Les derniers mois n'avaient pas été des plus faciles pour Tricia. Elle sentait qu'il était temps de tourner la page, de s'orienter vers quelque chose de plus tranquille. Elle s'était donc orientée vers le Service de Sécurité Concilien de la Citadelle, qui lui rappellerait son passif de gendarme AVANT de rejoindre le GIGE. Des enquêtes, de l'assistance, de la paperasse, loin des batailles et utilisations presque omni-présentes d'armes à feu. C'était pour cela qu'elle avait préférée le SSC à l'armée de l'Alliance : l'armée lui rappelait trop le GIGE. Elle avait besoin de tourner la page, de se sentir réellement utile et cela passait par un contact social.

Vu son passif, elle avait postulée pour être agent d'investigation. Cela avait été approuvé à la condition qu'elle fasse d'abord un an et quatre mois en tant qu'agent de patrouille, afin de se familiariser avec les lieux, les procédures, la bureaucratie. De septembre 93 à janvier / février 95 elle serait donc agent de patrouille puis, jusqu'au début de l'année 97, elle serait agent d'investigation. Contrat de quatre ans - presque - qui prendrait une tournure particulière mais cela, Tricia l'ignorait encore.


Tricia s'était fort bien habituée à l'habit du SSC, qui semblait avoir été taillé sur mesure. Les horaires d'un patrouilleur la changeaient : le SSC était une police armée, et non pas une force militaire, ce qui faisait qu'elle n'avait pas une disponibilité permanente à avoir qui prenait le dessus. Elle avait des heures de service à respecter et avait droit de dormir la nuit. Enfin tout était relatif sur la Citadelle, où tout restait constamment - éclairé, ce qui poussait à fermer les volets.

Elle venait justement de terminer son service et décida d'aller se reposer dans le logement de fonction qu'on lui avait concédé. Car le SSC étant une police armée, elle n'était pas en obligation de fournir gratuitement les logements, et c'est ainsi que les agents se retrouvaient à payer une petite somme s'ils voulaient posséder un logement. Ceci dit, compte tenu des dommages subis sur la Citadelle et du prix de l'immobilier, la somme demandée par le SSC était de bien bon marché. Bien sûr, le prix dépendait d'un critère : logement commun - jusqu'à huit agents - ou personnel.

Tricia avait opté pour un appartement personnel, plus cher. Elle était sociale dans le cadre de son travail mais un peu de vie privée et d'intimité n'étaient pas de trop. Elle lança sa veste sur la chaise avant de se mettre à l'aise en sous vêtements : la ventilation était encore tombée en panne, ce qui faisait que son quartier subissait une augmentation de la température ambiante d'une dizaine de degrés. Cela pouvait paraître faible à comparer aux différences soleil / ombre sur Vénus, où il y avait plus de 400°C de différence, mais cela faisait toutefois passer la température au delà du seuil de 35°C, qui représentait une chaleur bien conséquente.

Elle reçut un message de deux agents de patrouille qui, comme elle, étaient de repos. Ils l'invitaient à passer au Delucky's Charms, un bar qui était dans la norme : ni trop bourge, ni trop pourri. Elle hésita à peine avant d'accepter : elle aurait tout fait pour quitter la chaleur. En entrant dans le bar, elle salua le barman et s'assit à une table un peu en retrait, attendant ses deux partenaires. Elle commanda un soda quelconque en les attendant. D'un rapide regard, elle balaya les lieux et repéra un militaire de l'Alliance. Elle se préparait à intervenir : les militaires de l'Alliance étaient parfois pris à parti dans les bars. Cela restait assez rare mais en un an de présence à patrouiller, elle avait déjà été appelée plusieurs fois pour des bagarres, et la majorité du temps, l'humain est celui qui fut provoqué.

Tricia vit une vieille connaissance à la table voisine. Elle fit un geste et se remémora brièvement comment elle avait connu cette femme...


Le GIGE et d'autres forces spéciales s'étaient réunis à Prague, où se déroulait, en milieu clos, une réunion sur les différentes missions menées au cours des derniers mois, devant l'accroissement global des menaces terroristes. Contrairement au XXIème siècle, les traductions s'effectuaient bien plus simplement, grâce au programme de base de décryptage linguistique installé sur les omni-techs. Même le dialecte butarien - qui était, soit dit en passant, le dialecte " officiel " des Terminus - y figurait !

Les unités se plaçaient par ordre et ce n'était qu'au milieu du congrès qu'elles seraient invités à se mêler les unes aux autres, pour faire plus ample connaissance et préparer les examens interpolices du lendemain. C'est ainsi que Tricia tomba sur une technicienne des Delta Force, répondant au doux nom d'Amy. Sa beauté n'avait d'égal que ses compétences mais ses talents sociaux laissaient à désirer. Pourtant, après avoir fait plus ample connaissance, les deux femmes finirent par se donner rendez-vous le lendemain pour se la jouer en coopération. Et résultat, elles finirent parmi les dix premiers binômes sur cinquante et un, ainsi que dans les sept premiers trinôme sur trente-quatre. Par la suite, elles échangèrent beaucoup et Amy fut l'un des très rares soutien qu'elle conserva jusqu'à ce jour.


Tricia ne se trompait pas en disant qu'un militaire était souvent la cible. Précisément à ce moment, un type semblait lui jeter des remarques acerbes, qui, par chance, semblaient ne pas l'atteindre. Bien que n'étant pas en service, elle ne pouvait laisser impunément une bagarre se déclencher et, elle gardait toujours son écusson afin de prouver son appartenance. Aussi se rapprocha t-elle assez rapidement en voyant que l'homme se préparait à combattre. Cela se sentait dans son attitude, dans son regard. Tricia décrivit un arc de cercle pour le prendre par surprise et, au moment où il allait frapper, bloqua son bras tout en lui donnant un coup bien placé dans l'arrière du genou, qui le déséquilibra instantanément.

Au sol, elle sortit son écusson pour dissuader tout autre imprudent d'intervenir, et hurla : « SSC ! La situation est calme et maîtrisée, reprenez vos occupations ! » alors que l'humain gesticulait au sol. Ce fut à ce moment précis que les deux compères de Tricia débarquèrent dans le bar, et lui lancèrent, le sourire aux lèvres : « Alors Pearson, jamais en repos hein ? » avant qu'ils sortent une paire de menottes et les passent à l'ivrogne. « Je vous le laisse puisque vous me proposez si gentiment de me relayer ! » fit-elle avec un petit sourire en coin. Puis elle se tourna vers Hadès, et se présenta en tendant sa main : « Agent Pearson, du SSC. J'apprécie votre calme, d'autres n'auraient pas hésité. Je vous paie un coup ? » fit-elle en voyant le verre presque vide devant Hadès.

Ses deux collègues auraient tôt fait de revenir, ils avaient juste à le confier à l'agent de garde au poste et à revenir. Un « travail » plus long que barbant puisqu'ils seraient probablement revenus dans dix minutes. Pendant ce temps, Tricia comptait s'intéresser un peu plus à la femme qu'elle avait devant elle.