il y avait un peu de mouvement. Le Valiant revenait de sa quatrième récupération et cette dernière s'était plutôt mal passé. D'après ce qu'il en avait saisit, le secteur dans lequel avait eu lieu une courte résistance était un secteur qui ne s'était pas joint à la cause de Sarkass et qui avait préféré tirer sur tout ce qui entrait sur son territoire. Le jeune garçon qui se faisait examiner par Allen lui avait expliqué brièvement qu'il s'agissait d'esclavagistes krogans et que de ce fait, ils n'étaient pas des plus aptes à accepter qu'on prenne la "marchandise". Odieux mais compréhensible, en somme. Soudainement, Lleyton se désintéressa du conte et vit approcher Jackson et Biggs, qui tenait un soldat touché par deux balles. Il saignait abondamment et était en train de perdre connaissance. Les soldats qui le maintenaient le posèrent sur le sol.

"C'est l'enfer dehors, Lieutenant." affirma le sergent. "Tenez-lui la tête."

Sans poser trop de question, le Lieutenant s’exécuta et lui tenait la tête pendant que Biggs ouvrait l'armure tant bien que mal. Allumant son omni-tool, Allen passa un scanner au dessus du torse puis provoqua directement l'incision. En deux tant trois mouvements, il avait extrait les balles sans toucher quoi que ce soit et avait cautionné les plaies avec du médigel. Le soldat était tombé dans les pommes mais il survivrait certainement.

"Allen, venez, il y en a d'autres" avait crié un autre militaire non-loin de là.

Allen avait machinalement hoché la tête et était parti avec son matériel, pendant que Lleyton tenait encore la tête brûlante du blessé. Il la reposa délicatement puis le pris par les épaules. Jackson le prit par les pieds et ils l'amenèrent sur un lit. Ils prirent ensuite le temps de regarder autour d'eux. Peu de combattants avaient été touché mais ils commençaient doucement à manquer d'effectif : depuis le début, cinq avait du se déclarer inapte, pour blessure plus ou moins grave. Deux civils étaient entre la vie et la mort et une quinzaine d'autres avaient dû demander des soins mais sans véritable raison. Néanmoins, Jackson avait raison : ça ressemblait très bien à un enfer.

Puis, sans prévenir, des bruits de moteurs raisonnèrent dans toute la pièce. Le premier réflexe de Lleyton fut de sortir son arme et d'aller vérifier s'il y avait une menace quelconque. Il vit alors des navettes de l'Alliance, qui s'étaient improvisés une piste de débarquement près de la clinique, dans le secteur 9. D'abord, ils semblaient être peu mais bientôt, ils commencèrent à arriver en abondance. Immédiatement, le Lieutenant avait ordonné à ce qu'on ouvre l'accès nord, qui servait de passerelle entre le secteur 9 et la clinique. Très vite, des soldats, un peu plus gradés et hauts en couleurs, se pointèrent. Dont un en particulier, à l'armure plus blindée et reluisante que les autres. Il avait la trentaine à tout casser, le teint très foncé, les yeux bleus brillants, les cheveux et la barbe rasés de très près. Il s'approcha de Lleyton, l'allure ravie et hautaine à la fois.

"Lieutenant Benam ?" demanda t-il promptement sans attendre la réponse. "Je suis le Major Kerrison."

Il avait tendu la main et instinctivement, le Lieutenant la lui serra, d'un air soulagé.

"Nous sommes l'avant-garde, chargée d'évacuer les civils. Pourriez-vous me briefer sur la situation ?"

Haussant un sourcil, Benam jeta un coup d’œil autour de lui et fit quelques pas sur le côté.

"Cela va de soi : les accès à la clinique sont sécurisés, nous avons actuellement recueilli une quarantaine de civils et une quinzaine de soldats."
"Des blessés ?"
"Quelques uns mais sans réels dommages"
"Nous ne sommes pas habilités à transporter des blessés. Pourriez-vous vous en charger, étant donné l'état favorable de votre vaisseau ?"

Lleyton n'y avait pas vraiment réfléchi, à ça : quitter la Citadelle et rejoindre l'Alliance. Mais avait-il le choix ? Le plan n'était pas de rester des semaines, ni même de se faire tuer pour une cause à peu près juste. La mission ici était terminée. Et c'est pour cette raison que Lleyton avait acquiescé et avait laissé le Major donner les instructions aux civils quant à l'évacuation. Cela ne relevait plus de son accréditation, désormais.
Les quelques minutes qui suivirent furent simples : les blessés furent reconduit sur le vaisseau avec une civière et le Valiant était prêt au départ, tandis que Kerrison donnait les coordonnées du Mont-Blanc - le croiseur de l'Alliance - à Grayson. Ils devaient repasser par là avant de repartir sur Eden Prime pour une raison simple : Cerberus...

Plongé dans ses idées, Lleyton aidait les aides-soignants de l'Alliance à transporter les blessés jusqu'à l'infirmerie du Docteur MacAllister, qui s'occuperait d'eux le temps que le Valiant fasse le pont entre la Citadelle et le cuirassé SSV Mont-Blanc. En tout, il y avait donc deux civils et quatre soldats, ce qui était tout juste en vue des lits disponibles dans les locaux de MacAllister. Mais ils avaient aussi accueillit à leur bord le couple Massani. Bien que le nom rappelait toujours quelque chose au Lieutenant, il était certain que le pilote qui les avait aidé devait être remercié pour sa bravoure et son volontariat. Et puis il était plutôt sympathique donc il ne ferait pas mauvaise compagnie.

Une fois les blessés enfin installés, Lleyton ressortit du vaisseau et demanda au passage à sa timonière de se préparer à l'envol. Devant la porte d'amarrage se trouvait les vaillants officiers qui avaient combattu à ses côtés : Jackson, Biggs et Allen - et en arrière-plan, l'équipe du sergent, en train d'aider à l'évacuation et à la préparation des navettes. Les trois compères discutaient entre eux et Jackson s'en fumait même une. La première de la journée sûrement.

"Notre mission est terminée ici, soldats. Vous pouvez repartir avec moi, si vous le souhaitez."
"Non, Lieutenant. Votre mission est terminée" répondit le doyen en aspirant longuement sa clope. "Pas la nôtre."
"Vous êtes sûrs ? Vous avez vécu ce qui ressemble le plus à l'enfer ici. Vous êtes en droit de repartir."
"A la guerre comme à la guerre... Et mes hommes ont décidés de rester. Je peux pas les laisser là. Sans moi, ils se feraient allumer par le premier vortcha qui passe..." dit-il simplement.

A cette idée, Lleyton fit une grimace. Avant d'esquisser un sourire. Jackson était un vrai soldat, habitué à la guerre et non pas à des situations de crises comme vivait son interlocuteur.

"Et vous, Biggs ? Tenté ?" demanda t-il à l'autre sergent.
"Je ne sais pas, Lieutenant. Je n'ai rempli mon quota de mort et je dois avouer que ça me fait chier..." soupira Biggs. "Puis ils vont bien avoir besoin d'un spécialiste en reconnaissance, non ?"

Une nouvelle fois, Lleyton sourit. L'intention de Biggs était tout à son honneur et il ferait également honneur aux mémoires de ses coéquipiers tombés au combat, ici-même.

"Sûrement, Biggs. Ils en ont toujours besoin..." affirma Benam d'un air détaché avant de se tourner vers le troisième. "Allen ?"

Ce dernier regarda son supérieur droit dans les yeux et baissa la tête. Il se tourna, toujours tête baissé, vers ses camarades. Comme s'il avait honte de quelque chose - de vouloir repartir, peut-être ? Après tout, c'était normal. Ce n'était pas fini ici. Mais il était en droit de repartir ; il était venu avec Benam, il pouvait repartir avec lui. Et sincèrement, avec tout ce qui s'était passé, tout ce qu'il avait vu, il était normal qu'il veuille en finir.

"Ça aura été un privilège de combattre à vos côtés, sergents" donna t-il pour seule réponse en faisant un salut en règle.

Il fit ça vite et en détresse avant de partir à l'intérieur du Valiant sans dire un mot de plus. Allen faisait parti d'une autre catégorie de gens honorables : ceux qui savent où combattre, mais qui veulent le moins de morts possibles. Il savait que son travail ici était fini et qu'il n'influerait pas sur le court des choses. Mais abandonner ses coéquipiers, ça reste dur à chosir. Lleyton, lui, en avait malheureusement pris l'habitude. Quand il faut y aller, il faut y aller lui répétait tout le temps Gates. Pas étonnant qu'il soit si lâche maintenant.

"Faites attention à vous. Et si vous avez besoin d'un coup de main, prévenez le Valiant. Il ne sera pas loin."
"Merci, Lieutenant. Mais on devrait s'en sortir. Au pire, vous serez encore là pour nous venger !" clama t-il en éclatant de rire.

Il n'y avait rien de marrant, certes. Quelque part, c'était des adieux. Pas spécialement émouvants, mais les liens que tissent les soldats aux combats demeurent des plus solides. Et il avait juste raison : si jamais Jackson ou Biggs devait laisser un orphelin derrière eux, il irait rendre des comptes à Sarkass et surtout à Cerberus. En attendant, le moteur et l'équipage était prêts. Pour dernier aurevoir, Lleyton sortit le formel J'aurais aimé pouvoir faire plus et fit le salut militaire. Il tourna son regard vers Kerrison, qui évacuait avec brio et lui fit également un signe. La porte se referma immédiatement après. Ils partaient, pour de bon. Passant sa main sur le crâne, le Lieutenant s'abandonna à ses pensées et parti vers sa cabine - où l'attendait Demetra, l'air inquiète.


"Lieutenant, on arrive au Mont-Blanc. Vous devriez venir voir ça."

A ces paroles, Benam sorti de sa cabine et se retrouva dans le cockpit trois minutes plus tard. Ils approchaient lentement mais sûrement du cuirassé et Grayson avait l'air émerveillé.

"C'est magnifique, non ?"

Machinalement, il acquiesça à sa timonière. Elle sourit bêtement pendant encore une vingtaine de secondes puis retourna à des affaires plus sérieuses : sans plus attendre, elle ouvrit un canal vers l'immense vaisseau.

"SSV Mont-Blanc, ici le SSV Valiant, dirigé par le Lieutenant Lleyton Benam. Demande d'amarrage immédiat."
"SSV Valiant, ici le SSV Mont-Blanc. Demande bien reçue, veuillez patienter."

La pilote et le soldat se regardèrent. Il fallait tout le temps qu'ils vérifient - genre un vaisseau qui allait les attaquait allait se pointer de plein fouet et leur demander l'autorisation. Alors certes, il y avait déjà eu des cas de "cheval de troie" mais le seul ennemi que transportait le vaisseau de Benam, c'était visiblement lui puisqu'on le soupçonnait de bosser pour Cerberus. Et les révélations qu'il avait pouvait être des plus douteuses et ne pas être à son avantage.

"SSV Valiant, votre demande a été acceptée. Veuillez vous rendre au quai A-22."
"Mont-Blanc, ici le Lieutenant Benam. Faites savoir à l'Ambassadeur que j'aimerai le voir au plus vite."
"Lieutenant, votre requête va être traitée ; un de nos officiers de communication vous attendra à l'amarrage."

Trouver le quai ne fut pas long, mais atterrir, si. Comme sur tout cuirassé, il y avait beaucoup de plateformes et de système de sécurité qui ne permet pas une entrée aisée. Et encore moins une sortie : la porte eut à peine le temps de s'ouvrir que quatre soldats attendaient à l'extérieur. Deux pointaient leur Avenger dernier cri en direction de leurs deux convives et les deux autres croisaient les bras. Ils eurent droit à une fouille corporel par omni-tool puis ils purent enfin passer. Sept mètres plus loin les attendait un jeune pouce d'une vingtaine d'années tout au plus, l'air baveux et rondouillard. Il salua son supérieur et se présenta comme l'officier Pavlyenko. Il demanda si la demande de rendez-vous avec l'Ambassadeur était confirmée et suite à la réponse qu'on lui avait donné, il pria Benam et Allen de le suivre. Ils commencèrent alors à parcourir la moitié du vaisseau, évitant les nombreux officiers et divers obstacles sur leur route. Le Lieutenant allait bientôt pouvoir discuter en tête à tête avec l'Ambassadeur. Ce n'était qu'une question de temps.

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Le caporal Allen était resté quelques mètres derrière son supérieur, bien soigneusement. Il était plus intimidé que Benam et ne souhaitait peut-être pas recevoir une remarque de deux des personnes les plus haut placées dans la hiérarchie. Il se contentait donc de rester en arrière et littéralement d'adopter la position "Je suis un mur". Le Lieutenant, lui, avait immédiatement fait le salut militaire. Bien qu'intérieurement, il souffrait : sa peau brûlait, ses yeux piquaient, sa force vitale était presque réduite à néant et son armure tombait en miettes. Mais il avait reçu un excellent entrainement, ce qui lui permettait de tenir debout - même mort. Quoique...

"Ambassadeur. Amiral. Heureux de vous revoir en vie."

Il baissa la main et poussa un souffle muet. Sa respiration devint légèrement rapide et l'Ambassadeur Wynn semblait le regarder avec insistance, pendant que le dirigeant de la flotte Arcturus - le bien connu Cameron McVenner - donnait ses ordres. Ça ne sentait pas bon pour Sarkass.

"Nous avons un problème." lâcha t-il finalement. "Un gros problème."

Il fit une pause et tourna sa langue dans sa bouche avant de dire quoi que ce soit. Ce qu'il allait annoncer ne serait peut-être pas une surprise, mais changerait certainement la donne.

"Cerberus. Ils sont là."

Il se frotta ensuite le menton. Il repensait à ce qui lui avait dit Demetra. Il ne savait pas comment tourner ça, d'autant plus qu'il n'avait pas tout à fait préciser à l'Ambassadeur qu'il avait su parlé le remplaçant de l'Homme-Trouble pendant son incarcération dans les locaux du terroriste vortcha. Mais il verrait ça plus tard.

"L'un de mes hommes travaillait pour eux. Et il a aidé le dissident vortcha." précisa t-il. "Et même si je n'ai aucune preuve tangible, tout porte à croire qu'ils n'aident pas . Ils sont là... Sur la Citadelle. Quelque part."

Lleyton se retourna un instant pour regarder le caporal. Dans ses yeux, on pouvait voir du doute et de l'inquiétude. Mais aussi quelque chose de propre aux soldats : de la détermination.

Plus ou moins heureux d'être entendu, Lleyton adopta une posture plus décontracte mais tout de même officielle. Il se contenta de décroiser les bras et de regarder autour de lui, comme s'il réfléchissait. Il pensait plutôt à ce qu'il devait dire et à l'attention qu'il devrait porter dans ses propos.

"Je n'ai pas de preuves, certes. Mais j'ai parlé à son dirigeant. Du moins, je le suppose."

Il repensa à sa conversation avec cet homme étrange, très semblable à l'Homme-Trouble et pourtant des plus différents. Il dégageait quelque chose d'autre. Autant Harper s'était révélé manipulateur et pragmatique, autant celui-là jouait plutôt sur le charisme. Il faisait appel aux sentiments et au bon sens, contrairement à son prédécesseur qui prônait que la fin justifiait les moyens. Mais dans tout les cas, quelque soit la personnalité de l'homme, Lleyton était certain que le fond n'avait pas changé : Cerberus restait Cerberus.

"Mais je connais Cerberus." ajoutait-il donc. "Peut-être qu'elle a changé, mais l'homme à qui j'ai parlé me voit encore comme un investissement. Et si c'est toujours mon cas, alors le fait qu'il ait aidé le vortcha l'est aussi."

Son expression faciale se transforma en un concentré de dégoût et partiellement d'admiration. Non pas qu'il aimait les techniques mais il les comprenait. Et qu'on le veuille ou non, le Lieutenant pensait réellement que c'était des groupes comme Cerberus qui faisait avancer les choses : elle permettait en effet de fixer les limites. Si cette organisation n'était pas là, alors c'est l'Alliance qui ferait son boulot à sa place... ou pire. Il fallait un certain courage pour faire ce qu'ils faisaient ; mais aussi de la folie pure. Toujours était-il que jusque là, ils s'étaient montré comme un ennemi.

"Sarkass, puisque c'est son nom, veut la Citadelle. Cerberus doit vouloir la même chose. Si c'est le cas, alors il n'y a pas qu'Olein de leur côté. Il doit fatalement y avoir des troupes quelque part. Ou pire : d'autres soldats infiltrés. Je sais que ce que je dis peut paraître fou, mais il faut quand même être prudent."

Il se stoppa net. Ce qu'il disait n'étaient que spéculations et inventions. Bien entendu, ce n'était pas complètement fou pour lui, vu qu'il était sûr d'avoir parlé au remplaçant d'Harper. En revanche, pour d'autres, la pilule pourrait être plus dur à avaler. Cela dit, ce n'était pas aussi incroyable que de vouloir faire croire à qui le veut qu'une race d'ancienne machine voudrait détruire toutes races existantes dans la galaxie.

Pour l'instant, donc, Benam avait fini de parler des pro-humains. Il préféra se tourner vers l'Amiral.

"En ce qui concerne les gangs, ils ont du bon matériel et sont nombreux et motivés." expliqua t-il. "Ce n'est pas ça qui les fera gagner mais ils ont aussi l'avantage du terrain. Cela dit, je sais où se trouve le quartier général de Sarkass : au Secteur 14. Je déconseille tout de même une attaque frontale ou orbitale. La première nous ferait perdre beaucoup plus d'hommes qu'on pourrait le prévoir et la deuxième risquerait d'avoir des conséquences non-voulues. La Citadelle tient debout mais pour combien de temps encore... ?"

Le Lieutenant se frotta le menton.

"Je conseillerai d'attaquer par des secteurs voisins. Si on fait le siège, il ne tiendra pas longtemps. Mais c'est à vous de voir, Amiral. Cela ne relève pas de mes compétences."

Il regarda successivement l'Amiral, qui s'était vite désintéressé de ses propos, et l'Ambassadeur, plus préoccupé par ses propos. Ce dernier lui avait demandé quelque chose mais l'avait prié de dégager quelques secondes après. C'était quelque peu désorientant. Mais pour la peine, il n'aurait pas sa réponse de suite et puis, de toute évidence, qui voulait-il qu'il mette au courant ? Il n'avait pas croisé grand monde et excepté son équipe, personne ne savait. Et encore. Seul Demetra et ses supérieurs connaissaient tous les détails et doutes de l'affaire. Mais sur ce, Lleyton refit le salut et quitta la pièce avec les politesses qui s'imposait. Il fit signe à Allen de venir avec lui.

Quelques secondes plus tard, ils étaient tous deux sorti de la pièce. D'un pas nonchalant, ils se dirigeaient vers les hangars.

"Lieutenant, vous croyez que Cerberus est vraiment une menace ?" demanda t-il sur le chemin.

Lleyton se stoppa net et arrêta son interlocuteur d'une main.

"Vous avez déjà dû avoir faire à eux ?"
"Honnêtement ? Une fois. Mais je ne savais même pas que c'était eux."
"Alors vous devez quand même avoir compris que Cerberus devient une menace quand elle a envie de l'être. Ici, si elle aide Sarkass, c'est qu'elle est une menace. Ou ce qu'elle veut nous faire croire..."

Le caporal acquiesça et ils se remirent en chemin. Sur le reste du voyage, Benam paraissait songeur. Il n'était pas spécialement inquiet mais il se posait un tas de question : pourquoi maintenant ? Pourquoi lui ? Que devait-il faire ? Son instinct lui disait qu'il devait agir mais sa tête s'y refusait. C'était un soldat et bien qu'il dérogeait aux règles, il n'avait ici aucune raison propre de se démener pour enfreindre le code militaire. Même s'il pouvait être innocenté par la suite, agir dans cette affaire serait comme se couper une jambe. Mieux valait ne pas s'en occuper, alors.

Et puis de toute façon, son vaisseau n'était pas en état. Il se devait de régler ça. Arrivant près du Valiant, il partit voir Grayson. Mais c'est là qu'il se rendit compte de la présence du soldat Annaz. Il avait l'air un peu moins mal en point que la dernière fois qu'ils s'étaient croisé.

"Annaz ! Vous allez bien ? Besoin d'un vaisseau ?"

Satisfait de la réponse, Lleyton partit avec Annaz. Arrivé à l'entrée de son vaisseau, il le laisse passer. Annaz avait été un soldat exemplaire et il était certain qu'il ferait un excellent rapport sur lui - comme il le ferait sur Allen, Biggs ou Jackson, remarque. Mais d'un autre côté, le soldat qui allait l'accompagner était des moins gradés et un bon rapport d'un ex-capitaine pouvait toujours jouer en sa faveur. A l'allure où il allait, ça n'étonnerait personne qu'il devienne Caporal ou Sergent.

"Vous avez fait de votre mieux sur le Citadelle, Annaz. C'est ce qui compte."

Une fois à l'intérieur, il se désintéressa d'Adrien et reporta son attention sur les dégâts environnant : rien de nécessaire était touché mais les débris ne s’atténuaient pas et on pouvait aussi apercevoir une nette trace de sang non loin du cockpit. Allen était déjà présent à l'intérieur de ce denier. Il fut vite rejoint. Grayson n'attendit qu'un simple signe de son supérieur pour enclencher la procédure.

"Contrôle, ici le SSV Valiant. Nous demandons la permission de quitter le SSV Mont-Blanc."
"SSV Valiant, ici le Commandement. Vous avez toutes les autorisations nécessaires. Vous pouvez quitter le hangar. Terminé."
"Merci pour la précision..." soupira la timonière après que les communications se soient interrompues.

Le Lieutenant se redressa et regarda son vaisseau partir lentement. Il pensait à la suite des évènements, qui allait se révéler intéressante.

"En avant Eden Prime alors !"