corvette aux couleurs de l'Alliance fendait sans bruit l'immensité spatiale. Malgré le calme extérieur du vaisseau, une certaine agitation y régnait à l'intérieur depuis que le saut SLM avait été effectué.
Une douzaine de soldats s'équipaient en préparation à la mission qui les attendait. Personne ne pipait mot, chacun préférant se concentrer sur son matériel. Les armures de combat bleues reflétaient les néons fixés au plafond, tandis que les armes lustrées, brillent de mille feux sous la lumière des projecteurs. Armées mais pas encore chargées, elles étaient prêtes à dispenser la mort dès que la situation l'exigerait.
Quelques mètres plus loin, les techniciens vérifiaient une dernière fois si les véhicules étaient en ordre, prêt à parti en mission. Trois imposants M-080 se tenaient serrés dans le hangar, prêt à surgir hors de la soute dès que l'occasion se présenterait. Le Blindé du milieu se démarquait des deux autres par sa croix et son caducée apposés de chaque côté du tank. Sur l'arrière train y figurait son nom : « Endurance ».

Arcadia contemplait son moyen de transport d'un air absent. Sa tenue de combat contrastait avec celle des soldats présents. Le blanc remplaçait le bleu. A cette couleur synonyme de pureté venait se greffer du rouge ainsi qu'un gris anthracite.
A sa taille, l'éternel Phalanx qui l'accompagnait depuis l'obtention de ses galons de médecin. La Doctoresse se tenait droite comme un I, les bras croisaient sur la poitrine.
Le calme pouvait se lire sur son visage. Elle l'était. C'était une simple mission de routine. Elle en avait fait des dizaines de ce genre. Excepté que cette fois-ci, c'était aussi pour accompagner le cadet des médecins du 8ème RIM. Le jeune homme avait fini ses classes il y a déjà quelques mois, c'était la première fois qu'il était envoyé sur le terrain.
La Martienne n'était pas là pour lui tenir la main. Elle souhaitait simplement voir comment ce dernier arrivé à gérer le stress en situation réelle. Il ne lui était en revanche pas interdit de prodiguer quelques conseils au junior si ce dernier en avait besoin.

Elle détourna la tête vers l'un des hublots. Asteria était en vue. La militaire laissa échapper une grimace en voyant la planète. Elle n'avait rien de belle. Pas de grandes étendues bleues couvrant paresseusement le globe, ni de plaques terrestres verdoyantes, quant aux nuages blancs qui dérivent lentement dans la stratosphère, eux étaient aux abonnés absents.
La quasi totalité de ce monde était recouvert de sable et de roc. Seul les hémisphères semblaient avoir été épargnés.

Le novice vint se placer discrètement à côté de sa supérieure, l'air un peu stressé. Il était jeune, même pas la trentaine, à peine aussi grand que sa consœur, mais ses appuis avaient l'air solide... ou alors c'était l'armure qui faisait cet effet.

« Pas très accueillante comme planète, lança le jeune homme essayant d'entamer la conversation.

-Oui », lâcha Arcadia.

Un silence pesant s'installa entre les deux médecins, seul le bourdonnement des moteurs de la corvette et le tintamarre causé par les militaires le troublait.

« Excuse moi j'étais perdu dans mes pensées, reprit la femme. Elle jeta un coup d’œil vers son second. Il était stressé, ça crevait les yeux. Mais elle avait confiance en lui. C'était un gamin plein de potentiel, major de sa promo, et surtout il avait de bonnes bases en biologie Asari. Elle savait qu'un jour l'élève dépasserai le maître, sûrement plus tôt qu'elle n'y pensait. Ne te colle pas une pression monstre pour rien. Suis les ordres du Lieutenant Torquemada, suis ce que tu as appris avec nous et tout devrait bien se passer. »

Il acquiesça d'un signe de tête tandis qu'elle lui posa une main rassurante sur l'épaule avant de se retirer. McKnight devait parler à Torquemada, celle en charge du groupe d'intervention, des dernières formalités.

Les M-080 roulaient à tombeau ouvert sur les routes d'Asteria, survolés par un Kodiak. Le convoi se dirigeait vers le point de rendez vous situé à quelques kilomètres de la base. L'Endurance roulait en tête, transportant uniquement l'escouade de commandement, composée de Monica Torquemada, son second l'Adjudant Andrzej Jaegli et de Arcadia. Le reste des troupes étaient répartis dans les deux autres véhicules.
Elle n'aimait définitivement pas Asteria, il faisait chaud et l'air loin d'être agréable à respirer. Foutus pirates. Ils ne pouvaient pas s'installer sur une planète sympa pour une fois ?

La praticienne est maintenant dans une navette, en compagnie de trois hommes de la 8ème ainsi que d'une Asari. Une chasseresse, si elle a bien suivi lors des présentations. Le teint bleu avec des marquages rouges, les traits de son visage sont fins, gracieux comme chaque membre de son espèce, mais aussi stricts, laissant transpirer une sensation d'autorité de l'extra-terrestre. Il y a aussi ces cicatrices sur sa joue, preuve d'une vie mouvementée.
Les trois soldats discutent d'une manière endiablée... et peut-être lourdingue de leurs précédents exploits. Arcadia ne doute pas une seule seconde qu'ils essaient d'attirer l'attention de l'alien. Concours de qui a la plus grosse, avec sûrement des complexes de supériorité. Ce ne sont pas de mauvais gars, ils ont pataugé dans la merde plus d'une fois et s'en sont toujours bien sortis. Et surtout ces trois gus sont sous les ordres de Torquemada, une militaire reconnue pour sa férocité et son agressivité.

Sur les quatre groupes, deux sont dirigés par les officiers de l'Alliance, deux autres sous la supervision des Asari afin de montrer un esprit de coopération. Cela n'a l'air d'enchanter personne mais leurs supérieurs ont été très clair à ce sujet : « Pas de vague ». C'est ainsi que McKnight et ses frères d'armes se retrouvent sous les ordres de la bleue.
D'ailleurs en parlant d'elle, Arcadia surprend l'Asari qui l'observe subrepticement. Jugeant inutile de faire durer le mutisme qui oppose les espèces plus longtemps, elle se lève, aussitôt ses semblables se taisent. Son casque à la main, elle avance d'un pas vers la chasseresse et lui tend sa main.

« Médecin en Chef Arcadia McKnight, rattachée au 8ème Régiment d'Infanterie Mécanisée, récita t-elle d'un ton mécanique. Enchanté, ajouta Arcadia plus enjouée. Voici les soldats Grux, Shreiber et Bappou. Heureuse de pouvoir faire équipe avec une chasseresse ! »

Un ton détaché et professionnel, elle ne souhaite pas trop en faire, mais s'en tient à un minimum de politesse et de courtoisie comme l'exige son grade. L'Asari dégage une certaine assurance doublée d'un sang froid à toute épreuve... Enfin pour le moment. Les situations de combat ayant une tendance à modifier le comportement de certaines personnes.
La doctoresse n'est pas en reste non plus, faisant preuve d'un flegme insolent pour dissimuler son aversion des navettes militaires, véritable cercueil volant.

« Deux minutes », crachota la radio.

Elle reconnut la voix belliqueuse de Monica, qui se trouvait sans aucun doute en tête de la formation. La toubib enfila son casque qui se verrouille dans un bruit de compression d'air.

porte s'ouvre à peine, que Arcadia s'éjecte de la navette d'un saut rapide, trop heureuse de quitter ce cercueil volant. Elle se réceptionne quelques mètres plus bas par une roulade des plus académique, puis se plaque immédiatement contre l'un des lourds rebords en plastobéton.

La situation se déroule comme une pelote de laine dans son esprit tandis que son Phalanx se glisse avec rapidité dans la paume de sa main. Ils sont seulement cinq à s'être déployés, sur le toit, entourés par le système de défense anti-aérien, des cibles parfaites, servies sur un plateau d'argent. Une navette est à terre, touchée lourdement par un tir chanceux... il était inutile de se demander si les occupants du véhicule ont pensé que c'était un coup chanceux. L'effet de surprise n'avait pas fait long feu, et eux non plus s'ils ne trouvaient pas un moyen de se sortir de ce merdier rapidement.

D'un autre côté il fallait voir le positif. Elle n'était pas en charge de l'organisation de la mission, et le Lieutenant Torquemada avait insisté pour une approche au sol... qui lui avait été refusée. Que des navettes. Maintenant qu'une était au sol et que les deux autres avaient dû décrocher, ils avaient l'air malin à un contre six. La bonne nouvelle était que l'on ne pourrait pas blâmer l'Alliance cette fois-ci. S'il y avait bien une chose à faire c'était de ne jamais sous estimer ses ennemis puissent-ils être des pirates. Des loups acculés au mur n'avait rien à perdre. La leçon allait être cinglante.

Elle jeta un coup d’œil à l'affichage de son casque. Les données s'étaient actualisés depuis le largage. Les capteurs enregistraient la température, l'hygrométrie, la pression, la quantité de dioxyde de carbone présents dans l'air. Il faisait chaud à l'extérieur. Heureusement l'armure avait son propre système de régulation de température, permettant de combattre avec un confort non négligeable.

« C’est bon ? Vous êtes toujours là ? Alors c’est parti. »

Et puis il y avait l'Asari. En deux minutes, la Doctoresse avait cerné son caractère : tête brûlée, inconsciente, très sûre d'elle, outrepassant l'arrogance, le travail de groupe n'est pas pour elle. Pistantrophobie peut-être... Elle a changé la procédure pour partir sur la sienne, attirant immédiatement l'inimitié du 8ème RIM sur elle. Michel Grux l'a fait savoir sur le canal privé. Le ton avait était très sec de surcroît... Non aucune chance que ce soit ça.

La porte du toit s'ouvre en claquant laissant surgir les sentinelles de la forteresse pirate. Le premier hors la loi a à peine le temps de mettre un pied dehors que le Mattock de Grux rugit, faisant voler en éclat le bouclier. Le Phalanx donne de la voix à son tour. Une seule balle part, elle quitte le canon et se plante dans la gorge du mercenaire, qui s'effondre dans un gargouillement sanguinolent.

Arcadia se remet à couvert. Thanatophobie peut-être ? Il était difficile d'évaluer l'âge d'une Asari d'un simple coup d'oeil. Mais c'était une chasseresse. L'humaine lui donnait 500 ans... 550 grand maximum. L'Alien avait vécu bien plus de chose que elle, et en avait sûrement vu plus par la même occasion. Une expérience avait sans doute laissé quelques séquelles difficiles à guérir.

L’icône de Monica la tire de ses réflexions. Elle cligne de l’œil pour recevoir la transmission. Visiblement l'officière est dans une rage noire d'avoir été mise sur le carreau. La discussion entre les deux femmes étant privée, personne au sein du commando ne peut l'entendre. Cela permet entre autre de mettre le protocole de côté.

« Arkady ! Qu'est ce qu'il se passe ici ? »

La voix est calme, mais son visage la trahit, spasmes de la mâchoire, ainsi que de son œil droit. Elle est comme une bête en cage, comme une hyène prête à sauter sur sa proie quand la porte va s'ouvrir.

« Contente de voir que tu es encore là Monica ! Je pense que notre chasseresse a des tendances suicidaires. La DCA devrait se taire d'ici sept minutes, promit McKnight. Huit si la résistance reçoit des renforts. Neuf si la résistance est bien équipée. »

Et la résistance l'était bien évidemment.