Je vous connais et vous me connaissez. Âpre combat en perspective. Impossible de vous dire de rester hors de nos manœuvres et que je ferais de même. Soyez assurée que je ferai tout pour réussir. L'Azur n'est plus ce qu'il était. Ne croyez pas qu'il sera facile de nous faire tomber.
Que vous le vouliez ou non, nous sommes comparables par cet objectif commun. Je refuse vos méthodes comme vous refusez les miennes : une approche gentillette comme la vôtre ne transformera rien en profondeur. « Gentillette », toute militaire que vous êtes. Parce que vous aimez trop ce que vous défendez – les Républiques. Malgré le changement que vous désirez... Comment dirais-je ? Rien ne sera suffisant. Les Asari sont prises dans un enchevêtrement de gouvernements, un enchevêtrement de mensonges (et elles-mêmes ne savent pas distinguer les vrais des faux), un enchevêtrement de pensées immobilistes ou conservatrices, vous exceptée, peut-être. Il faut faire tabula rasa – expression humaine tout à fait appropriée. Reprendre de zéro. Ne garder des Républiques d'autrefois que le nom.
Mais je ne vais pas parler des problèmes de fond ici. Je doute fort que nous nous écoutions. D'autant que pour vous, l'affaire a pris une tournure personnelle ; je vous tancerais bien là-dessus, mais c'était inévitable. Ce qui est arrivé à vos sœurs fait partie d'un passé qui ne fera que rendre plus âpre encore notre lutte présente. Qu'importe ; la prise de pouvoir et le changement ne vont pas sans difficultés. L'Azur Stellaire continue sa transformation ; la recherche ne dort jamais.
Si je suis la moitié de ce que je prétend être, je mourrai pour ma cause. Je ne me rendrai pas – et vous ferez de même.
Vous préjugez et présumez beaucoup trop pour une militaire formée par l'expérience concrète. Qu'est-ce qui peut vous faire croire que je suis haïe (même si, je vous l'accorde, l'indifférence est bien plus probable que tout sentiment positif – et tout est donc possible) ? Connaissez-vous si peu l'ennemi, ne l'affrontez-vous que parce que vous êtes persuadée d'être dans le vrai et lui dans l'erreur ? Quelle déception.
C'est justement parce que j'ai vécu plus de la moitié de ma longue vie dans l'espoir d'une conciliation que j'ai finalement choisi la voie de la violence ; cela, et cela seulement, permettra d'ouvrir les yeux des Asari, après des siècles sans vrai mouvement de leur part, regardez la Grande Guerre. Et, après ce grand bouleversement, elles en verront bien la nécessité dont vous parlez. Vous ne les transformerez pas en quelques mois, croyez-moi.
Je ne serai pas une dirigeante suprême, du moins, pas plus que vous ne le seriez. Je serai un guide. Il n'y a cependant pas qu'une voie, contrairement à ce que vous pensez ; et c'est là que j'interviens. Rien ne sera aisé. Elles se prendront en main autant que je les prendrai en main. Je n'agis pas plus par profit personnel que vous.
Mon venin n'ira pas plus loin ; qu'il s'insinue et glisse tout seul dans vos veines. Un jour, cependant, l'attaque sera frontale. Même si j'attends de voir ce que vous pourrez bien faire. Ce n'est pas comme si les conciliens agissaient rapidement (pourquoi ai-je décidé de prendre une voie plus directe, déjà?). Regardez le Conseil et le cas d'une simple planète comme Piétas. Un siècle qu'elle pourrait être colonisée et qu'elle ne l'est pas. Vous tergiversez trop.
Allons, désormais. Nous ne l'avons pas encore dit clairement : la guerre – le grand mot, enfin! – débute.