Une convocation au palais du Galant’Ark.

La chose était tombée alors que Tharak arpentait avec intérêt un marché local de Lorek. Sur cette colonie, relativement récente dans l’histoire de l’Hégémonie, et seulement récemment reprise par le gouvernement après quelques années d’autarcie était un modèle de développement et de débrouillardise. Ici chaque habitant donnait de sa personne pour le bien commun, et chaque butarien était une pierre utile au grand tout.

Bien sûr des choses n’étaient guère roses, comme cette corruption latente qui enserrait l’économie locale depuis le retour dans le giron de la patrie, et tous les points semblaient mener droit vers le gouverneur local. Nommé spécifiquement par le Galant’Ark actuel, le dictateur Argonar Dal’Shan. Malgré tout, impossible que le dirigeant de la nation puisse protéger un déviant ou agir à l’encontre du bien de l’Hégémonie en laissant en place un individu indigne.

Toutefois nulle enquête n’avait pu être menée alors qu’une convocation était en attente, aussi Tharak se rendit sans attendre au palais rencontrer son supérieur.

Quelques jours plus tard, le D’yanoi fut enfin invité à pénétrer dans le lieu de pouvoir absolu, tout du moins officiellement, et à rencontrer une nouvelle fois le dictateur actuel. Néanmoins, alors qu’il aurait dû ressentir une grande fierté, la chose se mua rapidement en un cauchemar des plus ignobles. Suites aux salutations de rigueur, le Galant’Ark se lança immédiatement en une série d’injures vainement voilées derrière un flot d’arguments fallacieux et de compliments trompeurs.

La carrière de Tharak venait de prendre fin aussi abruptement que sa confiance en l’être lui faisant face. Le Galant’Ark était un déviant. La simple découverte de ce fait fit sombrer le butarien dans les affres de la souffrance, difficilement masquée par un visage imperturbable de façade. Seuls quelques mots parvinrent à quitter les lèvres auparavant scellées du D’yanoi alors que cette mascarade semblait prendre fin.

« Si tel est votre désir. »

L'univers entier de Tharak venait de s'effondrer en quelques secondes, et le blabla discontinue d'Argonar n'en finissait plus. Toutefois le babillage devint rapidement un bruit de fond qui ne dérangea plus d'esprit amorphe de l'ancien Ministre de la Vérité, de l'ancien membre important de l'Hégémonie. Désormais il venait de tout perdre, et pire encore sa nation chérie était aux mains d'un déviant mégalomane, plus rien d'autre n'avait d'importance.

Finalement lorsque le discours délirant du Galant'Ark se termina enfin, une nouvelle détermination venait de naitre dans le coeur de Tharak. il allait s'éloigner de toute cette folie, de la destruction annoncée de tout ce qu'il pouvait aimer ou respecter au sein d'une nation autrefois glorieuse. Il lui fallait fuir, s'exiler et réapprendre à vivre dans un monde qui n'était plus sien.

"Je suis ravi de cette nomination Galant'Ark mais je me vois dans l'obligation de refuser."

Voila la chose était annoncée, ainsi que la mort du célèbre vous si utilisé par Tharak auparavant.

"Je pense me plonger plus activement dans la gestion du nouveau territoire de la Hiérarchie qu'est Gellix, et s'il est possible d'en devenir gouverneur."

Puis Tharak inclina lourdement sa tête vers la gauche, avec une infinie tristesse et une douleur lancinante à l'arrière du crâne.

"Maintenant j'aimerais me retirer pour réfléchir à toute l'immense générosité dont vous avez fait preuve à mon égard. Puis j'attendrais la réponse à ma demande, chose faite je partirais séance tenante pour Gellix."

En vérité le vaisseau partirait dans l'heure, mais qu'importe, l'exil viendrait en temps et en heure, d'abord la disgrâce.

Fait plutôt rare étant donné qu'il connaissait assez personnellement tous les membres de sont gouvernements, comme tous les acteurs majeurs de l'Hégémonie, le dirigeant hégémonique fut plus que surpris du mutisme et de la réaction du Butarien qui se tenait là, pantois, devant lui.

« Je vous concéderez mon cher, que je ne comprends pas votre refus, ni de près, ni de loin. Et plus encore, ou devrais-je dire, plus important encore, votre mutisme absolu... vous savez, si j'ai souhaité vous voir, et parler directement avec vous : Butarien d'une importance capitale dans les réformes à venir et en cours, c'était bien, pour qu'ensemble, nous puissions discuter des réorganisations en cours et à venir. Mais au lieu de cela, vous semblez absolument brisé. Pourquoi donc ? Est-ce cette réorganisation ? Vos changements de postes ? Vous l'auriez demandé, nous aurions modifié certains éléments de la réforme, nous en aurions atténué certains, et vous auriez tout à fait garder : le ministère de la vérité, cette oeuvre de cinq ans de votre vie... En lieu et place, vous refusez notre offre. Vous n'objectez, ni conseils, ni remarques à aucune des modifications susdites, mais vous vous permettez tout de même de refuser notre offre, non pas que vous n'ayez pas la liberté de le faire, vous l'avez. Cependant, sur le principe, je ne vois pas pourquoi, vous refusez cette proposition, et ne souhaitez pas discuter de l'autre, ensemble. »

Bien que la raison d'état pouvait exister, et forcé la main aux vertus telle que la morale, la justice ou la vérité, le Dal'Shan ne voyait pas l'intérêt, ni aucune gloire d'ailleurs, à mentir ou même tromper les siens, plus ou moins proches. Il avait toujours fait confiance à Nar'Jamon, preuve en était qu'il lui avait donné trois ministères au lieu d'un seul, chose absolument exceptionnelle. Et maintenant, celui-ci semblait être choquer d'une pirouette administrative, aberrant.

« Vous avez une idéologie forte, une vision grande... qui parfois il est vrai, n'a pas toujours était en accord avec la nôtre, pourtant, nous ne vous avons jamais fait défaut et vous vous assuriez de la réciprocité. Votre nouvelle volonté et votre départ si soudain, sont incompréhensibles. Il y a ici, un gâchis, immense. » Dit-il d'un ton réduit, doublé de sympathie. « En plus de discuter avec vous, pour nous entendre, dans une bonne et productive intelligence, nous voulions vérifier que le pouvoir ne vous étiez pas monté à la tête. Nous pas que vous ayez perdu aucune de notre confiance, mais vos derniers agissements on compromis une partie des assurances que ceux qui vous connaissent avaient à votre égard ; vous êtes un immense patriote, et un Butarien pragmatique et décidé, pourtant. Vous n'avez eu de cesse de proposer des projets, intéressants, originaux et forts audacieux, mais tout de même particulièrement surprenants venant de votre part. Et alors que je vous annonce, que vous avez tout notre respect, alors que vous allez pouvoir devenir le héraut de l'Hégémonie et de son peuple, vous nous tournez le dos ? Simplement par ce que vous perdez un fragment de pouvoir ? Que vous auriez tout à fait pu garder en partie, il vous aurait suffit d'être rester le même, ce Butarien déterminé et fort d'esprit, qui nous aurait déclaré quelque chose comme : "Mais Galant'Ark, après tout ce temps et tous ces efforts, j'aimerais que le ministère de la vérité, survive et s'adapte à ces réformes pour que je puisse encore et toujours préserver notre grande Hégémonie." Au lieu de ça, vous trahissez toutes les attentes des uns comme des autres, de ceux qui dans ces ministères, appréciez votre abnégation. Gâchis que tout cela mon cher, vous êtes brillant. »

Il prit une longue inspiration, en s'apprêtant à libérer ce Butarien, anciennement si déterminé à servir les siens, qui semblait souffrir de cette entrevue.

« Jamais entendu parler de ce "nouveau territoire de la Hiérarchie", Gellix est butarienne, tant qu'elle est louée, et si elle est achetée. Par votre grâce... c'est donc par respect pour vous, par respect pour votre dévotion infinie, que nous vous faisons instamment, gouverneur de Gellix, les papiers seront signés dans la soirée, par moi-même.
Quoi que vous pensiez, il n'y a pas de disgrâce ici. Vous garderez le respect de cette nation, pareillement aux titres qui ont été et sont les vôtres. Cette même considération qui vous offre la gouvernance de ce monde.
Il m'écorche de vous dire que suit, mais étant donné vos réactions, j'imagine que vous n'écoutez pas la moitié de ce que nous vous disons, ou alors que vous les comprenez à votre sauce, dommageable.
Si votre projet, est de devenir gouverneur de Gellix, pour ensuite déclarer un jour un ou autre votre indépendance, enfin, pardon ; nous parlons des turiens. Votre entière fidélité aux valeurs de la Hiérarchie, en devenant leurs protégés, nous ne vous en empêcherons pas. Vous êtes un héros, vous êtes un ami, le sang butarien ne coulera pas dans une guerre fratricide, pour quelques oppositions idéologiques ou politiques. Mais si tel est votre souhait, soyez honorable : prévenez-nous et nous nous entendrons avec vous et les Turiens, pour éviter que quiconque ne souffre d'une telle modification. Que nous avions prévu, voyez nos colonies des Terminus, leur autonomie est nécessaire pour les adapter aux Terminus, il en est de même pour Gellix, ces terres n'ont jamais été butariennes, un règne ou un autre, qu'importe, tant que chacun y tire son épingle.
Nous continuerons donc à payer, et soutenir la colonie, dans des proportions modérés ; l'Hégémonie a beaucoup de projets, et avec l'accord commercial conciliant, nous ne faisons plus grand cas de Gellix. Maintenant, si vous voulez bien m'excusez, nous allons nous occuper des formalités. »

Le Galant'Ark avait bien des choses à gérées pour s'assurer que la situation politique et administrative soit clarifiée sur Gellix. Avant de passer la porte, qui le séparerait probablement définitivement de son vieux camarade, il tint à déclarer.

« Si un jour vous changez d'avis, l'Hégémonie ne vous oubliera pas, de même si vous avez besoin de soutien sur Gellix. Ceci dit, si les avancés, car ces réformes le sont intrinsèquement, vous déplaisez, vous m'en voyez désolé.
Mais quelque soit la confiance que nous avons en les uns ou les autres, nous n'allons laisser à personne le contrôle de trois ministères vitaux en même temps... d'autant plus quand cette personne se sent trahi simplement, car nous souhaitons nous assurer que ne nous patirons pas d'une dague dans la dos, simplement car nous "dévions" d'une trajectoire et d'une vision qui n'est pas universellement partagée. Vous aviez le choix, vous l'avez encore, notre porte vous sera toujours ouverte, même si malheureusement, je me doute que vous ne la franchissiez jamais plus. Que l'avenir vous soit prospère, à vous comme... à Gellix. »

Sur ces mots, il fit porter sa tête vers la gauche, avec distinction, pour rentre un dernier hommage à un grand de l'Hégémonie et s'en alla, désolé d'une telle fin. Mais au moins, il s'évitait la souffrance de découvrir que l'un de ceux en qui il avait confiance l'avait trahi, le dialogue avait au moins éclairé ceci.