En dépit de la guerre contre les Moissonneurs le monde de Thérum avait rapidement repris une certaine activité, notamment en raison de la richesse potentielle de la planète. Ainsi plusieurs industries s'étaient réimplantées pour exploiter les ressources minières, quelques laboratoires de l'Alliance les accompagnaient pour s'occuper des Moissonneurs et éviter les incidents liés à leurs carcasses.

C'était là la principale raison qui poussait le Protocole Gris à sortir de sa tanière pour enquêter ; le principal avant-poste humain avait cessé ses rapports, ça et plusieurs disparitions récentes laissaient supposer une certaine activité du Moissonneur. La frégate se posa et, quelques minutes plus tard, l'équipe d'intervention sortie.

" Déployez-vous ! Gardez un œil sur l'étanchéité de vos combinaisons je ne veux pas voir l'un de vous s'effondrer pour cause d'insolation."

Le vaisseau s'était posé à quelques kilomètres des installations, et donc de la carcasse, pour raison de prudence, officiellement ils n'avaient pas le droit de se trouver ici, un peu de marche était donc au programme.




Un autre vaisseau, plus petit, ne tarda pas à s'approcher de la surface de la planète, prenant bien soin de s'éloigner de toute forme d'activité pour atterrir et débarquer ses passagers. Thérum n'avait pas accueilli ce genre de passagers depuis des millions d'années, mais pour eux elle n'avait pas fondamentalement changé. Dassos et spirits étaient toujours forcés de porter les tenues de protection en raison de la chaleur alors que ker-koons et trylans s'y promenaient en toute quiétude, leur monde d'origine était bien plus chaud que cette planète.

Valeran observa les environs, son regard se posant sur la carcasse du Moissonneur avachi sur le sol à quelques kilomètres de là. Une expression de haine se peignit sur son visage, il haïssait cette chose plus encore qu'il haïssait les humains, ce qui n'était pas peu dire, et pour cette mission il allait devoir composer avec les deux pour, en plus, laisser des survivants. Une bien mauvaise journée en perspective.

Était-ce la planète de Thérum, les récents évènements ou la nature de la mission ? En tout  cas une chose était certaine : les hommes du Protocole n'étaient pas très causants aujourd'hui. Surveillant leurs arrières, les mouvements soudains et autres bruits suspects, l'ambiance était pesante. Seul le bruit des rasades d'eau que s'accordaient les membres de l'escouade brisait un peu cette impression en rappelant une activité vivante.

Aïko menait ses hommes avec l'assurance d'un officier d'expérience et, bien que certains expriment encore quelques réserves, elle s'était imposée assez facilement à l'escouade. Le groupe adoptait ainsi une formation semi-dispersée, les snipers au centre, protégeant Béliane ; cette dernière portait un équipement plus encombrant que les autres. Il s'agissait d'un générateur de bouclier portatif, celui-ci créait ainsi un champ de force protecteur autour du groupe de manière à s'ajouter aux protections individuelles. Sa vocation était simple : limiter l'efficacité de tirs de sniper afin d'éviter des pertes ; très utile en cas d'attaque surprise, ou ce genre de tirs arrivaient en premier, il saturerait très vite sous un feu nourri pour perdre toute efficacité ; en somme ce n'était qu'une protection temporaire.

Traînant les pieds dans la cendre et la terre, le groupe s'approcha bientôt des installations de l'Alliance ; il s'agissait d'un petit camp construit contre le Moissonneur lui-même. Une petite muraille de fer avait été déployée autour des bâtiments mais son efficacité s'avérait contestable puisqu'elle s'avérait percée en plusieurs endroits. Des traces de coups de feu et de griffures laissaient présager du pire.

" On garde l’œil ouvert ! Personne ne s'éloigne du groupe ! "

Avançant avec une prudence redoublée ils s'approchèrent de la porte, ouverte, et observèrent l'intérieur ; outre deux tourelles, visiblement désactivées faute d'énergie, ils purent apercevoir...

" Zombies ! "

En effet plusieurs cadavres ambulants déambulaient à toute vitesse dans le camp, certains déjà couchés, et s'étaient tournés dans la direction des nouveaux venus, délaissant leur ancienne tâche pour celle-ci.

Gelk éclata d'un rire sauvage alors que l'ambiance changeait. La tempête approchait !




Son casque masquait son expression de profond mépris, mais la voix de Valéran était au moins aussi informative lorsqu'il répondit à Victoria :

" Ma mort n'a pas la moindre importance humaine ! Sitôt que mon corps reposera froid sur le sol Vélusion me relèvera comme il l'a déjà fait ; ma mort ne servira qu'à désigner celui de nos ennemis qu'il faut abattre. "

La discussion était close, le commandant spirit n'avait aucune intention de faire durer la conversation ; ce combat n'avait pas réellement de sens pour lui de toute manière. Pour son peuple le champ de bataille était un bon moyen de faire le tri entre les bons et les mauvais éléments, entre les forts et les faibles ; de fait partir du principe qu'il fallait sacrifier des hommes et que ceux-si seraient ressuscités par la suite tenait de l’aberration pour lui.

Des bruits de coups de feu le ramenèrent à la réalité ; se tournant vers ses éclaireurs il les interrogea du regard alors que ceux-ci lui pointaient une direction du doigt. Observant la scène à travers le viseur de son fusil, ce qu'il aperçut le fit se figer.

Le Protocole Gris était déjà là, en train d'affronter des zombis. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Vélusion n'avait pas parlé de ces créatures. Une équipe de secours humain était-elle déjà venue pour tomber entre les griffes du Moissonneur endormi ? Cela perturbait le plan mais pouvait, à bien y réfléchir, s'avérer utile si exploiter correctement. Restait à adapter un peu le plan.

Quoique... ces créatures étaient étonnamment nombreuses pour une simple équipe de secours, où qu'il observe dans le camp il en apercevait d'autres.

La tentative de Lionel avait quelque chose d'audacieux mais manquait de réalisme, un omnitech ne pouvait espérer alimenter deux tourelles de défense ; il fallait au moins un Mako pour y parvenir. De fait les structure s'animèrent quelques instants avant de retomber, inertes...

Ceci dit la vague de zombies fut encaissée correctement, les zombies étaient certes nombreux mais leur manque de véritable stratégie les rendait peu dangereux pour une troupe bien préparée. Les hommes du Protocole Gris ouvrirent le feu avec méthode, abattant les créatures les unes après les autres, les ralentissant régulièrement à coup de stases.

Pourtant un imprévu se glissa dans la routine de l'attaque : les zombis battirent soudainement en retraite, un repli organisé certes mais un repli tout de même. L'escouade resta quelques instants interdite en observant la scène.

" Ces choses commenceraient à réfléchir ? "

C'était une nouvelle peu réjouissante.

Un coup de feu troubla la réflexion d'Aïko, elle chercha d'instinct la source du tir sans se préoccuper du zombie qui l'avait encaissé. Elle aperçut alors, situé sur le toit d'un des bâtiments à deux étages du sol, une silhouette leur faisant signe d'approcher.

" Un survivant ? "

Était-ce seulement possible ? Probablement un rescapé d'une patrouille revenu tardivement ; mais même ainsi il avait réussi à survivre aussi longtemps sans pour autant parvenir à envoyer un appel de détresse.

" Descendez ce mec au moindre geste suspect ! On ignore s'il est dans notre camp et si oui pour combien de temps. "

Alors que la troupe se mettait en route des bruits de fusillades lointains se firent entendre, dans la direction opposée à la leur. La situation se compliquait.



Mais qu'est-ce que c'était que ce délire ? Les zombis ne s'étaient pas repliés, ils avaient juste changé de cible. Les soldats de Valéran avaient observé leur approche avec une appréhension croissante jusqu'à ce que leur commandant perde patience et donne l'ordre d'ouvrir le feu.

Les synthétisés avaient pris du retard et en dépit de leurs capacités ils ne purent échapper aux corps-à-corps ; fort heureusement ce furent les spécialistes qui l'engagèrent. Valéran menait sa contre-charge aidé des ker-koons de l'escouade et s'en sortait honorablement. D'un mouvement d'épée il fit voler la tête d'une des créatures, se concentrant sur le combat pour oublier ses interrogations. Un autre zombi se jeta dans sa direction. manquant de temps pour l'intercepter de sa lame il brandit sa main gauche dans sa direction et déclencha son système cryo. Une ouverture se dessina dans la paume de sa main d'où fut expulsé un liquide extrêmement froid. Le zombi se transforma en statue de glace en quelques secondes. Le spirit regarda autour de lui alors que ses hommes terminaient de tailler en pièce la vague assaillante. Le flot s'était tari et la victoire était leur pour le moment ; bien que cela n'expliqua en rien la raison de cette attaque.

Il se posait cette question lorsqu'une douleur fulgurante se fit ressentir au niveau de son avant-bras droit. Un coup d’œil lui permit de voir que celui-ci venait d'être pulvérisé par le tir d'une arme lourde, un fusil de sniper probablement. Sa deuxième réserve cryo avait explosé sous l'impact et ce qui lui restait de bras venait de geler. Valéran poussa un hurlement de douleur.

" Bordel ! "

Le coup était signé. Rares étaient ceux à connaître le point faible d'un cryo, moins nombreux étaient ceux capables de l'atteindre de loin et moins encore à savoir choisir leur moment pour l'atteindre en un seul tir. De mémoire il n'y avait qu'un seul qui eut osé lui infliger pareil humiliation.

" Cooldaran ! "

Il avait hurlé ce nom, la douleur éclipsé par la rage ; il devinait sa silhouette sur le bâtiment et l'inévitable sourire moqueur qui devait s'afficher sur son visage.

L'explosion provoquée par la décharge d'énergie biotique pris les membres du Protocole Gris par surprise, personne ne s'était attendu à recevoir pareille attaque. Heureusement entre le mur, les armures et la résistance naturelle l'assaut avait fait plus de peur que de mal ; plus impressionnant que réellement efficace, ce genre de déploiement avait surtout pour but de marquer l'adversaire et de le pousser à flancher. Le genre de manœuvre qu'on emploie pour commencer ou terminer un combat.

Aïko s'était relevée aussi vite que possible... pour constater que l'ennemi s'était mis à couvert ; quel était le sens de cette manœuvre ? Cela donnait juste l'impression de s'être fait mettre un coup de pied aux fesses par un illustre inconnu ; la moutarde lui monta au nez mais elle se contrôla, il fallait rester concentrer.

Un coup de feu depuis le toit atteignit une cible dans le bâtiment d'en face, au vu du bruit de l'impact elle en conclut que quelque chose avait été touché ; parfait. Concentrant sa biotique elle envoya une singularité à proximité ; il était peu probable qu'elle affecte directement l'ennemi mais ce que contenait l'endroit... a moins qu'elle soit maudite au point d'avoir lancé la singularité à proximité d'un lieu complètement vide.
Enfin... l'important était que l'ennemi, qui qu'il soit, soit entravé dans ses mouvements. Prenant une grenade à sa ceinture elle la dégoupilla avant de la propulser en direction de la fenêtre ; l'explosion ne tarderait pas.



Beaucoup de bruit pour rien. Cette humaine avait ébranlé la structure du bâtiment, faisant rater son tir à Cooldaran. Il jura en insérant une nouvelle cartouche thermique dans son fusil de sniper.
Les assaillants s'étant mis à couvert il se crut condamner à l'observation ; heureusement un mouvement à une fenêtre capta son attention : un pistolet. A travers la lunette il reconnut un dispositif d'observation ; un sourire moqueur apparut sur son visage.

" Échange de bons procédés. "

Il appuya sur la détente et eu la satisfaction d'observer l'arme voler en éclats. Il rechargea, constatant avec satisfaction que ses alliés n'avaient pas chômé ; lorsque la grenade fut lancée une ouverture se créa. Un dassos s'écroula, le crâne pulvérisé par une balle à distorsion. les autres parvinrent à esquiver l'explosion, l'humaine en revanche...

" Viens par là ! "

Avait été tirée de sa cachette par une attraction avant d'encaisser une série de frappes biotiques ; Cooldaran leva un sourcil en observant le déploiement d'énergie biotique. D'où est-ce que sortait cette femme ?

Des tirs venus de l'extérieur lui rappelèrent Valéran ; bien que blessé le commandant spirit avait pris la tête de l'assaut avec ses hommes, tentant visiblement d'offrir un répit à son avant garde. L'un des trylans qui l'accompagnait s'écroula, victime du sniper.

" Il est temps de voir laquelle de nos doctrines est la plus performante Valéran. "

Coolduran jeta les restes de son fusil et prit un pistolet à sa ceinture ; cette humaine s'avérait beaucoup plus audacieuse que prévu mais cela n'avait pas la moindre importance. Finalement son action se résumait encore une fois en beaucoup de bruit pour rien. Ce n'est pas l'effondrement d'un étage entier qui le perturba outre mesure ; lui aussi possédait un système de jet-pack.

De fait alors qu'il descendait derrière le bâtiment le spirit avait ses ennemis en visuel ; il visa de son arme et logea une balle dans le crâne de l'un des dassos avant d'atterrir à côté de l'humaine. Celle-ci, dans un réflexe défensif, tenta de le frapper mais Coolduran fut plus rapide. D'une main il lui déversa sa charge cryo ; à moins d'un mètre de distance la pauvre fut complètement gelée en quelques secondes.

Bien entendu ses deux derniers hommes entreprirent de la défendre, poussant le spirit à fuir l'affrontement, sa cadence de tir était trop faible pour les fusillades à courte portée. Ses boucliers encaissèrent le choc le temps qu'il tourne au coin du mur et se mette à couvert, il en profita pour recharger. Avec cette furie mise au sol il bénéficierait d'un répit et peut-être même d'une opportunité ; les deux restant pouvaient lui porter assistance, et ainsi lui laisser placer une balle mortelle, ou se replier en emmenant leur commandant. Sachant que la glace mettrait du temps à fondre et le corps plus encore pour s'en remettre le nombre d'ennemis s'était réduit.


Un système de propulsion ! Aïko pesta intérieurement alors que cet escouade d'assaut biotique filait au dessus d'elle pour frapper leur mystérieux allié ; elle eut le temps d'apercevoir à leur passage des objets qu'elle pu reconnaître : des charges de démolition.

" Sortez de là ! "

Le choc de la précédente attaque s'étant dissipé les hommes du Protocole se redéployèrent rapidement à l'extérieur ; mais le temps qu'ils s'exécutent le deuxième étage avait sauté et une autre menace se profilait. L'escouade de Valéran ouvrit le feu mais Hasegawa redirigea sa barrière pour intercepter les tirs le temps que les ingénieurs de l'escouade placent des champs de protection. Ceci fait les hommes du Protocole disposaient d'une position de tir appréciable sans être parfaite.

" Visez en priorité ceux qui s'approchent. "

En disant cela elle parlait très clairement de ces êtres de grande taille à la peau rougeâtre, les espèces de bâtons qu'ils portaient à la main ne lui inspiraient rien de bon, ce n'était pas des armes à feu. Fort heureusement il n'était que deux et la maîtrise de son escouade sonna la mort de l'un d'entre eux dans les secondes qui suivirent grâce à une surcharge bien placée suivit d'un tir précis de Maetlen. Le deuxième se montra plus prudent et attira à lui une plaque de métal pour le protéger des tirs avant de se replier pour contournement.

Valéran commanda personnellement la deuxième vague d'assaut en lançant une attaque aérienne avec les autres spirits, soit dix hommes en tout. Le mouvement pris certains hommes par surprise, trois d'entre eux périrent sous les vagues de flammes que leur déversaient leurs ennemis, même diminué Valéran restait hargneux. La contre-attaque ne tarda pas. Gelk, en pleine furie, avait saisi un spirit cracheur de feu par le bras et s'en servait comme massue ; si la manœuvre avait touché les deux camps les spirits étaient plus groupés et la subirent d'avantage. Aïko usa sa biotique pour frapper alentour, déstabilisant encore d'avantage l'ennemi pour pouvoir les descendre en paix. Visiblement ils n'avaient pas l'habitude d'un tel répondant après cette manœuvre, quatre spirits étaient déjà morts. Des combats au corps-à-corps s'engageaient mais les assaillants étaient très expérimentés en la matière, et pour compenser leur faible nombre les trylans, restés en arrière, déchargeaient leurs armes lourdes sur tout adversaire restant à distance.

Le dernier ker-koon de son côté tentait une manœuvre de contournement, contribuant ainsi à se faire oublier, quand il aperçut les zombis. Ils revenaient. Nombreux.

Aïko sourit en voyant le bouclier de métal improvisé être réduit en miettes par une grenade, ce sentiment se renforça lorsque le cadavre amoché entra dans son champ de vision ; c'était tout simplement parfait.
Malheureusement une nouvelle vague de zombis venait de faire son entrée, cela faisait encore plus d'ennemis et son escouade était déjà dispersée... Elle serra les dents et expédia une série d'ondes de choc qui dispersèrent la première rangée, gagnant ainsi quelques précieuses secondes.

Cela dit la situation n'était pas particulièrement rose, l'assaut aérien avait laissé des marques et seuls les zombis avaient empêché les tireurs de hacher menu me reste de l'escouade. L'effet de surprise avait douloureusement joué, pour le moment mieux valait se reculer pour tenir des positions plus acceptables.

" Tirs de suppression ! On sort de là ! "

Epaulant son fusil, Hasegawa montra l'exemple en ouvrant le feu pour abattre le spirit le plus proche et forcer les autres à reculer. Progressivement, mètre par mètre, les hommes du Protocole Gris laissaient le terrain à leurs adversaires. Ceux-ci semblant se combattre, il était plus prudent d'attendre pour achever le plus faible après coup, et dans le pire des cas il serait plus aisé de les perdre dans les montagnes.



Cooldaran vit les dassos emmener leur commandant à couvert, usant leurs dernières forces pour se protéger d'un éventuel tir d'opportunité ; cela n'aurait probablement pas été suffisant si les secours n'avaient pas choisi cet instant précis pour se replier. Il était hors de question qu'il se laisse abandonner sur cette foutue planète.

Le spirit quitta son abri pour rejoindre l'escouade, prenant juste le temps de décharger son arme sur l'un des zombis avant de recharger. Il garda un œil sur Valéran, lequel s'ingéniait à regrouper ses hommes tout en maintenant les zombis à l'écart ; nul doute que lui et ses hommes reprendraient bientôt assez de forces pour lancer une autre offensive, d'autant que la glace allait bientôt fondre. La question était : contre qui serait-elle menée ? Les zombis bloquaient la retraite mais le Protocole Gris était en voie de repli. Se sauver ou emporter l'ennemi avec soit ?

La pression se relâchait, les zombis cessaient de venir et leurs mystérieux assaillants avaient cessé la poursuite ; Aïko s'autorisa un soupir de soulagement. Les systèmes de soutien expérimentaux ajoutés à son armure avaient correctement joué son rôle lui permettant d'éviter la même scène que la dernière fois.

Arrivés dans les hauteurs rocheuses entourant la zone d'action, le groupe s'arrêta et reçut la permission de souffler quelques instants.

" Faites le compte des morts ! Occupez-vous des blessés ! "

Il restait cependant une question d'importance : le mystérieux allié ; de loin certains membres du groupe l'avait pris pour un humain mais c'était désormais impossible de confondre, surtout maintenant qu'il avait éclairci la vitre de son casque. Ses cheveux blancs n'étaient pas preuve d'inhumanité, à l'inverse de sa coloration, légèrement jaune, et de ses oreilles majoritairement intégrées à la structure même de son crâne. De ce que Hasegawa avait compris, via les sources de Protocole Gris, il s'agissait d'un spirit, une race ancienne issue d'un cycle vieux de six millions d'années. L'ennui était que les seuls représentants de cette ethnie rencontrés servaient dans le camp de l'ennemi et présentaient un nombre assez élevé d'implants Moissonneur. Celui-ci semblait échapper aux deux mais avec les Moissonneurs Aïko avait appris à se méfier, rien n'était simple. Elle braqua donc son arme sur lui, exigeant qu'il lâche la sienne.

" Tu as intérêt de trouver une excellente explication. "

Cooldaran s'exécuta et laissa tomber son pistolet avant de lever ses mains ; malgré ça il restait impassible.

" Je suis Lesten Cooldaran, commandant du premier bataillon franc-tireur, jadis au service de la confédération spirite. "

Les soldats restèrent interdits quelques instants, tentant d’assimiler les informations ; seuls certains, dont Aïko parvinrent à les comprendre.

" J'ai été réimplanté il y a de cela une semaine dans ce laboratoire apparemment en plein milieu d'une attaque, les mêmes que ceux qui ont débarqué peu après votre arrivée. Un groupe de zombis a débarqué au même moment et j'ai pu profiter de la confusion pour me sortir de ce bourbier ; de ce que j'ai pu comprendre ce sont les zombies qui ont eu le dessus, jusqu'à votre arrivée bien entendu. A ce sujet je suppose que vous n'êtes pas une équipe de secours. "

Si cet individu était réellement vierge de tout contrôle Moissonneur il pouvait s'avérer extrêmement profitable de le sécuriser, mais seulement si... Elle balaya du regard le reste de l'escouade à la recherche d'une opinion ; peut-être avaient-ils vu quelque chose qui puisse permettre de prendre une décision.





En dépit de leur infériorité numérique et de la réduction de leurs effectifs les soldats de Valéran parvinrent rapidement à reprendre l'ascendant sur les zombis ; le feu dévastateur des trylans fauchant aisément les frêles créatures endoctrinés. En quelques minutes l'assaut avait cessé.

Valéran observa l'un des cadavres alors que son "sang" s'écoulait sur le sol ; pourquoi ces choses les avaient attaqués ? Ils n'étaient pas censés être leurs alliés ? Ce Moissonneur avait-il pété une durite ? Il jura intérieurement ; ce n'était pas qu'il n'aimait pas réfléchir mais en tant que militaire il avait horreur de faire le travail des scientifiques et des espions. A chacun son travail. Pour ne rien arranger cette humaine avec laquelle il partageait le commandement revint, vivante évidemment, avec son détestable air moqueur.

" Pour le moment je suis juste tenté de faire le ménage dans ce poulpe géant et de le faire exploser avec la montagne. "

L'endroit était compromis, d'autres ennemis s'étaient présentés pour leur faire obstacle, le nettoyage était donc tentant mais pas forcément aisé, surtout si l'Alliance décidait finalement de venir enquêter ; de plus la réaction du Moissonneur était étrange et sa destruction pouvait priver Vélusion de la possibilté d'étudier cette incohérence.

" Mais je crois que le mieux c'est de nous tirer. "

Protocole Gris était pour lui de l'histoire ancienne, perdre d'autres hommes pour attaquer des ennemis en position avantageuse ne l'emballait guère ; il n'avait pas peur de la mort certes mais la perspective ne l'enchantait pas pour autant.

Cooldaran poussa un soupir en observant les réactions, quelque soit l'époque dans laquelle il débarquait elle n'était pas spécialement encourageante ; il était moins braqué que la plupart des siens à l'égard des humains, mais n'en restait pas moins que le conditionnement auquel l'avait soumis la fédération avait une influence. Enfin... il se targuait d'être adaptable...

" Écoutez, la dernière chose dont je me souvienne avant ces évènements c'était de ma participation à la défense de Kalmaën dans l'espace ker-koon ; on attendait la venue de ces choses. "

Il pointa du doigt la carcasse du Moissonneur.

" Et vu l'objectif de ces créatures j'en conclu qu'on a perdu la guerre. "

Il poussa un autre soupir ; il ne s'était pas attendu à autre chose.

" Toujours est-il que certains êtres de notre cycle avait mis au point une méthode permettant de "sauvegarder" un individu sous un format numérique afin de le réimplanter en cas de décès. J'ai cru que c'est ce qu'il se passait il y a six jours mais... on dirait que ce n'était pas le cas. "

Combien de milliers d'années, si ce n'est plus, c'était écoulées depuis sa mort ? La question n'avait guère d'importance et la réponse aurait probablement juste contribué à le vieillir moralement.

" La première chose que j'ai vu c'est un de ces mecs..."

Il pointa du doigt la direction d'où venait les assaillants.

" Se faire démembrer par un groupe de ces cadavres ambulants ; à partir de là j'ai agi à l'instinct, j'ai ramassé la première arme que j'ai trouvé et j'ai fait le ménage pour me dégager une sortie. J'ai réussi à trouver des vivres et de l'équipement dans les baraquements entre deux course-poursuites avec les cadavres ; ma spécialité était l'infiltration en milieu hostile, autant dire que ce n'était pas plus dangereux que ça pour moi. En revanche je n'ai envoyé aucun signal, à qui devais-je m'adresser ? J'espérais que quelqu'un l'avait fait et que des secours étaient en route ; quand je vous ai vu arriver je me suis mis sur le toit, autant pour vous couvrir que pour essayer de vous identifier. "

Encore une fois il pointa le campement du doigt.

" Parce que les mecs qui m'ont ramené à la vie n'avaient vraiment pas une tête sympathique, je ne compte pas le nombre d'implants bizarres qu'ils portaient ; pour un peu j'aurai pu confondre les deux camps. "

Lionel avait parlé en dehors de ce qui lui était permis mais d'une certaine manière elle l'avait cherché, qui plus est elle était trop fatiguée pour le reprendre.

" Moi je dis qu'il faut le buter ! On prend pas de risques et s'en lave les mains ! "

Jenar appuya sa déclaration en changeant sa cartouche thermique, prêt à s'exécuter.

" -Et nous priver de toutes les infos qu'il pourrait avoir ? S'il est vraiment de la même race que nos ennemis ça pourrait être utile de l'interroger non ?
-S'il est sous influence Moissonneur on peut l'interroger autant qu'on veut il nous dira rien d'intéressant.
-Si lui casse ce qu'il faut il sera incapable de nous couillonner. "

Aïko soupira avant de prendre sa décision.

" Faites en sorte qu'il ne puisse plus faire le moindre mouvement ; nous l'embarquons pour interrogatoire. "

Jenar se mit à bouder alors que sa suggestion était ignoré, Cooldaran se laissa garroter sans se plaindre ; et ainsi l'équipe retourna jusqu'au vaisseau. La mission ne s'était pas passé comme prévu et il faudrait informer sur le danger que représentait ce Moissonneur, mais au moins il y avait un lot de consolation.