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 La fille de l'air [terminé]

Alessa N'Mara

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Alessa N'Mara
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MessageSujet: La fille de l'air [terminé]   La fille de l'air [terminé] Icon_minitimeMer 24 Sep 2014, 16:50
Intervention MJ : OuiFin 2175RP Tout public
Alessa N'Mara
La fille de l'air



Les Chroniques d'Alessa - Prélude 2

Thessia. Nébuleuse d’Athéna / 24 ans plus tôt.

Les premières lueurs de l’aube filtraient paresseusement à travers les lames des stores tirés devant la baie vitrée qui occupait pratiquement un pan entier du mur. La nuit avait été pour le moins longue et agitée. Mais dans le fond, ne l’étaient-elles pas toutes ? Entre les cris qui résonnaient dans les couloirs jusque tard dans la nuit et les délires des patients les plus atteints, on pouvait parfois en arriver à tout simplement oublier la définition même de quiétude et de paix de l’esprit.

Fort heureusement, l’aube apportait avec elle quelque réconfort : les patients les plus difficiles avaient fini par tomber dans les bras de Morphée. Le calme régnait à présent dans les couloirs aseptisés de la clinique psychiatrique de Serrice. Les corridors étaient déserts et pas un bruit ne se faisait entendre à la ronde hormis celui de pas légers qui se rapprochaient et finirent par s’arrêter derrière la porte de la chambre. Un son métallique avait accompagné l’arrivée de la nouvelle venue.

— Je viens voir comment elle se porte, souffla une voix féminine de l’autre côté du battant fermé.
— Puis-je voir votre badge ? demanda une voix plus sèche et cassante. C’est bon, vous pouvez y aller.

La porte coulissante s’ouvrit avec un son étouffé. Les bruits de pas se firent de nouveau entendre ; de même que le grincement métallique qui les avait accompagnés précédemment.

— Vous avez cinq minutes, reprit la voix cassante. Et pas une minute de plus.
— Ce sera amplement suffisant, répondit la voix douce et attentionnée.

Fraîche comme la rosée du matin, une jeune Asari entra dans la chambre que la pâle lumière matinale commençait à envahir. Elle portait une tenue d’une blancheur immaculée, rehaussée de rose pâle. De toute évidence, il s’agissait d’une infirmière – chose que ne manqua pas de confirmer son charriot ; un charriot métallique couvert de seringues et autres piluliers multicolores. Elle s’en détourna néanmoins une fois entrée dans la pièce et s’avança jusqu’au chevet de sa jeune patiente.

— Bien dormi, Alessa ? Comment allez-vous, aujourd’hui ? demanda-t-elle, avec un sourire radieux.

Elle ne reçut aucune réponse de la part de la patiente. Celle-ci garda les yeux rivés sur le plafond blanc sans émettre le moindre son. L’infirmière ne s’en formalisa pas pour autant : elle y était habituée. Elle savait à quoi s’attendre de la part de cette patiente plongée dans un état catatonique depuis près d’un an déjà. Elle était arrivée dans cet état et rien n’avait changé depuis. Ce n’était pourtant pas faute de la part des médecins d’avoir tout tenté pour la tirer de sa léthargie. À croire qu’elle s’était simplement déconnectée du monde qui l’entourait. Elle répondait aux divers stimuli sensoriels, mais en dehors de cela, elle avait tout l’air d’une simple coquille vide. Comme si sa conscience s’était… envolée.

Et d’une certaine manière, c’était bel et bien le cas. Alessa était perdue dans un autre monde ; comme si sa réalité à elle s’était coupée de celle des autres. Son esprit était embrumé et il dérivait dans le vide au gré des vents fictifs de son imaginaire inconscient. Elle n’avait que vaguement conscience du monde l’entourant. Une image, un son ou une odeur parvenait de temps à autre à retenir son attention, mais le temps qu’elle se concentre sur ce souvenir et celui-ci s’était d’ores et déjà dissous dans l’infini néant de sa conscience. C’était comme un rêve ; comme essayer de retenir le vent dans ses mains.

Penchée au-dessus d’Alessa, l’infirmière tenta de retenir l’attention de sa patiente en passant sa main devant ses yeux. La seule réaction qu’elle obtint d’Alessa fut un clignement de paupière compulsif. De l’autre côté de la pièce, l’Asari revêche toussota pour marquer son impatience. Mais l’infirmière fit en sorte de ne pas tenir compte de son ingérence. Elle s’efforça de faire comme si elle n’était pas là.

— Vous savez qu’on nous prédit une journée particulièrement ensoleillée, poursuivit-elle sur le ton de la conversation. (Elle retourna à son chariot chercher une seringue. Elle en piqua ensuite le bras de sa patiente tout en continuant de parler. Elle était convaincue que maintenir le dialogue, même avec les patients les plus récalcitrants, favorisait d’une manière ou d’une autre leur guérison.) Vous n’avez pas envie de sortir un peu de votre chambre ? Vous devriez pourtant, ne serait-ce que quelques minutes. Je suis persuadée qu’un peu d’air frais vous ferait le plus grand bien. Qu’en dites-vous ?

Toujours aucune réponse de la part de l’Asari étendue sur son lit. Ses yeux demeuraient grand ouverts et fixés sur le plafond immaculé droit devant elle. On ne percevait dans le silence de la chambre que le son de sa respiration. Rien d’autre. De quoi mettre n’importe qui mal à l’aise.

— C’est fini ? demanda l’Asari revêche, près de l’entrée. (Elle était impatiente de quitter la pièce.)

L’infirmière dévisagea un instant l’impatiente. Une militaire, armée jusqu’aux dents. Un fusil d’assaut, un pistolet et une lame dissimulée le long de son avant-bras. Un frisson courut le long de l’échine de la jeune infirmière. Elle ne supportait pas la vue des armes et était offusquée de les voir autorisées ici, au sein d’un sanctuaire dédié à la vie et à la guérison. Mais la direction n’avait pas eu son mot à dire. Soit disant qu’il s’agissait d’une question de sécurité nationale ; ou quelque chose dans le genre…

— Alors ? insista la milicienne. Vous avez terminé ?

L’infirmière rendit les armes une fois encore et retourna à son chariot. Elle ne pouvait rien faire de plus pour aider cette pauvre âme en peine. Cette brebis était égarée dans un monde qui ne lui était, hélas, pas accessible. Elle ne pourrait compter que sur elle-même pour retrouver le chemin du retour.

Sur le seuil de la chambre, l’infirmière croisa la route du médecin de garde : une ravissante consœur à la peau verte et aux prunelles mordorées. Elle portait une tenue près du corps en tout point similaire à celle de sa collègue ; à ceci près que le rose était remplacé par une nuance de vert qui s’accordait à la perfection à la teinte de sa peau. Elle portait également un badge à la poitrine, avec sa photo dessus.

— Du changement ? demanda-t-elle en s’écartant pour laisser passer le chariot de l’infirmière.
— Aucun, malheureusement, répondit la jeune femme en rose. Elle reste étendue là, dans le noir, jour et nuit, sans jamais adresser la parole à qui que ce soit. Aucune amélioration d’aucune sorte.

Le docteur se passa une main sur le visage. La fatigue menaçait à tout instant d’avoir raison d’elle. Elle devait déployer des trésors de volonté pour garder les yeux ouverts et les idées claires.

— Vous ne pouvez rien pour faire avancer les choses ? demanda la voix cassante de la milicienne.
— Non, hélas, nous ne pouvons rien, lui répondit le médecin. Nous avons tenté ce que nous avons pu, mais son esprit est résistant. À chaque nouvelle tentative, nous ne faisons que la pousser à s’enfoncer toujours plus dans ses retranchements. C’est comme si à chaque fois que nous tentons de la ramener à la réalité, elle se défile en érigeant de nouvelles barrières entre elle et nous.
— Vous ne pouvez pas tout simplement briser ces barrières ? insista la militaire. Ça va faire presqu’un an qu’elle est là et son état ne s’est toujours pas amélioré. Avez-vous conscience qu’une enquête est en cours ? Des familles attendent encore des réponses aux questions qu’elles se posent à propos de la disparition de leurs proches. Cette femme détient des informations dont nous avons besoin.
— Forcer les choses n’arrangera rien, au contraire, décréta le médecin en se passant une nouvelle fois la main sur le visage. Nous risquerions de briser son esprit et de compromettre ainsi toutes chances de rétablissement. Il va falloir faire preuve de patience. Nous ne pouvons pas brusquer les choses.

Les bruits de pas s’éloignèrent un peu, mais la voix de la militaire se fit de nouveau cinglante.

— C’est inacceptable ! C’est une meurtrière ! Elle a tué des gens. Faites ce que vous avez à faire, mais faites en sorte qu’elle sorte de cet état et soit apte à répondre enfin à nos questions.
— Ce n’est pas comme cela que ça marche, rétorqua l’infirmière. Il ne suffit pas de brandir votre arme en poussant des rugissements de Krogan dégénéré pour obtenir gain de cause. La guérison prend du temps. Aux dernières nouvelles, cette femme est également victime de la perte d’un proche, non ? J’ai crû comprendre que son épouse faisait partie des victimes. Cette catatonie est probablement une manière pour elle de gérer son deuil. Une fois qu’elle aura assimilé le décès de son épouse, peut-être consentira-t-elle à reprendre contact avec notre réalité. Mais en attendant, si j’étais à sa place et que je vous savais en train de guetter mon réveil, moi aussi je serais tentée de faire la sourde oreille.
— Assez ! s’interposa le médecin d’une voix autoritaire. De toute évidence, nous avons tous passé une nuit plus ou moins agitée. Un peu de repos ne ferait de mal à personne. Vous, retournez à votre poste. (La militaire s’exécuta en lançant un regard noir à l’infirmière.) Que se passe-t-il, Kira ? Quelque chose ne va pas ? Ce n’est pas tous les jours que l’on vous voit céder ainsi à la colère.
— Désolée, docteur. Je me suis laissée un peu emportée. Je ne supporte pas de voir des individus sans défense se faire malmener de la sorte ; qui plus est par des militaires à l’égo disproportionné.
— Je vous comprends. Moi non plus, je ne supporte pas l’idée de les savoir en faction devant la porte de cette chambre. Ça me met mal à l’aise. Mais il en va de notre sécurité aussi.

L’infirmière mit du temps à répondre. Son regard alla se perdre au fond de la chambre. Elle observa un moment l’Asari silencieuse qui n’avait toujours pas bougé depuis son arrivée. Son cœur se serra.

— Je n’arrive pas à concevoir que cette femme ait pu faire le moindre mal à qui que ce soit. Regardez-la. Elle semble si calme et si paisible ; si innocente. Je n’arrive pas à l’imaginer arracher la vie à cinq de ses camarades – dont l’une d’elle était sa propre femme. Comment s’appelait-elle d’ailleurs ?
— Tarana, répondit le médecin après quelques secondes de réflexion. Tarana T’Vora.

L’infirmière soupira en secouant la tête. Elle finit par détourner les yeux d’Alessa.

— C’est triste, tellement triste. Je ne sais que… (Mais elle ne trouva pas les mots pour achever sa phrase.)
— Venez, ne restons pas là. Partons avant que la milicienne ne revienne pour nous chasser.

L’infirmière acquiesça en silence et se laissa entraîner à l’extérieur de la chambre. La porte coulissante se referma sans bruit derrière elle, replongeant la chambre dans un silence des plus assourdissants. À l’extérieur, la milicienne retournée à son poste reprit son tour de garde en attendant la relève.


Dernière édition par Alessa N'Mara le Mer 15 Oct 2014, 21:11, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: La fille de l'air [terminé]   La fille de l'air [terminé] Icon_minitimeVen 26 Sep 2014, 14:24
Alessa n’avait toujours pas quitté des yeux le plafond au-dessus de sa tête. En réalité, elle ne le voyait même pas. Ses yeux étaient portés bien au-delà, sur un paysage hors de la pensée et du temps. C’est précisément dans ce monde onirique que son esprit dérivait sans parvenir à retrouver le fil de la réalité. Les images défilaient devant ses yeux comme dans un rêve. Des formes connues, des visages familiers. Des silhouettes floues égarées dans le brouillard de son inconscient. Rien de suffisamment tangible et concret pour lui permettre de se reconnecter à la réalité. Mais le voulait-elle vraiment ? Revenir ?

L’Asari se sentait si bien ; elle se sentait si légère et si paisible. À quoi bon vouloir mettre un terme à ce profond sentiment de plénitude ? Elle se souvenait que le monde réel faisait mal ; qu’il était rempli de souffrance et de violence. N’était-ce pas la raison pour laquelle elle l’avait fui ? Elle ne se rappelait pas exactement ce qu’elle avait fui, ce qui avait causé en elle ce brusque désir d’évasion, mais elle en était persuadée, cela avait quelque chose à voir avec la douleur ; une affliction insurmontable. Mais à quoi bon y repenser maintenant ? C’est ce qui rendait cette situation tellement paisible. En sombrant dans ce brouillard perpétuel, elle avait tout oublié : sa souffrance et la cause de cette douleur.

— Tu t’es lavé les mains, ma chérie ? demanda une voix douce surgie du fin fond de sa mémoire.
— Oui, regarde ! répondit une petite Asari en levant ses mains devant elle.
— Parfait, va dire à ton père que le repas est prêt. Qu’elle se dépêche ou ça va refroidir.

L’enfant quitta la pièce en courant, appelant son père à grand renfort de cris. Sa silhouette fut avalée par le brouillard et elle disparut en un instant. Ne restait que la mère : une belle Asari à la peau lilas et aux prunelles de nacre, comme des perles. Alessa en était désormais le portrait craché, à ceci près que ses yeux à elle avait la teinte prune de Thessia de son père. Revoir ce si beau visage redonna du baume au cœur d’Alessa. Elle se souvenait ne pas avoir revu sa mère depuis longtemps, mais ne se souvenait pas pourquoi. Dans cet univers qui était à présent sa réalité, la mort non plus n’avait pas sa place. Elle était bannie de ce monde, tout comme la douleur et la souffrance.

— Bien dormi, Alessa ? demanda une voix lointaine.

Alessa détourna les yeux du portrait de sa mère pour chercher l’origine de cette voix. Il y avait tant de douceur dans cette voix. Cependant, elle ne trouva pas la personne à qui elle appartenait. Dans le lointain, elle vit se dessiner un nouveau décor : une chambre d’enfant. Une Asari encore enfant était étendue dans son lit. À ses côtés, assise au bord du lit, une Asari adulte lui lisait une histoire.

— C’est l’histoire de l’Elcor qui voulait apprendre à voler, souffla le père de l’enfant. Il était une fois…

Alessa se désintéressa de la suite pour se concentrer sur le visage de son père. Asari à la peau bleue et au regard de glace, elle avait le visage sévère de ces personnes chargées de responsabilités. On aurait dit qu’elle voulait porter le poids de la galaxie à elle seule sur ses épaules. Au fond de ses yeux brillait, Alessa n’aurait su dire quoi : la crainte qu’un malheur ne survienne sans prévenir peut-être ? Était-ce de la peur ou de l’appréhension qui brûlait au fond des yeux de son père ? Seule son père aurait pu le lui dire avec exactitude. Cependant, elle non plus n’était plus là pour la border à l’heure du coucher.

Alessa tourna le dos au père et à son enfant et se mit à arpenter les plaines embrumées de son monde onirique. Le temps n’avait pas lieu d’exister dans cette réalité. Alessa n’aurait su dire depuis combien de temps elle vivait dans cet endroit : quelques minutes, quelques heures, des centaines d’années ? Il aurait fallu pour cela qu’elle s’intéresse au pourquoi du comment elle était arrivée là et où elle voulait se rendre. Or quelle importance ? Elle n’en avait cure. Plus rien n’importait à ses yeux désormais. Tout ce qu’elle désirait pour l’heure, c’était simplement profiter de l’instant présent.

Malheureusement, les choses ne se déroulèrent pas comme elle l’aurait souhaité. Une tempête se mit à gronder au-dessus de sa tête et des nuages noirs s’amoncelèrent dans le ciel. Les éclairs déchirèrent rageusement la voûte céleste et des cris commencèrent à se faire entendre.

— C’est inacceptable ! C’est une meurtrière ! Elle a tué des gens…

Alessa ne reconnut pas cette voix froide et cassante. Mais chaque mot qu’elle prononçait traçait dans le ciel un arc électrique qui produisait une détonation assourdissante. Le mot « meurtrière » résonna dans la tête d’Alessa comme lourd de signification. Elle qui se sentait encore sereine la minute d’avant, elle éprouvait à présent une douleur dans la poitrine qui allait en s’intensifiant. Sa respiration se fit de plus en plus difficile et les battements de son cœur devinrent complètement chaotiques.

— Aux dernières nouvelles, cette femme est également victime de la perte d’un proche, non ? reprit la voix douce. J’ai crû comprendre que son épouse faisait partie des victimes.

« Épouse » ? « Victime » ? La douleur se fit un cran plus intense. Ces mots éveillaient chez Alessa une souffrance qu’elle avait tant bien que mal tenté en vain d’enfouir au plus profond de son être. Et voilà qu’elle refaisait brusquement surface – comme si après avoir couvé des années durant, la graine était devenue un monstre assoiffé de sang prenant un malin plaisir à lui déchirer les entrailles de l’intérieur. Alessa aurait voulu crier ; mais elle en était incapable. L’air lui faisait défaut dans ses poumons.

— Je n’arrive pas à l’imaginer arracher la vie à cinq de ses camarades, reprit la voix douce. (Comme un écho se répercutant dans l'immensité du vide, la voix était assourdissante.) L’une d’elle était sa propre femme…

« Sa femme » ? À qui ? À Alessa ? Cette perspective lui arracha un gémissement de douleur. Non ! Elle ne voulait pas y repenser ; elle ne voulait pas revivre cet instant où sa vie entière avait basculé. Non !

— Comment s’appelait-elle d’ailleurs ?
— Non ! cria Alessa, mais sa voix se perdit dans le cœur de la tempête sans se faire entendre.
— Tarana, répondit une autre voix féminine. Tarana T’Vora.
— Non ! hurla Alessa, tandis qu’un souvenir venait balayer la brume pour lui révéler son plus sombre cauchemar : le jour où Tarana avait rendu son dernier souffle.


La Citadelle. Nébuleuse du Serpent / 1 ans plus tôt.

Alessa se revit courant en direction de l’endroit où Tarana avait été vue pour la dernière fois. Elle aurait dû se trouver au sommet de l’immeuble, derrière la lunette de son fusil longue portée. Et pourtant, rien. Elle n’était pas là. Son arme était bien là ; mais point de Tarana en vue.

— Tarana ? avait appelé Alessa, en vain. (Son intercom grésillait. Les fréquences étaient brouillées.) Il se passe quelque chose de pas normal. Quelqu’un me reçoit ? Allô ? Répondez !

Toujours rien. L’intercom grésilla une nouvelle fois et soudain, la voix de Tarana.

— Un Krogan. J’ai besoin d’aide. Je suis au 66ème niveau. Venez m’aider.
— Tarana ? Tarana ? (Pas de réponse. La fréquence était de nouveau brouillée.)

Les yeux d’Alessa se posèrent sur l’arme de son épouse. Le 66ème niveau était celui où leur cible aurait dû se trouver normalement. Pourtant, Alessa n’avait rien trouvé. Elle avait quitté son poste quand les grésillements avaient commencé et qu’elle avait entendu son épouse crier son nom. Se pouvait-il que Tarana soit dans l’immeuble en face, là où elle-même aurait dû être normalement ? Alessa s’allongea au sol et colla son œil à la lunette de fusil. Ce dernier était d’ores et déjà tourné vers le 66ème niveau.

— Déesse ! s’était écriée Alessa en découvrant dans la lunette de son arme son épouse aux prises avec un Foudre de Guerre Krogan. Que faisait-il ici ? Il n’avait jamais été question de Krogan dans le rapport de mission. La cible était un esclavagiste butarien ayant trouvé refuge dans un secteur de la Citadelle. Alessa n’avait jamais entendu dire qu’un Krogan pourrait être amené à leur barrer la route.

— Tarana ? Est-ce que tu m’entends ? Tire-toi de là, tout de suite !

Aucune réponse. Juste des parasites sur la ligne. Alessa jura et resserra sa prise sur son arme. La vie de sa femme était en jeu. Elle n’avait pas le temps de réfléchir. Elle devait agir et maintenant ! Elle visa et tira dans la foulée une fois le réticule de visée pointé entre les deux yeux du Krogan.

— Alessa, souffla une voix agonisante dans son intercom. (Elle reconnut celle de son épouse.) Alessa, pardonne-moi. Je suis désolée…

Ayant relevé la tête en entendant la plainte de Tarana, Alessa reporta son attention sur la lunette ; et ce qu’elle découvrit alors lui retourna les entrailles : Tarana gisait au sol, la poitrine déchiquetée par la balle qu’elle venait de tirer. Le Krogan dominait le corps inanimé de l’Asari ; il était indemne. Alessa ne comprenait pas. Elle avait visé et tiré sur le Krogan. Comment se pouvait-il que…

— Tarana ? appela-t-elle, l’âme brisée. Tarana ?!


Alessa se redressa brusquement dans son lit le souffle court. Elle était couverte de sueur et tremblait de la tête aux pieds. Elle avait la chair de poule et son cœur battait la chamade. Mais le plus stupéfiant, c’était qu’elle était enfin sortie de sa catatonie. Elle avait repris contact avec la réalité.
Alessa N'Mara

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MessageSujet: Re: La fille de l'air [terminé]   La fille de l'air [terminé] Icon_minitimeDim 28 Sep 2014, 16:10
Alessa était paniquée. Elle sentait son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine. Où était-elle ? Quel était cet endroit qu’elle ne reconnaissait pas ? Elle eut beau balayer la chambre du regard en quête de la moindre familiarité : rien ! Cet endroit lui était complètement inconnu. Comment était-elle arrivée là ?

Repoussant les couvertures, Alessa tenta de se glisser hors de son lit. Elle manqua cependant tomber au sol lorsqu’elle voulut se mettre debout. Ses jambes étaient frêles sous son corps. C’est tout juste si elles parvenaient à soutenir son poids. Ses genoux tremblèrent et manquèrent se dérober sous elle. Il s’en fallut de peu pour qu’elle bascule en avant et s’étale de tout son long sur le sol froid. Alessa réussit néanmoins à se rattraper au bord du lit. Et d’un pas mal assuré, elle fit mine de traverser la pièce.

Sentant toujours son cœur battre à toute allure dans sa poitrine, Alessa jeta des regards apeurés dans toutes les directions. Le soleil éclairait à présent la façade du bâtiment et la lumière filtrait à travers la baie en se glissant entre les lames des stores. Les ténèbres reculaient lentement pour se dissoudre et laisser place à la lumière. Il régnait à présent dans la chambre une pénombre grisonnante assez claire pour permettre à Alessa de voir son environnement. Celui-ci se résumait en tout et pour à un lit, deux chaises et une table collées contre le mur du fond et une armoire près de l’entrée. On ne pouvait guère faire plus minimaliste comme décoration. Les murs étaient blancs et les stores vert pastel. Cet endroit dégageait quelque chose de malsain : une atmosphère morbide, déprimante. Il planait dans l’air cette odeur caractéristique des hôpitaux ou des centres médicaux : une odeur de stérilité, de mort.

Le sang d’Alessa ne fit qu’un tour et un frisson d’angoisse courut le long de son échine. Elle était dans un hôpital – ou du moins un centre médical. Comment était-elle arrivée là ? Que lui était-il arrivé ? La dernière chose dont elle se souvenait, c’était le visage figé de Tarana, étendue dans une mare de sang et la poitrine percée d’un trou béant. Alessa sentit une contraction dans le bas de son ventre et craint un instant de sentir ses entrailles remonter dans le fond de sa gorge. Elle sentit le goût acide de la bile emplir sa bouche. Elle allait rendre le maigre contenu de son estomac.

Avisant une petite porte dans le coin de la chambre, la jeune femme devina qu’il s’agissait d’une salle de bain. D’un bond, elle se précipita dans la pièce d’à-côté en parvenant de justesse à garder l’équilibre par elle ne savait quel miracle. Parvenue devant la cuvette des toilettes, elle se laissa tomber au sol en rendant les reliefs de son dernier repas. Sa gorge brûla au contact de la bile acide. De toute évidence, elle n’avait pas dû avaler grand-chose lors de son dernier repas.

Ses spasmes enfin calmés, Alessa se redressa lentement sans même penser à tirer la chasse d’eau. Sa peau était couverte d’une fine couche de sueur à l’odeur acre. Elle frissonnait de la tête aux pieds sans parvenir à mettre fin aux tremblements. Sa tête tournait et le goût de la bile sur sa langue menaçait à tout instant de la faire vomir une seconde fois. Elle tituba donc jusqu’au lavabo et fit couler un mince filet d’eau. Elle s’en aspergea le visage et se rinça la bouche avant de se rendre compte brusquement qu’elle était assoiffée. Elle étancha sa soif avant de fermer le robinet et de relever la tête.

Un miroir était encastré dans le mur au-dessus du lavabo. Alessa mit un moment à se faire à l’idée que c’était bien son propre reflet que lui renvoyait la glace. Et pour cause : elle avait souvenir d’une jeune femme bien dans sa peau, convenablement nourrie ; or cette femme qui lui faisait face avait les joues creusées, le teint blafard et les traits tirés. Ses yeux étaient profondément enfoncés dans leurs orbites et aucune étincelle de malice ne brillait dans ses prunelles ternes et voilées. Elles étaient endeuillées.

Quittant des yeux le miroir, Alessa baissa la tête et observa le reste de son corps. Ses muscles avaient fondu et il ne lui restait désormais plus que la peau sur les os. Pas étonnant donc que lorsqu’elle avait tenté de se mettre debout, elle ait manqué se vautrer par terre. Sans ses muscles, elle n’avait plus de force. Elle ressemblait à une mourante en phase terminale. Était-elle aux portes de la mort ?

Reportant son attention sur le miroir, Alessa se questionna elle-même du regard :

*Que t’est-il arrivé ? Que s’est passé ? Comment as-tu atterri ici ? Quel est cet endroit, au juste ?*

Sachant pertinemment qu’elle ne trouverait pas les réponses à ses questions dans cette salle de bain, Alessa retourna dans la pièce à côté. Rien n’avait bougé – rien en dehors des ombres qui continuaient de s’étirer à mesure que la lumière pénétrait de force dans la chambre. Attirée malgré elle par la baie vitrée, Alessa s’y rendit et glissa ses doigts entre les lames des stores pour jeter un œil à l’extérieur.

Étant née et ayant grandi sur Thessia, l’Asari n’eut aucun mal à reconnaître sa planète natale. Elle était donc de retour chez elle. À en juger par les tours élancées qu’elle reconnaissait au loin, elle se trouvait à Serrice. Mais comment ? Elle n’avait pas souvenir d’être revenue sur Thessia par ses propres moyens. Son dernier souvenir remontait à cette mission de traque s’étant déroulée dans un des secteurs de la Citadelle ; une mission durant laquelle Tarana avait été grièvement blessée. Dans quel état se trouvait sa femme ? Combien de temps s’était-il écoulé depuis ? Quelques jours ? Quelques semaines ?

Alessa finit par se détourner également de la fenêtre. Elle scruta une fois encore son environnement, ses yeux se posant sur l’armoire. Mais celle-ci était vide. Aucun vêtement, aucun effet personnel. Rien. Elle se sentait comme prisonnière ; retenue captive dans une cellule. Pourtant, ce ne pouvait pas être le cas. Elle avait rarement vu des prisons équipées de leur propre cabine de douche. Peu importe, elle désirait avant tout en apprendre plus sur l’état de santé de son épouse.

Se doutant qu’elle ne trouverait pas les informations qu’elle désirait ici, Alessa se mit en tête de sortir de sa chambre. Cependant, à peine cette idée lui avait-elle traversé l’esprit que la porte s’ouvrit. Une Asari affublée d’une blouse blanche rehaussée de rose entra dans la pièce. De toute évidence, jamais elle ne se serait attendue à tomber nez à nez avec sa patiente. Elle poussa un cri de surprise.

— Mais… Que… Vous êtes réveillée ?! s’exclama l’infirmière en posant les yeux sur Alessa.
— Où… Où… Où suis-je ? demanda Alessa.

Sa voix était rauque et sa gorge de nouveau sèche comme du papier. C’était comme si elle n’avait pas prononcé un mot depuis des mois. Elle ne put prononcer que des phrases courtes et simples.

— Comment ? Comment… arriver ici ?

Elle toussa et ses jambes tremblèrent en menaçant de se dérober. L’infirmière se précipita à ses côtés pour la soutenir et la guider vers le bord du lit. Alessa tenta de résister, mais elle n’en eut pas la force.

— Vous êtes restée coupée du monde un long moment, lui dit l’infirmière. Vous ne devriez pas rester debout. Vous devez y aller en douceur et prendre votre temps. Venez-vous allonger.

Alessa secoua la tête. Elle voulait des réponses. Elle se contrefichait d’avoir ou non des vertiges. Tout ce qu’elle désirait, c’était savoir où elle était et comment elle avait atterri là.

— Que… Que s’est-il… passé ? demanda-t-elle.
— Asseyez-vous. Je vais aller chercher le docteur et elle répondra elle-même à vos questions.

Alessa secoua de nouveau la tête. Elle voulait des réponses… maintenant. Elle ne voulait pas attendre. Elle sentait qu’elle ne devait pas attendre. Comme si son instinct lui soufflait qu’elle était en danger et qu’elle ne devait pas s’attarder dans cette prison dorée. Elle avait toujours écouté son instinct. Jamais il ne lui avait fait défaut jusqu’à maintenant. Elle se libéra de la prise de l’infirmière et tenta de gagner la sortie d’un pas incertain. Mais elle était déterminée. Elle se força à aller jusqu’au bout.

— Non ! Vous ne pouvez pas sortir dans cet état. Revenez-vous allonger ! s’écria la femme en rose.

Alessa ne tint pas compte de ses appels. Arrivée devant la porte coulissante, elle donna un coup dans la commande d’ouverture et les battants s’ouvrirent devant elle en chuintant. La malade se retrouva alors nez à nez avec une milicienne armée jusqu’aux dents qui marqua un temps d’arrêt en découvrant avec surprise que sa prisonnière avait quitté son lit. Puis dans la seconde qui suivit, elle sortit son arme de poing et la mit en joue en lui criant :

— Ne bougez plus ! Où est-ce que vous croyez aller comme ça ? Vous êtes en état d’arrestation. Vous n’avez pas le droit de quitter cette chambre. Retournez dans votre lit.
— Non, refusa Alessa en balayant le corridor du regard. Je dois trouver ma femme. Laissez-moi passer et retrouver ma femme. Poussez-vous !
— Ça suffit. Retournez dans votre lit ou je tire ! J’en ai reçu l’autorisation si vous tentez de fuir.

La menace était réelle ; Alessa put lire de la détermination dans les yeux de la milicienne. Elle ne savait pas au juste ce qu’elle avait bien pu lui faire, mais de toute évidence, la jeune femme ne la portait pas dans son cœur. Si l’occasion se présentait à elle de tirer, elle n’hésiterait pas. Mais Alessa aussi était à ce point déterminée à sortir de cette chambre qui dissimulait en réalité une prison.

— Où est ma femme ? Où est Tarana ? demanda-t-elle.
— Retournez dans la chambre, c’est la dernière fois que je vous le demande.
— Ma femme. Je veux voir ma femme !
— Elle est morte ! s’exclama la milicienne d’une voix cassante.

Alessa accusa le coup de la nouvelle sans broncher. Cependant, elle refusa d’y croire.

— Laissez-moi passer. Je veux voir ma femme. Où est-elle ? Que lui avez-vous fait ?
— Je vais devoir employer la manière forte. Retourner dans votre chambre ou sinon…

Alessa tenta de la pousser pour dégager la voie. Et sans savoir comment, elle se retrouva étendue sur le dallage froid du couloir aseptisé, la milicienne assise à califourchon sur son dos. Les bras repliés dans le dos, Alessa ne pouvait pas bouger. Elle tenta en vain de résister, mais elle n’avait pas suffisamment de force pour prendre le dessus sur son adversaire. Elle était trop faible.

Une douleur à sa nuque l’informa qu’une aiguille venait de s’enfoncer dans ses chairs. Rapidement, le liquide qu’on venait de lui injecter se répondit dans son organisme et Alessa sentit tous ses membres se ramollir les uns après les autres. Ses yeux roulèrent dans leurs orbites et elle sombra dans le vide.

Lorsqu’elle revint finalement à elle, Alessa devina que plusieurs heures s’étaient écoulées. Il faisait de plus en plus froid dans la pièce et la chambre était plongée dans une obscurité précaire. Les stores ne laissaient désormais filtrer que les ultimes rayons du soleil couchant. Quelle heure était-il ?

Luttant contre les effets du sédatif qu’on lui avait administré sans son consentement, Alessa força ses yeux à rester ouvert le temps de balayer la chambre du regard. Rien n’avait bougé durant son absence. Les meubles étaient à la même place – à l’exception d’une chaise sur laquelle était assise une femme. Un holoécran était posé sur la table devant elle.

— Allons-y, Alonso ! s’écria une voix d’homme, celle d’un des acteurs du film.

La femme était plongée dans son film. Alessa l’observa un moment : c’était une Asari. Cela n’avait rien de bien étonnant. Elle était de retour sur Thessia après tout. Cependant, quelque chose chez elle, dans son attitude, la mettait mal à l’aise. L’inconnue paraissait froide et sévère. De nouveau son instinct se fit entendre. Il lui criait de fuir perdre un instant. Aussi Alessa tenta-t-elle de s’extraire de son lit. Sans succès. Ses bras et ses jambes étaient retenus au lit par de solides attaches. On un avait pris soin de la ligoter à son lit pour ne pas lui offrir une occasion de prendre la poudre d’escampette.

L’agitation d’Alessa finit par attirer l’attention de sa mystérieuse visiteuse. Elle éteignit son holoécran avant de tourner la tête vers elle. Un sourire froid se dessina sur ses lèvres lorsqu’elle souffla :

— Ah, vous êtes réveillée. C’est parfait. Nous allons enfin pouvoir discuter toutes les deux.
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MessageSujet: Re: La fille de l'air [terminé]   La fille de l'air [terminé] Icon_minitimeMer 01 Oct 2014, 16:22
Alessa tenta une nouvelle fois de se libérer de ses entraves, en vain. Elle était solidement attachée et il lui était impossible de se libérer par la seule force de ses bras. Elle était encore trop faible. Elle tourna donc la tête vers la femme toujours installée sur sa chaise. Celle-ci la fixait des yeux en souriant.

— Bien, et si nous commencions ? demanda-t-elle de sa voix froide et calculatrice.
— Qui êtes-vous ? lui rétorqua Alessa en balayant la chambre du regard. Et où suis-je, exactement ?
— Vous êtes dans une clinique psychiatrique de Serrice, lui répondit la mystérieuse visiteuse. Quant à moi, je suis Yvana V’Loan et je suis chargée de l’enquête dans laquelle vous êtes suspectée d’avoir ôté la vie à cinq membres de votre unité de combat. Ça vous revient en mémoire, maintenant ?

Alessa ne répondit pas tout de suite. De quoi parlait cette femme ? Fixant le vide du regard, elle tenta de se remettre en mémoire ses derniers souvenirs. Elle se souvenait de la Citadelle, de Tarana faisant face à un Foudre de Guerre Krogan. Son corps trembla et elle se débattit de plus belle.

— Où est ma femme ? demanda-t-elle en reportant son regard sur la dénommée Yvana.
— Vous ne vous rappelez pas ? (Au son de sa voix, Alessa comprit qu’elle ironisait.) Comme c’est pour le moins arrangeant, vous ne trouvez pas ? Vous parlez d’une drôle de… coïncidence.
— Que voulez-vous dire ? Comment suis-je arrivée ici ? Pourquoi suis-je attachée ? Que se passe-t-il ?

L’enquêtrice ne répondit pas. Elle se contenta de rester muette et d’observer en silence Alessa durant un long moment. Mal à l’aise de se voir ainsi soumise à cet examen, Alessa recommença à se débattre afin de se libérer de ses entraves. Mais celles-ci résistèrent encore et elle finit par rendre les armes.

— Sachez que tout le monde y gagnera son temps si vous répondez simplement à mes questions, finit par souffler la femme froide de l’autre côté de la pièce. Inutile de jouer la carte de l’amnésie avec moi, ça ne marchera pas. Je ne suis pas dupe à ce point. Maintenant, racontez-moi ce qui s’est passé durant cette mission ? Pourquoi vous en êtes-vous prise à vos camarades ?

Alessa soutint le regard froid de l’Asari sans ciller. Elle finit par lui rétorquer sèchement :

— Où est ma femme ? (Elle avait pris soin de bien détacher chacun de ses mots.)
— Morte, répondit Yvana sans la moindre compassion. Vous l’avez tuée.
— Quoi ?! s’exclama Alessa sans comprendre. De quoi parlez-vous ?
— Vous avez tué votre femme, ainsi que quatre autres membres de votre unité de combat. Vous êtes la seule rescapée ; vous ainsi que le capitaine N’Torva. Toutes les autres ont péri durant cette mission. Allez-vous finir par m’expliquer ce qui s’est passé ? Le capitaine N’Torva est formelle : selon elle, vous avez perdu les pédales durant ce qui aurait dû être une mission de routine et vous vous êtes soudain mise à abattre les membres de votre unité. Est-ce que c’est qui s’est passé ? Racontez-moi.

Alessa secoua la tête. Chacun des mots de l’enquêtrice lui avait fait l’effet d’un coup de couteau. Était-ce la vérité ? Tous les membres de son unité étaient-elles tombées au combat ? Ne restait-il que Rana comme survivante ? Alessa refusait d’y croire. Et sa femme ? Tarana était-elle morte elle aussi ? Non ! Ce ne pouvait pas être possible. Pas elle. Pas sa femme…

Alessa se débattit de plus belle mais ses entraves tinrent le choc et refusèrent de la laisser libre de ses mouvements. Elle sentit les larmes inonder ses joues tandis qu’un poids invisible lui écrasait la poitrine et lui broyait le cœur. Elle refusait de croire les propos de sa mystérieuse visiteuse. Elle refusait !

— Non ! Vous mentez ! Ce n’est pas possible. Elles ne sont pas… Pas ma Tarana… NON !
— C’est pourtant la vérité, soupira l’enquêtrice en touchant son holoécran qui afficha des dossiers en projetant au mur des photos d’une scène de crime. Vous voyez ? C’est votre œuvre. La question que je me pose cependant, c’est pourquoi ? Pourquoi vous en êtes-vous prise à elle ? Que vous ont-elles fait ?

Alessa demeura muette de stupeur. Elle garda les yeux rivés sur les images sanglantes projetées sur le mur. Elle reconnut les quatre premiers corps sans vie : ses camarades. Deux d’entre elles avaient une balle de fichée dans le crâne ; une autre avait eu la gorge tranchée d’une oreille à l’autre ; la dernière, quant à elle, avait eu la nuque brisée si fort que celle-ci formait un angle si monstrueux qu’Alessa fut contrainte de détourner les yeux. Lorsqu’elle reporta son attention sur le mur, elle découvrit enfin les traits familiers du visage de Tarana. Un trou béait dans sa poitrine. L’œuvre d’un fusil à lunette longue portée – du genre dont se servait justement la jeune femme de son vivant. C’était horrible.

Alessa fut prise d’un haut-le-cœur en découvrant le corps sans vie de sa femme. Elle manqua restituer le contenu de son estomac ; mais n’ayant rien avalé de la journée, celui-ci se contracta en arrachant à la jeune femme un gémissement de douleur. Alessa se tordit de douleur dans son lit mais ses entraves l’empêchèrent de se rouler en boule pour laisser libre court à sa souffrance. Elle resta donc là, étendue sur le dos, déversant ses larmes avec peine. Un trou béait dans sa poitrine à elle aussi désormais.

— Tarana, gémit-elle en ne retenant pas ses sanglots. Tarana… Pas toi… Non…

Elle tira de nouveau sur ses liens. Mais à quoi bon lutter. Elle était prise au piège. Faire face à la vérité était la seule chose qu’elle pouvait faire désormais. Elle ne pouvait pas fuir. Et se réfugier de nouveau dans son imaginaire n’était pas la solution, elle le savait. Elle était désemparée. Elle se sentait si seule et elle avait si mal. Son cœur avait été réduit en miettes et il n’en restait plus rien. Elle se sentait vide, et morte à l’intérieur. Et pourtant, elle souffrait toujours. La douleur refusait de s’estomper.

L’enquêtrice se leva de sa chaise sans prêter attention aux sanglots d’Alessa. Elle lâcha durement :

— De toute évidence, vous n’êtes pas en état de répondre à mes questions. Je repasserai un peu plus tard. J’ai attendu un an déjà pour obtenir votre confession, je peux bien attendre un jour de plus. La patience est une vertu chez moi ; et je suis déterminée. Que vous le vouliez ou non, vous répondrez à mes questions. Que ce soit ici dans cette chambre, ou dans la cellule que nous vous avons préparée et dans laquelle vous serez conduite sous peu maintenant que vous avez repris contact avec la réalité. À votre place, je me reposerais un peu. Ce que je vous ai préparé ne sera pas une partie de plaisir, vous pouvez me croire. J’ai pour habitude de toujours obtenir ce que je veux et je veux des réponses. Vous êtes prévenue.

Alessa la vit se diriger vers la sortie. Elle se débattit de plus belle pour se libérer de ses liens en criant :

— Où allez-vous ? NON ! Revenez ! Dites-moi ce qui est arrivé à ma femme ! Ne partez pas ! NON !

Sans se préoccuper des cris d’Alessa, l’enquêtrice Yvana ouvrit la porte et quitta la chambre sans jeter un seul regard derrière elle. Alessa continua de crier mais lorsque la porte se referma sur Yvana, celle-ci étouffa les cris et le silence se fit de nouveau à l’extérieur de la chambre.
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MessageSujet: Re: La fille de l'air [terminé]   La fille de l'air [terminé] Icon_minitimeDim 05 Oct 2014, 15:54
Alessa rouvrit brusquement les yeux en percevant au loin le son étouffé accompagnant l’ouverture des portes de la clinique médicale. Sans s’en rendre compte, elle avait piqué du nez, après avoir versé toutes les larmes de son corps et crié des heures durant sans parvenir hélas à faire revenir la mystérieuse enquêtrice dénommée Yvana. Sa gorge était à présent sèche et son visage toujours un peu humide. La chambre était toujours plongée dans une pénombre précaire que peinait à effacer les quelques rares rayons de lumière en provenance de l’extérieur.

Tournant la tête vers l’entrée de la chambre, Alessa vit deux minces silhouettes s’avancer au milieu de la flaque de lumière se répandant par l’ouverture béante. L’une d’elle brandissait une arme dans ses mains, tandis que l’autre tenait un plateau duquel s’élevait une odeur appétissante. Lorsque les spots au plafond clignotèrent et s’embrasèrent, Alessa ferma précipitamment les paupières, aveuglée.

Elle était demeurée dans le noir des heures durant. Ses rétines étaient dès lors devenues sensibles à la lumière froide qui tombait désormais du plafond de la chambre. Les yeux plissés, Alessa mit quelques secondes avant de parvenir à reconnaître le visage des deux Asari qui venaient lui rendre visite. L’une était la militaire antipathique qui montait la garde devant la porte de sa chambre toute la journée ; et l’autre était la douce et avenante infirmière qui s’était occupée d’elle durant son « absence ».

— Et ne traînez pas ! souffla la militaire avec autorité. Je n’ai pas envie de passer la nuit ici.
— Rien ne vous empêche d’attendre à l’extérieur, vous savez, lui rétorqua froidement l’infirmière. Elle n’a rien avalé de la journée. Elle doit mourir de faim. Ça prendra le temps qu’il faudra. Et si ça ne vous convient pas, vous n’avez qu’à sortir. Ce n’est certainement pas moi qui vais vous retenir.
— Je ne vous quitte pas des yeux. Cette femme est dangereuse.
— Je ne risque rien. Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, elle est solidement attachée à son lit.

La militaire fusilla du regard la douce infirmière avant de hausser les épaules et de prendre la direction de la sortie. La porte se referma en sifflant dans son dos. Alessa se retrouva alors seule avec la femme qui tenait toujours entre ses mains le plateau au fumet appétissant. Cependant, l’infirmière ne bougea pas et demeura silencieuse, l’oreille tendue vers la porte. Lorsqu’elle fut certaine que la militaire ne se risquerait pas à remettre les pieds dans la chambre, elle traversa la pièce d’un pas alerte et déposa sur la table son lourd plateau encombrant. Lorsqu’elle fit volte-face vers Alessa, la patiente attachée à son lit remarqua qu’elle tenait dans sa main droite un couteau. Ses muscles se raidirent et elle envisagea, un court instant, le pire scénario possible. L’infirmière allait-elle s’en prendre à elle ?

— Que comptez-vous faire avec ça ?

La jeune femme armée s’avança lentement vers Alessa en lui faisant signe de ne pas faire de bruit. Et, levant le couteau, elle s’en servit pour couper les liens qui retenaient la prisonnière à son lit. Quelques instants plus tard, Alessa était libre. Elle massa ses poignets douloureux et se redressa vivement dans son lit. L’infirmière lui apporta alors un verre d’eau. Alessa lui en sut gré car elle était morte de soif. La jeune femme qui lui était venue en aide jeta ensuite un regard inquiet vers l’entrée.

— Nous ne devons pas traîner ici. Il faut faire vite. Pouvez-vous marcher ?
— Oui, répondit Alessa en hochant la tête. Mais pourquoi ? Pourquoi faites-vous cela ?
— On m’a envoyée pour vous aider à sortir de là avant qu’il ne soit trop tard.
— Qui ? Qui vous a envoyée ?
— Plus tard. Nous n’avons pas le temps de répondre à ces questions pour l’instant. Il faut faire vite.
— Non, je veux savoir. Qui vous a envoyée ?
— Plus tard, j’ai dit. Nous devons quitter cet endroit avant qu’ils se rendent compte de quelque chose. Vous êtes accusée de meurtre. Le gouvernement veut votre peau. Dans le meilleur des cas, c’est dans une cellule humide que vous finirez vos jours ; mais à mon avis, dès que l’occasion se présentera à eux de vous éliminer discrètement, ils n’hésiteront pas. Vous représentez une trop grande menace.
— Une menace ? Mais pour qui ? Qui en a après moi, au juste ?
— Nous nous sommes déjà trop attardées. Il faut partir… maintenant ! Vous êtes prête ?

Alessa haussa les épaules. Elle se sentait encore faible. Elle avait le ventre vide et les muscles toujours engourdis du fait d’avoir été contrainte de demeurer une journée entière dans la même position. Dans son état actuel, elle n’était pas certaine de pouvoir aller bien loin. Mais avait-elle vraiment le choix ? Il était clair que non. Si comme le disait sa mystérieuse sauveuse, quelqu’un en avait après elle et était prêt à tout pour la faire disparaître afin d’assurer ses arrières, mieux valait effectivement ne pas s’attarder ici trop longtemps. Et puis, cet endroit n’était pas particulièrement accueillant. Elle détestait la couleur des stores et le lit n’était pas franchement confortable.

— Vous êtes prête ? lui redemanda l’infirmière. (Alessa hocha la tête.) Très bien. On y va.

La jeune femme poussa alors un cri de pure terreur en appelant à l’aide de toutes ses forces. En moins de temps qu’il n’en fallut pour le dire, la militaire se précipita dans la chambre, pistolet en main. Dans la précipitation, elle ne remarqua pas Alessa et se focalisa entièrement sur l’infirmière qui l’accueillit à la volée avec son poing. Mais les réflexes de la chasseresse étaient plus aiguisés que ne l’aurait crû son adversaire. Elle esquiva le coup et contre-attaqua dans la foulée. Son alliée ayant besoin de renfort, il n’en fallut pas plus pour qu’Alessa entre dans la danse et assène un coup en traître à la milicienne. Elle n’avait rien vu venir et chancela sous le coup. Mais c’était une coriace ; et elle avait la tête dure. Alessa réunit donc ses forces et concentra sa puissance biotique dans son poing qu’elle écrasa sans ménagement sur la mâchoire de la militaire qui lâcha un hoquet de stupeur avant de perdre connaissance.

Vidée, Alessa sentit ses genoux trembler et se dérober sous elle. Elle chuta douloureusement au sol et eut la tête qui se mit à tourner un instant. La silhouette de l’infirmière entra alors dans son champ de vision et elle entendit sa voix lointaine l’exhorter à se remettre debout et vite !

— Allez ! Nous devons nous dépêcher. Je sais que vous pouvez le faire. Allez, debout !

L’infirmière aida Alessa à se remettre sur pieds et lui mit une arme dans la main : un pistolet ; celui de la milicienne qui ne risquait pas d’en avoir besoin pour le moment. Elle-même avait récupéré son fusil d’assaut et alla jeter un œil dans le corridor avant de faire signe à Alessa de la suivre. Mais les jambes de celle-ci lui faisaient l’effet de deux corps gélatineux. Garder l’équilibre par elle-même était au-delà de ses compétences. Aussi l’infirmière lui demanda-t-elle de prendre appui sur elle. Et ensemble, elles se glissèrent silencieusement dans le couloir en prenant soin de verrouiller la porte de la chambre derrière elles.

— Et maintenant ? demanda Alessa. (Sa voix tremblait indépendamment de sa volonté.)
— Je vais tâcher de vous faire sortir discrètement par la porte de derrière, lui expliqua l’infirmière. Un véhicule vous attend dans une ruelle à deux blocs d’ici. Une fois que vous l’aurez atteint, vous serez en sécurité. C’est sortir d’ici qui ne sera pas facile. Cet endroit grouille de chasseresses armées jusqu’aux dents et la sécurité a été renforcée à toutes les entrées depuis votre réveil. (Elle marqua une pause et sonda le couloir à droite et à gauche.) Ça ne va pas être une partie de plaisir. Vous êtes prête ?
— Qui êtes-vous ? demanda Alessa en observant attentivement sa sauveuse. Qui vous envoie ?
— Mon nom est Kira. C’est tout ce que je peux vous dire pour le moment. Le reste devra attendre.

Le ton était catégorique et sans appel. Levant son arme, l’infirmière – qui de toute évidence n’en était pas vraiment une – raffermit sa prise sur Alessa et se mit en route sans attendre. Elle avait parlé d’une sortie se trouvant à l’arrière du bâtiment. C’est dans cette direction qu’elle entraîna Alessa.
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MessageSujet: Re: La fille de l'air [terminé]   La fille de l'air [terminé] Icon_minitimeJeu 09 Oct 2014, 23:22
Kira observa discrètement les allers et venues des chasseresses en faction devant la sortie. Impossible de forcer le passage. L’issue était trop bien gardée et les combattantes armées jusqu’aux dents. Même une souris aurait été incapable de se frayer un chemin entre les mailles du filet. La route était barrée. Était-ce donc la fin de leur tentative d’évasion ?

— Elles sont sur le qui-vive, souffla Kira en revenant auprès d’Alessa. Elles se doutent forcément que quelque chose ne tourne pas rond. Quelqu’un a dû les informer de ma présence.
— Et maintenant ? demanda Alessa en inspirant profondément pour retrouver son souffle.
— Ça ne va pas ? lui demanda Kira, soucieuse. (Elle venait seulement de prendre conscience qu’Alessa était assise à même le sol, la tête posée sur ses genoux.) Alessa ?
— J’ai encore un peu la tête qui tourne et les jambes en coton, répondit la jeune femme en redressant la tête. Sûrement à cause des sédatifs que vous m’avez injectés ce matin.
— Sans aucun doute, oui. (Elle détailla Alessa un moment.) Vous pensez que vous tiendrez le coup ? Il est trop tard pour faire machine arrière maintenant. Nous devons coûte que coûte trouver un moyen de quitter cet endroit avant qu’elles ne nous trouvent ; ou sinon nous sommes perdues. Vous pouvez vous relever ? Nous ne devons pas traîner là. Il faut trouver une autre issue.

Alessa hocha la tête et tenta de se remettre debout. Mais elle chancela. Heureusement pour elle, Kira avait de très bons réflexes et elle l’aida à retrouver son équilibre. Mais elle refusa de lâcher Alessa une fois la jeune femme remise sur pieds. L’inquiétude déformait à présent les traits si doux de son visage. Elle se rendait compte que la malade ne pourrait lui être d’aucun secours. Tout au mieux Alessa était-elle un poids mort à traîner plus qu’autre chose. Or maintenant que Kira lui était venue en aide, sa vie à elle aussi était en grand danger. En l’aidant à s’évader, elle devenait aux yeux des autres chasseresses sa complice. Elles n’hésiteraient donc pas à faire feu sur elle désormais. Sa couverture d’infirmière ne pourrait plus lui sauver la vie. Et étant elle-même militaire de formation, Alessa savait qu’il n’existait rien de plus rassurant sur le champ de bataille que le fait de savoir qu’on avait un allié sur qui compter pour assurer nos arrières. En l’état actuel des choses, Kira devait se sentir un peu seule.

— Ça va ! tenta de la rassurer Alessa. C’était juste un vertige. Ça ira mieux dans quelques secondes.

Elle posa une main contre le mur pour s’appuyer avant de prendre une grande inspiration. Le corridor, qui avait tangué légèrement devant elle quelques instants auparavant, cessa de bouger dans tous les sens et Alessa parvint finalement à garder l’équilibre sans avoir recours au soutien de Kira ou du mur. Tournant alors la tête vers sa libératrice, elle lui souffla :

— Vous voyez, je vais mieux. Allons-y. Je vous laisse ouvrir la voie.
— Bien, acquiesça Kira. Cependant, elle n’était pas très rassurée pour autant.

Elle se remit en mouvement en prenant soin de faire attention à ce qu’Alessa suive le mouvement. Au début, la malade eut toutes les peines du monde à suivre le rythme. Après tout, elle n’avait pas quitté son lit une seule fois durant toute la durée de son hospitalisation. Son corps était donc demeuré un an sans servir. Et quand bien même le personnel médical avait pris soin de faire en sorte que ses muscles ne s’atrophient pas durant toute cette période d’inactivité, elle était en quelque sorte encore en train de réapprendre à marcher. Faire un pas devant l’autre lui demandait déjà tellement d’effort. L’énergie était pourtant ce qui lui faisait actuellement défaut. Mais elle devait faire un effort. Sa vie était en jeu.

S’étant arrêtée le temps de reprendre son souffle, Alessa avisa soudain qu’elle tenait un pistolet dans la paume de sa main. Kira le lui avait donné avant de quitter la chambre. C’était l’arme de la milicienne, elle s’en souvenait parfaitement maintenant. Sentir le poids de l’arme dans sa main et le contact froid du métal sur sa peau lui redonna courage. Elle pouvait le faire. Elle pouvait prendre sur elle et faire en sorte de quitter cet endroit en vie. Tout ce qu’elle avait à faire, c’était mettre un pied devant l’autre.

À l’autre bout du couloir, Kira se retourna pour vérifier qu’Alessa tenait le coup. Elle fut surprise de se retrouver nez à nez avec la malade qui avait fait un effort pour tenir le rythme. Rassurée, elle souffla :

— À mon avis, ce n’est même pas la peine de tenter de passer par la grande porte.
— Ce serait peine perdue, en effet, acquiesça Alessa. Et en passant par une fenêtre du premier étage ?
— Toutes les fenêtres du bâtiment sont scellées, justement pour éviter ce genre de mauvaise surprise. Impossible donc de sortir par là. On va sûrement devoir passer par le toit.

Kira observa Alessa à la dérobée. De toute évidence, qu’elle soit rassurée ou non de voir que la malade faisait des efforts pour tenir la cadence, l’idée de tenter une évasion par le toit ne l’enchantait guère. Pour avoir d’ores et déjà été confrontée à ce genre de situation au cours d’une mission passée, Alessa savait que ce n’était pas une mince affaire. Qui plus est quand cela ne faisait pas partie du plan mis au point au préalable durant le briefing de la mission. Mais Alessa avait rarement vu une mission suivre le plan établi de A à Z. À un moment ou un autre, on finissait toujours par devoir improviser un plan B au risque de voir toute la mission se solder par un échec cuisant. Elle se trouvait justement dans ce genre de situation où il fallait improviser.

Malade ou pas, Alessa restait avant tout un soldat. Elle devait réfléchir comme tel et voir cette évasion comme une nouvelle assignation. Compte tenu de la situation actuelle, toutes les entrées étant surveillées, le mieux était effectivement de tenter une sortie par le toit.

— Va pour le toit, acquiesça Alessa.
— Vous en êtes sûre ? Vous allez tenir le coup ? On va devoir emprunter les escaliers.
— Avons-nous vraiment le choix ? rétorqua la malade qui appréhendait déjà cette épreuve.
— Vous avez raison, finit par admettre Kira. Va pour le toit alors.

Une chasseresse asari patrouillait dans le couloir latéral. Une autre surveillait le même couloir à l’autre extrémité. Quand la première eut enfin le dos tourné, les deux fugitives traversèrent la zone en terrain découvert qui les séparait de leur objectif : une cage d’escalier qui les conduirait directement jusqu’au dernier étage d’où elles pourraient accéder au toit. Mais pas moins de dix étages les séparaient encore de leur but ultime. Une ascension qui se révéla pour le moins fatigante et exténuante. Avant même de poser le pied sur la seconde volée de marches, Alessa n’en pouvait déjà plus. Il restait encore neuf étages.

— Appuyez-vous sur moi. Et respirez. On va y arriver, l’encouragea Kira. (Alessa hocha la tête.)

Elles reprirent la lente ascension mais durent de nouveau faire halte trois étages plus haut. Alessa n’en pouvait plus. Ses jambes tremblaient sous elle et elle était plus pâle encore qu’un Hanari albinos. Il lui fallait une pause. Elle ne tiendrait pas le coup sinon.

— Non, il faut continuer à avancer, insista Kira. Si nous restons là, nous prenons le risque de nous faire surprendre. Allez, encore un petit effort, le plus dur est pratiquement derrière nous.

Alessa savait que c’était faux ; mais elle savait aussi que ce n’était pas le moment de baisser les bras et de rendre les armes. Elle devait lutter jusqu’au bout. C’est ainsi que son père l’avait formée. Elle lui avait appris à se dépasser et à aller au bout des choses.

— Le corps n’est qu’un tas de muscles, ne cessait-elle de lui répéter, enfant. Il est tout aussi malléable que l’esprit ; mais l’esprit dépasse de loin la matière. C’est ton esprit surtout que tu dois renforcer. Le corps n’est qu’un outil ; ton esprit, une arme. Endurcie-toi et tu n’auras jamais à craindre de faire face à quelque épreuve que ce soit. Fortifie ton esprit et tout te sera permis.
— L’esprit… surpasse... la matière, répéta à mi-voix Alessa en redressant la tête.

Bombant la poitrine, elle se redressa de toute sa hauteur et se lança à l’ascension de deux, puis trois, et quatre étages supplémentaires. Cependant, au moment où Kira et elle posèrent le pied sur la volée de marches supposées les mener au neuvième et avant-dernier étage, elles entendirent une porte se fracasser contre le mur plusieurs étages en contrebas.

— Je me fiche de ce qu’en disent les docteurs, retrouvez-moi cette traîtresse immédiatement, s’écria la voix de la milicienne qui avait pourtant été enfermée dans la chambre d’Alessa. (De toute évidence, quelqu’un était venu à son secours.) Elle a été aidée par une infirmière dénommée Kira. Retrouvez-les avant qu’Yvana découvre que sa prisonnière s’est évadée ou elle nous fera la peau. Faites vite !
— À vos ordres, répondirent en chœur d’autres voix.

Des bruits de course-poursuite s’élevèrent alors des étages inférieurs. La chasse était ouverte. Alessa était cependant épuisée. Il lui restait encore deux étages à gravir et le temps lui manquait. Jamais elle n’aurait la force de grimper ces marches avant que leurs poursuivantes ne leur tombent dessus. Alors que faire ? Rester là et combattre ou se replier et chercher encore une autre issue ?

— Par ici, vite, la pressa Kira en la poussant vers la porte la plus proche.

Alessa lui emboîta le pas pour tomber nez à nez avec une autre chasseresse asari qui patrouillait dans la zone justement. La réaction de Kira fut immédiate. Une fois la menace identifiée, elle leva son arme et tira une salve unique qui déchiqueta la militaire avant qu’elle ait eu le temps de comprendre ce qui se passait. Son corps tomba à terre et inonda rapidement le sol de sang violacé. Elle était morte avant même d’avoir pu porter la main à son arme. De toute évidence, elle était encore débutante.

— Des coups de feu à l’étage ! hurla une voix dans la cage d’escalier. Ça venait du huitième. Vite !
— Cours, vite ! ordonna Kira en poussant Alessa. Je vais faire diversion. Pars !

Alessa ne se rendit même pas compte que Kira avait abandonné le vouvoiement. Qu’importe ! C’était bien la dernière chose qui pouvait intéresser qui que ce soit dans ce genre de situation. Cependant, la malade refusa d’abandonner sa nouvelle alliée. C’était contraire à ce qu’elle avait appris à l’académie. Les Chasseresses combattaient toujours en équipe. Elles n’abandonnaient personne derrière.

— Allez ! Pars ! Elles arrivent.

Alessa se maudit. Elle sentit son instinct de survie prendre le pas sur ses idéaux. Ses pieds la portèrent à l’autre bout du couloir avant qu’elle comprenne ce qu’elle avait fait. Des coups de feu retentirent et en jetant un coup d’œil par-dessus son épaule, Alessa reconnut la tunique blanche et rose de Kira qui ornait le corps d’une Asari étendue sur le sol au milieu d’une mare de sang mauve. Son alliée venait de sacrifier sa vie pour lui offrir une chance de s’évader de cette satanée prison aseptisée.

— Où est l’autre ? demanda une voix agressive. (Il y eut un moment de flottement.) Là-bas ! Vite !

Les balles fusèrent tout autour d’Alessa, mais par chance, aucune ne l’atteignit. Voyant arriver le bout du couloir, la fugitive comprit trop tard qu’elle était prise au piège dans un cul de sac. Face à elle, une baie vitrée qui donnait sur un vide haut de plusieurs dizaines de mètres. Impossible de sortir par ici. Et impossible aussi de revenir en arrière, les chasseresses venant de bloquer la seule issue possible.

— C’est fini, ma mignonne, t’es faite comme un rat, lui lança la milicienne blessée dans son orgueil. Tu pensais pouvoir t’en tirer aussi facilement ? Tu vas finir tes jours dans une cellule humide où même la lumière du jour ne peut entrer. C’est tout ce que tu mérites, meurtrière !
— Je suis innocente ! se défendit Alessa.
— À d’autres ! C’est ma sœur que tu as tuée et si ça ne tenait qu’à moi, je t’abattrais sur le champ.

Alessa chercha une autre issue. Elle avait le choix : deux portes lui faisaient face, une de chaque côté. Mais à quoi bon se précipiter vers l’une ou l’autre, elle se doutait que celles-ci donnaient sur des chambres. Ici ou là-bas, elle serait prise au piège quoiqu’il arrive.

*Mais au moins, tu pourras gagner un peu de temps. Quelques secondes tout au plus suffiront.*

Prenant ses adversaires au dépourvu, Alessa se jeta sur la porte de droite et libéra l’accès en frappant le macaron vert qui en barrait l’accès. Un coup de feu retentit et une balle fusa en direction d’Alessa ; la morsure du métal dans sa chair lui arracha un cri de douleur et elle tomba en avant l’épaule en sang.

— Stop ! Personne ne tire tant que je n’en ai pas donné l’ordre !

La main couverte de sang mauve, Alessa dut se mordre l’intérieur des joues pour tâcher de faire taire la douleur qui lui déchirait l’épaule au niveau de l’omoplate. Voyant que la porte était toujours grande ouverte, elle rampa au sol et se força à se redresser suffisamment pour bloquer l’accès à la pièce. Les battants se refermèrent et un macaron rouge assura à la jeune femme que la porte était verrouillée.

— Oh ! fit une voix à l’autre bout de la pièce. Ej t’arconnôs ti z’aute, t’es d’min couin.
— Ale a s’cu conme eune mante à prones ! répondit une autre voix.
— Attinds, té vas vir, té vas printe su t’guife !
— Ch’que té m’dis là assis, ej té l’éros bin dis dbout !
— Èj va la foutte à l’uch !

Alessa se rendit compte que la personne à qui appartenait cette voix était étendue dans son lit. À elle aussi on avait attaché les bras et les pieds aux montants du lit pour l’empêcher de quitter sa chambre. Alessa avait cru entendre deux personnes parler. Pourtant, il n’y avait personne d’autre dans la pièce. L’Asari était seule et se parlait en fait à elle-même. Mais ce qu’elle disait était sans queue ni tête. Un élan de compassion saisit Alessa avant d’être soufflé par une vague de douleur. La douleur était telle qu’elle en oublia la malade dans son lit.

De l’autre côté de la porte, dans le couloir, une Asari aux airs de matrone autoritaire lança :

— Baissez vos armes immédiatement. Je la veux vivante. Est-ce que c’est bien compris ? (Personne ne prit la peine de lui répondre. Des bruits de pas se firent entendre. Ils se rapprochaient de la chambre.) Alessa, c’est moi, Yvana. Ouvrez cette porte avant d’aggraver plus encore votre cas. Vous avez quatre morts de plus ajoutées à votre palmarès. Rendez-vous et arrêtez les frais avant qu’il ne soit trop tard. Je ne vous le redemanderais pas. Obéissez ou je serais obligée d’employer la manière forte.

Alessa ne répondit pas. Elle était condamnée, elle le savait. Faite comme un rat. Que faire ?
Alessa N'Mara

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Alessa N'Mara
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MessageSujet: Re: La fille de l'air [terminé]   La fille de l'air [terminé] Icon_minitimeMer 15 Oct 2014, 20:05
Alessa regarda autour d’elle en quête de quelque chose qui lui permettrait d’endiguer le flot incessant de sang mauve qui s’écoulait de sa plaie à l’épaule. Mais rien. Pas un bloc de médigel ni rien qui aurait pu lui être utile. Cette chambre ressemblait fort à la sienne : un mobilier simple et sans fioritures. Elle n’eut donc d’autre choix que de se contenter d’appuyer fermement sa main gauche sur la plaie. Ça ne ferait pas l’affaire très longtemps, cependant. Mais c’était toujours mieux que rien.

Sans tenir compte de la patiente schizophrène toujours étendue sur son lit, Alessa s’aida du mur pour se relever. Quand elle se fut tant bien que mal remise sur pied, elle entendit de l’autre côté de la porte la voix de matrone de l’enquêtrice Yavana :

— Alors ? Comment voulez-vous que nous nous sortions de cette situation, Alessa ? Vous avez la balle dans votre camp. Ou vous sortez docilement et l’affaire est réglée ; ou vous m’obligez à faire usage de la manière forte et croyez-moi, vous n’allez pas apprécier. Alors que choisissez-vous ?

Alessa ne répondit pas. Ses yeux couraient d’un bout à l’autre de la pièce en quête d’un miracle. Mais tout ce sur quoi ses yeux se posèrent fut une chaise et la patiente malade attachée à son lit. Il y avait certes une armoire dans cette chambre aussi, mais elle était vide. Alessa se rendit d’un pas chancelant dans la salle de bain. Les mains violettes de sang, elle s’échina à fouiller dans un petit placard placé au-dessus du lavabo. Bien entendu, elle ne trouva rien de très utile. Le placard était vide lui aussi. Hormis un gant de toilette et un vieux gobelet en plastique, il n’y avait rien. Elle délaissa la salle de bain et s’en retourna dans la chambre. La patiente marmonnait toujours sur son lit mais Alessa l’ignora. De l’autre côté de la porte, la voix d’Yvana s’éleva encore.

— C’est votre dernière chance, Alessa. Décidez-vous ou je le ferai à votre place. Alors ? (Alessa refusa une fois de plus de répondre. Perdant patience, l’enquêtrice souffla.) Allez-y, ouvrez-moi cette porte. Cette plaisanterie a suffisamment duré. Il est temps d’y mettre un terme. Fini de jouer.

Alessa entendit quelqu’un s’agenouiller de l’autre côté du battant coulissant. Cette personne se mit à pianoter sur la console qui contrôlait l’ouverture de la porte. Elle avait au mieux dans les dix secondes pour trouver une autre issue ou elle était fichue et tout cela aurait servi à rien : la tentative d’évasion, le sacrifice de Kira. Quand bien même elle ne connaissait pratiquement rien de cette jeune femme, le fait est qu’elle avait donné sa vie pour lui offrir une chance de quitter cet endroit. Ce genre de sacrifice ne pouvait pas avoir été vain. Alessa devait honorer d’une manière ou d’une autre la mémoire de Kira en faisant tout son possible pour qu’elle ne soit pas morte en vain.

*Allez, réfléchis. Trouve une solution. N’importe quoi !*

La porte finit par céder et les deux battants coulissèrent soudain en libérant l’accès. De l’autre côté se tenait Yvana et la chasseresse assoiffée de sang qui avait abattu Kira. Dans leur dos se trouvaient cinq ou six autres guerrières surentrainées qui n’attendaient que les ordres pour passer à l’offensive.

— C’est terminé, lui lança Yvana. Vous ne pourrez pas fuir plus loin. Alors rendez-vous sans résister.
— Hors de question, rétorqua Alessa.

Son pistolet était braqué sur l’enquêtrice asari. Elle l’avait levé instinctivement au moment où s’était ouverte la porte de la chambre. Elle représentait probablement la plus grande menace. Quoique celle qui prétendait avoir perdu sa sœur par la faute d’Alessa était un facteur à risque, elle aussi. Alessa ne se faisait pas trop de soucis pour les autres. Elles paraissaient bien plus disciplinées que celle qui avait été chargée de monter la garde devant la porte de sa chambre durant tout ce temps. Elles ne feraient rien avant d’en avoir reçu l’ordre de leur commandant. Cependant, à huit contre une, Alessa ne ferait pas le poids. Elle était blessée et sortait à peine d’une espèce de coma qui avait duré pratiquement un an. Son corps hurlait de douleur et c’est tout juste si elle ne devait pas puiser dans ses ultimes réserves pour seulement parvenir à demeurer en équilibre précaire sur ses deux jambes et lever son arme pour se défendre. Elle était arrivée au bout du rouleau. Exténuée. Complètement vidée. Elle ne pourrait pas tenir encore très longtemps. Mais elle refusait de se rendre et de baisser les bras. Tout comme elle se refusait à d’admettre qu’elle pouvait être effectivement une meurtrière.

— Baissez votre arme, lieutenant, c’est un ordre, lui intima froidement Yvana.
— Je ne reçois pas d’ordre de vous, enquêtrice, rétorqua Alessa d’une voix mal assurée.
— Il le faudra bien parce que c’est moi qui commande ici. Alors obéissez ou sinon…
— Ou sinon quoi ? Vous n’arrêtez pas de proférer des menaces depuis tout à l’heure, mais…

Le coup de feu partit sans prévenir et coupa net la parole à Alessa. Rapide comme l’éclair, Yvana avait levé son arme et tiré un seul coup. Le tir était passé tout près de la tête d’Alessa avant de laisser une marque sur le mur derrière elle. Un simple tir de semonce pour prouver à la fugitive que si elle voulait vraiment l’abattre, rien ne l’en empêcherait. Qui plus est, sa patience avait des limites.

— Ne jouez pas avec le feu, Alessa. Vous n’êtes qu’une Demoiselle et j’ai de loin trois fois votre âge. Je ne suis pas là pour plaisanter ni pour balancer des menaces en l’air. Si vous refusez de prendre la main que je vous tends, libre à vous. Mais ne me prenez surtout pas une idiote. Est-ce que c’est clair ? Nous pouvons soit régler cela à l’amiable sans effusion de sang ou alors… (Elle marqua une pause.) Comme vous voulez. C’est à vous de voir. Mais décidez-vous vite.
— Mais je suis innocente ! se défendit Alessa.
— Hélas, les preuves qui s’accumulent contre vous disent le contraire, lui annonça Yvana. Nous avons retrouvé votre ADN sur la scène du crime. Et vous présentiez au moment de votre internement dans ce centre médical des blessures qui concordent avec les traces évidentes de tentative de défense de ces jeunes femmes que vous avez massacrées. Pour finir, nous avons un témoin capable de vous identifier et de vous replacer sur les lieux du crime au moment où l’un des meurtres précédemment mentionnés a été commis. Vous êtes finie, Alessa. Ce sera votre parole contre celle du témoin ; et des preuves qui s’accumulent contre vous et prouvent votre culpabilité. (Elle marqua une autre pause.) Alors de deux choses l’une : ou vous baissez votre arme, et vous aurez peut-être la chance de finir votre vie au fond d’une cellule ; ou vous vous entêtez sur cette voie de la rébellion et je vous abats sur le champ comme le varren enragé que vous êtes. Alors ? Que choisissez-vous, Alessa ?

Alessa était au pied du mur. Que penser de tout ça ? Certes, elle avait les idées confuses à propos des événements survenus un an plus tôt durant sa mission sur la Citadelle. Mais de là à croire qu’elle avait pu commettre cinq homicides ? Cela ne lui ressemblait pas. Quelqu’un essayait forcément de lui faire porter le chapeau pour ces crimes. Il s’agissait d’une machination ; un complot dont elle était le bouc-émissaire. Elle était quasiment convaincue de son innocence. Elle ne pouvait pas avoir tué ces soldats ; elle ne pouvait pas avoir tué sa propre femme. Non, elle refusait de croire une telle chose. Pas Tarana. Pourtant, Yavana était persuadée de sa culpabilité. Et comme elle le disait : les preuves s’accumulaient contre elle. Elle était perdue. Condamnée d’office. Elle aurait beau clamer haut et fort son innocence, dans tous les cas elle finirait dans une cellule en attendant que soit signé son ordre d’exécution. Quel autre choix lui restait-il alors ? Baisser les bras et être condamnée à tort pour un crime qu’elle n’avait sûrement pas commis ; ou tenter le tout pour le tout et ce au péril de sa vie ? À bien y réfléchir, mieux valait la mort à des siècles d’enferment dans une cage. Tout sauf ça.

Alessa riva ses yeux dans ceux de l’enquêtrice et lui dit simplement :

— Vous ne me croyez peut-être pas, mais je suis innocente. Vous faites une grave erreur.
— C’est vous qui êtes sur le point d’en faire une grosse. Rendez-vous tant qu’il est encore temps.
— Jamais !

Alessa décala son bras sur la droite et tira un unique coup de feu vers la fenêtre qui couvrait le pan de mur nord d’un bout à l’autre de la chambre. Le verre se fissura mais ne tomba pas en morceaux. Sans perdre une seconde de plus et profitant de l’effet de surprise, Alessa puisa dans ses dernières réserves pour se précipiter vers la fenêtre et passer au travers. Le verre fragilisé céda sous l’impact et la fugitive bascula dans l’abîme de huit étages qui s’ouvrait de l’autre côté.

Alessa chuta durant quelques secondes qui lui parurent cependant durer une éternité. Ses pensées se bousculaient dans sa tête et pendant une fraction de seconde, la jeune femme se laissa aller à penser que le mieux pour elle serait peut-être d’en finir maintenant. Sa femme était morte. Que lui restait-il, hormis des souvenirs ? Elle n’avait pas seulement perdu son épouse ; elle avait tout perdu. Elle n’avait plus le goût de vivre. À quoi bon continuait sans Tarana ? Et si Yvana disait vrai ? Et si elle l’avait tuée ? Comment se regarder encore en face après ça ? Comment vivre avec ce poids sur la conscience ?

Au dernier moment cependant, elle retrouva ses esprits et vit le sol se précipiter vers elle à vive allure. Tarana n’aurait pas voulu qu’elle meurt elle aussi. Jamais. Se concentrant autant que le lui permettait son état actuel et la situation précaire dans laquelle elle se trouvait, elle parvint de justesse à déployer ses étonnantes capacités biotiques et à ralentir autant que possible sa chute vertigineuse. Si elle avait été au meilleur de sa forme, elle serait sûrement parvenue à contrôler suffisamment son atterrissage pour retomber sur ses pieds. Cependant, la douleur dans tous ses membres était telle qu’un vertige lui fit perdre sa concentration et sa bulle biotique se dissipa à environ un mètre du sol. Alessa termina sa course en venant frapper le bitume avec force ; mais bien moins que si elle n’avait rien tenté du tout pour ralentir sa chute. Elle roula sur le sol et fit des tonneaux sur plusieurs mètres en laissant derrière elle une trainée mauve. Un cri s’échappa de sa gorge et elle se roula en boule le temps de prendre sur elle pour surmonter cette vive douleur. Mais les secondes continuaient de défiler et elle le savait. Elle ne pouvait rester là, étendue dans cet état. Se faisant violence, elle se remit sur pied avec difficulté et leva les yeux vers le huitième étage. À la fenêtre se tenait l’enquêtrice Yvana. Les deux jeunes femmes se fusillèrent du regard un bref instant ; mais à la surprise d’Alessa, l’enquêtrice ne se jeta pas dans le vide pour la poursuivre.

À quoi bon de toute manière ? Elle était blessée et guère en état de parcourir une grande distance. Le fait est qu’elle ne pourrait pas aller très loin. Elle pouvait toujours essayer ; mais elle n’arriverait jamais à s’échapper. Alessa avait cependant bien l’intention de lui prouver le contraire. Et se détournant de la façade en verre de la clinique psychiatrique, elle se glissa dans les rues animées de Serrice et tenta de rejoindre le véhicule sécurisé dont Kira avait vaguement fait mention. Celui-ci se trouvait à deux blocs d’ici. Alessa doutait de pouvoir parcourir toute cette distance. Elle était vidée. Elle ne sentait plus son corps. Si elle tenait encore debout, c’était grâce à l’adrénaline qui courait dans son système. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine, mais ses membres lui faisait endurer un véritable calvaire. Déjà ses jambes s’étaient remises à trembler. Elles ne tarderaient sûrement pas à céder pour de bon. Quant à son épaule, elle continuait de saigner abondamment. Et sa tête lui faisait l’effet d’être prise dans un étau. Avoir usé de ses pouvoirs biotiques l’avait vidée des dernières forces qui lui restaient. Deux blocs était une distance qu’elle ne pourrait jamais réussir à couvrir avant qu’Yvana ne lui tombe dessus avec sa meute de varrens enragés. Elle était perdue.

S’étant glissée dans une ruelle latérale plus discrète et moins fréquentée, Alessa ne réussit à parcourir que quelques mètres avant que ses jambes finissent enfin par céder sous son poids. Elle était encore trop près de la clinique et trop loin de sa destination. Il fallait qu’elle se lève et qu’elle…

*Non. C’est fini. Je n’en peux plus. C’est terminé.*

Même penser lui était devenu difficile. Et respirer était tout aussi éprouvant. Elle sentit ses paupières se fermer toutes seules tandis qu’un voile de ténèbres tombait soudain devant son regard. Son esprit sombrait déjà dans l’oubli quand elle entendit une portière claquer et une voix souffler à son oreille :

— C’est fini maintenant. Tu t’en es tirée. Tout ira bien désormais. Repose-toi.

Et le néant l’avala. À son réveil, elle se trouvait dans la soute d’une navette cargo en partance pour les Terminus. Elle n’avait pas souvenir d’avoir embarqué à bord. La dernière chose dont elle se rappelait, c’était de son évasion du centre médical de Serrice. Les vêtements qu’elle portait, elle ne se souvenait pas les avoir enfilés. Et sa blessure à l’omoplate : c’est tout juste si elle la sentait désormais. Elle avait été nettoyée et traitée au medi-gel et commençait d’ores et déjà à cicatriser. Que s’était-il donc passé ? Comment était-elle montée à bord de cette navette de transport ? Cela, elle ne le sut jamais.

Quand la navette parvint enfin à destination, Alessa se glissa hors de la soute et disparut dans la foule pour ne plus jamais faire entendre parler d’elle. Alessa n’existait plus. Elle devait à présent changer de nom et d’identité et refaire sa vie ailleurs. Elle devait à tout prix se faire oublier. C’est à ce moment-là qu’avait débuté sa cavale qui s’étala sur les vingt-quatre années qui suivirent. Du jour au lendemain, la chasseresse suspectée de meurtre s’était évanouie dans la nature. Elle était devenue la fille de l’air.


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