Où trouver un Spectre ? Au Présidium, évidemment. Dans l'une des ailes surveillées où n'entrait de base qu'une poignée de gens bien spécifiques, au bout d'un escalier gardé et dont l'entrée se faisait soit sur demande, soit sur présentation d'un badge. Passé les portes, on entrait dans un monde magique où se trouvait globalement trois bureaux, une armurerie, une salle d'entraînement, une salle de réunion et un espace café.
C'était à peine exagéré. Le « QG des Spectres » comme on pouvait l'appeler n'était pas aussi important qu'on se l'imaginait, pour la bonne raison que les Spectres n'avaient pas de QG à proprement parler. Chacun menait sa vie de son côté, passant en coup de vent plus qu'étant installé sur la Citadelle.

C'était le cas pour Ravi Vertax. Si elle occupait pour le moment un bureau fermé à double tour à travers les fenêtres duquel une douce lumière artificielle s'infiltrait, il y a deux jours, c'était sur Palaven que la belle se trouvait. Mais son réseau d'information n'avait pas besoin d'elle pour s'alimenter et malgré le sommet des Primarques, les divergences politiques n'étaient pour le moment que rumeurs et jeux d'intrigues à la façon des Turiens. En somme, rien qui ne demandait son attention immédiate. Sans compter que l'occasion était trop belle pour la refuser.

La biotique, allongée sur la chaise d'une façon aussi disgracieuse que possible, s'amusait à faire léviter une plante verte. Un exercice simple, qui ne demandait pas beaucoup de concentration pour ce poids, et qui la divertissait. Les feuilles bougeaient bizarrement en l'absence de gravité, et le simple fait de venir les chatouiller provoquait une danse presque hypnotique. Elle pouvait ainsi tuer les minutes qui restaient avant l'heure fatidique. Elle aurait mis sa main au feu que de toute façon, Alec serait en avance.
Alec Sykes. Son dossier était encore ouvert sur l'ordinateur, affichant sa photo, un résumé détaillé de sa carrière et, plus en avant, les évènements qui avaient mené à son ticket d'or. Une place officielle chez les Spectres, sur invitation du Conseil lui même.
C'était un bon élément. Oh, coincé comme un Humain qui aurait pris tous les balais de la Hiérarchie pour se les insérer, mais son sérieux et son sens du professionnalisme étaient presque aussi bon que celui d'un Turien. Il avait aussi l'avantage d'etre pire qu'un roquet une fois qu'il avait une idée en tête et le gros défaut d'être si paranoïaque qu'il serait fichu de se persuader que son ombre complotait contre lui.
Sans compter qu'il détestait le caractère peu orthodoxe de Vertax.
Et c'était à elle de le recevoir.

Il allait détester.

Elle allait adorer.

Et puis elle avait besoin de rire ces derniers temps. Plus le temps passait, plus elle se sentait... facilement agacée. Elle perdait patience. Riait moins facilement qu'avant. Et se montrait bien plus mordante. Elle savait pourquoi, faisait mine de l'ignorer. Pour le moment, son état n'était pas problématique. Et la Bête restait enfermée. Quand bien même les évènements qui commençaient à se dérouler sur Chasca commençaient à la faire rugir.
Ils auraient le temps d'enquêter dessus. Elle et lui.

Oh, comme la Turienne avait hâte de voir la tête de l'Humain.

Ils s'étaient déjà croisés deux fois. La première, sur la promesse d'un verre jamais tenu. La seconde suite à une mission de coopération. Et à chaque fois, le N7 avait affiché tout le plaisir qu'il avait eu à travailler avec elle.
S'il ne sortait pas en courant après qu'elle lui ait annoncé être sa tutrice officielle, elle pourrait partir du principe qu'il était VRAIMENT prêt à rejoindre les Spectres.

Encore cinq minutes avant qu'il ne soit dix minutes avant l'heure. Un râle d'exaspération fut son soupir; Sykes aurait pu avoir la décence d'être très en avance. Inutile de faire une sieste, elle n'aurait pas le temps de fermer les yeux. Lancer un jeu n'était pas non plus possible. Restait à lire et relire le rapport d'intervention.

Alors que la biotique attaquait le second paragraphe avec une passion dévorante et on ne peut plus visible, l'interphone se mit à sonner. La voix bourru d'un des soldats de la sécurité retentit, non sans avoir préalablement raclé sa gorge comme le voulait la tradition.

- Monsieur Sykes pour vous, Madame.

- Vous pouvez le faire entrer. Deuxième bureau sur la gauche, répondit-elle avant de faire danser sa main du bouton de réponse à celui de l'ouverture des portes.

Elle se retint de sourire quand les lourds panneaux de métal s'ouvrirent dans un chuintement, laissant apparaître un Alec sur son 31. Son escorte le laissa une fois les portes passées, et ils restèrent tout deux à se fixer dans le silence. Lui debout, elle assise (correctement, pour le coup).

La tête qu'il faisait valait tous les crédits du monde. Il faisait de son mieux pour ne pas se décomposer sous ses yeux et y arrivait .... disons qu'il y arrivait un peu. Sa mâchoire venait de se serrer avec force et il devait littéralement être en train de hurler intérieurement. Il ne respirait pas la sérénité mais pour atteindre un tel niveau de crispation...
Avec un sourire en coin, la femme lui fit signe de s'asseoir.

- Mettez-vous à l'aise, Sykes. Je ne vais pas vous manger. Thé ? Café ? Eau ?

Elle désigna d'un large geste un plateau placé de son côté sur le bureau.

- Je tiens à commencer par vous féliciter. Vous êtes officiellement apprenti Spectre. Un statut très provisoire, durant lequel vous travaillerez en binôme avec un Spectre plus âgé, qui sera chargé de vous évaluer, vous conseiller et faire un rapport au Conseil, établissant si vous êtes assez compétent pour nous rejoindre.

La tradition veut que ce soit votre tuteur qui vous accueille.

Aussi... Bienvenue, Monsieur Sykes.

Les mains croisés sous son menton, elle le regarda tenter de rester de marbre.

- Soyez délicat s'il vous plaît. Vous êtes mon premier...

C'aurait été un crime de ne pas faire cette blague.

- Dommage… Moi qui ai toujours été persuadé que vous aimiez être… brusquée.

- Seulement dans certains moments...

Le poisson qui se laisse ferrer n'est ni le plus intéressant, ni le plus amusant. Mais celui qui vous résiste, celui qui se tord et tente d'entraîner votre ligne au plus profond des eaux, voilà celui qui vous restera en mémoire encore longtemps après que vous l'ayez capturé - ou relâché.
C'était de cette façon qu'elle voyait cette joute pseudo romantique. Et voir que Sykes y mordait... C'était étonnant, mais bien plus plaisant. Peut-être qu'il avait finalement retiré quelques balais avant de venir ?

La Turienne répondit à son approche d'un sourire, s'appuyant sur le bureau, s'y couchant presque, feignant de lui laisser le dessus, allant même jusqu'à tendre la main pour appuyer sur le nez de l'Humain.

- Shboup, souffla-t-elle avec un rire, laissant retomber ses doigts.

Ils s'observèrent un moment ainsi, sans un mot. Pour un Humain, il n'était pas désagréable à voir. Elle l'avait déjà remarqué plus tôt, mais n'avait jamais vraiment pris le temps de s'y attarder. Dommage qu'il manquait de plaques et de mandibules; il aurait pu vraiment être très beau s'il avait été Turien. Malgré ce petit défaut, les plus mauvaises langues pouvait considérer qu'il était ... à son goût. Enfin, peut-être un peu. Qui sait ?
Ils finirent par retrouver un semblant de professionnalisme, laissant le bureau les séparer. La biotique s'assit à son tour, mais cette fois sans la moindre gêne; les pieds posés sur l'assise, ses genoux sur sa poitrine, elle laissait son dos s'appuyer en partie sur le dossard, en partie sur l'accoudoir. La position était confortable à son sens, aussi elle y resta, observant son apprenti. Le sujet de Chasca achevait de rendre un peu de sérieux à la discussion. Pourtant, la partie n'en était que remise.

Son air le plus neutre sur ses mandibules, la Spectre observa Sykes afficher différentes données dont elle possédait déjà la majorité. Les échantillons étaient nouveaux par contre. Elle les observa avec attention. La présence de biotique noire était avérée. C'était cette merde qui avait affectée les gens de Chasca et qui continuait, petit à petit, de les bouffer.
La femme garda les dents aussi serrés que ses poings, ses pensées envolées vers cette planète que le chaos bouffait. Une ombre de Caelus permanente, qu'il fallait erradiquer.

Erradiquer, oui. Déchiquetter, faire somber dans l'oubli et les abysses. Les uns après les autres, quitte à tout massacrer, quitte à tout faire brûler, poruvu qu'on expurge ce monde de cette trace infâme, pourvu qu'on le fasse disparaitre. Qu'importe qui le portait. C'était de toute façon des bêtes à abattre. Homme, femme, enfant.

Relâcher la Bête.

Et tout détruire.

Pas de pardon.

Pas de pitié.

Pas de retenue.

Se laisser somber.

Et noyer l'univers sous un flot de rage.

- Que diriez-vous d’entrer dans le vif du sujet ? Faites-moi ce cadeau et j’honore le verre que je vous dois depuis 3 ans…

La Turienne cligna des yeux, regardant Alec. Une seconde fut nécessaire pour qu'elle rassemble ses esprits et cloisonne à nouveau la Bête. Elle reprit son sourire, fut-ce-t-il clairement moins brillant qu'auparavant.
Est-ce que chacun se rendait-il seulement compte à quel point l'esprit de l'autre bourdonnait sous un nuage d'idées si personnel et si propre, portant chacun ses blessures à vifs ?

- Allons Alec ... Je ne vous imaginais pas comme ça. Je préférerais le verre avant que vous ... « entriez dans le vif du sujet », susura-t-elle avec un clin d'oeil appuyé.
Il fallait qu'elle se concentre sur lui. Quitte à en faire sa cible préférée et ne lui laisser aucun répit. Si elle pouvait se concentrer sur un point fixe, tout était bon à prendre.

Et le jeu reprit.

Le visage entre ses mains, ses coudes sur le bureau, elle regarda son apprenti, puis feignit d'enfin comprendre.

- Ooooh... Vous vouliez parler de votre apprentissage ? Choisissez mieux vos mots, Monsieur Sykes... Je pourrais finir par croire que je ne vous laisse pas indifférent sinon...

Elle reprit son sérieux dans un soupir. Elle finit par se lever et s'étirer tout en se mouvant dans la pièce. Elle n'aimait pas rester assise trop longtemps.

- Chasca est actuellement en quarantaine. Y aller nous condamnerait à y rester, sans que nous ayons les moyens, ni les informations nécessaires à notre survie sur une planète hostile face à une menace inconnue. Une expédition sera possiblement envoyée à terme, afin d'identifier l'étendue des dégâts. En attendant... Estimez cette colonie perdue, Alec.

...

J'espère... que vous ne connaissiez personne qui y résidait.

La peine, cachée derrière l'effet Dopler de sa voix, était sincère. Voir une planète de son peuple être corrompue sans rien pouvoir y faire devait être rageant, mais si en plus on avait des proches... Le déchirement ne pouvait être que difficile à supporter.
Les regrets et la compassion ne servaient à rien en ce moment. Il fallait voir de l'avant, se raccrocher à son devoir.

- Quand au déroulement de votre supervision.... Vous allez garder une bonne partie de votre indépendance. C'est après tout une caractéristique majeure des Spectres. Néanmoins, je vous contacterais lorsque je partirais en mission afin que vous m'accompagniez. Dans ce genre de moment, je vous demande une obéissance totale à mes ordres.
Si je vous dis que vous êtes libre d'agir comme vous le souhaitez, ne venez pas me quémander un ordre.
Si je vous dis de me suivre, vous ne me lâchez pas d'une semelle.
Si je vous dis de vous planquer et de vous barrer, que vous restez et que je survie, je vous jure que je vous collerais une rouste biotique comme vous n'en aurez jamais subit.

Enfin, vous comprenez le principe...

Je dois voir un contact d'ici quelques jours. Vous ne m'accompagnerez pas, aussi je vous laisserais faire ce que bon vous semble jusqu'à mon retour.

Bien. Maintenant que ses détails sont réglés...

Elle prit appui sur la chaise de Sykes pour pouvoir mieux venir souffler à son oreille.

- Si on reparlait de cette histoire de verre déjà ... ?

Si Alec n'existait pas, il faudrait l'inventer. Evidemment, on en profiterait au passage pour coller un tas d'améliorations, comme réduire le nombre de balais qu'il s'était enfoncé dans le fondement à son entrée dans l'Alliance et, si on voulait vraiment faire les choses biens, on le transformerait en Turien. Dans le cadre d'un travail fait à la vas-vite, on se contenterait du modèle actuel. Lequel était certes bourré de défauts mais savait se montrer surprenant. Qui aurait cru que Monsieur « Alliance je t'aime » se prêterait tant au jeu qu'il se laisserait aller à une caresse ? Même Ravi ne l'avait pas vu venir.

Elle ferma les yeux un instant, profitant de la sensation qui s'offrait à elle. Les doigts laissèrent une traînée chaleureuse, semblable à un fil de feu. Des souvenirs d'une vie passée lui remontèrent en mémoire. Des souvenirs heureux mais qui laissaient un goût amer. La Turienne aurait préféré ne pas y penser, ou passer dessus comme si de rien était. Elle n'y était pas arrivé. Sinon, pourquoi aurait-elle saisi la main d'Alec, la forçant à rester un peu plus longtemps ? Elle rattrapa le coup d'un sourire acéré, desserant sa prise.

- Tu as raison… Je crois que j’ai bien besoin d’au moins verre pour me détendre… Si on partait sur une adresse dans les Secteurs ? Le Présidium, c’est bien beau mais… terriblement ennuyeux.

- Alec, voyons... Je te croyais plus raisonnable... Un homme si respectable que toi voudrait s'encanailler dans les Secteurs ? Oh, je connais bien quelques coins mais j'imaginais que tu serais plus du genre à préférer un vin de qualité qu'une bière à pas cher.

Profitant de sa position, la femme vint étreindre le torse de l'Humain, le forçant à rester contre la chaise. Puis, d'un air soucieux jusqu'au bout des mandibules, elle vint poser sa tête sur son épaule, faisant mine de réfléchir. Ses mandibules battaient doucement, venant effleurer l'épiderme de son apprenti. Si ses souvenirs étaient bons, le cou ,c'était sensible chez les terriens.

- Mmmh... Le Calico est connu pour être un QG à Krogan, et se vante d'avoir une bagarre par heure au moins. Je déteste intervenir quand je suis en repos, et puis ce serait tellement dommage que nous soyons perturber dans notre petit ... tête à tête.

Une nouvelle fois, elle murmura ce mot avec tout les sous-entendus qu'il était possible de mettre en si peu de sylabes.

- L'Incendie ? Il parait que c'est un lieu de rencontre prisé. Je détesterais voir mon élève partir avant la fin de la soirée... Le Neptune est trop chic j'imagine. Je crois qu'il faudra partir sur l'Alchimie. Leur cocktail vaut le détour. Et la décoration est très floral. Presque... intimiste. Va pour ça ? Parfait !

Elle ne lui laissait pas de réel choix. Elle ne l'aurait de toute façon pas relâché s'il avait émis une opposition, ou même un couinement. Mais puisqu'il avait approuvé d'un signe de tête, il avait bien le droit à sa liberté. Pour le moment.

Ses mains se posèrent sur ses hanches, et la biotique le poussa doucement devant elle afin de le faire avancer. Si elle n'avait pas eu la moindre moral, elle en aurait profité pour lui pincer les fesses. Heureusement, c'était une femme de valeurs, qui n'avait fait que « glisser ».

- Par ici la sortie. Pour le reste, je te guiderais.

Ainsi prit-elle les devant, guidant Alec dans ce qu'elle aimait appeler « SA » Citadelle, dont elle connaissait la moindre rue.

Le duo quitta le quartier des Spectres pour traverser le Présidium. Ils rejoignirent la rue centrale, remontant les canaux, ignorant les chemins qui menaient aux ambassades, aux boutiques chics et autres services nécessaires qui gravitaient autour du coeur du gouvernement galactique pour préférer la bordure du secteur. On y retrouvait les ascenseurs et les taxis. Si le premier était gratuit, il avait l'inconvénient d'être toujours plein à craquer et d'obliger qui le prenait à changer de ligne, voir continuer son chemin à pied. Les taxis quant à eux étaient certes payants, mais réduisaient l'inconfort et le temps du voyage à presque rien. Sans compter que, selon qu'on résidait sur la Citadelle et les postes occupés, les prix pouvaient devenir dérisoires. Et l'automatisation possible des véhicules offrait une paix royale.

- Je paye la course. Et si tu es sage, le second verre. Je n'ai pas oublié que tu devais m'offrir le premier, lança-t-elle après s'être installée, tapotant la place à coté d'elle.

Comme on s'y attendait, les sièges étaient confortables, quoique la place n'était pas non plus faramineuse. Mais cette proximité permettait au Jeu de battre son plein. La Turienne s'étira, effleurant de son pied la jambe de Sykes.

- Oups ... J'oublie toujours à quel point on est à l'étroit ici. Je t'ai fais mal ?

Elle posa sa main sur son genoux, feignant une sincère inquiétude pour lui. Dommage que son sourire en coin ne la trahisse.

Le décor de l'Alchimie n'était pas particulier, d'une façon ou d'une autre. A vrai dire, il était assez semblable à bon nombre de bars : une piste de danse, un comptoir et un bon nombre de chaises et de fauteuils éparpillés un peu partout pour éviter une trop grosse proximité tout en laissant assez de coins sombres pour laisser la part belle à l'intimité. Mais c'était dans sa composition des lieux qu'il avait un petit quelque chose d'exceptionnel.
Construit sur deux étages, le bar était situé sous la piste de danse, seule partie réellement éclairée du lieu. Des escaliers étaient répartis un peu partout pour que les danseurs puissent y accéder sans avoir à suivre un long chemin compliqué. Et puisque les néons et les spots se trouvaient à l'étage, éclairant les écrans et les Asaris qui occupaient le podium, le reste de la salle était plongée dans une semi obscurité ambiante. Quelques leds de couleur réparties sur les tables et le chemin achevaient de nourrir des contrastes d'ombres et étouffer la lumière blanche qui ne devait briller qu'en haut. On pouvait distinguer et deviner bien des choses, mais bon nombres de détails disparaissaient dans les nuances de gris et de noirs qui composait une moitié de la boîte.
Enfin, dernier détail quant à l'architecture, la salle était entièrement ronde, composée de faux angles grâce à des panneaux pour éviter les vis à vis trop gênant et permettre d'installer en plusieurs endroits des banquettes au dossard délicieusement confortable.

Les baffles crachaient une musique techno à la mode. Parfois posée, parfois dansante et provocante, le DJ se chargait de mettre une ambiance au plus proche de l'humeur des danseurs, selon leur présence et l'engouement des danseuses à chauffer la salle - et pas que.

Mais ce n'était pas les Asaris peu vêtues qui intéressait le duo - en tout cas, pas pour Ravi - mais de se trouver un petit coin pour continuer leur Jeu. Au moins, dans la pénombre des lieux, personne ne viendrait les emmerder. L'Alchimie, après tout, se vantait de tenir particulièrement à la tranquilité et l'intimité de ses clients.

- Une bière Butarienne… Vous mettrez sur mon compte un verre du poison que demande la Dame…, lâcha Alec alors qu'ils s'arrêtaient un instant devant le comptoir. Le Galarien acquiesca doucement de la tête avant de tourner son regard ébène, tout juste bordé d'une fine ligne verte, vers Ravi.

- Un Absolu pour moi. Et... Service discret, finit-elle non sans lâcher un clin d'oeil complice.

Le barman hocha la tête, glissa un bâton lumineux portant un numéro dans leur direction, puis commença à faire ce qu'il devait faire. Sykes et Vertax, quant à eux, allèrent s'isoler dans un angle, choisissant une banquette de cuir comme décor du Jeux. L'Humain avait bon goût; elle était très confortable.
La Turienne posa nonchalament le numéro de commande, avant de se glisser à son tour près de son apprenti. Lequel brisa une fois de plus la distance d'une façon telle qu'il aurait suffit à l'un des deux de se pencher à peine pour finir collé contre l'autre.

- Alors… Qu’est-ce qui nous attend au juste ?

Elle feignit de ne pas avoir compris le sous-entendu.

- Et bien... Tu m'accompagneras là où j'irais... Tu obéiras à mes ordres... Tu feras ce que je dis en somme. Et tu me montreras... tes compétences.

La Spectre rompit la fine séparation qui restait entre eux, jouant de ses doigts le long du torse de l'Humain. Elle en profita quelques secondes avant de reprendre d'un ton évasif.

- Mais, si tu parles de ce soir, nous pouvons commencer par boire. Le service discret est on ne peut plus invisible, comme tu le verras.

Deux verres étaient désormais posés sur la table, remplaçant le bâton lumineux. Les pas du serveur n'avaient pas pu être entendus, couverts qu'ils étaient de toute façon par la musique lanscinante. Il avait agit comme une présence fantomatique, allant et venant sans imposer sa présence ni la laisser trop sous entendre.
Ravi laissa le N7 reprendre ses esprits, saisissant son verre pour en boire quelques gorgées. Le cocktail était doux, avec une pointe d'acidité et de fraîcheur du à l'utilisation de fruits et d'herbes, ainsi qu'un extrait d'une racine typique de Palaven pour donner un peu de relief à la boisson. Il aurait pu y avoir une petite ombrelle typique en guise de décoration, mais le Barman n'était sans doute pas de ce goût là. A la place, il avait préféré laisser un fruit rond au bout d'un bâton sobrement piqué d'une fausse perle colorée trainer dans son verre. Acceptable.

La Turienne suçota la sphère, s'amusant à la faire rouler sur sa langue alors qu'elle regardait Sykes. Lequel ne la lâchait pas du regard.

S'il la cherchait, aussi... Il n'allait pas la laisser gagner, et elle n'allait pas le laisser lui voler la victoire non plus. C'était un statu quo intolérable et, s'il fallait qu'elle lui arrache le succès des mains, elle le ferait sans hésiter.

Le fruit fut avalé tout rond.

Alec, lui, fut saisit par le col et approché de force de la femme pour mieux se retrouver à quelques centimètres à peine d'elle. Un sourire éclatant l’accueilli. Puis, elle lécha la commissure de ses lèvres, le temps d'un battement de cil, avant de le relâcher comme si de rien était.

- Tu en avais un peu, là ...

Le bout de sa langue la picotait mais le début d'allergie ne dura que quelques secondes et finit par s'estomper rapidement. Ce qu'elle subissait n'était qu'une goutte dans un océan, mais pour l'Humain... Ce pouvait bien être un ras-de-marée dans un lac bien clément.

Est-ce qu'elle allait lui laisser le temps de répliquer ?

Bien sûr que non. Elle n'avait pas fini de s'amuser.

Alors, pour achever le Jeu, la Spectre se colla contre lui, le retenant contre la banquette. Ses bras autour de son cou, une jambe par dessus la sienne, elle le dominait physiquement pour ce tour-ci, l'obligeant à rester contre elle.

- Et toi, vint-elle lui susurrer au creux de l'oreille. Qu'est-ce que tu attends de ce soir ?

Oh l'enflure.

Impossible de penser autre chose au vu du comportement d'Alec.

L'Humain avait décidé de se comporter comme le plus gros enfoiré de ce siècle, déshabillant du regard une Asari qui le couvait tout autant des yeux. La bleue avait sans doute fait mauvaise chasse et tentait de se rabattre sur un gibier plus alléchant. Gibier qui semblait plus que ravi de se faire saisir, quitte à y laisser des crédits dans la bataille. Vu la façon dont elle se tenait, il était évident que le Commandant payerait quelques rêves, s'il finissait par la rejoindre.
A quel résultat espérait-il arriver avec ce petit jeu ? La rendre jalouse ? La faire s'énerver ? Gagner ? Dans tous les cas, il se mettait le doigt dans l'oeil et ce jusqu'à l'omoplate. Ce n'était pas le genre de la maison, merci bien.
Quand bien même il avait réussi à la piquer au vif avec cette provocation. Mais elle n'allait pas s'emporter non. Elle en avait vu d'autre et puis, il en restait divertissant. Sans compter que son apprenti n'aurait été que trop heureux de la voir en position de faiblesse.

Ce n'était pas grave. S'il voulait jouer...

Ils allaient jouer.

La Turienne ne chercha pas un potentiel partenaire pour imiter grossièrement son élève. Non. Le résultat aurait été au mieux ridicule et dans tous les cas inefficace. Si Alec n'était pas intéressé - et il en avait parfaitement le droit, quoique ce dénoument aurait été frustrant-, en voir un autre n'allait rien donner de plus qu'une sorte de libération tacite. Et ça, la femme refusait totalement de le laisser s'échapper ainsi.
S'il devait perdre, il perdrait en abandonnant les armes, haut et fort, pas en profitant d'une voie de sortie qu'on lui offrait pour interrompre le Jeu.

La défaite serait totale. Ou elle ne serait pas.

Non, plutôt que de s'emporter ou de le rappeler à l'ordre, la biotique préféra saisir l'occasion tendue. Il allait s'en mordre les doigts. Mais n'avait-il pas totalement cherché, depuis le début qu'ils se connaissaient ? Si Alec n'avait pas été si Alec, leur rencontre aurait pu se passer bien différement.
Il était agréable de voir une autre facette du stéréotype pur de l'Humain Allianceux bravache coincé mais séducteur. Et le provoquer pour l'obliger à tomber le masque... C'était un divertissement délicieux.

Une moue déconfite s'installa sur ses mandibules alors qu'elle se lovait dans les bras de son élève comme une enamourachée, reposant sa tête contre son épaule. Elle se blotissait, profitant du moment pour récupérer un peu de chaleur humaine. C'était agréable. Quel dommage que tout soit faux.

...

Il lui fallait vraiment de la compagnie. Enfin, difficile de trouver le temps de rencontrer quelqu'un lorsqu'on était Spectre. Plus tard, peut-être, quand la Galaxie serait moins perturbée.

Elle souffla doucement un air chaud contre le cou de l'homme, s'amusant à observer la réaction naturel d'un frisson contre la peau.

- Alec, voyons... Sa voix était douce. Trop douce. Et le ton qu'elle employait était si sucrailleux que même du miel aurait pu paraitre amer à côté. De sa main libre, elle effleurait la joue de son jeune apprenti doucement du bout de ses griffes. Un rappel amical que, tout jeu que c'était, il ne fallait pas pousser le bouchon trop loin.

- Tu brises mon coeur, tu le sais ? Je ne te plaît pas, c'est ça ? Ma « charmante compagnie » n'est pas assez pour toi ?

Attrapant le cigare d'une main, la biotique l'écrasa dans le cendrier prévu à cet effet. Ses yeux verts ne quittaient pas ceux bleus de son apprenti, quitte à le forcer à la regarder en attirant son visage vers elle de ses doigts.

- Alec... Ne fais pas semblant. Je devine ce que tu penses. Je comprends, ne t'en fais pas. C'est normal après tout. C'est même commun à beaucoup d'hommes.

Ses lèvres s'approchèrent de sa joue, sa mandibule caressa la peau nue et, finalement elle murmura quelques mots dans un souffle venait lui chatouiller l'oreille.

- Si tu ne sais pas choisir... Tu peux nous avoir toutes les deux.

Elle n'aimait pas perdre. Il l'apprendrait vite.

Les choses avaient peut-être dérapées un tout petit peu. Mais alors vraiment juste une pointe. Ou peut-être un tout petit peu plus qu'une pointe mais à peine. Disons que là où Alec était censé fuir, trouver un prétexte quelconque et passer la soirée dans les bras d'une Asari passée par là pour oublier sa rouste face à une Maître es taquinerie, il avait préféré faire face à l'ennemi et embrasser une autre forme de défaite - ainsi que Ravi - toute entière. Et la Turienne s'était laissée faire. La surprise qu'elle avait ressenti dans un premier temps avait vite laissé place à l'avidité, la pressant de répondre au baiser. Alors elle avait resseré sa prise, glissé ses bras autour du cou du soldat et s'était pelotonné un peu plus contre son torse.

Ce n'était pas raisonnable.

Mais le Jeu ne l'avait jamais été après tout.

Il s'amusait de ses participants, les faisant danser à son gré là où ils pensaient avoir la main jusqu'à ce qu'il les appelle de ses sirènes. A partir de ce moment... On ne contrôlait plus rien. A force de jouer avec le feu, on se brûle disait l'expression. Et à force de jouer avec le Jeu, on finissait par subir une autre sorte de brulûre, du genre agréable pour la plupart des personnes.

Si la Spectre avait été un chat, elle aurait ronronné alors que son compagnon laissait sa main traîner sur son visage. Depuis combien de temps n'avait-elle pas ressenti un tel contact ? Pas longtemps et une éternité à la fois. On ne pouvait pas lui reprocher de courir après une forme de chaleur qu'on lui avait retiré il y a bien longtemps. Celle-ci était différente mais pouvait faire l'illusion pour une nuit.

Elle finit son cocktail d'une rasade puis en recommanda un second via la tablette sur la table. Elle lui avait promis de payer la seconde tournée et ne pas l'initier aurait réduit sa promesse à néant. Libre à l'homme de la suivre ou non. Ceci fait elle revint se coller à Sykes, laissant ses doigts courir dans ses cheveux. Une sensation étrange et rare puisque les Humains ne lui étaient pas vraiment habituels.

Autour d'eux, le monde continuait de tourner sur son propre tempo endiablé, au rythme de la musique électro de la boîte de nuit. Les faisceaux de lumière éclairaient la piste où des danseuses avaient repris leur show, dansant de façon sensuelles entre elles. Elles invitait les intéressés à les rejoindre d'un clin d'oeil aguicheur ou d'un déanchement qui frisait la limite du salace. Dans les différentes alcoves du club, les canapés s'étaient vidés des célibataires et même quelques couples s'étaient éclipsés plus ou moins discrètement. Ceux qui avaient décidé de rester dans le club bougeaient au son de la musique entêtante. Quant aux autres... Ils passaient sans doute un reste de soirée bien agréable.
Ce n'était pas forcément le cas de tout le monde. Loin sur le côté, dans le monde réel, l'Asari tenta de briser leur bulle par des regards langoureux et des moues séductrices qui n'accaparèrent pas l'attention comme elle le souhaitait. Alors, avec un claquement de sa langue sur ses jolies lèvres, elle retourna se concentrer sur son rendez-vous du soir avec l'un des plus beaux sourire forcé qu'il était donné de voir.

- Allons Ravi… Toi et moi on sait où tout cela nous mène…  Ce petit Jeu, le fait de se tourner autour depuis toujours…

- Te tourner autour ?, répondit-elle dans un rire. Je ne te tourne pas autour enfin. On pourrait plutôt dire que j'aime forcer les gens à sortir du rôle qu'ils se sont donnés. C'est encore plus drôle quand il s'agit d'un soldat coincé comme toi. T'es sûr de ne pas être moitié Turien d'ailleurs ? Je croyais qu'on était les seuls à avoir un balais dans le ...

La moquerie fut étouffée par un nouveau baiser mais n'interrompit pas totalement le gloussement. Elle laissa le début d'alcool qui lui montait à la tête guider ses sens et briser les dernières barrières d'une retenue qui pouvait avoir l'idée saugrenue de vouloir s'ériger soudainement. Des fois que.

- Toi et moi, naufragés d’une nuit prêts à partager un moment de réconfort et de passion… Quelle belle pensée, ne trouves-tu pas ?

Ah, une invitation qui la mettait au pied du mur. Si elle refusait, elle perdait. Si elle acceptait... Il gagnait ? Ils gagnaient au pluriel ? Est-ce que tout avait besoin d'avoir un gagnant dans cette histoire ? Il y en aurait bien un des deux qui remporterait le Jeu d'une façon ou d'une autre, sinon quel intérêt y avait-il à jouer ? Un ex-equao pouvait être sympa aussi...

La proposition fit le tour dans l'esprit de la Turienne alors que ses yeux verts fixaient intensément son potentiel amant du soir.

Dire qu'elle avait des sentiments pour lui était un mensonge qu'elle n'aurait pas cherché à envisager. Heureusement, ce n'était pas un prérequis chez elle pour passer un agréable moment dans le lit dans un autre. Et il fallait reconnaître qu'elle l'appréciait assez. Après tout, il était amusant et c'était une proie de choix pour les moqueries.

Au-delà de ce détail, Alec restait plaisant à regarder. Pour un Humain il s'entendait. Il possédait une sorte de charisme qui aidait à passer outre l'absence de carapace et de mandibules. Combien de femmes, toutes races confondues, étaient tombées dans les bras de ce séducteur en battant des cils face à son sourire façon pub pour dentifrice et sa carrure de mâle alpha ? Pas qu'elle puisse lui en faire le reproche. Elle avait son propre tableau de chasse.

Oui... Effectivement, plus elle y pensait, plus elle se rendait compte que c'était jouable.

La biotique but quelques gorgées de son nouveau verre, déposé là par une ombre de serveur. L'alcool était plus fort que le précédent et brut mais toujours aussi agréable. Et cette fois-ci l'ombrelle de rigueur était bien en place.

Ah... Cette proposition n'était tellement pas raisonnable.

- Alec, Alec, Alec... Est-ce vraiment sage ? Un apprenti et son Spectre qui passent une soirée ensemble par envie ? Ce serait totalement fou. Tu savais qu'on ne pouvait pas etre l'élève d'une Spectre appartenant à son espèce justement pour éviter les risques de favoritisme ?

Mais... mais ! Le monde est fait de mais, glissa-t-elle dans un roucoulement, il y a d'autres possibilités.

Son corps glissa le long de la banquette. Allongée, la tête sur les genoux du N7, elle le regarda avec un sourire éclatant. Elle prenait ses aises, jugeant une dernière fois la volonté de son futur élève avant de se décider.

- Disons que si deux personnes, ne sachant plus trop ce qu'elles font - l'alcool, ce fléau - se retrouvaient pour une nuit, une seule, dans l'appartement de l'un, si peu conscientes de leurs actes et qu'une fois revenu à leur sens elles partaient du principe que ce n'était qu'une malencontreuse aventure d'une nuit... Et bien, qui pourrait leur en vouloir ? Surtout qu'après tout... Tu n'es pas encore totalement mon élève. Je crois que ça ne prendra qu'effet à minuit. En fait, je n'en sais rien. On a qu'à faire comme si.

Ses doigts effleurèrent tendrement la joue d'Alec.

- Chez toi ? Je crains que chez moi soit trop ... moi à ton goût.
Et je préfère te prévenir, il est possible que je griffe un peu. Mais je peux me retenir, si tu n'aimes pas ça.
Et si jamais tu finis par te sentir trop impressionné, sache que je ne t'en voudrais pas si tu décides de faire marche arrière. Une femme comme moi après tout, je comprend que ça puisse en intimider plus d'un.

Ses dents étincelèrent. Il ne mordrait peut-être pas à cet hameçon là mais ... hé, elle n'avait pas pu s'en empêcher.

- Si tu avais été Turien... Ah, si tu avais été Turien..., roucoula-t-elle, laissant les mots flotter sans suite alors que les sous-entendus même pas voilés prenaient leurs aises dans le silence qui suivit ses paroles.

S’il avait été Turien, la Spectre n’aurait pas avancé à tâtons, cherchant à comprendre si Alec était sérieux ou non et à décoder les codes mystérieux de la drague humaine. Elle n’aurait pas tant minaudé à s’en faire mal aux mandibules ni joué sur la carte de la fausse jalousie pour s’accaparer son attention.

Encore que...

Non, s’il avait été Turien il n’y aurait rien eu de cela. La Spectre se serait fait un plaisir à jouer carte sur table, à mettre mal à l’aise un membre de sa propre espèce et aurait retiré avec encore plus de plaisir que maintenant le balais réglementaire qu’un bon nombre de ses comparses avaient.

En un sens, elle aurait été bien pire que maintenant dans une drague éhontée et une absence de limite à en faire rougir une Asari.

Mais Alec Sykes était Humain et il avait le droit à la partie la plus polie et hésitante d’une Ravi Vertax qui ne connaissait pas tous les codes sociaux de son espèce et se préparait mentalement à ce qui promettait tant d’être une découverte qu’une très mauvaise idée une fois qu’ils s’en rappelleraient dans six mois. Ou un très bon souvenir. Ils le sauraient très bientôt.

Les doigts de l’Humain s’amusaient à courir sur le visage de sa pseudo captive, s’attardant sur sa crête pour un massage improvisé mais néanmoins pas désagréable. La Turienne gigota un peu, pour l’honneur, alors que ses yeux verts fixaient ceux bruns de son collègue.

- Ceux qui arrivent à me supporter disent que me fréquenter devient presque acceptable au bout d’un moment ...

Elle ria de sa propre dérision et un peu pour la façon dont Alec venait de lui chatouiller une zone sensible, juste derrière une plaque. Ses doigts se mêlèrent aux siens alors qu’elle se retourna, à quatre pattes sur ce canapé qui avait dû en avoir d’autres. Le sourire toujours si éclatant aux lèvres.

-Mais les Spectres ne sont-ils pas les plus à même de braver les règles pour le bien de la mission ? Et si celle de ce soir était de prendre du bon temps ?

- Ah, ria-t-elle, se rapprochant un peu plus du soldat. J’aime cette façon de penser. Plus la soirée passe, plus tu te révèles surprenant, Commandant Alec Sykes... A croire qu’un N7 peut-être autre chose qu’une machine de guerre sans vie sociale et dépourvu de la moindre trace d’humour.
Si on m’avait dit ça il y a trois ans...

Leur relation avait bien changé, à un point qu’aucun des deux n’avait dû voir la chose venir. Des piques oscillants entre une tentative amicale et la rivalité pure à un jeu de séduction tellement entamé qu’on se demandait pourquoi ils ne s’étaient pas encore jeté l’un sur l’autre séparé par un an et quelque sans le moindre contact, il y avait un monde.

Un air populaire lui vint aux lèvres et Vertax le fredonna du bout de la langue, déshabillant sans la moindre gêne son compagnon du regard. L’alcool servait d’excuses plus qu’il ne donnait un coup de main mais c’est avec plaisir qu’elle vida son verre d’un trait.

- Quant à tes manies lorsqu’il est question de partager le même lit… Quelques cicatrices de plus ne viendront que sublimer mon irrésistible corps d’athlète, tu ne penses pas ?

- Sykes, ronronna-t-elle alors qu’une main venait tendrement lui effleurer le cou, ce n’est pas du jeu. Je suis le genre de femme à adorer les cicatrices... Et les hommes qui respectent mon job aussi.

Il ne se souviendrait sans doute pas qu’elle avait dit ça il y a longtemps sur une foutue planète glacée, lors d’ un vendredi qui avait des airs de lundi alors qu’elle était chargée de superviser une brigade de l’Alliance. Sa mémoire à elle, entraînée à tout ranger dans des cases proprettes pour ressortir les informations au besoin, ne lui faisait pas défaut.
Un appui sur la nuque obligea Sykes à se rapprocher. Il n’y opposa aucune résistance. Front contre front, la Turienne ferma les yeux, préférant sa méthode au baiser humain.

Lorsqu'elle rouvrit les paupières, ce fut pour laisser un regard vorace dévorer le visage d’Alec. Elle avait envie. Envie de passer un bon moment, envie de se foutre des conventions, envie de faire des choses que la morale interdisait de transcrire ici pour éviter de choquer des jeunes âmes sensibles et qui se ferait caché des regards.

Et un mot comme en cent, les voisins auraient du mal à dormir cette nuit.

Ils avaient assez joué. Les quelques crédits nécessaires au règlement de leurs consommations furent transféré sans trop y regarder sur la tablette de payement et le duo fila sans demander son reste à travers les ruelles de la Citadelle. Et la moindre zone de trottoir trop peu éclairé par les néons aux multiples couleurs, la moindre parcelle de rue dépourvu de monde, la Turienne en profita pour laisser une main baladeuse courir sur la première zone libre que le soldat lui offrait. Elle alla même jusqu’à tâter un peu du fessier rebondi - quoique trop mou à son goût - une fois qu’il faisait mine de ne pas lui prêter attention.
Bien évidemment, à chaque fois que l’Humain se retournait vers elle, elle lui offrait son plus beau sourire ravageur et son meilleur air innocent. Les deux ne se combinant pas forcément très bien pour la rendre crédible.

Ils finirent par arriver au bout de ce qui avait dû être une petite dizaine de minute de marche devant la porte d’une résidence bien entretenue en bordure de Présidium. Le genre bon chic et bon genre du coin et avec ce qu’il fallait de fausse verdure à l’entrée pour s’accorder divinement avec l’entremêlas de blanc et d’acier qui décorait le hall.

Esprits en soit témoins, l’ascenseur aurait subit quelques frasques de la Spectre fantasque envers sa proie si un voisin ne s’était pas glissé avec eux, les obligeant à respecter une distance dite de sécurité qui n’empêcha nullement des œillades explicites. C’était fou à quel point on pouvait dire des choses avec un simple haussement de sourcil... Encore plus impressionnant quand on était pas réellement pourvu de sourcils mais de plaques osseuses par ailleurs.

La porte s’ouvrit sur un appartement propret n’avait rien de surprenant. C’était tout à fait le genre de Sykes. La biotique fut même un peu... déçue. Elle s’était attendue à se faire surprendre. Les longs murs aux couleurs clairs, partiellement coupés par d’immenses baies donnant sur une des nombreuses promenades du secteur, étaient pourvu de sobres tableaux ci et là pour décorer. Le canapé était d’un cuir brun manquant affreusement d’originalité et s’il fallait reconnaître à la cheminée artificielle suspendue au milieu du salon un certain charme, elle ne dénotait nullement dans le décor. Pire, elle renforçait la sobriété et le chic qui transparaissaient et que seuls quelques armes rendues inutilisables accrochées ici et là tentaient vainement de briser sans le moindre espoir d’y arriver.

C’était très... lui.

Une personnalisation très peu présente, une sobriété à en faire pleurer un moine et une ambiance d’un sérieux à en faire frémir un Turien. Oh, et un rangement impeccable aussi.
S’il était venue à l’esprit de Ravi de vouloir vérifier sous le canapé, elle n’aurait pas trouvé le moindre grain de poussière ni la moindre miette fautive.

En somme, le presque exacte opposé de ce qui était l’appartement de la femme à ce moment même. Une pensée coupable lui vint alors qu’elle pensa aux vêtements qui traînaient actuellement sur une chaise depuis bien deux semaines.

Est-ce que Sykes avait au moins la traditionnelle chaise « je balance mon linge ici et je m’en occuperais bien un jour » ? Impossible.

- Très joli. Très Humain j’imagine.

Elle lança sa veste sur le canapé, comme un défi.

- Je suppose que tu n’as aucun alcool dextro, alors on va couper la phase « dernier verre pour s’apprivoiser sur fond de musique pour une ambiance particulière » pour passer au plat principal. Ça te tente ?

Elle ponctua sa phrase en balançant littéralement son t-shirt sur le visage d’Alec. Une rangée de dents étincelantes en guise de sourire.