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 Délivrance

Arcadia McKnight

Personnage RP
Faction : UCIP
Rang : Colonel/Médecin en Chef
Arcadia McKnight
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Messages : 454

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MessageSujet: Délivrance   Délivrance Icon_minitimeMar 09 Avr 2019, 01:08
► █ Date : 9 Avril 2204 RP Violent
Shura Fender ♦️ Arcadia McKnight
Délivrance




「 Délivrance 」
Feat.
Shura
Fender


L'odeur âcre de la mort régnait dans ce lieu sépulcral, une puanteur rance de ceux à qui l'on prend toute dignité, que l'on foule du pied. Ce remugle épouvantable de merde et de pisse, de sang et de sueur, de pourriture et d'infection, de vomi et de bile gangrenant la cellule. Une pestilence qui collait à la peau, s'insinuait dans le moindre de vos pores, s'installant dans la chair pour y déposer toute sa fétidité. Se taillant un passage au travers de votre nez, de votre gorge, marquant son territoire grâce à son méphitique fumet suintant. Capable de faire tourner de l’œil les âmes les plus sensibles, de repousser les plus braves des estomacs.

A cette émanation asphyxiante venait se greffer un noir d'encre, de celui qui engloutit toute lumière, noyant la plus minuscule étincelle d'espoir sous son flot d'obscurité. Aveuglant quiconque s'y trouvait, condamnant à la cécité toute personne sous son emprise. Une noirceur synonyme de mort, opaque, sans ambiguïté, engloutissant la moindre parcelle du mausolée. Et puis ce froid glaçant. Impassible. Impitoyable. Implacable. Insensible. Pénétrant jusqu'à l'os, lapant. l'épiderme sans discontinuer, bleuissant les lèvres, faisant trembler face à sa rudesse.
L'intérieur de la prison était tapissée de salpêtre, tombant en grain de sel à même le sol. Les murs et même le par terre étaient faits de pierres grossières et rugueuses, piquant, entaillant, blessant. L'eau dégoulinait du plafond, ruisselante dans les rainures pour s'agglutiner dans un coin de la pièce en une flaque stagnante, croupissante, salée, s'imbibant du sang et de son arôme métallique.
Diverses bestioles s'infiltraient dans le caveau, des insectes en passant par les rongeurs comme les rats ou les souris, venant chaparder la nourriture.

Arcadia était assise sur ses genoux, les deux mains collées sur la pierre. Hoquetant de douleur. Des spasmes violents la secouaient, contractant son abdomen, sa gorge, puis un bruit de régurgitation. Une douleur, un élancement, une brûlure, un raclement nauséeux. La bile tomba par terre éclaboussant la peau meurtrie, protégée par les haillons qui lui servaient de vêtements. Les reflux continuèrent bien après que plus rien ne puisse sortir.
Elle se laissa tomber en arrière, le sel pénétrant dans ses blessures fraîches lui faisait s'entailler les lèvres à coups de dents pour ne pas gémir, les coupant en quartiers qui dégoulinaient sur son menton et ses joues. La morve lui pissait du nez dans la bouche.

Elle chercha de ses doigts abîmés le semblant de couchette qu'on lui avait laissé, gorgée d'eau par l'humidité ambiante. Elle n'arrivait plus à se reposer, à mettre son cul sur quelque chose de sec. Sa peau était enflée comme une éponge, sa peau crevassée, moisie de la tête au pied. Elle bouffait, buvait et dormait dans le moisi. Elle était gelé en permanence, sans parvenir à se réchauffer.
Hier soir on lui avait amené de la nourriture, elle s'était jetée dessus après elle ne sait combien de temps sans manger. Cela avait été une grossière erreur, quelques heures plus tard les maux d'estomac étaient survenus. Vomissements, chiasse tout y passait pour faire sortir l'origine de son infection alimentaire la laissant hâve. Il y avait aussi la déshydratation, son corps se vidait de toute la flotte, lui causant un mal de crâne atroce.
Pour éviter qu'elle ne meurt assécher, ses bourreaux avaient eu la magnifique idée de la cure par l'eau. Ils venait la chercher régulièrement, la traînant comme un déchet. Attachée à une table, un linge plaqué sur le visage, ils l'arrosaient pendant des secondes interminables, avec cette sensation de noyade oppressante.

Elle ne savait pas depuis combien de temps elle était enfermée. Elle ne s'en souvenait plus. Il lui semblait ne pas avoir vu la lumière du jour depuis une éternité. Son corps la faisait souffrir au delà des limites du supportable, au point que la mort lui paraissait être un doux rêve. Elle aurait aimé se donner la mort, se l'offrir comme une délivrance mais elle n'en avait pas le courage... ou alors était-ce cette petite graine d'espoir, celle de voir l'aide venir, que ce cauchemar prendrait fin rapidement.
A chaque session, on la battait jusqu'au sang, jusqu'à l'inconscience. On l'électrocutait, la noyait, la brûlait, la coupait pour lui faire cracher le morceau, pour savoir qui elle avait contacté.
Arcadia tenait, se raccrochant à cette envie de vivre, de croire que Shura allait venir. La Martienne se battait, opposant ce mur de volonté indestructible face à un bélier inflexible. Elle résistait envers et contre tout.
La blonde ne savait pas combien de temps elle résisterait, qui de son corps ou esprit perdrait la partie en premier ? La mort valait mieux que la folie, elle ne voulait pas devenir cinglée et démente. Peut-être aurait il mieux valu crever sur Chasca ? Y perdre la vie sur cette planète maudite, au moins cela aurait été fait avec honneur, l'arme à la main, et non dans la plus parfaite indifférence. Avec sa dignité et non comme une bête en cage.

La prisonnière avait pu voir fugacement son reflet il y avait de ça... Elle ne savait plus. Inhumaine, affreuse, son teint était cadavérique, aussi blanc qu'un macchabée, recouvert à certains endroits par la crasse. Ses yeux enfoncés dans ses orbites, cernés, tirant sur un mauve à la limite du noir, ses traits tirés la vieillissait. Ses cheveux, qu'elle sentait aussi sec que la paille au toucher avait perdu leur reflet d'or, devenant aussi terne que son humeur.
Ses joues s'étaient creusées par le manque de nourriture, ses côtes se faisaient sentir petit à petit lorsqu'elle passait les mains sur son torse. L'idée d'être défigurée, de ne jamais redevenir celle qu'elle était l'hantée jusqu'au plus profond de son âme.
La toubib se recroquevilla sur sa paillasse, avec ce sentiment de solitude et d'abandon dont elle n'avait jamais réussi à se débarrasser depuis son arrivée en Écosse.

Car c'était bien là tout ce qui lui restait. Ce profond isolement... et ce leitmotiv qu'elle se répétait jour et nuit dans la noirceur permanente de sa prison : « Je dois tenir ! ». Lorsque ses pensées dérivaient vers les abysses de son chagrin, s'immergeaient dans la fosse de sa peine, elle se récitait cette petite et unique phrase, essayant de se tourner vers des souvenirs positifs, ce qui la rendait heureuse, les personnes qu'elle aimait, ce qu'elle leur dirait une fois dehors.
Dans ces moments là, elle sentait les braises de son cœur se réchauffer, ces fragments de chaleur qui s'échinaient à rougeoyer, repoussant l'inévitable. Tâtonnant la moindre parcelle de sa carcasse ravagée pour y trouver de l'oxygène, du combustible pour continuer à exister, à redevenir ce brasier qu'il fut auparavant.

Une crampe d'estomac la fit se plier en deux, ramenant son esprit à la réalité dans cette pièce froide et noire.

Délivrance Line-p10
« Je te le redemande une dernière fois. A qui as tu envoyé ce message ? », ragea Logan, un cache œil sur le visage.

Enserrait par les liens à la chaise, la Martienne subissait une énième session. Encore faible après son intoxication, exténuée, en proie à l'épuisement, elle continuait à résister. Parfois le point de rupture était proche. Mais elle ne devait pas. Elle ne pouvait pas. Il lui était impossible de craquer, de briser. Le nom de Shura Fender ne devait pas sortir de sa bouche. Peu importe les moyens mis en œuvre pour extirper ce secret. Elle ne se le pardonnerait jamais. Qui sait ce qui pourrait lui arriver si elle vendait la mèche.

Alors elle défiait son oncle, le méprisant de son arrogance hautaine. Cet homme incapable de s'exprimer autrement que par la violence lui faisait payer chèrement cette rébellion. Coup de pince après coup de pince. Arrachement après arrachement. Doigt après doigt, la peau s'ouvrait. Ses dents crissaient entre elles, tandis que sa main droite serrait désespéramment l'accoudoir, faisant ressortir les jointures de ses articulations. Même dans la douleur, le médecin resta digne, refusant d'offrir le moindre plaisir de sa souffrance à son bourreau.

« …

- Au moins tu as appris à fermer ta sale gueule de salope. Mais ça ne t'aidera pas. J'ai justement un nouveau jouet à essayer ! »

Le Comte se saisit d'un objet métallique qui ressemblait à un gant, et l'installa sur le membre écorché de la praticienne. Elle avait essayé de se débattre en vain, cela n'avait été qu'une question de seconde avant qu'on ne lui enfile cet instrument macabre. Une boule d'appréhension naquit dans son ventre, la faisant trembler de crainte.

« A la bonne heure », ricana le bourreau, en tournant une molette.

Le gant serra. Il vissa l'étau. Elle tenta de s'y soustraire en vain. Il y eu un bruit d'os. Un son net de fracture. Puis un autre. Crac. Un autre. Le silence. Un autre. Sec. Mat. Atroce. Phalange après phalange. Tarse après tarse.
Plus impressionnante que tout déchaînement de coups, plus strictement glacée que toute virulence. Il broyait purement et crûment, il broyait avec une férocité inouïe, chaque doigt, chaque tige solide de la carcasse osseuse de Arcadia. Sous l'énormité de la douleur, elle sentait sa conscience défaillir, les ongles de sa main valide scarifier sa chair. Essayant par fierté de résister. Son visage dégoulinait de sueur, ses dents ouvrant de nouveau les plaies de ses lèvres, pour ne pas gémir, pour ne pas offrir à Logan ce qu'il attendait.
Et Logan serrait. Il serrait, il serrait de toute la puissance d'une vie à attendre, le gant serrait de tout ses muscles mécaniques. Ivre de cette force, dépassé par une rage si intense, si terriblement disciplinée par la profondeur de sa vengeance qu'elle montait un à un les degrés de la torture, détectait d'instinct les fragilités du squelette et en brisait, en croquait l'armature de calcaire. Puis la décrue.

L'homme retira le carcan, laissant voir une main désarticulée, qui n'était plus qu'une bouillie de fractures, une masse de viande sanguinolente. L'homme regarda son œuvre l'air satisfait. Un air satisfait qui disparut bien vite en voyant la mine moqueuse de la suppliciée. Elle sourit. Elle sourit face à la mine déconfite du noble. Elle sourit face à cette victoire. Sa main la faisait atrocement souffrir. Cela importait peu. Elle avait triomphé. La douleur reflua face à ce flot d'émotion qui faillit lui tirer les larmes. Shura allait venir, elle le savait, il fallait juste tenir encore un peu.

La blonde toisa son tortionnaire, d'un regard plein de condescendance, moqueur, à la limite de la pitié face à l’impuissance dont il faisait preuve pour la briser. Le feu embrasait ses pupilles, des flammes d'envie et d'espoir, de rêve et de désir : celui de rester en vie.
Logan fulmina. L'arrogance de sa nièce lui sortait par les yeux. Il appela le geôlier pour maintenir fermement le visage de la toubib. Au moment ou le bras passa devant la bouche de la Marquise déchue, elle le gnaqua. Ses dents se plantèrent dans l'épiderme mou, de plus en plus profondément. Elle sentit le sang lui couler sur la langue, dans sa gorge. Le maton hurlait, se débattait, frappait. Les coups pleuvaient sur son visage, son ventre.
Sa mâchoire s'enfonçait inexorablement, s'agrippant à sa proie. Elle tira sèchement, emmenant un morceau de chair qu'elle recracha immédiatement. Elle n'eut pas le temps de savourer sa victoire qu'une claque magistrale la sonna, lui explosant la pommette.
Son crâne cogna contre le dossier de la chaise, plaqué par l'énorme main de son oncle. Un objet scintillant vint se mêler aux étoiles qui dansaient devant elle.

Arcadia sentit le métal froid se plaquer contre sa peau, son contact désagréable s'insinuer dans un endroit ou jamais il n'aurait du se trouver. Elle hurla comme un animal blessé, la cuillère se cala sous son orbite, écrasant l’œil, avant de l'expulser. Le globe oculaire rebondit misérablement sur le sol. Le sang. Son sang s'écoula par le trou béant de son visage.
Un cri occulte, haché à l'extrême, suraigu, sortit de son gosier. La prisonnière n'avait plus de voix, plus de glotte. Elle craillait. C'était un bec, un bec qui claquait, qui dépeçait les syllabes dans le vide. Le rire sinistre de son oncle résonna dans la salle de torture, résonna jusque dans ses oreilles, perçant sa cervelle comme un fer chauffé à blanc. La douleur atteignit un nouveau palier, insoutenable, inhumain. Sa vision se brouilla, le bloc qu'elle était s'effondra, inconsciente.

Délivrance Line-p10
Mal, Mal, Mal ! J'ai mal ! Je n'en peux plus. Est-ce là ma fin ? Je ne veux pas mourir ici... Mes forces s'évanouissent, s'envolent. Tout n'est plus que douleur, souffrance... « Je dois tenir. »… Encore un peu, j'ai résiste jusqu'ici, il faut tenir. Ils n'arriveront pas à me briser… Pas aujourd'hui !

Mais j'ai si mal, le fil de mes pensées s'écoulent, mes souvenirs s'embrouillent, fragile comme le cristal. L'hallali arrive. Ma main me brûle, le sel s'imprègne dans la blessure, mord, lèche. Puis-encore appeler cela une main ? Les vestiges de ce qui n'est probablement plus qu'un cadavre aux portes de l'enfer. Combien de fractures ? Ouvertes ? Je sens mes os jaillir, transpercer la peau ! Ce liquide poisseux qui me collent partout, sur mes cheveux. L'orbite vide. Je sens encore l'autre œil. Jusqu'à ce que l'on me le retire aussi ?


« Je dois tenir. »… Elle me fait tenir, le flot de mes pensées me revient, pour l'instant. C'est … trop ! Dormir.


Délivrance Line-p10
Son dos s'arc-bouta sous le choc. Un nouveau coup de pied l'a tira de son sommeil. Un sommeil pauvre. Elle se sentait craquer psychologiquement, au bord du précipice, jouxtant avec la vésanie. Les traumatismes physiques l'avaient lourdement affecté, la laissant vulnérable aux attaques insidieuses de sa famille. Tortures, privations, mutilations, mise à la géhenne depuis presque un mois, sans compter le choc de Chasca.
Ses mèches poisseuses recouvrirent la partie gauche de son visage, ou aurait du se trouver un globe oculaire. un vif soulagement la réchauffa lorsque son unique œil fut ébloui par la lumière. Elle se releva difficilement avec une main. Les blessures fraîches l'élançaient à la limite du supportable.

Aileas McKnight son aïeule se tenait dans l'encadrement de la porte, droite, rigide, froide, un mouchoir devant le nez pour se protéger de l'odeur insoutenable de la cellule. Les deux femmes se regardèrent en chiens de faïence. Une haine féroce se lisait dans le regard de la toubib, une haine viscérale, celle qui maintenait en vie, qui lui donnait envie de les crever un à un, doucement.

« Shura Fender ? »

Elle sursauta à l'évocation de ce nom. Comment ? Que... Comment avait-il su ? Comment était-ce possible ? Non, ils ne pouvaient pas... Un sourire mauvais déforma les traits de sa grand mère.

« Dans quarante huit heures, tu auras sa tête pour te tenir compagnie. Tu comprendras que personne ne peut t'aider. Profite bien de ton festin en attendant », conclu t-elle. Le geôlier, celui qu'elle avait mordu, entra, laissant un plateau sur le sol. La porte se referma.

Elle resta assise, incapable d'enregistrer l'information, son cerveau refusant littéralement de croire ce qu'il venait de se passer. Même lorsque le gardien revint se venger en reversant la nourriture, ébouillantant la prisonnière au passage, elle ne moufta pas. Plus rien, rien, rien, RIEN! Aucun son ne sortait de sa bouche entrouverte, pas plus qu'un mouvement alors que les rats et insectes, venaient goûter le repas. Ce n'est qu'après de longues minutes, qu'une larme coula, et une autre, puis une autre, et, enfin un torrent silencieux.


(c) King (Sacrifars)
Shura Fender

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Shura Fender
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MessageSujet: Re: Délivrance   Délivrance Icon_minitimeSam 13 Avr 2019, 15:02
A bientôt.

Les portes de l’ascenseur se refermèrent et le sourire d'Arcadia disparut, avalé par les mâchoires de métal. Une petite pointe de tristesse se mit à étreindre le cœur de Shura à l'idée d'être séparée d'elle, mais rien ne pouvait la faire redescendre de son petit nuage. Elle tourna le dos à l’ascenseur, reprenant le chemin jusqu'à l'entrée de son appartement d'une démarche dansante.

Sa route fut interrompue par un événement inattendu, l'un de ses voisins adjacents l'interpella, se plaignant du bruit visiblement envahissant de la nuit précédente et la furie dû fournir un gros effort pour se retenir de rire.

Ah dommage, vous avez raté la concernée, elle vient tout juste de partir. Mais merci, je dois avouer être assez fière des bruits que je lui fait faire.


Sans un mot de plus, elle rentra dans son appartement et verrouilla la porte. Une profonde inspiration fut suivie d'un étirement et d'un ronronnement de béatitude. La furie était assez surprise que son lit ait réussi à survivre à cette nuit de folie. Il n'y avait pas eu la moindre once de retenue, le prédateur s'était emparé de sa proie dans toute sa bestialité, sans tenir compte comme à son habitude des éventuels dégâts causés à son environnement.

Les restes pitoyables de la robe écarlate d'Arcadia traînaient encore au sol et Shura gloussa en les apercevant. La chercheuse était bien la seule qui parvenait à faire rugir ainsi sa passion dans ses veines, à la faire plonger dans un torrent de désir qui lui paraissait presque intarissable.

Sa présence lui manquait déjà. Elle voulait pouvoir la serrer dans ses bras, sentir son parfum et passer la journée à écouter sa voix cristalline parler de tout et de rien. Elle sentit son ventre se remplir d'une douce chaleur et son cœur virevolter dans les airs. Ses pensées refusaient de la quitter, tout son corps, sa peau vibrait d'une excitation profonde et intense. Jamais elle n'aurait pu croire qu'elle était encore capable d'aimer quelqu'un, et pourtant Arcadia lui avait prouvé le contraire d'une sublime manière.

La furie ouvrit la fenêtre et se tint à son rebord, laissant l'air frais et le soleil envahir son intérieur. Elle repensa à ce moment intime et précieux où elles avaient avoué leurs sentiments, sentant une légère chaleur s'emparer de ses joues. Elles s'aimaient et elles ne seraient plus seules à affronter leurs démons.
Plus rien ne serait jamais comme avant.

Et Shura ignorait encore à quelle point elle avait raison.

Son regard se fixa un instant sur un étrange véhicule qui quittait son bloc d'habitation avant de rejoindre la circulation aérienne un peu plus loin. La vie qui se trouvait devant elle s’annonçait radieuse, il ne tenait qu'à elle de la croquer à pleines dents.

La N7 passa sa journée à l'extérieur, déambulant dans les ruelles avec son casque sur les oreilles. Marchant en rythme avec la musique qui venait faire vibrer son âme, sublimant ses sentiments et son bonheur. Elle s'attarda une partie de l’après midi dans les secteurs, hésitant longuement dans une surface de vente vestimentaire, souhaitant acheter une nouvelle robe de soirée pour sa petite amie. Elle paraissait presque comme une bête sauvage qui tentait d'apprendre avec maladresse les rudiments et les subtilités de la vie de couple.

Le choix s'avéra bien plus difficile que prévu, elle ignorait l'étendu des préférences de la chercheuse en la matière et elle craignait plus que tout de prendre la mauvaise décision. La vendeuse asari lui fut d'une grande aide, l'aiguillant dans sa recherche suite à la description d'Arcadia, arrêtant le choix de la furie sur une longue robe d'un blanc étincelant, le tissu laissant bien évidemment apparaître des épaules et un haut de dos dénudé. Il ne fallait pas oublier le plus important.

Shura ramena donc précieusement la robe chez elle, espérant que ce petit cadeau ferait plaisir à sa compagne. Elle comptait bien la revoir très bientôt, impatiente de continuer à développer cette relation, ce lien si spécial qui les unissait. Un lien qui s'était fait ténu, fragile, mais qui avait pourtant été présent depuis le tout début. Elles s'étaient longtemps tournées autour, ne parvenant pas à réellement saisir la nature de cette tension qui les avait pourtant attirée si fortement l'une à l'autre. Incapables d'appréhender cette petite chose qui germait dans leurs entrailles, incapables de résister à cet éclair foudroyant.

Shura s'endormit paisiblement dans ce lit qui sentait encore la violette, ronronnant de bonheur en pensant au futur radieux qui l'attendait.

***

Ce jour là, la salle d’entraînement était bondée, l'air s'y faisait lourd, chaud, teinté de cette odeur de transpiration qui collait à la peau et qui ne semblait pas vouloir s'en détacher. Shura y fut présente dès le levé du jour, supervisant une série « d’entraînements » qui tenaient plus de l'entretien physique que d'autre chose. La guerre était finie, mais les combattants de l'UCIP ne pouvaient se permettre la luxure de la fainéantise, du laisser aller. Ils devaient rester en pleine forme, prêts à intervenir dès que leur présence s'avérerait nécessaire.

La N7 formait les groupes, les épreuves et pratiquait même parfois certaines démonstrations. Mais elle ne parvenait pas à se concentrer. Son esprit virevoltait ailleurs, coincé dans un royaume de boucles blondes et de sourires angéliques. Arcadia envahissait la moindre de ses pensées, ne lui laissant pas le moindre répit, pas la moindre chance de pouvoir s'en émanciper. Pourtant la furie ne s'en plaignait pas, nageant dans un bonheur presque étouffant.

Assise en tailleur sur une caisse de fournitures, elle ouvrit son omnitech, envoyant une invitation sur la messagerie personnelle du docteur McKnight.

Quelque chose de prévu ce soir docteur ? Je pense qu'il va me falloir ma dose, administrée par voie orale, de préférence.

La furie envoya le message, satisfaite de son propre humour. Elle reporta cependant rapidement son attention sur l’entraînement, cherchant vainement un moyen de tuer son impatience en attendant la réponse. Son regard se posa alors sur le duo le plus proche, deux hommes qu'elle connaissait bien. Redfield affrontait Galbius au corps à corps, un ancien des forces spéciales de l'alliance et un garde noir. Leur niveau se valait globalement, et pourtant l'humain semblait montrer quelques faiblesses ne réagissant pas assez vite, ses mouvements manquants de précision.

Un sourire provocateur se dessina sur le visage de Shura lorsqu'ils eurent terminé.

Tu t'es ramolli ?


Les mains posées sur ses genoux, Refield tourna un visage souriant dans sa direction.

Et encore je n'ai pas passé les derniers mois enfermé dans un bureau.

Pourtant je conserve toujours l'un des meilleurs scores en simulateur.


Le militaire se redressa.

C'est bien beau les simulations, mais je ne crois au talent que quand je le vois.

Le regard de Shura s'éclaira soudainement face à cette invitation. Jetant sa serviette au sol, elle replaça correctement son débardeur et fit rouler les muscles de ses épaules alors qu'elle s'approchait de Redfield, une petite touche pédante sur son visage.

Je vais t'en mettre plein les yeux.

***

Pas de réponse.

Arcadia occupait une fonction bien différente de la sienne et la furie concevait parfaitement le fait qu'elle puisse ne pas avoir les mêmes disponibilités qu'elle, surtout si elle avait été appelée en urgence. Shura tentait donc de ne pas trop s'en faire, mais elle ne pouvait s'empêcher de craindre le pire. Elle s'imaginait une Arcadia n'osant pas lui avouer avec honnêteté qu'elle regrettait ce qu'il s'était passé lors de cette soirée, que ses mots avaient été uniquement prononcés sous l'ivresse du moment.

Cette possibilité bien que farfelue, la terrifiait. Shura tentait donc de tuer son inquiétude peut être un peu trop maladroitement. Elle multiplia les messages, parlant volontairement de tout et de rien, de cette moto volante qui lui rappelait certains souvenirs, du cul du turien qui se tenait à cette rambarde, stimulant une réponse par l'abondance de futilités.

Elle décida de passer sa soirée dans l'un des nombreux bars de la Citadelle, se joignant avec joie à un groupe de fêtards sur l'une des tables du bistrot. L'alcool coulait à flot, les verres se vidaient au rythme des rires désinhibés et des musiques aux notes psychédéliques. Shura profita de cet instant pour oublier momentanément ses inquiétudes, se livrant aux jeux, aux défis et aux culs secs qui ne semblaient pas connaître d'accalmie.

La furie s'apprêta à porter un énième verre à ses lèvres lorsque qu'un éclair la foudroya soudainement, l'immergeant dans un profond vertige.

Des yeux gorgés de sang contemplaient sans les voir les parois plongées dans les ténèbres du mausolée. Un corps meurtri, tabassé, recouvert de coups, un froid intense à la morsure inévitable et surtout la peur. Une terreur profonde et un désespoir absolu, noyé dans l'isolement, noyé dans les ténèbres. Une étincelle perdue dans les abysses, si loin de toute lumière.

Shura ça va ?

Une main se posa sur son épaule et elle sursauta, incapable de comprendre ce qui venait de lui arriver. Le verre avait glissé de ses mains et s'était déversé sur la table sans même qu'elle s'en rende compte. Elle s'excusa et entreprit de nettoyer les dégâts, une étrange sensation lui parcourant la peau.

C'était presque comme un rêve, plus elle essayait de se remémorer ce qu'elle venait de ressentir, plus les souvenirs semblaient s'effacer, s'évaporer hors de sa portée. Elle fut complètement incapable de comprendre ce qu'il s'était passé, mais une sensation désagréable lui colla à la peau, refusant de la quitter alors même qu'elle entamait le chemin de retour jusque chez elle. Cette impression que quelque chose de terrible était en train de se passer mais qu'elle n'avait aucun pouvoir dessus.

Cette nuit là fut agitée, la furie étant incapable de dormir alors que cette étrange sensation de culpabilité lui broyait les entrailles.

***

Toujours pas de réponse.

Arcadia n'était pas non plus venu aux locaux de l'UCIP ces derniers jours et l'inquiétude de la N7 atteignit un nouveau palier. Elle chercha à se renseigner, dans son journal de bord ou auprès de ses collègues de travail, et c'est là qu'elle découvrit avec une simplicité foudroyante la véritable raison de son absence. Le Docteur McKnight était partie avec une expédition de l'alliance pour une mission de longue durée. Ses collègues manquaient de détails, ignorant la véritable destination de son opération.

Elle était partie, sans même la prévenir, sans même lui dire au revoir. Le cœur de Shura se serra et toutes ces étincelles de vie qui avaient éclairé son monde depuis le gala s'éteignirent à l'unisson.

Elle passa la soirée assise sur son lit, serrant ses jambes et son oreiller contre elle. Bien que cela soit impossible sur la Citadelle, elle aurait presque pu entendre le contact régulier des gouttes le long de sa vitre tant l'extérieur s'était soudainement drapé de nuances de gris. La furie regarda par delà sa fenêtre, contemplant les bâtiments au loin. Le prédateur avait tout perdu de sa bestialité, son regard était terne, bien loin de la lueur sauvage qui l'animait d'ordinaire. Elle barbotait dans un brouillard de négativité qu'elle fuyait pourtant habituellement comme la peste, mais en cet instant elle était impuissante face à la force des sentiments qui étreignaient son cœur à vif.

Peut être s'était-elle simplement fourvoyée sur la puissance du lien qui les unissait, sur cette étincelle de passion, d'addiction et de plénitude qu'elle avait ressenti, qui l'avait envahie, qui avait transcendé toute son existence. Arcadia était loin désormais, insensible, n'ayant pas daignée lâcher un seul regard sur celle qu'elle avait laissé en arrière. Celle qui l'aimait plus que tout, celle qu'elle avait oubliée, abandonnée.

Shura se trouvait de nouveau seule, le monde avait perdu son éclat et elle sentait déjà les murs étroits de la solitude et de l'isolation qui l'entouraient, ses mains gorgées de sang qui l'alourdissaient et ces ombres menaçantes qui la suivaient partout où elle allait. Elle avait baissé sa garde, laissant une opportunité en or à ses vieux démons qui ressurgissaient, impatients de la harceler, de marteler son esprit fragilisé sans la moindre once de répit.

La furie plongea son visage dans son oreiller, tentant de dissimuler au monde la tristesse qui déformait son visage au bord des larmes.
Shura Fender

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MessageSujet: Re: Délivrance   Délivrance Icon_minitimeSam 13 Avr 2019, 15:05
L'UCIP était en pleine effervescence. De nouvelles têtes venaient rejoindre les rangs des troupes permanentes après les pertes endurées pendant la guerre, l'intégralité du matériel et de l'équipement utilisé par les soldats, les ingénieurs, les biotiques et même l'aile médicale était sur le point d'être modifié, remplacé par de nouveaux modèles issus des recherches et de l'ingénierie du Conseil pendant le conflit.

Une nouvelle branche de l'unité sembla même s'ouvrir. Avec la fin de la Corruption, les yeux de la galaxie toute entière se posaient sur l'Espace Frontalier, et bien qu'elle n'était pas spécialement créée dans ce but, l'UCIP ne pouvait se permettre de rester impassible alors qu'une nouvelle ère de colonisation se profilait à l'horizon. Une nouvelle qui aurait pu combler Shura de joie... En d'autres circonstances.

La furie sortait du simulateur équipée de son armure habituelle et accompagnée de Galbius, son partenaire. Le duo venait de finir la session et pénétra dans l’ascenseur qui les ramènerait jusqu'aux locaux. Pas un mot ne fut prononcé, les deux combattants se tenaient droit dans la petite cabine, dos à dos. L'aspect atypique de leur armure faisait ressortir ce côté bestial qu'ils traînaient avec eux en permanence. Le masque de la furie et le crâne sur le casque du garde noir, décharnés, déshumanisés.

Ils n'étaient que des fantômes sous cette forme, la projection violente, meurtrière et sans âme de personnes animés par de puissantes convictions, forgés dans la douleur, le sang et les sacrifices.

Galbius était un élément d'exception même au sein de l'UCIP. Il avait fait partie des quelques gardes noirs qui avaient arrêté Sairax avant qu'il n'atteigne Palaven, pendant la guerre. Un turien massif, pure souche, façonné par l'académie de Palaven, pragmatique, violent, inarrêtable. Shura ne l'aurait jamais cru capable de la moindre once de tendresse si elle ne l'avait pas déjà vu de ses propres yeux.

Elle le déposa justement après le travail, laissant le garde noir aller retrouver son fils. Il attrapa le petit turien dans ses bras, le soulevant au dessus du sol avec un rire, le parent et l'enfant consommant cette joie simple de se revoir. A la vue de cette scène, le cœur de la furie se serra et elle préféra repartir plutôt que de s'y attarder.

Un mois s'était écoulé depuis le gala et Shura avait abandonné depuis longtemps l'idée de recevoir une réponse à ses messages. Le monde avait perdu ses couleurs, il n'affichait plus que des nuances de gris, partout où elle allait. Bien loin des quelques jours de béatitude qui avaient suivi le gala, elle se trouvait désormais enfermée sous une forme de dépression à laquelle elle était incapable de s'échapper. Prise au piège par ses sentiments qui refusaient de s'atténuer même alors que le temps continuait sa route sans attendre.

Ses questions sans réponses continuaient d'envahir son esprit, s'y implantant solidement, se gorgeant de toutes ces émotions négatives pour polluer son âme. Cette douleur lancinante qui lui transperçait le cœur à chaque fois qu'elle y repensait, la martelant sans répit, l'enfonçant toujours plus dans ce brouillard d'indifférence qui l'étouffait. Aucune pause ne venait alléger son esprit, la souffrance était permanente et si irrégulière qu'il lui était impossible de s'y habituer.

Arcadia l'avait-elle seulement réellement aimée ? Si oui, pourquoi être partie aussi subitement ? Pourquoi être tant indifférente à ce qu'elle pouvait ressentir ? Elle n'avait pas de réponses, et elle avait presque l'impression qu'elle n'en aurait probablement jamais. Elle avait fini par se haïr pour ne pas avoir tout simplement écouté ces voix alarmantes pendant le gala qui avaient vainement essayé de la prévenir. Elle ne faisait que goûter au fruit de sa propre insouciance, de son immaturité, un fruit au goût amer qui semblait lui avoir retiré toute capacité à éprouver une quelconque joie.

***

Quelque chose n'allait pas.

C'était plus fort qu'elle, même abandonnée, laissée pour compte, Shura refusait de lâcher prise, bouffée par ses sentiments et son amour pour la chercheuse, elle continuait de surveiller régulièrement, cherchant tout signe d'activité de sa part au sein de l'UCIP.

Et c'est justement ce qui l'inquiéta. Aucune entrée dans son journal de bord, aucune communication entrante ou sortante, rien. Arcadia n'avait émit aucun signe de vie depuis le moment exact de son départ et aucune opération même urgente ou primordiale ne pouvait le justifier. La furie chercha alors, usant de son autorité et de son rang pour obtenir des informations, fouillant dans les bases de données, interrogeant les officiers. La réponse était toujours la même, vague et dénuée du moindre détail. Tout le monde savait qu'elle était partie, mais personne ne semblait savoir où et pourquoi.

La peur commença à s'insinuer dans l'esprit de Shura. Cette situation lui en rappelait une autre, un souvenir lointain, celui d'une partie de son équipage kidnappé par l’œil, des disparitions couvertes par une gangrène profonde de la hiérarchie militaire. La furie refusa cependant de considérer cette possibilité trop longtemps, bien trop effrayée par ce qu'elle laissait supposer.

A force de recherches vaines et de résultats anecdotiques, la N7 décida d'aller creuser à la source, directement chez l'officier de l'alliance officiellement chargé de cette opération. Le commodore Dunwell, l'un des sous fifres de son père dans la 1ère flotte, un homme qu'elle avait souvent côtoyé pendant une période de son service. Il avait toujours détesté Shura sans chercher à le cacher, et la furie le lui rendait bien. Elle avait souvent souillé son matériel par vengeance pendant sa jeunesse. Elle se souvenait même d'une nuit particulière, cette tente grande ouverte et cette envie pressante...
Mais la jeune femme était devenue une furie et Dunwell un amiral, séparés par leur responsabilité, ils n'en conservaient pas moins une profonde inimitié l'un envers l'autre.

Non attendez Colonel, vous n'êtes pas autorisée à...

La porte du bureau du Commodore s'ouvrit dévoilant la N7 qui ignorait superbement l'un des gardes. Elle s'avança dans la pièce, les poings serrés, ne prenant aucunement le temps de saluer l'officier de l'alliance.

J'ai besoin de contacter le Colonel McKnight.

Dunwell leva à peine les yeux de son terminal, prenant la parole d'une voix qui se voulait volontairement désintéressée.

Le Conseil laisse vraiment rentrer n'importe qui dans ses rangs.

La N7 vint calmement poser ses mains sur le bureau.

Je ne suis pas venue ici par me repaître de tes débilités. Dis moi où est Arcadia McKnight.

Confidentiel. Tu l'aurais su si tu t'étais renseignée avant de...

Le colonel McKnight est une chercheuse de l'UCIP, elle fait partie de mes ressources, pas de celles de l'alliance.

Elle demeurera pourtant sous notre juridiction le temps de l'opération.

Le fauve perdit patience, Shura attrapa le commodore par le col et le décolla de son siège, rapprochant son visage surpris du sien. Enfin, une réaction.

Tu joues à un jeu dangereux Shura.

Ce n'est pas pour moi que je m'inquiéterai si j'étais toi.

Un court silence, les deux militaires se toisaient froidement l'un l'autre dans une immobilité absolue.

Il m'est moi même impossible de la contacter. L'expédition se déroule dans un lointain système des Terminus, toute communication entrante ou sortante pourrait mettre l'opération en péril, elles sont donc totalement proscrites.

La biotique lâcha le col de l'officier, le laissant retomber dans son siège.

C'était pourtant pas difficile à dire non ?

Sans une parole supplémentaire, elle tourna les talons, quittant le bureau et fermant la porte derrière elle.

Elle n'en croyait bien évidemment pas un mot. Cet entretien bien que court lui avait au moins permis de confirmer ses craintes. Arcadia était en danger. Victime d'une corruption de la hiérarchie militaire qui avait magnifiquement bien camouflé sa disparition, elle avait dû être enlevée, kidnappée, emportée quelque part contre son gré. Shura pensa immédiatement à l’œil, à ses expériences, à une Arcadia enfermée à jamais dans un corps de robot.

Mais elle ne devait pas non plus devenir paranoïaque, de nombreuses organisations pouvaient vouloir s'approprier la scientifique qui s'était avérée plus que primordiale dans la lutte contre la Corruption. Mais il devait s'agir de quelque chose de gros pour pouvoir gangrener l'alliance aussi profondément.

Sans doute par peur de ce qu'elle pourrait ressentir, la furie ne se laissa même pas le temps d'encaisser cette soudaine nouvelle, elle contacta Redfield et entreprit d'enquêter directement dans l'appartement d'Arcadia. L'urgence de la situation occupait suffisamment son esprit pour l'empêcher de trop y réfléchir, une bénédiction que Shura ne savait pourtant être que temporaire.

Une fois son adresse retrouvée, le duo partit immédiatement pour le secteur Var Anahid. Les deux militaires étaient armés, prêts à faire face à toute présence hostile qui pourrait se trouver sur place. La furie préférait être accompagnée afin d'éviter une nouvelle disparition soudaine et elle faisait suffisamment confiance à son partenaire pour cela. Son cœur se serra néanmoins en réalisant que c'était en de si tristes circonstances qu'elle allait visiter pour la première fois la demeure de la martienne.

Redfield ne mit que quelques minutes à pirater le verrou de la porte d'entrée, le sas s'ouvrant sur un somptueux appartement. Les militaires y pénétrèrent l'arme au poing, à l'affût de la moindre présence. Le rez de chaussé était en ordre, ne présentant aucune trace évidente de combat ou de lutte. L'omnitech de Redfield scanna les environs.

Pas de dispositifs de surveillance.

C'était déjà ça. Alors que son collègue allait vérifier l'étage, Shura s'enfonça dans le salon, découvrant le sofa, la télé et une magnifique cheminée électrique. La quiétude de l'endroit tranquillisa la biotique alors qu'elle baissait son arme, constatant que l'air de la pièce était toujours imprégné par le parfum de sa propriétaire.

Son parfum, à ELLE.

Des souvenirs apaisants et pourtant en cet instant terriblement douloureux envahirent l'esprit de la furie qui sentit l'émotion déborder de son cœur en contemplant pour la toute première fois le foyer de son amante. Elle se l'imaginait presque là, juste devant elle, assise dans le sofa et l’accueillant avec son visage angélique. L'émotion lui déforma les traits et Shura s'orienta dans la direction de la baie vitrée lorsque Redfield regagna le rez de chaussée.

Le verrou... Est ce que tu peux vérifier sa fréquence d'utilisation ?

Le militaire s'exécuta, connectant son omnitech à la porte d'entrée.

Mmmh... Il n'a pas été utilisé depuis...

Il compta dans sa tête un instant.

39 jours, la dernière utilisation remonte au 20 Janvier.

Le 20 Janvier ? Le sang de Shura se figea dans ses veines. La date exacte pendant laquelle avait eu lieu le gala. Arcadia n'avait jamais regagné son appartement le lendemain, son destin avait croisé celui de ses malfaiteurs sur la route de son foyer. Elle avait été kidnappée, disparaissant soudainement sous le nez de tous sans que personne ne s'en rende compte. Même pas Shura, même pas celle qui la veille, lui avait fait la promesse de ne plus jamais la laisser seule.

La tête lui tourna un instant et la furie se rattrapa sur le verre pour éviter de tomber au sol. Ce fut en cet instant qu'elle réalisa avec horreur toute l'ampleur de son ignorance. Elle avait fuit ses responsabilités par simple peur des réponses qu'elle aurait pu trouver. Et elle avait mis tout ce temps, toutes ces journées passées à se morfondre futilement avant de finalement comprendre qu'Arcadia avait été enlevée contre son gré.

La honte et la culpabilité lui déchirèrent les entrailles, la furie appuya de toutes ses forces contre la vitre, irradiant de biotique, les yeux aux bords des larmes et une expression de rage sur le visage. Elle avait envie de hurler, de pouvoir déverser toute sa fureur et sa colère autour d'elle jusqu'à ce que le monde devienne blanc, jusqu'à ce que plus rien ne soit en mesure de lui résister... Et pourtant elle se retint, les bras tremblants et les nerfs à vif.

Arcadia était en danger, quelque part, et elle avait besoin de son aide. Il n'était plus question de continuer les inepties superficielles, elle avait passé trop de temps à se ramollir sous cette nappe d'émotions. Elle devait canaliser cette rage et l'utiliser, balayer de son chemin le superflu et agir avec l'intransigeance nécessaire pour retrouver celle qu'elle aimait. Elle ne laisserait plus personne prendre ce qui lui était cher, plus jamais.

Une main se posa sur son épaule et la furie se tourna dans un mouvement peut être un peu trop sec. Redfield se trouvait à ses côtés, la détermination se lisant sur son visage.

On va la retrouver.

***

Shura stoppa immédiatement de crier sur tous les toits qu'elle cherchait Arcadia. Rien de bon ne pouvait émerger de ce comportement, et elle ne le comprit peut être que trop tard. Elle sentait des murs invisibles se refermer autour d'elle, elle avait l'impression d'être observée, épiée en permanence. Elle se rendit également compte qu'elle ne pouvait plus faire réellement confiance qu'à une poignée de personnes au sein de l'UCIP, ignorant tout de la profondeur de la corruption qui s'y était installée.

Dès qu'on l’appelait, dès qu'elle se retrouvait seule avec des militaires qu'elle ne connaissait que très légèrement, sa paranoïa semblait atteindre un nouveau palier. Surveillant cette main qui se rapprochait un peu trop de l'arme attachée à la hanche, surveillant ce turien qui semblait toujours trouver un prétexte pour la croiser dans les couloirs, retenant sa respiration alors que deux vétérans « l'escortaient » jusqu'à la zone d’entraînement.

Elle s'attendait à ce que l'on cherche à la tuer, à la neutraliser ou à la faire disparaître en permanence, à devoir lutter presque à chaque instant. Cette menace constante suspendue au dessus de sa tête commençait à lui peser lourdement, elle avait les nerfs à vifs, ne pouvant même pas pleinement baisser sa garde dans la douce quiétude de son foyer. L'esprit de la furie était en ébullition, elle continuait inlassablement les recherches, épluchant des rapports, des dossiers, des enquêtes de disparition, tout ce qui était susceptible de lui donner le moindre indice sur ce qui était arrivé à Arcadia.

La culpabilité l'empêchait de dormir et elle ne pouvait se reposer que lorsqu'elle tombait littéralement de fatigue. Toute cette tension commençait à lentement la dévorer de l'intérieur. Elle craqua quelque fois, laissant les larmes rouler le long de son visage, atteinte par le désespoir, par l'idée qu'Arcadia était peut être déjà morte et qu'il était bien trop tard pour y changer quoi que ce soit. Mais elle n'abandonna pas, les précieux souvenirs qu'elle partageait avec la chercheuse étaient son carburant, cette torche allumée dans les ténèbres, cette étincelle qui était là pour lui rappeler ce qui importait réellement.

Une nuit d'insomnie comme une autre, Shura se retrouvait encore à étudier une piste sur son bureau, plongeant son visage dans ses mains face à ce nouvel échec, ce nouveau cul de sac. L'impuissance de sa situation était terrifiante tant elle avait l'impression de ne faire uniquement que du sur place. Elle se laissa aller à un autre soupir saccadé, inspirant profondément cette odeur nauséabonde qui envahissait la pièce.

Nauséabonde ?

La furie ouvrit les yeux, constatant la parfum fétide qui flottait dans les airs. Elle se retourna à l'affût de ce qui pouvait être à l'origine d'une odeur aussi ignoble et c'est à cet instant qu'elle se rendit compte que l'air de son appartement était devenu ambré.

Un petit drone était accroché à l'extérieur de sa fenêtre, l'un de ses appendices transperçant le verre pour vomir un gaz à la couleur orangé. Son lit était recouvert d'une épaisse brume et le nuage continuait silencieusement à envahir la pièce, avançant lentement dans sa direction.

Shura couvrit immédiatement son visage et retint sa respiration. Elle n'avait aucune idée des effets que ce gaz pouvait avoir sur son organisme et elle ne tenait pas à le découvrir. Son cœur se glaça lorsqu'elle se rendit compte du destin funeste qui l'aurait attendu si elle s'était endormie dans son lit pour probablement ne plus jamais se réveiller.

La furie se rapprocha de sa fenêtre et le drone remarqua cette présence soudaine. Rengainant son appendice, il se décrocha de la vitre et décolla lentement dans les airs, sans doute pour aller rejoindre son propriétaire. Shura ne pouvait se permettre de rater une telle occasion. Attrapant une lame, elle ouvrit la fenêtre et grimpa sur le rebord, surveillant du regard la direction que prenait le petit drone.

Une profonde inspiration fut nécessaire à Shura avant qu'elle n'entame son ascension. Le bloc d'habitation avait l'avantage d'être suffisamment étendu pour ne pas la condamner à devoir escalader une paroi lisse au dessus du vide, mais elle se sentait bien moins agile sans son équipement habituel. La N7 parvint néanmoins à se hisser en hauteur au gré de prises plus ou moins régulières et atteignit rapidement le toit.

Elle suivit alors silencieusement le drone, tentant de camoufler sa présence face à un quelconque témoin visuel, attendant patiemment avant de devoir se déplacer sous une source de lumière. Sa cible parvint finalement à sa destination, se posant à côté d'un petit terminal portable. Mais personne n'était en vu et Shura fronça les sourcils, tentant de comprendre de quoi il pouvait s'agir, patientant silencieusement.

Un mouvement, un reflet dans les ténèbres, la furie se cambra soudainement, évitant de justesse la lame qui fendit l'air là où se trouvait sa gorge la seconde précédente. Une ombre se détacha subitement, enchaînant avec un second coup mais cette fois ci, Shura était prête. Elle immobilisa son poignet, contre attaquant presque immédiatement.

La silhouette de l'agent se détachait clairement à présent, et la furie eut une meilleure idée de l'adversaire qui lui faisait face alors qu'ils luttaient au corps à corps. Il n'était pas spécialement bien entraîné, mais il disposait d'une force incroyable qui prit plusieurs fois Shura par surprise, lui confirmant également que son ennemi n'était pas entièrement organique.

Une projection biotique plaqua violemment l'agent contre le mur alors que la furie reprenait son équilibre. Sans doute avait-il compris qu'il ne serait pas de taille face à cet adversaire car il se laissa tomber du rebord, atterrissant sur un autre toit un peu plus bas et commençant à prendre la fuite. La N7 le talonna, utilisant sa biotique pour évoluer sans trop de contraintes au milieu de son environnement et pour ralentir sa cible, chose que l'agent imita avec son propre équipement.

Quelques coups de feu étouffés par un silencieux lui parvinrent et Shura dressa une barrière pour les contrer, refusant de ralentir et de laisser sa proie s'échapper. Elle attendit patiemment le bon moment, la bonne opportunité pour pouvoir lui sauter à la gorge. Lorsque l'angle fut idéal, elle emmagasina sa biotique, son corps tout entier disparaissant dans une charge qui percuta violemment son adversaire. Elle l'avait enfin entre ses griffes.

La puissance du choc lui fit perdre l'équilibre et la furie dégaina le couteau à sa cuisse, ne lui laissant aucunement le temps d'agir en lui plantant la main contre le sol. Elle étouffa le cri de douleur de sa victime en lui fracassant le crâne contre le métal, à plusieurs reprises. Ces impacts lourds, le bruit des os qui se brisaient sous chacun de ses coups l'enflammèrent, faisant vibrer son âme qui se retrouvait soudainement libérée de toute cette tension, de toute cette frustration. Elle jubilait, maîtresse de ce monde sans faux semblant où seule la force régnait.

Les hurlements qui lui parvenaient aux oreilles ne firent que l’assoiffer davantage, libérant tout ce qui était resté enfermé bien trop longtemps dans cette violence pure et sauvage, se déchaînant de toutes ses forces sur ce corps meurtri, auréolant ses poings de biotique alors qu'elle déchirait les chairs et broyait les os, encore, et encore... Et encore.

Ce ne fut que lorsque l'épuisement s'empara de ses muscles que ses mouvements ralentirent et que la furie se stoppa, constatant que ses poings ne faisaient plus que baigner dans la pulpe qu'était devenue cette boite crânienne. La morsure du froid et de la fatigue se fit soudainement sentir et Shura comprit qu'elle venait également de gâcher sa chance d'obtenir enfin des réponses, aveuglée par la violence et cette sensation exquise de délivrance qui avait envahit son corps. Elle s'était laissée emportée par ses émotions, une fois de plus.

D'un mouvement rageur, la furie projeta le cadavre défiguré par dessus le rebord d'un coup de biotique, le laissant tomber dans le vide. Elle s'effondra alors au sol, essoufflée, épuisée et frigorifiée, entourant ses jambes de ses mains dégoulinantes de chair, sanglotant sous les lueurs d'une citadelle indifférente.
Shura Fender

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Faction : UCIP
Rang : Colonel
Shura Fender
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MessageSujet: Re: Délivrance   Délivrance Icon_minitimeSam 13 Avr 2019, 15:12
L'arme vint violemment frapper l'arcade sourcilière, la perforant. Le sang gicla accompagné d'un cri de douleur qui se censura de lui même en voyant que le canon du flingue était toujours pointé dans sa direction.

D'où venait cette cargaison ? Réponds !

Le ton utilisé était sans appel, ne laissant que peu de doute sur ce qui pouvait se dérouler si la victime ne s’exécutait pas bien sagement. Le visage boursouflé par les coups, l'homme chauve leva les mains devant lui, tentant par ce geste de calmer son agresseur, balbutiant quelque chose entre ses lèvres enflées.

L’œil... Le Duché... Le Duché d'A...

Un claquement, l'implant cybernétique dans son crâne sauta et sa tête tomba soudainement lourdement en avant, un mélange de sang et de salive dégoulinant de sa bouche entrouverte.

NON ! Fais chier, merde !


Yuri Fender baissa son arme, se tenant impuissant face à ce cadavre qui ne pouvait plus lui apporter la moindre information. Il se détourna, posant lourdement ses mains sur une table adjacente et contemplant le vide. Shura se tenait droite dans un coin de la pièce, l'émotion sur son visage dissimulée sous son casque de furie. Elle avait finit par s'habituer à voir les réponses s'échapper perpétuellement hors de portée, contrairement à son cousin.

Elle vint se placer à ses côtés, prenant la parole.

Un Duché ? C'est donc sur Terre.

Il semblerait, ils étaient sous notre nez depuis le début.

Ça réduit déjà énormément le champ de recherches. Il ne nous reste plus qu'à localiser la tumeur sur cette planète et à l'extraire.

Major !

Le duo fut interrompu par un spetsnaz qui pénétra dans la pièce.

Major, la navette vient de nous contacter, elle est prête pour l'exfiltration.

Très bien rassemblez le reste de l'équipe et préparez vous à rejoindre la ZA.

Da, immédiatement !


Une demi douzaine de spestnaz sous le commandement de Yuri et accompagnés d'une furie biotique sortit du bâtiment. Ils se trouvaient dans l'une des terres mortes les plus dangereuses de l'Europe de l'Est, des bidonvilles s'étendant sur plusieurs kilomètres carrés entourés par des murs barbelés sous l'étroite surveillance de l'alliance. Un terreau fertile pour les bandits, les gangs et tous les types de criminels qui y trouvaient leur bonheur.

La situation s'était cependant dégradée récemment, la faune locale ayant mis la main sur des cargaisons d'implants et d'améliorations cybernétiques provenant de l’œil, accentuant davantage leur dangerosité pour les zones alentours. L'expédition avait eu pour but de neutraliser le baron du crime local et d'obtenir des informations quant à l'origine de ces cargaisons et sur ce soudain comportement agressif de l’œil. L'organisation à l'éthique quasi inexistante demeurait une piste que Shura n'avait jamais vraiment écartée sans pour autant la favoriser, raison de sa présence en ces lieux.

La petite équipe avançait prudemment entre les ruines et les habitations précaires, surveillant chaque angle de vue qui pouvait s'avérer mortel d'un moment à l'autre. Yuri leva le poing soudainement face à du mouvement.

Ne tirez pas, des civils.

Des personnes couraient la tête baissée, cherchant un abri au plus vite pour ne pas finir entre deux feux. L'annonce préliminaire de la tempête à venir. Les militaires avaient mis un coup de pied dans la fourmilière en prenant d'assaut la demeure du baron local et nul doute que les conséquences allaient rapidement se faire sentir. Le grognement d'un moteur se fit entendre dans les airs et une navette survola la zone, s'apprêtant à se poser sur l'un des toits.

Ce fut comme un signal, de multiples tirs se firent soudain entendre et des projectiles d'armes lourdes filèrent dans les airs, frôlant de peu la coque du véhicule.

Impossible de se poser, la ZA est beaucoup trop chaude !

Décrochez, nouveau point d'extraction sur la rive de la Volga.

Bien reçu camarade.

La navette russe repartit dans les airs, hors de portée des tirs qui ricochaient sur son bouclier. Pour l'équipe au sol en revanche, la situation devint soudainement bien plus complexe. Dépassant des fenêtres, des toits et même parfois en embuscade derrière des portes, les mercenaires se manifestaient, faisant pleuvoir un feu nourri sur la troupe de militaires. Bien que leur matériel soit en grande partie désuet, les implants leur donnait cependant un certain avantage et surtout le plus important, il s'agissait de leur territoire.

Les militaires se frayèrent de force un passage dans les ruelles, se couvrant les uns les autres et tentant de fournir un feu aussi énergique que celui de leurs agresseurs. Shura opérait un rôle d'ange gardien, utilisant sa puissance biotique pour balayer les groupes d'ennemis trop nombreux ou se dressant avec sa barrière pour couvrir un collègue en difficulté.

Malgré le nombre de leurs adversaires, les spetsnaz parvinrent à s'extraire du noyau central des bidonvilles et à atteindre les rives de la Volga. La navette les y attendait, utilisant ses systèmes de défenses pour repousser les mercenaires proches. Yuri attendait la fin de la colonne à l'extérieur tandis que Shura transportait un blessé sur son dos, espérant que sa barrière pouvait le couvrir lui aussi. Une fois l'équipe en sécurité, le véhicule reprit son envol et quitta définitivement le ciel des terres mortes.

L'ambiance à l'intérieur de la navette était loin d'être festive, le silence était parfois ponctué de grognements de douleurs lorsque la médic russe passait dans les rangs pour administrer les premiers soins sur diverses blessures. Shura la regarda opérer, un sourire triste étirant le coin de ses lèvres.

Shura.

La furie tourna la tête sur le côté, avisant la présence de son cousin.

On a rendez vous avec l'un de nos contacts, je ne pense pas que l'on aura l'occasion d'apprendre du nouveau pour le moment.


Ce n'est rien. Merci de m'avoir acceptée. Elle soupira sous son casque. J'avais besoin de me défouler un peu.

Je pense que l'on s'en serait bien plus mal sortis si tu n'avais pas été là. Merci à toi, de la part de mes hommes.

Les deux Fender échangèrent un regard silencieux, nimbé de respect l'un envers l'autre.

Je ferai en sorte de te contacter dès que j'aurai du nouveau.

***

La vie de Shura sur la Citadelle avait pris une tournure bien différente depuis la tentative d'assassinat à son domicile. Elle ne revenait quasiment plus à son appartement, prenant soin de ne jamais dormir trop longtemps au même endroit, variant ses trajets, ses points de ravitaillement, tentant de se fondre au milieu de la foule opulente de la Citadelle.

Un mode de vie particulier qui rendait ses enquêtes bien plus difficiles, mais elle continuait de communiquer avec les membres de l'UCIP envers lesquels elle avait une confiance absolue. Redfield évidemment, Galbius, mais également Myalha, une asari étrange qui ne parlait quasiment jamais sauf en cas d'extrême nécessité. Pourtant, elle n'avait pas besoin de la parole pour prouver sa loyauté, et Shura la savait suffisamment fidèle à l'UCIP et au Conseil pour la choisir lors de missions primordiales. La furie consultait donc le groupe régulièrement lors de réunions isolées.

Les pistes semblaient toujours converger puis se brouiller sans arrêt. L’œil s'avéra avoir une influence au cœur même de la Bulle Locale, son expédition avec les spetsnaz avait pu le prouver. Mais rien ne permettait de relier l'organisation à la disparition d'Arcadia. Elle avait suivi bon nombres d'enquêtes dont l'affaire d'Edouard Martyn qui refusait de croire aux circonstances accidentelles dans lesquelles son mari était décédé, son corps demeurant introuvable. Des détails sans doute, des futilités, mais pourtant chacune pouvait avoir son importance. Elle ne faisait pas assez confiance aux courtiers pour faire appel à eux et bien que la Lignée pouvait donner de solides informations sur l’œil, elle ne pouvait se permettre de partir pour les Terminus et d'y échanger ses services afin de les récupérer.

Le temps lui n'attendait personne. Chaque jour qui passait amenuisait ses chances de retrouver Arcadia en vie, mais jamais elle ne lâcha prise, jamais elle ne perdit espoir. Un comportement qui avait sans doute été facilité par cette sensation d'irréalité qui l'envahissait, cette impression de vivre un cauchemar plus grand encore alors que la guerre était terminée. La furie avait également ses petits rituels, des habitudes de vies simples qui lui étaient pourtant d'une grande aide pour tenir et ne pas céder au désespoir.

Chaque soir elle enregistrait un message vocal sur la messagerie d'Arcadia, lui faisant un résumé de sa journée, de ses avancées, de tout ce qu'elle avait pu apprendre. Elle prenait toujours le temps de lui dire à quel point elle l'aimait, à quel point elle tenait à elle et qu'elle ne devait jamais l'oublier, où qu'elle puisse être. Avoir cette impression de vraiment lui parler, de ne pas courir après un fantôme lui faisait un bien fou. Mais parfois, la réalité revenait lui mettre une claque, la réveiller, lui faisant se demander si elle n'était pas simplement en train de devenir folle.

***

Shura n'avait jamais réussi à contacter Chaol Ziegler, il y avait toujours quelque chose, un empêchement, une interdiction à la con, une erreur. Ce jour là, elle avait décidé de se rendre elle même sur place, de visiter les laboratoires de Mars pour rencontrer le Monsieur en personne. Elle n'avait aucune réelle idée de ce qu'il pouvait éventuellement lui apprendre, mais elle le savait proche de sa fille et cette brume qui semblait entourer son existence l'intriguait.

C'est donc accompagnée de Redfield qui s'était lui même porté volontaire qu'elle voyagea jusqu'à Mars. La furie ne connaissait que très peu cette planète et ne se rappelait d'ailleurs pas s'y être déjà rendu. Les deux militaires accédèrent aux laboratoires et firent connaître directement sur place la raison de leur présence. Le Docteur Ziegler était un scientifique de renom et il n'était pas étonnant de constater les difficultés qu'il fallait traverser pour le rencontrer.

Le rang des deux visiteurs leur fut cependant d'une grande aide et on les guida à l'intérieur du complexe, les emmenant jusqu'à une salle de repos.

Veuillez patienter ici, le Docteur ne devrait pas tarder.

Le guide échangea quelques formules de politesses avec eux avant de disparaître, laissant le duo observer avec fascination le panorama ambré de la planète qui s'offrait à eux depuis cette pièce. Redfield était accoudé sur le dossier d'un fauteuil, le regard perdu dans le paysage martien. Shura profita de ce moment paisible pour laisser ses pensées voguer vers un monde agréable et nimbé d'innocence.

Elle imaginait des véhicules de toute origine se lancer dans une course frénétique sur ce territoire désert et rocailleux, grimpant les dunes et les falaises pour effectuer de sublimes acrobaties aériennes, frimant tout en dépassant leur concurrents. Le ronronnement des moteurs envahissant l'air, se disputant la suprématie sonore aux bruits de chocs et de destruction des composants qui grinçaient leur mécontentement sur ce sol glacial.

Il faudra que je vous emmène à Stellargent.

La voix de Redfield fit sortir la furie de sa rêverie et elle tourna sa tête dans la direction de son partenaire.

Lorsque l'on aura retrouvé Arcadia, j'emmènerai toute l'équipe là bas. Mon père possède une résidence sur place, ça pourrait être l'occasion de pouvoir fêter tout ça.

Shura se mit à sourire.

Tu... Imagines vraiment Galbius et Myalha capables de s'amuser ?


Le duo échangea un petit rire. Il était si agréable de pouvoir s'imaginer de telles scènes, une journée simple sur la Citadelle, accompagnée d'une beauté angélique hors de prix. Pas de peur, pas de tristesse, pas de paranoïa, juste le plaisir pur de vivre aux côtés de celle qu'elle aimait, de partager sa vie. Un souhait simple qui avait représenté son vœu le plus cher depuis le gala mais qui demeurait pourtant complètement hors de portée, devenant peu à peu, son pire cauchemar.

Un bruit soudain, une effusion de sang. Shura ne comprit pas tout de suite ce qu'il se passait, son corps réagissant bien avant son esprit, plongeant à couvert derrière un meuble. Ce ne fut qu'une fois à l'abri qu'elle le vit, le crâne de Redfield transpercé d'une balle, son corps tombant lourdement au sol alors que les hommes de main des McKnight se rapprochaient. Son expression et son regard étaient figés à jamais, le sang dégoulinant sur son visage depuis le trou béant dans son front.

Shura resta figée sur place, observant pendant de longues secondes le corps inerte de son coéquipier. Les bruits de pas se rapprochaient, les ordres étaient aboyés à la va vite et toujours ce corps immobile devant elle. La furie serra les poings et son regard s'illumina d'une lueur bleue surnaturelle. Poussant un hurlement de rage, elle sauta par dessus sa couverture et se jeta à la gorge de ses adversaires.

Une tempête de biotique s’abattit sur les assassins, la chair fracassée, déchirée, les corps semblaient presque voler dans la pièce. Dans cet espace confiné, leurs armes ne leur furent d'aucune aide, leur combinaison, d'aucun secours. Les prédateurs devenaient les proies, leur vie arrachée sans la moindre once de pitié. Les mercenaires s'effondrèrent les uns après les autres en l'espace d'une dizaine de secondes, il n'en resta plus qu'un, se tordant de douleur au sol face à la furie auréolée de biotique qui marchait dans sa direction.

Tu vas me donner le nom de tes employeurs...

Le survivant grimaça de douleur mais il leva sa tête et une main devant lui, visiblement disposé à coopérer.

Les McKnight, ce sont les McKnight qui nous ont envoyés ici.


La furie s'arrêta.

Les McKnight ?


Oui... Le duché d'Argyll en Écosse... C'est là que leur famille est installée.

La biotique sembla soudainement s'évaporer dans les airs, la voix de Shura s'adoucissant subitement.

Est ce que... Est ce qu'Arcadia est avec eux ?

Arcadia ? La marquise ?

Une étincelle d'espoir s'embrasa soudainement dans les entrailles de Shura, enflammant son corps tout entier en l'espace d'un instant.

C'est elle que vous cherchez ? Il esquissa un petit rire moqueur, toussant et crachant du sang sur le sol. Si vous saviez... La dernière fois que je l'ai vu elle était dans un ét...

Il ne termina jamais sa phrase, la biotique déchira la chair de son crâne, le séparant en deux. Ne restait plus que sa mâchoire inférieure, se dressant pitoyablement dans les airs avant de s'effondrer à son tour et de rejoindre le reste de sa carcasse.

Elle n'avait pas envie d'entendre ce qu'il avait à dire. Mais Arcadia était bien là, quelque part, tangible et réelle, ce n'était plus simplement une chimère de son esprit après laquelle elle courait inlassablement. Et elle avait un nom et une destination désormais, c'était bien plus que tout ce qu'elle avait pu obtenir dans les mois précédents. Elle se retourna, l'épuisement après l'utilisation de sa biotique étreignant soudainement son corps. Elle posa une main sur le torse de Redfield, se demandant si elle n'était pas maudite, condamnée à jamais à observer son entourage se faire broyer par la souffrance et la mort.

Elle souleva le corps inerte de son ami, le portant dans ses bras alors qu'elle boitait vers la sortie, indifférente face au massacre qu'elle avait perpétré. Elle découvrira plus tard que le Docteur Ziegler n'était même pas présent sur Mars ce jour là. Un piège à la simplicité dérangeante, une embuscade dans laquelle elle avait emmené son coéquipier insouciant, un aller direct vers l'au delà.

***

Toutes les pistes convergeaient désormais. Yuri l'avait recontactée pour lui partager ses découvertes, le lien entre l’œil et l'une des grandes familles locales. L'organisation, les McKnight, les disparitions et les accidents qui profitaient à la lignée... La Terre. C'était presque ironique de découvrir qu'Arcadia s'était trouvée sous son nez depuis le début, emportée par sa propre famille.

Shura se savait désormais dans le collimateur des McKnight, mais elle n'avait de toute façon pas l'intention de rester inactive alors qu'elle avait enfin un objectif défini. Elle avait rassemblé ses contacts de confiance, demandant leur aide pour intervenir sur le domaine d'Inveraray, malgré la demi douzaine de règles qui étaient censées les en empêcher.

Galbius accepta sans hésiter, Myalha, se contenta de hocher la tête, suivant Shura sans poser de questions comme à son habitude et Yuri se proposa même d'apporter le concours de ses spetsnaz. La furie fut heureuse de ne pas être seule au moment le plus crucial, alors que l'avenir d'Arcadia était désormais entièrement entre ses mains.

Son cousin vint se placer à ses côtés, contemplant comme elle le plan satellitaire du duché d'Argyll.

Arcadia... C'est quelqu'un d'important pour toi ?

Je l'aime.

Shura fut elle même étonnée de la simplicité avec laquelle elle avait fait cette déclaration.

Je vois.

Une main qui se voulait rassurante se posa sur son épaule.

On va la retrouver et on va leur faire payer... A tous.

Shura lui rendit son contact et les deux Fender échangèrent un regard complice l'espace d'un instant.

Ce soir là, alors que les militaires se préparaient mentalement et physiquement pour l'opération nocturne à venir, Shura s'était isolée, enregistrant un tout dernier message vocal à Arcadia, lui demandant de tenir le coup, que tout cela serait bientôt terminé. Et c'est à cet instant qu'elle le reçut sur sa boite personnelle, LE message. Une origine inconnue, une succession de mots et de courtes phrases qui isolées ne semblaient pas correspondre, ne gagnant un sens que dans une lecture d'ensemble.

Shura n'en crut tout simplement pas ses yeux. Il s'agissait d'un SOS, donnant des détails courts, divers et variés sur le domaine d'Inveraray. C'était un message d'Arcadia, un appel à l'aide dans les ténèbres, un appel qui lui était destinée. La furie fut totalement incapable de retenir les larmes de joie qui lui envahirent le visage alors qu'elle contemplait de ses propres yeux le premier signe de vie d'Arcadia depuis des mois. Elle était vivante, là en bas, n'attendant que son aide pour retrouver la liberté.

Shura posa tendrement une main sur son écran, tentant de caresser les mots, de se les approprier. L'émotion saccadait sa voix et sa respiration alors qu'elle pleurait à chaudes larmes.

J'arrive chérie... J'arrive très bientôt.

Tout ce cauchemar, tout cet enfer serait bientôt terminé et elle serait de nouveau réunie avec la femme qu'elle aimait plus que tout.

***

La navette furtive de l'UCIP filait dans les airs, se fondant à la perfection dans la nappe de ténèbres qui avait envahit les terres d'Ecosse. Elle se posa dans un silence presque parfait dans les hauteurs boisées qui surplombaient légèrement Inveraray. Mais l'équipe à son bord attendit patiemment le signal avant d'entamer sa marche funèbre.

A plusieurs kilomètres de là, plus au sud, Un camion au comportement étrange se fit arrêter par la sécurité des McKnight à la sortie du village de Furnace. Le contrôle fut interrompu par une détonation, les lunettes de précision d'une douzaine de spetsnaz camouflés dans la végétation scintillèrent alors presque à l'unisson et une déluge de mort s’abattit sur les gardes.

Ce fut le signal que la diversion avait commencé. Yuri hocha la tête, deux doigts sur son récepteur lorsque ses hommes lui confirmèrent le début de l'opération.

On peut y aller.

Si cette nuit là, comme toute les autres nuits, quelqu'un était parvenu à se glisser subrepticement au sein du vieux château d'Inveraray, perdu au milieu de la lande et des bois Écossais, s'il avait regardé à l'extérieur à travers la végétation luxuriante du domaine, il aurait vu quatre silhouettes fantomatiques se faufilant au milieu des ténèbres de la forêt. Il aurait vu cette escouade porteuse de mort, de vengeance, avancer droit en direction de sa cible, prête à faire goûter à ses adversaires, son courroux implacable. Mais personne n'aurait pu la voir. Le château d'Inveraray était bien caché, dans un endroit désert, plongé dans le brouillard, où personne n'osait s'aventurer.
Shura Fender

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Shura Fender
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MessageSujet: Re: Délivrance   Délivrance Icon_minitimeSam 13 Avr 2019, 15:18
Changeant sans cesse de position, multipliant les pièges et les embuscades, les spetsnaz avançaient inlassablement vers Inveraray, longeant le Loch Fyne, repoussant autant que possible les gardes qui étaient lâchés sur le domaine. Ils avançaient désormais en petites unités à travers la lande, en large infériorité numérique. Rares étaient ceux qui tombaient, mais chacun d'eux fut une étincelle supplémentaire, embrasant cette détermination et cette volonté farouche de vaincre, de venger. Ils tenaient bon, accomplissant sans rechigner la mission qui leur avait été donnée.

Le château d'Inveraray était soudainement plongé en pleine effervescence face aux événements, inconscient du danger bien plus important qui s'infiltrait sournoisement en son sein. La petite escouade de l'UCIP multipliait les détours pour éviter les défenses, les patrouilles, se fondant à la perfection dans les ténèbres et s'apprêtant à frapper un grand coup.

Shura stoppa la troupe alors que deux gardes et un chien mécha leur barraient la route. Ils tombèrent en même temps sous un feu simultané, les ombres surgissant des ténèbres pour attraper les corps et les dissimuler autant que possible avant de reprendre leur route. Un compte à rebours invisible venait de se déclencher.

La furie préférait se concentrer sur l'action pour éviter de trop réfléchir à ce qu'elle ressentait. Un mélange perpétuel et indécis d'appréhension, de peur et d'excitation qui lui donnait l'impression de vivre une scène irréelle. Les émotions défilaient dans son cœur, chacune d'entre elle était intense et semblait sur le point de l'envahir toute entière avant d'être remplacé par une autre. L'ivresse de la situation lui faisait presque tourner la tête.

L'escouade de l'UCIP parvint à tracer son chemin dans le sang, approchant désormais dangereusement près des murs du vieux château des McKnight. Les caméras de surveillance et le nombre de corps s'accumulant dans leur sillage rendait l'opération de plus en plus tendue. Pour Shura son objectif était clair, peu importe les circonstances, elle devait découvrir où se trouvait Arcadia et y foncer, réduisant à néant tout ce qui pourrait se dresser sur son passage.

L'irrémédiable arriva finalement, une alarme résonna et les cris d'alerte fusèrent. Les corps avaient été trouvés, l'escouade n'était désormais plus ignorée.

Myalha, Yuri, surveillez l'entrée et repositionnez vous si êtes débordés, Galbius avec moi, on va à l'intérieur.

Une charge creuse fut posée sur l'une des portes du château qui céda sans la moindre résistance face à la déflagration. La furie et le garde noir pénétrèrent alors pour la toute première fois dans les couloirs de l'immense demeure, découvrant cette décoration qui semblait tout droit sortie d'une autre époque. Mais aucun des deux n'eut le luxe de s'y attarder, affrontant sans répit les hommes de main des McKnight qui venaient à leur rencontre.

La N7 en plaqua un contre le mur, graciant son crâne de quelques coups biotique avant de l'interroger.

Où est Arcadia ? Où est la Marquise ?


Le sous sol... Le Mausolée...

Shura lâcha son adversaire, avisant Galbius qui broyait la nuque d'un garde dans sa puissante étreinte, un peu plus loin. Le duo ne perdit pas davantage de temps alors que le château semblait désormais pleinement en proie aux bruits de tirs, d'explosions et de luttes sans merci qui déchiraient le silence de la nuit. Ils atteignirent rapidement le sous sol, s'enfonçant dans ce qui semblait être la face cachée de la luxure délicate qu'affichait la demeure en surface.

Des bruits de gardes se firent entendre en haut des escaliers et le turien massif échangea un rapide regard avec Shura.

Je m'en occupe, vas y !

Le fils de Palaven remonta les marches et se lança rapidement dans la mêlée avec un cri de guerre. La furie continua de s’enfoncer dans le sous sol et parvint finalement à atteindre une petite pièce. L'endroit était si isolé que les bruits provenant de l'extérieur n'y résonnaient que très vaguement. Des machines, des outils, des crochets, des chaînes, des ustensiles à la fonction terrifiante étaient étalés sur les murs. Shura sentit soudainement les battements de son cœur s'accélérer, mais son esprit semblait pourtant flotter paisiblement, elle se sentait étrangement très calme sans véritablement savoir pourquoi.

Son regard se posa sur le Mausolée. Une pièce minuscule dont les parois d'acier ne laissaient rien transpirer depuis l'extérieur. La furie s'en approcha, posant une main sur l'entrée, restant ainsi un instant, immobile, parfaitement silencieuse, avant de finalement se décider à l'ouvrir.

Elle grogna un instant sous l'effort en poussant la lourde porte de la cellule. Son grincement métallique lui vrilla les tympans, résonnant dans son crâne comme un avertissement, vibrant tel un cor lugubre que l'on entendrait dans le lointain, annonciateur de l'arrivée imminente des ténèbres, du désespoir, de la mort.

Une brume âcre s'échappa aussitôt de la petite pièce, s'évaporant dans les airs autour d'elle comme pour la remercier de lui avoir rendu sa liberté. La lumière s'infiltra timidement dans le mausolée, loin d'afficher le même enthousiasme qu'à son ordinaire, elle semblait refuser d'éclairer cet endroit, de peur de dévoiler les horreurs qui se devaient de rester dissimulées dans les ombres.

Quelques insectes s'écartèrent lorsque Shura pénétra dans la cellule, frissonnant de dégoût, nauséeuse à n'avoir ne serait-ce qu'à contempler la pestilence qui s'était faite maîtresse des lieux. Le sol n'était pas la seule victime de son toucher moisi et vicié, l'air lui même se faisait lourd, privé de son habituelle volupté, condamné à pourrir dans cet endroit et à se gorger de cette infection fétide qui caressait futilement l'armure de la furie sans pouvoir l'atteindre.

Puis le regard de Shura se posa sur cette silhouette tremblante, recroquevillée dans un coin de la pièce, juchée au milieu d'une mousse gorgée de sang et d'un petit filet d'eau infecté et moisi. Une peau terne et profondément marquée, dénuée de tout éclat, des côtes saillantes, affreusement visibles, porteuses de traces de coups, d'incisions précises dans la chair. Une main broyée à l'état de pulpe reposait sur le sol, comme fusionnant avec la moisissure alentour. Un visage défiguré se levait face à cette lumière, faisant apparaître une orbite au vide terrifiant, des lèvres gercées et découpées, des marques si profondes qu'elles paraissaient presque naturelles.

Il n'y avait plus rien. Plus de bruits de tirs, plus de bruits de lutte, même la respiration sous son casque avait cessé. Le battement de son cœur sembla ralentir, tapant lentement mais puissamment contre sa poitrine.

Le vide. Shura fut incapable de ressentir la moindre émotion, son regard perdu sur cette créature déformée, recroquevillée juste devant elle. La fin du voyage, l'objectif paraissant inatteignable après lequel elle avait pourtant courut sans relâche ces derniers mois. L'accomplissement final de tous ces sacrifices, de toute cette souffrance, de toute cette douleur.

Elle ressentit alors soudainement la morsure du sol contre ses genoux, cette humidité étouffante qui se mit à envahir l'intérieur de son casque alors qu'une larme coulait le long de sa peau, bientôt suivie par de nombreuses autres. Ce ne fut qu'à cet instant que la réalisation de ce qui se trouvait devant elle la frappa, et elle comprit, elle comprit face à cette vision que jamais elle ne pourrait se le pardonner.

Quelque chose se brisa soudainement en elle, une fondation s'écroula, subtile, lointaine, profonde. Un pilier qui avait pourtant survécu aux pires atrocités, qui s'était toujours fièrement dressé malgré les marques profondes qui l'handicapaient, qui s'était toujours battu de toutes ses forces face à l'adversité, face au désespoir et face à la folie. Mais ce jour, cet instant fut pourtant symbole de sa destruction, balayé, annihilé, incapable de supporter davantage ce poids qu'on lui avait demandé de tenir. Shura ressentit l'impact dans tout son corps, ses barrières s'écroulèrent et plus rien ne fut en mesure de protéger son esprit. Sa volonté se brisa, sa détermination s'évapora. Elle jeta sa tête en arrière et elle se mit à hurler.

Un hurlement de rage, de désespoir, de haine, un hurlement inhumain qui fit vibrer la pierre centenaire, qui mordit la chair et qui secoua l'âme de ses notes terrifiantes, percutantes et inarrêtable. Une vague d'un bleu profond sembla s'y joindre, s'élevant dans les airs autour de Shura. La terre elle même se mit à trembler, secouant le mausolée dans son intégralité, ébranlant ses fondations, arrachant quelques pierres du plafond qui s'effondrèrent.

Le hurlement ne dura pas, perdant en intensité, en violence, en conviction, finissant par s'étouffer dans un sanglot. La biotique qui l'entourait disparut, l'air vicié reprit ses droits et les vibrations cessèrent. L'éclair l'avait foudroyée dans son entièreté, une brèche béante s'ouvrit dans son cœur qui se mit à pisser le sang, protestant face à cette marque au fer rouge qui venait s'incruster à sa surface. Plus aucun muscle ne la retint et la furie s'effondra dans la pestilence, incapable de continuer à regarder plus longtemps l'horreur qui lui faisait face, le fruit absolu et inaltérable de ses échecs.

Mais son esprit continua de la tourmenter, lui faisant visionner des images, des souvenirs d'un temps paisible, agréable et insouciant. Un visage angélique, au sourire radieux, à l'éclat inimitable.

A bientôt.

Les portes de l’ascenseur se refermaient, des mâchoires géantes, aux crocs dégoulinant de sang et de chair arrachée, la broyant, l'isolant, la détruisant. La furie lui tournait le dos, plongée dans une innocence étouffante, plongée dans sa pathétique impuissance. Elle n'avait pas tenu sa promesse, elle avait abandonné Arcadia sans un regard en arrière, se focalisant comme toujours avec égoïsme sur elle, sur ses sentiments, complètement aveugle à la tragédie qui se déroulait pourtant dans son dos.

Elle ne pourrait jamais se le pardonner, elle n'était même pas certaine de pouvoir vivre avec cette douleur. Quel intérêt de continuer à vivre après tout ? Elle était impuissante, superflue et tout ce qu'elle touchait du doigt finissait irréductiblement par être détruit. Les visages défilaient devant ces yeux, toutes ces personnes qui lui avaient fait confiance et qui avaient fini brisées, mortes ou bien pire. Son frère, l'équipage du SSV Carthage, des hommes, des femmes, des civils de Shanxi impuissants face à la Corruption qu'elle avait pourtant juré de protéger, Redfield et maintenant ce visage putréfié affichant une orbite vide.

Ce dernier détail s'ancra profondément dans son esprit, refusant de le quitter. Elle en trembla violemment, son souffle réduit à un râle étouffé. Elle gisait au sol, tremblante et sanglotante, brisée. Une enveloppe vide, une carcasse qui conservait pourtant encore en son for intérieur, une étincelle de vie, brillant misérablement au milieu de cette noirceur étouffante.

Des voix résonnaient dans son casque, son cousin, Galbius, mais elle ne les entendait plus. Elle voulait simplement que toute cette souffrance s'arrête. D'un mouvement lent, Shura retira sa capuche et con casque, le laissant rouler sur le côté. L'air vicié de la cellule s'empara immédiatement de son visage, de ses yeux, de sa gorge, de sa respiration. Mais elle ne le sentait même pas.

Son visage recouvert de larmes se leva légèrement mais elle ne trouva pas le courage de reposer à nouveau son regard sur Arcadia. Sa main glissait pourtant dans sa direction, cherchant inconsciemment même en cet instant sa proximité. Elle aurait voulu se montrer rassurante, pouvoir la serrer dans ses bras et lui dire que tout était terminé. Mais elle n'en avait pas le droit, elle ignorait même ce qu'elle pouvait ressentir à son encontre. De la haine ? Du dégoût ? La furie le méritait. Elle ne cherchait pas le pardon.

Elle souhaitait simplement montrer une dernière fois à Arcadia à quel point elle l'aimait, à quel point elle tenait à elle. Sa main vint trouver celle meurtrie de sa compagne, le gant en armure s'enroulant délicatement autour, la serrant avec une délicatesse rare. Ce contact tangible et bien réel, sembla l'embraser à nouveau, lui insuffler la force suffisante pour qu'elle lève la tête vers son visage défiguré, croisant son regard.

L'émotion lui broya la gorge, étouffant presque complètement les mots qu'elle voulu prononcer. Ils étaient terriblement futiles mais elle ressentait ce besoin profond de les exprimer, cette nécessité de lui montrer ce qu'elle ressentait. Sa voix se brisa, son intonation se noyant dans ses sanglots alors qu'elle prit la parole pour la première fois depuis son entrée dans la cellule.

Je suis désolée...
Arcadia McKnight

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Arcadia McKnight
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MessageSujet: Re: Délivrance   Délivrance Icon_minitimeSam 13 Avr 2019, 22:06


「 Délivrance 」
Feat.
Shura
Fender


Une respiration lourde emplissait le mausolée. Une respiration pesante, malade. Une respiration d'outre tombe. A chaque inspiration résonnait un sifflement lugubre alors que les expirations laissaient échapper un râle de souffrance. Continuant sans jamais s'interrompre, martelant les parois de pierre, suintantes d'eau et de sel, le souffle subsistait. S'accrochant désespérément à son rythme pour survivre.
Tout autour dominait ce noir d'encre. Un noir si profond, si intense, que l'on ne pouvait rien distinguer. Si violent qu'il broyait toute lumière, l'écrasant de sa toute puissance. L'odeur rance de la mort se faisait désagréablement sentir, venant s'ajouter aux relents nauséabonds déjà présents.

Sur la couchette trempée, gisait une masse sombre qui se confondait avec l'obscurité. Sa cage thoracique se soulevait difficilement, tremblante de froid. Arcadia était étendue, ressentant la moindre imperfection du sol contre son corps meurtri. La fièvre l'avait atteinte de plein fouet, la faisant osciller entre inconscience et délire. Son esprit luttait vaillamment, se battant pour la garder en vie, affrontant son corps mutilé qui tentait d'étouffer les dernières braises d'espoir. Les prochaines heures seraient les plus importantes de sa vie, décidant de sa vie ou de sa mort.

La blonde était exsangue, pâle comme la mort. Elle avalait à grand mal sa salive, qui lui coulait la plupart du temps à la commissure des lèvres. Des céphalés lui vrillaient le crâne, l'empêchant de se concentrer sur quoique ce soit plus de cinq secondes tant elle était assoiffée. Ce n'était pour autant pas faute d'essayer. Ses pensées ne se dirigeaient plus que vers une seule et unique personne. La femme pour qui elle aurait tout donné et celle qu'elle avait lâchement abandonné : Shura.
Elle se sentait terriblement coupable de l'avoir laissé sans la moindre nouvelle, d'avoir disparu sans avoir pu laisser la moindre trace, de l'avoir lâché dans sa propre solitude.

Elle l'aimait. Elle l'aimait comme si elle avait attendu toute sa vie pour la rencontrer. D'un amour brûlant et sincère, celui qui vous marque à jamais, enivrant et magique. Une relation qui vous ramenait à l'aval le plus extrême, vous faisant oublier tout ce que vous aviez connu. Un attachement aussi tendre et naïf que passionné et mature. Loin du romantique coup de foudre, ce sentiment était authentique, pure et sans ambiguïté. Faire sa vie à côté d'une telle personne, marcher main dans la main, dans la même direction... Qu'aurait-elle pu rêver de plus ? La Martienne aurait aimé l'avoir à ses côtés en ce moment, qu'elle l'accompagne alors que la fin approchait. Sentir sa présence une dernière fois avant que même le noir ne devienne noir.

Mais elle avait oublié. Plus que la folie. Plus que la torture. Plus que la maladie. Le pire était l'oubli. Et pour cela elle se maudissait et se haïssait. Chaque jour qui passait lui faisait oublier ce visage taillé dans la roche la plus pure. Cette voix mielleuse qui la couvait. Sa peau chaude qui l'ensorcelait. L'odeur de son parfum. Les souvenirs se désagrégeaient dans les limbes de sa mémoire, cherchant sans succès à lui faire se rappeler les petits détails les plus insignifiants. Elle oubliait tout de Shura, si ce n'était le nom. Et pour cela elle se détestait.
Elle aurait aimé crier son désespoir, hurler sa souffrance, rugir les remords qui l'engloutissaient, mais elle n'en n'avait plus la force, tant elle avait martyrisé ses cordes vocales sous la torture. Ou même fredonner une dernière fois son amour.

Plus rien ne sortait de ce corps mutilé.

Délivrance Line-p10
La marée montait, inarrêtable, avalant les plages de sable fin, érodant la jetée, submergeant la vie, sans aucune compassion. Seul restait ce navire, dernier représentant de la flamme qui l'habitait. Minuscule, perdu dans cet océan mortel. Chaque vague pouvait être la dernière. Elles venaient le percuter avec violence, menaçant de le faire chavirer à chaque instant, courroucées qu'une si petite chose les tiennent en échec. Elles redoublaient d'effort pour fracasser l'étincelle d'espoir et d'amour. Parfois une lame venait engloutir le pont, s’explosant contre la passerelle.
Le bateau s'enfonçait alors subitement dans les profondeurs noires avant de rejaillir. Sa proue s'élevait vers les cieux, surgissant des abysses à la manière d'un béhémoth, transperçant le mur d'eau telle une épée, affrontant majestueusement la tempête. Puis retombait lourdement contre la surface, explosant le liquide en une contre-vague, l'écume créant ce manteau blanc tout autour de sa structure.

Rien ne pouvait arrêter ce titan de métal qui guerroyait pour deux vies. Une nouvelle vague vint le soulever, l'emmenant haut, dévoilant son avant et sa quille, ruisselante de flotte. Les sentiments bellicistes à l'encontre des McKnight. Les sentiments d'envie de vivre. Les sentiments d'amour pour Shura. Tous vinrent peser sur la proue emmenant de nouveau le vaisseau dans son dernier combat. Son ultime baroud. Traçant au travers de sa folie et de la douleur, se servant à lui même de phare. Son nez alla piquer haut, défiant la lypémanie qui l'encerclait.

Délivrance Line-p10
Des bruits résonnaient à l'extérieur, le conscient percutant l'inconscient. Rêvait-elle ? Était-ce un nouveau délire à cause de la fièvre ? Elle n'en savait foutre rien. Tout son organisme se débattait pour elle. Une minuscule parcelle du docteur McKnight refusait de lâcher le morceau.

Droit devant Arcadia! Garde le cap ! La machinerie à plein bloc, et on verra le bout de cette putain de tempête. Elle vient pour nous ! Alors étale sec et sort nous de là. Laisse moi en paix, elle ne viendra pas... par ma faute. Je l'ai abandonné. Écrase là un peu et arrête de calancher ! Si tu lâches on va cabaner. Elle est déjà là ! La bouée est là bas, alors va la chercher ! Sors toi les tripes et va la chercher. Plante tes dents dedans s'il le faut. Mais elle va venir pour nous ! J'ai plus la force... J'arrive même plus à chialer. Souple Arcadia, je vais redonner du souffle au moteur, tu vas plus rien sentir, tu vas tenir, tu tiens, regarde !

Son unique œil s'ouvrit, transpirant de douleur. Elle se ramassa sur elle même. Dehors des sons étouffés lui parvenait, des tirs, des cris. Son cerveau embrumé tentait de comprendre ce qu'il se passait, jusqu'à ce que petit à petit cet espoir tellement malingre se regonfle. Un espoir de liberté, celui que tout allait se terminer. Et cette peur insidieuse, celle de se retrouver face à celle qu'elle aimait dans un tel état. Elle ne voulait pas que Shura la voit ainsi. Pas ainsi alors qu'elle n'avait plus rien d'humain. Pas ainsi.
Son esprit se déchirait dans cette discordance de peur et d'espérance. Plus d'une fois elle aurait aimé mourir, mais elle n'en avait pas le droit, ni eu le droit. Shura n'y aurait peut-être pas survécu. Il avait fallu tenir pour deux, elle avait accepté ce sacrifice, néanmoins elle ne pouvait pas s'empêcher de douter. De douter du bien fondé de l'avoir fait. De douter que cela pourrait faire plus mal que la mort elle même.

La porte du mausolée grinça, d'une manière effroyable. Ses gonds agrippants fermement la paroi comme pour essayer de ne pas découvrir ses secrets. S'ouvrant de plus en plus. Le filet de lumière devint une averse, un torrent, un déluge qui l'aveugla momentanément. Elle cacha son visage derrière sa main valide, son œil tentant de s'habituer à la luminosité. Une silhouette se tenait dans l'encadrement, grande, ténébreuse, transpirant d'une fureur guerrière. La blonde se recroquevilla, ne pouvant discerner qui lui faisait face.
C'est alors qu'elle s'écroula, sur ses genoux et hurla. Elle hurla, elle hurla de ce cri torturé, résonnant à travers son casque, résonnant à travers la pierre. Ce cri qui pouvait consumer la matière organique de tout un corps, qui faisait gicler toutes vos attentes pour les broyer jusqu'à l'os. Ce cri qui vous dépossédait de tout ce que vous pensiez avoir. Brutal. Sec. Terrifiant. L'onde biotique jaillit transportant toute la douleur de sa propriétaire, extirpant une partie de son âme pour la jeter au loin, ébranlant jusqu'aux fondations de la cellule.

Arcadia était bloquée par l'émotion, incapable de bouger, son œil contemplait celle qui se tenait devant elle. Shura. Elle était là. Elle était venue. Elle ne l'avait jamais oublié. Elle ne l'avait pas abandonné. Shura ! C'est comme si le temps s'était arrêté, qu'il lui était impossible de se mouvoir ou de penser. Comme si ce moment n'aurait jamais pu se concrétiser. La furie ôta son masque, son visage baigné par les larmes trahissait une tristesse infinie. Malgré son faciès cerné dans la pénombre, Arcadia la reconnu bel et bien. Comment avait-elle pu oublier ses traits ? Elle lui prit la main avec une tendresse insoupçonnée. Arcadia sentit son cœur se serrer à ce contact qui n'avait été qu'un lointain souvenir. L'émotion remonta au travers de son corps, insufflant la force nécessaire à ce petit bateau qui venait de s'accrocher à la bouée. Elles se regardèrent.

« Je suis désolée... »

Des gouttes chaudes perlèrent de son œil restant. Des larmes de chagrin et de joie. Elle serra la main gantée qui la réconfortait. Les sanglots secouaient son corps émacié. Elle pleura toutes les larmes de son corps chuchotant et ressassant le même mot, le même prénom : « Shura ».
Ce n'était pas un rêve, ça ne pouvait l'être. Ce toucher. Cette présence. C'était réelle. Alors elle continua à pleurer, trop heureuse de voir le cauchemar se finir. Trouvant même du positif là ou on ne l'y attendait pas. Arcadia tremblait, en proie à des sentiments dont les mots n'étaient pas assez fort pour les décrire. Tant de choses traversaient son esprit, mais elle ne pouvait rien dire d'autre que : « Shura » .

Elle était là désormais, avec elle, l'entourant dans ses bras, pleurant avec elle. La Martienne enroula son bras valide autour du dos de sa sauveuse, l'agrippant comme si elle pouvait la perdre de nouveau. Comme si elle pouvait de nouveau perdre Shura, qu'elle aimait. L'odeur de la stellaire vint se coller contre elle, recouvrant la puanteur, l'apaisant. Son cœur était lourd, se chargeant en émotion. Elle aurait aimé lui dire tant de choses : à quel point elle l'aimait, qu'elle tenait plus que tout à elle, qu'elle n'avait jamais cessé de penser à elle, avait toujours cru en elle, et, plus que tout, qu'elle n'était fautive en rien.
Car cela la faisait souffrir. Elle souffrait de voir cette femme écrasée par sa peine, en ressentait chaque pic. Chaque larme qu'elle versait était comme un coup de poignard. Une défaite, un échec, celui de ne pas avoir pu rendre heureuse Shura. L'une sans l'autre ne pouvait plus exister tant elle se complétait d'une manière fusionnelle.

« Ça va aller Shura, ça va aller... Je suis là... »

Elle murmura cette phrase de sa voix éraillée, sans s'en rendre compte. Ses lèvres se fendirent tandis qu'elle tenta d'esquisser un sourire dont elle avait oublié la recette il y a de cela quelques mois. Sa main droite tremblotait, en essuyant les larmes du visage de Shura alors qu'elle même reniflait, ravalant ses sanglots. Partagée entre le bonheur simple de retrouver son aimée et la peine que son apparence lui infligeait.
Tant de choses s'était brisées en elle durant sa captivité, l'amenant jusqu'aux rives de la folie. Arcadia ne parvenait toujours pas à réaliser ce qui lui arrivait. Elle avait mal, ses blessures étaient encore vives, mais Shura était là à présent. Peut-être plus secouée qu'elle encore. Alors la praticienne se devait d'être là pour lui apporter tout le soutien nécessaire, lui donner tout cet amour qu'elle méritait. La biotique avait démontré le sien, bravant le danger et la mort pour venir la chercher dans cet enfer, allant la chercher au bout du monde.

Tout n'était pas encore terminé, il fallait mettre un terme aux agissements du clan McKnight avant de quitter ce lieu maudit. Même ravagé par la torture et affaibli par la fièvre, le fléau de l'Énergie Noire n'avait pas oublié sa promesse de vengeance. C'était le prix à payer si elle voulait vivre en paix et à jamais avec Shura.

Soutenue par sa compagne, Arcadia émergea de sa prison. Défigurée, éreintée, mais vivante. Les bruits des combats résonnaient dans le château, des voix aux forts accents de l'Europe de l'Est éructaient des mots incompréhensibles depuis le sous sol.
Maintenant qu'elles étaient ensembles, plus rien ne pouvait lui arrivait. Plus rien ne pouvait leur arriver.


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MessageSujet: Re: Délivrance   Délivrance Icon_minitimeLun 22 Avr 2019, 00:04

「 Délivrance 」

Plus rien n'était en mesure de se dresser face aux vagues désormais, le torrent s'engouffrait avec une avidité quasi maladive dans les brèches béantes devant lui, saisissant cette opportunité comme si sa vie en dépendait. Cela faisait des années qu'il s'était écrasé inlassablement sur cette roche inébranlable, emportant parfois quelques morceaux avec lui mais incapable de pouvoir espérer la franchir. Son acharnement avait pourtant été persistant, la pression n'ayant jamais réellement cessé, elle s'était toujours trouvée là, parfois vicieuse, parfois effroyablement puissante, ne laissant aucun répit.

Shura.

Et ce poids attaché à sa jambe n'avait fait que s'alourdir au fil des années, qu'importe les efforts qu'elle avait pu fournir pour endiguer les flots, elle se retrouvait toujours à traîner cette charge, avançant à tâtons dans les ténèbres de peur de réveiller quelque chose contre lequel elle n'aurait pas été en mesure de lutter. Elle n'avait jamais tenté l'effort futile de s'en débarrasser, se contentant simplement de l'ignorer.

Shura.

Solitaire, isolée, loin de la vie qu'elle avait pu connaître autrefois, elle essayait pourtant par respect pour ceux qui avaient quitté ce monde à sa place de profiter, d'apprécier son existence. Un effort devenu naturel, à mi chemin entre le jeu éternel et la comédie, un sourire sur ce visage qui tentait de camoufler la tragédie sous une nappe d'ignorance et de cécité. Mais le torrent revenait toujours à la charge, menaçant parfois de l'emporter dans sa folie destructrice.

Shura.

Malgré l'envie parfois irrépressible d'accomplir cet acte égoïste, elle n'avait pourtant jamais appuyé sur la gâchette. Sa survie autrefois motivée par la vengeance n'était désormais régie que par une volonté simple, celle d'épargner aux autres cette expérience, de préserver autant que possible leur vie loin de toute cette folie. Qu'importe les sacrifices et la douleur, elle devait continuer d'avancer, dressant haut dans le ciel cette valeur qu'elle chérissait profondément.

Ça va aller Shura, ça va aller... Je suis là...

Cette voix... Symbole d'un bonheur autrefois perdu qu'elle avait retrouvé, cette intonation cassée et émaciée représentant l'un de ses plus terribles échecs. Les larmes semblèrent ralentir leur cadence l'espace d'un instant et elle fut de nouveau capable de voir, de sentir ce parfum dégénéré de pisse et de sang, de respirer soudainement cette pestilence à l'épaisseur infecte.

Il n'y avait plus rien autour d'elle, seulement les restes déformés d'Arcadia qui trônaient dans ce monde pourri qui était devenu sien. Une braise volatile et difforme d'un feu qui se paraît d'ordinaire du plus bel éclat, la représentation physique et bien réelle de l'un des pires cauchemars de la furie. Et alors qu'elle contemplait à nouveau avec souffrance le corps brisé de la femme qu'elle aimait plus que tout, elle parvint à comprendre qu'il s'agissait là de son tout dernier rempart face au néant.

Cette étincelle de vie devant elle qui menaçait de s'éteindre à tout instant était la dernière chose qui la retenait encore dans ce monde ravagé, le dernier éclat qui lui insufflait la volonté de continuer d'avancer dans cette douleur insoutenable.

Sa raison de vivre.

Une main gantée vint se poser avec tendresse sur l'une de ses joues, maudissant le métal de lui retirer le plaisir de ressentir cette peau contre la sienne, toute infecte pouvait-elle être. Elle ne devait pas laisser la douleur lui faire oublier le plus important. Elle était en vie, il était encore temps de la faire sortir de cet enfer, de lui redonner son éclat intemporel, de la préserver et de la chérir... De la protéger. Même si elle n'était plus digne d'assumer ce rôle ni ces promesses, elle devait pourtant tout faire pour les remplir, quoi qu'il puisse lui en coûter.

Sentant une nouvelle énergie au flamboiement farouche l’envahir, Shura trouva la force de se relever, tentant vainement d'éponger son visage sur sa combinaison, de sécher ces larmes irresponsables qu'elle n'aurait jamais dû verser en cet instant devant sa compagne. La furie se plaça aux côtés d'Arcadia, la soutenant autant que possible alors qu'elle émergeait de sa prison, sa silhouette décharnée soudainement exposée à une puissante lumière.

Une nouvelle plaie s'ouvrit dans son cœur meurtri en contemplant ce corps aux lueurs autrefois angéliques qui semblait désormais presque refuser de se laisser nimber de lumière. Chaque blessure venait raconter une terrible histoire, un supplice dont Shura refusait de connaître les détails. La simple idée de l'imaginer seule, isolée, abandonnée dans cette salle sombre, torturée chaque jour, encore, et encore, et encore... Elle avait envie de vomir, de s'arracher les yeux, de se broyer le crâne pour ne plus jamais avoir à contempler et subir davantage encore cette souffrance. Une réaction à la légitimité indéfendable tant elle était futile comparée à ce qu'avait du subir Arcadia.

La furie prit son courage à deux mains en asseyant un instant sa compagne, inspectant son corps dans les moindres recoins à la recherche d'une éventuelle blessure nécessitant une intervention immédiate. Mais tout baignait dans une moisissure et une infection qui témoignait de son ancienneté et de l'inutilité d'une telle manœuvre. Shura appliqua néanmoins une dose de médigel sur les zones les plus critiques, espérant que la douleur en deviendrait plus facilement supportable en attendant les soins sur la Citadelle.

Elle laissa Arcadia sur place un instant, dégainant son arme et s'avançant vers la porte menant aux escaliers pour vérifier sa sûreté. Aucun adversaire ne fit irruption, le silence s'était même installé en haut des marches, signe que le turien avait du achever son œuvre. C'est là qu'elle entendit un cri étouffé, la tête de la furie se tourna subitement pour voir ce qui en avait été à l'origine.

Logan McKnight se trouvait là, sa silhouette imposante se dressant au milieu de la salle de torture, son bras entourant fermement la gorge d'Arcadia, la pointe d'un canon lourd posé sur son crâne.

Lâche ton arme et donne l'ordre à tes hommes de cesser le combat.

Comment était-il rentré ? Existait-il d'autres ouvertures ou s'était-il dissimulé dans le silence jusqu'à cet instant ? Elle n'avait pas fait preuve d'assez de vigilance mais elle n'avait plus le choix désormais. Elle ne discuta pas, lâchant son arme au sol, ne pouvant décrire l'horreur de ce frisson qui envahissait son dos alors qu'elle contemplait le canon plaqué contre le visage d'Arcadia. La tête de Logan se pencha sur le côté, ses lèvres se fendant en un sourire mauvais alors qu'il semblait susurrer presque uniquement à l'intention de la martienne.

Tu réalises maintenant toute l'étendue de ton impuissance pauvre chienne ?

Shura leva les mains en l'air et le canon lourd quitta la boite crânienne de la chercheuse pour se pointer sur la N7.

Ne bouge pas tes bras sale pute biotique !

Arcadia n'était plus en danger, c'était le moment qu'elle avait attendue. Sa main s'illumina un instant et une onde bleu s'en échappa, percutant violemment Logan qui fut propulsé en arrière en lâchant brutalement Arcadia et son arme. Il avait cependant eut le temps d'appuyer sur la gâchette, un tir réflexe qui traversa les boucliers de Shura et s'encastra dans son armure. La puissance du choc la fit vaciller mais la balle n'avait pas pénétré sa peau, bien trop ralenti par ses défenses.

Elle leva la tête, constatant que son adversaire avait volé jusqu'à l'autre extrémité de la salle, tout près de l'entrée du mausolée. Il vociférait de rage, crachant au sol avant de s'emparer d'une lame. La N7 resta immobile alors qu'il courait dans sa direction en levant sa nouvelle arme, ses yeux animés d'une colère dégoulinante. Alors que la lame fendait l'air, la main en armure de la furie vint saisir le bras de Logan par le poignet stoppant net son geste et lui tordant le bras. Le cri de douleur cessa lorsque l'autre poing de métal vint s'imprimer dans sa mâchoire, faisant craquer l'os et libérant une dent de sa prison charnelle.

Dans un cri plaintif, le noble retomba au sol aux pieds de Shura, levant vers elle des yeux désormais dénués de toute animosité. La peur s'était emparée de son regard et seules de vaines tentatives de supplications venaient traverser ses lèvres ensanglantées. Une main, si faible, si futile, s'était dressée dans les airs, comme pour tenter de l'apaiser ou de la tenir à l'écart. La furie posait sur la loque à ses pieds un regard qui s'était nimbé d'une lueur bleue surnaturelle.

Ses mains vinrent alors se positionner de part et d'autre du crâne de Logan, ses doigts métalliques s'enfonçant dans la peau, écorchant les orifices et pénétrant dans les orbites. Des éclairs biotiques de plus en plus puissants se mirent à parcourir ses bras alors que Shura poussait un cri qui concurrençait en puissance celui de sa victime. Il aurait mérité milles tourments, il aurait mérité de subir tout ce qu'il avait pu infliger à Arcadia, il aurait mérité une mort sale, lente, dénuée de toute humanité, à l'image de son existence.

Mais la furie auréolée d'une effluve bleue laissa exploser sa colère. Les éclairs biotiques se déplacèrent alors sur ses mains puis sur le visage de Logan, faisant fondre sa peau et déchirant ses muscles faciaux jusqu'à l'os. Sa boite crânienne se brisa sous la pression et la chair gicla dans toutes les directions, transformant son hurlement en gargouillis.

Ce qui restait de Logan McKnight s'effondra au sol dans un bruit humide, laissant une Shura recouverte de sang au dessus de son cadavre. Elle ne ressentait rien à la vue de son œuvre, même pas une once de joie malsaine. Elle s'était pourtant déjà imaginée tous les supplices qu'elle aurait pu infliger aux tortionnaires d'Arcadia. Mais il n'y avait rien. Elle se sentait épuisée, vidée, las, se tenant avec un équilibre précaire au bord d'un précipice au vide vertigineux.

La furie chassa le sang qui recouvrait ses yeux et se tourna, croisant du regard l’œil unique d'Arcadia. Il ne restait qu'elle, seule torche pour éclairer la voie et lui donner la force nécessaire pour poser un pied devant l'autre. La N7 récupéra son arme et la rengaina dans son dos avant de passer ses bras autour d'Arcadia. Elle la porta, la serrant contre elle comme pour s'assurer que rien ne serait plus en mesure de les séparer à nouveau. Elle entama alors la montée des marches sans un mot, sans un regard en arrière, souhaitant effacer à jamais de sa mémoire l'existence de ce lieu impie.




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MessageSujet: Re: Délivrance   Délivrance Icon_minitimeJeu 25 Avr 2019, 00:20


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Plus rien ne semblait l'affecter, insensible au monde extérieur, nul émotion ne traversait son esprit ou son visage. Son faciès semblable à un monolithe de marbre : immuable, froid. Ses traits scarifiés, étaient gravés dans la roche, là ou ni rage ni désespoir ne pouvaient être discernés. Même le puits noir et sans fond de son orbite vide ne reflétait rien d'autre qu'un néant insondable.
La lumière avait embrasé sa peau l'espace d'une seconde, avant de se faire avaler à son tour par les vortex de ses pores infectés. Elle était restée interdite lorsque Logan lui avait braqué son flingue sur la tempe, prêt à répandre sa matière grise sur les dalles du sombre château d'Inveraray.
Pas un seul sourire, ni même l'ombre d'une quelconque joie n'avait étiré la commissure de ses lèvres lorsque son oncle avait hurlé comme un chien, alors que la la Furie, dans sa toute puissance avait littéralement éclaté la boîte crânienne du Comte d'Argyll, libérant un geyser de sang le long du mur, tapissant les alentours de morceaux de cervelles.
Sang bleu ou non, ce dernier n'avait au final rien de différent. Tout le monde terminait de la même façon : en baignant dans son urine, au milieu de ses excréments.

Shura portait la carcasse amaigrie de Arcadia sans grande difficulté, remontant d'un pas lourd les marches de pierre. Les bottes renforcées claquaient sur le sol, résonnant pendant de longues secondes contre les murs froids du sous sol. La prisonnière était blottie contre la poitrine de sa sauveuse, ses os saillants frottant désagréablement contre l'armure de la biotique, sa tête reposait contre l'épaule noueuse, camouflée par ses cheveux sales.
Chaque pas l'éloignait un peu plus du royaume des morts, chaque pas la ramenait d'au-delà du Styx, chaque pas l'arrachait du passage des fourches caudines d'Hadès.

Malgré cette froideur apparente, la toubib n'arrivait toujours pas à mettre un semblant d'ordre dans son esprit, incapable d'encaisser la réalité. Essayant de se persuader qu'elle n'était pas en train de rêver, que ce n'était ni un coup monté, ni une hallucination. Tout cela était bien réel ! La fin de ce calvaire innommable au fin fond d'un cellule puant la mort, la fin du clan McKnight. De retrouver l'odeur cuir vanillé du parfum de son amante, inhibant ses récepteurs olfactifs bien trop habitués au remugle de sa prison, savourant les odeurs fraîches. De retrouver le contact de l'air qui effleurait son épiderme boursouflé.
Tout cela lui paraissait fantasmagorique, irréellement délirant. Ses pensées déflagraient, charclant avec ire la logique, ne laissant plus qu'une conscience fragile, si délicate que le moindre souffle pourrait la faire chavirer dans les fosses de la folie. Seul une fine corde dépenaillée la retenait, l'extirpant des gémonies. Au bout de cette ficelle, luisait cette ombre éclatante. Son antipode. Celle à qui tout l'oppose et la réunit, créant cette dualité unique qui l'une sans l'autre ne vaut rien tant elles se complètent. L'estropiée se ramassa un peu plus contre le plastron, s'y enveloppant pour camoufler au monde les flammes malsaines qui l'a consumé.

Elles émergèrent des fondations de la demeure. Martyrisées. Brisées. Mais ensembles. Unies pour l'éternité et à jamais. Un moment unique, marqué au fer rouge dans les tréfonds de leurs consciences. Dans le hall glacial du château d'Inveraray se tenait le commando de Spetsnaz et les vétérans de l'UCIP. Les guerriers attendaient, dans leurs combinaisons noires. Froid et implacable. Prêt à exécuter la sentence.
Les armes centenaires gisaient par dizaine à même le sol, les murs étaient troués par les impacts de balles, des pans de murs vieux de plusieurs siècles s'étaient écroulés sous la puissance des explosions. La porte en bois massive, gardienne des plus terribles secrets n'existait tout simplement plus, balayée par la colère vengeresse des assaillants.

Inveraray saignait.

Agenouillés sur le tapis Écossais, les survivants du clan McKnight se trouvaient sous l'étroite surveillance de l'escouade Délivrance. Bien peu avaient résisté à l'ost qui s'était abattu, ravageant le duché sans pitié, moissonnant les âmes damnés des McKnight, libérant une sainte fureur sur une mentalité corrompue jusqu'à la moelle. Gordon, Dan, sa cousine difforme et Logan avaient rencontré leur destin. Seuls Alfie McKnight, Vicomte de Lochow et Glenyla ainsi que Aileas McKnight, Duchesse d'Argyll vivaient encore.

Inveray agonisait.

« Dépose moi s'il te plaît. »

Sa voix ne fut qu'un souffle, une brise autoritaire, ne souffrant d'aucune interdiction, un zéphyr de nouveau libre. Aidée par Shura, elle se redressa de toute sa hauteur, dominant ses ennemis, restant droite malgré la douleur insupportable qui martelait les nerfs de ses jambes, malgré la faim qui la tenaillait, malgré la fatigue qui cernait son unique œil, malgré les infections qui la rongeait. Envers et contre tout. Sa volonté inébranlable luttait pour maintenir sa silhouette décharnée debout. Blessée mais fière. Torturée mais indomptable. L'espace d'une seconde son orbite vide sembla résonner, engloutissant l'endroit par sa seule présence.
La Furie la soutenait, lui servant de béquille. Le regard de Arcadia s'arrêta sur elle l'espace d'une seconde. Contemplant ce qui lui était de plus précieux dans l'univers. Contemplant la personne qui était si chère à son cœur. Contemplant la femme qu'elle aimait. Sa gorge se serra en pensant à ce qu'elle avait fait pour la retrouver. Elle réalisa à ce moment qu'elle ne pourrait jamais s'acquitter d'une telle dette. Que même en lui offrant tout l'amour dont elle pouvait disposer, il lui serait impossible de la remercier. Pourtant elle voulait essayer, du plus profond de son cœur. Elle ne pouvait pas vivre sans elle. Arcadia ne pouvait plus vivre sans Shura à ses côtés, car elle l'aimait.

L’œil se reporta sur sa némésis, qui releva la tête en sentant un regard vicié se poser sur elle. L'aïeule et la petite fille s'affrontèrent, se dévisageant sans un mot. Un sourire sadique s'afficha sur le visage de Aileas, qui se releva. Même vaincue elle ne courberait pas l'échine. Elle fut aussitôt mise en joue par l'un des humains. Arcadia se détacha de Shura, vacillante avant de retrouver son équilibre, puis tendit une main frêle vers sa grand mère, paume vers le haut. La vieille femme toisa cette main avec dédain, avant de comprendre. Elle comprit. Elle comprit car il s'agissait de la dirigeante du clan, celle qui l'avait mené vers la toute puissance.

« Il faudra me l'arracher. »

Inveraray résistait toujours.

Arcadia soupira, lasse de toute cette violence inutile, épuisée par ce déchaînement d'excès permanent. Elle posa un genou par terre, avec une lenteur exaspérante, prenant l'un des glaives dispersé par terre. "Aut Pax Aut Bellum"* pouvait-on lire ironiquement sur son fer. La blonde se releva, levant la lame vers la poitrine de la Duchesse, pointant directement sur son cœur.
Aileas avança d'un pas gracieux, marchant vers sa mort, sans coup férir. Dans toute sa splendeur orgueilleuse, elle s'empala sur le glaive, un sourire de satisfaction gravé à jamais sur ses fines lèvres, son menton dégoulinant de sang alors que son sein rencontra le pommeau.

Aileas McKnight regarda l'assemblée réunit pour sa mort, souriant narquoisement, satisfaite d'avoir pu se donner la mort, avant de s'écrouler. Nul doute qu'elle aurait mérité châtiment plus épouvantable, mais même la haine de sa petite fille s'était essoufflée, souhaitant simplement en finir. Alfie hurla. Un claquement sec se fit entendre, faisant revenir le calme. Le front de son cousin s'ouvrit, percé en son centre par une balle.

Inveraray était mort.

De sa main valide, elle l'arracha. L'anneau articulé, comportant le sceau ducal, vint recouvrir intégralement son index, le protégeant d'une couche d'argent brillante. Attrapant la main de son compagne, cette dernière l'aida à se remettre sur pied. Arcadia lui tomba dans les bras après avoir consumé ses dernières forces, puisant dans les dernières gouttes de son énergie, elle demanda à récupérer ce que contenait le tiroir caché de sa chambre : les derniers souvenirs de sa mère. Lorsque les effets furent récupérés elle murmura ces mots :

« Brûlez Inveraray... »

La Duchesse sombra dans l'inconscience, dans un sommeil profond. La navette repartait dans le ciel noir, éclairé par les flammes qui dévoraient l'antique demeure. Faisant exploser les vitres, noircissant la pierre, consumant un mobilier inestimable. Le Duché d'Argyll brûlait. Il brûlait pour renaître de ses cendres. Tant qu'une Duchesse vivrait, il vivrait au travers d'elle. Mais pour l'instant, cette dernière dormait, enserrait par les bras de son aimée, dans une étreinte tendrement protectrice.


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*Que ce soit la guerre ou la paix

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