- ... de ces deux officiers qui ont fait preuve d'un courage et d'une présence d'esprit tout à fait remarquable, ce qui a permis d'arrêter un agent infiltré avant qu'il…

Ah, on y arrivait enfin. Voilà un petit moment que cela durait. Au moins une demi heure, peut-être plus. Audrey avait perdu le fil depuis longtemps. Le général Hesling s'était lancé dans un monologue devant l'ensemble du personnel de la base, pour les féliciter du travail accompli depuis leur arrivée sur Nodacrux. En temps normal, ça n'aurait pas spécialement dérangé la terrienne, elle connaissait ce genre de pratique, mais aujourd'hui, elle s'en serait bien passé. Et pour cause, elle était obligée de rester plantée là, raide comme un piquet, légèrement en retrait sur le flanc de cet homme grisonnant. À la vue de tous, elle ne pouvait pas vraiment se permettre de bailler ou encore de bavarder avec sa voisine comme elle aurait pu le faire si elle s'était trouvée dans la foule. Il lui fallait donc attendre patiemment et masquer sa lassitude…

Enfin, le gradé s'éloigna de son pupitre et se dirigea vers Arcadia. Cette dernière ne semblait pas vraiment plus ravie de se trouver là. Après le petit incident avec la turienne infectée, le commandement avait décidé de leur remettre une décoration à chacune pour “leur courage et leur présence d'esprit qui avait permis de…” enfin, à peu près ce que venait de raconter leur supérieur quoi. La française ne comprenait pas vraiment en quoi elle méritait cette récompense, et il lui semblait que son amie non plus, mais c'était probablement plus politique qu'autre chose. Sans doute que cela permettrait de mettre en avant la qualité du travail de l'UCIP. Après tout, cela avait beau faire 3 semaines, tous les hommes du rang de la base continuaient de parler de l'agent du SSC et du médic qui avaient débusqué un traître chez les turiens. Étonnamment, personne ne semblait vraiment avoir retenu qu'il y avait aussi un krogan dans l'équipe. Et qu'il avait fait le gros du boulot de neutralisation. Mais bon, un dinosaure diplomate, c'était probablement moins vendeur que deux officiers de l'UCIP.

- Félicitation lieutenant Bayard. Déclara le soixantenaire en décorant la concernée.
- Merci monsieur.
- Mesdames, ce sont des femmes comme vous qui font la fierté de cette unité concilienne.

A ces mots, l'homme salua, rapidement imité par les deux médaillées. Il y eu une salve d'applaudissements protocolaires et puis, enfin, le vétéran mit fin à la cérémonie. Tout le monde allait pouvoir profiter tranquillement de la soirée. Enfin, sauf les cuistots...




- Franchement, je ne me l'explique pas plus que vous Ji'nara. Mais si vous la voulez, je vous l'offre avec plaisir. On peut vérifier, mais il ne me semble pas qu'elle soit nominative.
- Non merci, ça ira. Je préfère rester dans votre ombre, comme ça je peux continuer à me plaindre que mon génie n'est pas reconnu. Et puis surtout, je n'ai pas à jouer à la perche à haricot sur l'estrade pendant une heure.

Le ton était humoristique et l'ambiance festive. Tout le monde profitait allègrement de cette soirée de célébration. Les trouffions plus bruyamment que les autres. Le buffet était particulièrement bien fourni, même s'il manquait des escargots du point de vue de la châtain. Il s'agissait probablement d'un met beaucoup trop franco-français pour figurer sur cette table. Mais à choisir, la décorée aurait sans hésiter troqué sa médaille pour une bonne douzaine de succulents gastéropodes accompagnée d’un bon verre de blanc. Heureusement, il y avait tout de même largement de quoi s'engraisser et une bonne sélection d'alcools. L'ancienne du SSC était loin d'être une experte en sommellerie, mais elle savait tout de même reconnaître et surtout apprécier un bon verre de vin. Ce soir elle avait opté pour un classique Cabernet Sauvignon, toujours aussi appréciable. Elle se pencherait sur le champagne un peu plus tard, quand viendrait l'heure de trinquer pour la nouvelle année.

- Des nouvelles de votre famille sinon ?
- Oui. Les petites ont encore été gâtées, mais apparemment leur tata préférée leur manquait. Ça faisait un bon paquet d'année que je n'avais plus raté Noël. Je ne sais même plus si mes nièces étaient déjà nées la dernière fois. Et vous ?
- Je n'ai pas eu des nouvelles de tout le monde, mais la plupart des mes sœurs ont l'air d'aller bien.
- La plupart de vos sœurs ? Combien en avez vous ?
- Cinq. Je viens d'une famille nombreuse.
- En effet. Il devait y avoir une sacrée ambiance à la maison quand vous étiez gamine.
- Vous n'imaginez même pas à quel point.

Les deux femmes continuèrent d'échanger un peu sur leur famille et sur d'autres sujets de détente. Cela faisait du bien de se sortir un peu la tête du boulot. Les dernières semaines avaient été pour le moins intenses, le retard dans l'établissement de l'avant poste devant être rattrapé. Ce soir, tous les tracas disparaissaient jusqu'à l'année prochaine et chacun profitait du moment présent pour se ressourcer un peu. Du coin de l'œil, la gendarme aperçut Arcadia un peu plus loin en train de se servir une grosse tranche de foie gras et de l'étaler sur un toast. Le turien qu'elle avait vu un moment plus tôt en sa compagnie semblait s'être absenté. Le lieutenant avait bien envie de profiter de l'occasion pour aller charrier un peu son amie. Elle s'excusa donc brièvement auprès de l'asari avec laquelle elle discutait avant de l'abandonner avec d'autres officiers pour rejoindre le colonel.

- C'est mauvais pour ta ligne tout ce foie gras tu sais. A ton âge il faut commencer à se méfier, les bourrelets arrivent vite mais ont plus de mal à repartir. Félicitation pour ta médaille sinon. Et en plus j'ai appris que tu avais aussi eu droit à une perm pour te remettre. Y en a vraiment qui sont privilégiés. Tout ça parce que madame a eu un coup de chaud et 2 3 griffures superficielles.

- Lieutenant Bayard ! Je suis encore trop sobre pour m'encanailler avec la troupe et je peux voir que vous êtes plutôt bien avancée. Vous avez déjà la carte des vins sur le nez, et vos propos n'ont absolument aucun sens. Je mettrais donc ça sur le compte de l'alcool.
- Il fallait bien que quelqu'un se dévoue pour les goûter. Et pour ma défense, je n'ai trouvé aucune grenadine à l'eau.
- Néanmoins je préférerai conserver l'étiquette pour l'instant. L'ambiance est encore trop... protocolaire.

Le docteur marqua une petite pause le temps de boire un peu.

- Les ragots... Le cancer d'une base. Ce n'est pas vraiment une permission lieutenant. Les amiraux m'ont rappelée pour une raison bien précise, qui à priori ne consiste en aucun cas à manger des beignets. Mais si jamais il y en a je vous en ramènerai une boîte en souvenir de vos années au SSC
- Ah c'est gentil, mais alors des bien crémeux s'il vous plait mon colonel.
- Alors comment se porte la fierté Concilienne ? On veut m’embrigader par la suite pour montrer que même les médecins peuvent avoir de l'humour ? Ou peut-être avez vous un problème plus,,, féminin ? Un soucis avec vos dernières menstrues peut-être ?

Si elle avait trouvé quoi répondre aux précédentes piques de son amie, cette fois-ci, Audrey se retrouva totalement sans voix. Personne ne l'avait prévenu que le tir ami était activé. Et avant que la française n'ait pu trouver une répartie adéquate et respectueuse du protocole, la blonde la congédia, mi professionnellement, mi amicalement, son turien étant revenu. La terrienne s'en retourna donc, profondément blessée dans son orgueil d'avoir perdu cette joute verbale. D'autant plus qu'Arcadia avait triché en se cachant ainsi derrière son grade ! Et elle avait été sauvée par le retour inopiné du soldat de la Hierarchie ! Mouais, ce n'était pas vraiment une défaite finalement.... Lorsque la mauvaise perdante se rassit à sa place, Ji'nara lui demanda comment s'était passé son échange avec son amie. Bien que l'humaine tâchait de ne pas trop laisser ses équipiers parler de sa relation avec le colonel, elle considérait la spécialiste technologique comme sa plus proche collaboratrice et avait donc moins de difficulté à échanger franchement et sans trop de retenue de ce sujet avec elle.

- Hum. Je crois que quelqu'un lui a piqué son nounours pendant qu'elle était en convalescence. “Il est encore trop tôt pour laisser tomber l'étiquette”. Parodia-t-elle dans une caricature très peu ressemblante de la toubib.

Si la première assertion lui avait fait lever un sourcil interrogateur, l'asari éclata de rire à la suite de l'imitation lamentable de son interlocutrice, qui se laissa d'ailleurs contaminer par cet instant d'allégresse. C'est dingue le don qu'avait la martienne pour réveiller la lycéenne qui sommeillait en Bayard. La dernière fois qu'elle avait dû faire la pitre ainsi en singeant un adulte ayant autorité sur elle, ce devait être au début de sa formation de gendarme. Quoi qu'il en soit, le fou rire fut rapidement interrompu par l'intervention de l'amiral qui invitait tout le monde à venir chercher une coupe de champagne pour trinquer à la saint Sylvestre. Les soldats ne se le firent par dire deux fois, et en un peu moins de 15 minutes tout le monde était servi. Commença alors le traditionnel décompte, tout le monde s'étant levé pour l'occasion.

Un bonne année s'éleva presque d'une seule voix, rapidement suivi par un concert de tintements et un court instant de silence le temps que tout le monde goûte à sa coupe. Alors que les discussions reprenaient petit à petit, de la musique se fit entendre, démarrant doucement pour accompagner la seconde partie de la soirée et la rendre plus festive. La chanson parlait de fraternité, de partage et de joie de vivre. Bien que piètre danseuse, la française se laissa prendre au rythme entraînant de cette mélodie et commença à se dandiner très légèrement sur place. Un peu plus loin, elle put apercevoir quelques troupiers plus audacieux qui s'abandonnèrent totalement à la danse. Avec un peu plus de bouteille, Audrey en aurait peut-être été, mais pour le moment elle était encore trop sobre pour balancer sa dignité par le sas. Et puis les huiles n'apprécieraient peut-être pas qu'un officier s'encanaille à ce point avec la troupe. Après tout, comme l'avait souligné Arcadia, l'ambiance était encore trop protocolaire.

- Bon sang Audrey, tu es encore plus tendu qu'un Turien, enlève donc ce balai ! Et détend toi ! Pense à quelque chose de léger. Suis moi simplement, ne garde que ton jeu de jambes en tête.

Penser à quelque chose de léger en gardant son jeu de jambe en tête ? Arcadia en avait de bonne ! Comment Audrey pouvait-elle penser à quoi que ce soit d'autre alors que toute son attention était déjà focalisée sur le fait de ne pas écraser les pieds de sa partenaire ? Et même si la française commençait à prendre le rythme et à assimiler les pas, l'exercice restait particulièrement ardu. Et visiblement, le docteur ne comptait pas laisser à son élève le luxe de progresser par étape. La blonde engagea en effet des mouvements plus audacieux qui déstabilisèrent un peu plus son amie (si tant est que ça soit possible). Pourtant, celle qui menait la danse gratifia sa victime d'un compliment. Mais c'était sans doute pour endormir sa vigilance et mieux la piéger avec le final !

Alors que la musique courrait vers sa fin, la médecin devint soudainement bien plus entreprenante et étendit l'une de ses jambes. Dans le même temps, elle commença à pencher sa cavalière en arrière. Surprise par cette nouvelle manœuvre, la terrienne refusa d'abord de se laisser allonger, craignant de se rétamer sur le sol. D'un regard lourd de sens la martienne l'enjoignit à se laisser faire et à arrêter immédiatement de résister. La subordonnée obéit, mais ce fut son corps qui eut plus de mal à suivre. La châtain manquait cruellement de souplesse pour adopter la position qu'on lui demandait. Et puis, enfin, la musique s'arrêta et Bayard put se redresser. Ce n'est qu'alors qu'elle remarqua que leur couple était le centre de l'attention et se frappa violemment le visage mentalement avec le plat de la main.

- Ah Audrey, c'est bien beau d'avoir une langue aussi pendue mais encore faut-il suivre le rythme.
- Dois je comprendre que l'ambiance n'est plus "trop protocolaire" mon colonel ?
- Inviter quelqu'un à danser lors d'une soirée est-il une violation du protocole ? répondit l'autre visiblement amusée.
- Je suppose que non. Mais est-il bien protocolaire de finir la danse dans cette position aux yeux de tous et de toutes ?
- Je ne fais que respecter la tradition. Honni soit qui mal y pense, lieutenant.
- La tradition ? Vous voulez dire qu'il est de tradition que les colonels invitent les lieutenants à danser ? rétorqua la gendarme sur un ton amusé.
- Votre manque cruel de culture m'attriste Lieutenant. répliqua son amie, moqueuse.
- Que voulez vous, c'est pour ça que vous êtes colonel et que je ne suis que lieutenant. Mais qui sait, quand j'aurai atteint votre âge avancé, peut-être pourrais-je gouter à votre sagesse et votre culture.

Tandis que la chanson suivante commençait, les deux amies quittèrent la piste de danse en continuant leur échange de piques. Mais toujours dans le strict respect du protocole.




La soirée était bien avancée. Il devait être 2h bien tassée, peut-être même 3h. Si au début, les officiers et les hommes du rangs étaient restés en groupes assez distincts, cela faisait quelques temps maintenant que les gradés avaient commencé à se mêler aux trouffions. L'ambiance était plutôt détendue, même si on sentait par endroit que la présence d'un officier avait tendance à légèrement stresser les soldats. La musique s'était un peu calmé après une apothéose sonore et rythmique vers 1h30 et la piste de danse s'était peu à peu vidée. Quelques personnes l'occupaient encore avec des mouvements beaucoup plus lents et... langoureux ? Bah, les bidasses avaient bien le droit de profiter un peu de cette soirée pour se rapprocher, demain le boulot reprendrait.

A l'écart de cette zone de tendresse, assise sur une table, Audrey discutait avec certains des hommes avec qui elle avait servi depuis son arrivée. S'ils l'appelaient lieutenant, ils ne semblaient en revanche pas trop retenir leurs propos, parlant plutôt librement. Evidemment, il y avait eut des questions sa "relation" avec Arcadia, mais la française les avait assez rapidement écartées en leur disant d'aller demander directement à la plus haut gradée. Elle préférait bavarder de choses et d'autres et en apprendre plus sur ses subalternes que d'alimenter leurs ragots. La châtain put ainsi apprendre que Varscus avait une famille, que Collins avait eut le plaisir d'expérimenter la blessure à un million de crédit lors d'un déploiement ou encore que Jasinki était un virtuose de la guitare sur son temps libre. En retour, elle leur parla de sa passion pour l'escalade et des sommets qu'elle avait "conquis".

- Pas encore au lit lieutenant Bayard ?
- Ah colonel, vous vous joignez à nous ? Le première classe Carmine ici présent souhaiterait justement savoir ce qu'il y a exactement entre vous et moi. lança-t-elle sur un ton joueur.

*POP*

Ft. Audrey Bayard

« Je risque de vous décevoir soldat. Il n'y a rien de bien croustillant entre le lieutenant Bayard et moi même. Si ce n'est peut-être cette rivalité entre nos origines. Rien ne vous empêche cependant de fantasmer sur l'un des couples en train de danser si cela vous travaille tant », se moqua t-elle.

Elle attrapa une bouteille de bière encore fermée, la décapsulant à l'aide de son briquet. Un silence gêné s'était installé dans le groupe depuis l'arrivée de l'officier supérieur. Rien de surprenant à cela, les hommes du rang ne savaient pas toujours sur quel pied danser avec les huiles, surtout quand celle-ci avaient le pouvoir de vous envoyer récurer les chiottes pour un oui ou non. Moitié assise, moitié debout, Arcadia tenta de prendre un air avenant.

« Je vous en prie, continuez. De quoi étiez vous en train de discuter ?

- Oh de tout et de rien, de ce que nous faisions en dehors du service, ce genre de choses. Ils sont un peu timides là, mais je pense que c'est à cause de tous les galons qu'il y a sur votre uniforme. Mais je suis certaines que derrière cet air sérieux, il se cache une femme parfaitement capable de s'amuser, n'est ce pas mon colonel ?

- Est-il vraiment nécessaire de me donner du colonel ? Alors que les trois quarts des personnes restantes ont bu ce qu'il fallait pour entretenir leur cirrhose ? Que les généraux sont tous partis prendre un petit cacheton et dormir ? A moins que la troupe ne soit encore plus coincée que moi ?

- Vous êtes donc la plus haut gradée encore parmi nous ? Très bien, je vous laisse informer la salle que les grades n'ont plus cours et ensuite, j'envisagerai peut-être de vous tutoyer madame, lança la Française joueuse.

- Je vois encore d'autres de mes collègues. Disons que je fais une exception pour cette table là. A moins que vous ne teniez encore longtemps à me cirer les pompes Bayard ?

- Je ne voudrais pas faire une nouvelle entorse au protocole.

- Si vous y tenez tant que ça, lieutenant, je ne m'y opposerai pas, dit-elle avec un air grandiloquent surjoué. Quant à vous, soldats et spécialistes vous pouvez me tutoyer pour cette fois, invita la blonde.

- Alors euh... Madame ? Comment vous euh... Tu as connu le lieutenant ? »

L'inconfort du soldat était palpable à en être comique.

« Lors d'une tentative d'assassinat. Sur un Volus. »

La conversation continua ainsi encore un long moment, l'ambiance se faisait de plus en plus chaleureuse et moins « protocolaire ». Les militaires échangeaient sur leurs passions et hobbys. Échangeant diverses anecdotes, amusantes ou sérieuses. La salle continua à se vider jusqu'à ce qu'il ne reste plus que le petit groupe qui commençait à devenir éméché. Ce n'est que vaincu par la fatigue et soucieux d'être présentable pour le lendemain qu'ils partirent se coucher.

(c) King (Sacrifars)

[RP Terminé]