► Intervention MJ : Non █ Date : 3 Mars 2203 █ RP Tout public ◄
Masha ♦ Keral ♦
Quelques gouttes d’une épaisseur sombre coulèrent sur le verre translucide, telles des coulées de lave noir de jais sur une terre déjà vitrifiée tandis qu’il tapotait la pointe de sa plume sur l’encrier
L’écriture manuscrite n’avait aucun avantage face à celle holographique utilisée couramment dans toute la galaxie. Mais avec les années il s’était découvert un réel plaisir à manipuler l’antique plume, la pointe glissant en crissant doucement sur le grain du papier, et l’odeur âpre mais enivrante de l’encre fraîche
Et puis au moins cela justifiait le salaire mirobolant qu’il versait à la secrétaire générale du service primarquiale, ce qui avait au moins pour résultats de lui arracher un sourire amusé.
Et puis il trouvait que les piles de paperasses qui s’entassaient aux quatre coins de son bureau donnaient un air plus sérieux à son travail de politicien. Loin des champs de batailles, loin des moments de crises, il se sentait inutile. Alors au moins essayait-il de paraitre harassé de travail.
Khos lui avait dit « A force de faire semblant, tu finiras par y croire. ». Cela faisait maintenant presque vingt années qu’il jouait son rôle, et pourtant il avait encore l’impression de ne pas être à sa place dans ce fauteuil.
Il se redressa et soupira en laissant son crâne rencontrer le dossier. Il ferma les yeux, et l’effroi l’envahit.
Contrairement à ses hommes, il ne revivait pas l’horreur de la guerre, il ne voyait pas les membres déchiquetés, n’entendait pas les cris terrifié. Il ne parvenait même pas à voir Yela et son enfant, morts dans les premières heures de la guerre.
Non il ne voyait que le néant, un précipice infini et insondable dans lequel il s’apprêtait à basculer, entrainer par la chute de la galaxie. Voilà de quoi étaient composés ses rêves, et c’était cette absence de possible qui le terrifiait.
Pourtant quand il rouvrait les yeux, aucune panique ne guidait ses gestes, il reprenait simplement son œuvre, incertaine et improbable pour contrer sa vision.
Sa longue carrière militaire ne lui laissait pas d’autres réflexe que de lutter, avec le sang froid qui caractérisé les soldats de carrière, et avec l’implacabilité d’un Hastatim.
L’intercom grésilla et la voix douçâtre de sa secrétaire résonna dans l’air immobile de la pièce.
C’est vrai qu’il avait oublié cette visite, qui allait pourtant sans doute lui permettre d’égayer quelque peu cette journée. Il se remémora rapidement le dossier. Un groupe d’activistes, surement composé par des humains et des turiens renégats s’était mis en tête de perturber la production agricole à destination des autres colonies de la Hiérarchie.
Ce n’était pas idiot en soit. Triginta Petra était le grenier alimentaire des colonies, la paralyser était un moyen efficace de perturber le fonctionnement global de celle-ci.
Mais cela était fait avec si peu d’organisation et de moyens que leurs actes s’avéraient plus agaçant que dangereux, pour le moment. Mais Keral avait préféré régler ce problème rapidement. A l’aube de son départ il ne souhaitait pas laisser de risque important en devenir sur son monde.
L’enquête avait rapporté l’utilisation d’un phénomène de surcharge très particulier qui avait fait écho à un projet mené par l’Alliance. Son gouvernement comme le leurs avaient vu là l’occasion d’un acte d’entente diplomatique. Ils lui avaient donc proposé les services de l’ingénieure la plus qualifiée dans ce domaine, et d’ailleurs à l’origine des recherches sur ce phénomène de surcharge par piratage.
Karl, l’ingénieur en chef chargé de l’entretien des fermes hydroponiques qui couvraient une large partie de la planète avait eu un renâclement de dédain à cette annonce. Mais il n’avait pas put empêcher une lueur d’admiration illuminé fugacement son regard quand il avait parcouru le dossier de la militaire. Ce qui avait beaucoup amusé Keral.
Il se redressa en s’époussetant, et constata qu’il portait encore la tenue réglementaire des campements Hastatims qu’il possédait depuis ses dix-sept ans. Noire, et d’apparence plus décontractée que l’uniforme militaire, cela s’avérait pourtant une excellente tenue pour l’entrainement physique éprouvant de sa garnison, capable d’être portée sous une armure, et suffisamment solide pour dévier une lame blanche non sonique.
Si sa secrétaire l’avait prévenue plus tôt, il aurait pris le temps d’enfiler quelque chose de plus officiel. Il jeta un coup d’œil en coin à l’interphone et claqua des mandibules.
Sans doute sa petite revanche pour la tonne de papier manuscrit qu’il lui faisait classer. Mais trop tard à présent, la porte s’ouvrait déjà.