Illum, Laboratoire de recherche - Fondation Sirta
Département R&D

Le glas se mit à sonner pour mon laboratoire, aujourd’hui se révèlerait une inspection bien particulière, car elle n’était pas issue d’un nombre incalculables d’organismes soucieux de savoir si oui ou non nous branchions des varrens sur des électrodes pour étudier leur réaction à la douleur dans nos études sur la génétique… Non. Aujourd’hui ce serait un Geth qui viendrait. Un scientifique qui ne fait que travailler dans son coin est un bien mauvais bougre, alors il me fallait avoir recours à la plus grand banque de donnée de la Galaxie. Les Geths, et le GIP. Qui sait la quantité d’informations qu’ils ont pu engranger avec leur contact auprès des moissonneurs ? Qui sait quelles armes bactériologiques, virales et autres ils ont pu une fois avoir eu l’idée de développer mais n’ont jamais pu aboutir ? Ces types de projets pourraient grandement m’aider, trouver de nouveaux aspects à mes recherches, de nouvelles façons de considérer mon approche. En somme, de faire progresser mon génie scientifique.
Mon seul regret était que ce petit laboratoire, financé par une société au bord du déclin et uniquement sauvée par sa récente découverte de platine sur une lune éloignée, ne disposait en rien des outils nécessaires pour mettre en place des expérimentations directes et nous ne devions que nous contenter des simulations… Parfois c’était frustrant de ne voir un travail que se concrétiser par un hologramme qui ne reflétait jamais ce qui se passait dans la réalité du monde véritable. Au moins je contribuais à sauver des vies.

J’en devenais presque jaloux d’autres sociétés qui pouvaient se vanter d’obtenir le matériel dernier cri, quand je devais me contenter d’équipement standard et aux imprécisions affolantes. Un environnement insultant pour mes aptitudes scientifiques. Enfin.. J’ai pu réussir à plusieurs reprises à faire acheter de quoi me sustenter, mais la science est comme un sac de bonbons dans une cours d’école, il faut se dépêcher d’y arriver si on veut en avoir un morceau, mais là nous ne faisions que marcher derrière les autres pour ramasser les miettes. Consternant.

Ma fidèle collègue était là, elle m’observait avec un léger air anxieux pendant que j’orientais tous les outils du laboratoire dans un angle parfaitement perpendiculaire aux tables où ils étaient posés, usant même d’instrument géométrique pour vérifier la validité de mes placements. Avec un certain degré d’erreur presque négligeable. Je n’aimais pas négliger l’erreur, les négligences dans la science mènent souvent à des imperfections, à des effets secondaires. Un silence mortel se répandait dans la salle, il n’y avait que le bruit de mes pas et de ma blouse qui virevoltait dans la hâte de mes mouvements, et parfois un moment de calme ou je me prenais en train d’entortiller un doigt dans mon foulard. Ce tic nerveux ne me quittait jamais.

Je terminais enfin le rangement, allant asseoir mon derrière sur une chaise en reprenant mon souffle, mon âge commençait à me revenir en plein visage après l’effort. Il ne me resterait que quelques années pour apprendre à l’étendre ? Je laissais planer mon regard une dernière fois sur le laboratoire, vérifiant que les microscopes étaient au point mort, plantés sous leurs protections. Je détestais voir un microscope à nu, et tous mes stagiaires et élèves perdaient des points lorsqu’ils négligeaient le rangement. Un laboratoire n’est pas une déchèterie, tout y a sa place et rien n’est à laisser au hasard. Cet environnement aseptisé et blanc immaculé me convenait parfaitement, rien de plus formidable qu’une place forte parfaitement vide. Le néant, aucune tâche sombre pour venir me perturber. Et sur Illum, personne ne connaissait mes antécédents sur Oméga. Au final, travailler ici n’était pas si mauvais, mettre au point des remèdes pour la clinique, parfois jouer au docteur avec certains Drells et leur prescrire de quoi survivre quelques mois de plus en leur affirmant que je pouvais les aider ?

Je ne savais plus quoi faire mis à part attendre l’arrivée du Geth. Ma collègue quitta le laboratoire, j’étais désormais seul. Je pouvais enfin penser à quoi offrir en échange, aider le GIP et les Quariens… Les quariens étaient encore fragiles aux infections, une promesse de recherche pour offrir un traitement capable de renforcer leurs défenses pourrait être envisageable, des altérations génétiques aussi. Un virus modifié qui aiderait à protéger leur système laissait encore percevoir une nouvelle solution. Des tas de variétés d’idées germaient dans mon esprit. Mais aucune n’était réalisable avec le matériel à ma disposition. Et il faudrait des années de test et de recherche, peut-être faudrait-il trouver un héritier à mon travail ?

Je frappais dans mes mains, lançant à moi-même dans mon laboratoire vide de toute présence vivante :

« Surement que ce Geth ne comprendra pas l’intérêt d’une cafetière dans un laboratoire.. Qu'il puisse seulement m'aider à financer mes recherches. »

« Evidemment que nous sommes sensibles aux stimulants externes, les drogues, les excitants... Mais cette machine est principalement là pour mes collègues, n'étant pas tous galariens, ils ont quelques soucis de sommeil. Après tout, je ne peux pas leur en vouloir d'avoir besoin de huit fois plus de sommeil que moi ? Si j'ai besoin de drogue pour me maintenir éveillé toute la durée d'un projet : je m'administre une dose suffisante pour le rester. Notre métabolisme élimine ces stimulants à une vitesse plutôt élevée comparé aux autres... Le café n'est pas mauvais. »

Comme pour me justifier, je venais de lancer cette courte tirade à propos de la machine à café. Surement que si ma collègue préféré pu être là, elle lui aurait lancé un énorme mug de café au visage en l'assaillant de coups de microscope ou d'appareil de mesure quelconque parce que ce geth venait d'insulter le coeur de la science : le café. Mais je doutais que le geth ne comprenne quel attachement l'espèce humaine a pour son précieux café, au point de l'exporter vers d'autres mondes. Les ravages d'une race dépendante.
Je terminais en me redressant, ajustant encore et à nouveau ma blouse blanche le long de mon corps en respectant une gestuelle quasi mécanique pour enfin finir par resserrer l'étreinte de mon écharpe autour de mon cou, marquant la tension qui m'animait en cet instant. Bien que... au final ce n'était qu'un omni-tool avec la parole qui allait me juger. J'aimais beaucoup mon omni-tool !

« Capitaine, ou Informateur... Nous travaillons dans ce laboratoire sous la tutelle de la fondation Sirta sur de nombreuses maladies, des virus, des pathogènes, des maladies chroniques, génétiques.. Evidemment que nous ne sommes pas dans un laboratoire de recherche sur l'armement, bien qu'il ne serait pas spécialement chose difficile de l'orienter dans ce sens. Étudions ici toutes les technologies et tous les procédés pour soigner, après tout n'y a-t-il pas de meilleur satisfaction pour un docteur que de voir la vie s'épanouir ? Mais pas l'amalgame, pas seulement un médecin. Chercheur avant tout, spécialiste du syndrome de Képral. Sauver les vies raccourcies des Drells est d'un intérêt particulier.
Quand saurons-nous altérer notre être jusqu'au point de pouvoir décider jusqu'à quand nous vivrons ? Vous ne devez pas bien aborder ce concept de mortalité, vous. La sauvegarde sur un serveur, la transmission des données. Au final il y a toujours une plateforme pour vous recevoir si l'actuelle se perd. A moins qu'on puisse assimiler la mort à une purge des mémoires ? Peu importe. J'ai déjà développé des maladies, produit des sérums, rallongé la vie de centaines de drells pour leur donner une part importante de la lutte contre une maladie : de l'espoir.
Et je crains de ne pouvoir en rajouter plus, auquel cas il vous faudrait surement des autorisations dont vous ne disposerez jamais auprès du GSI. »

Cette fois, je pu terminer ma tirade avec un fin sourire. Plutôt satisfait, un langage simple, presque aéré et assez vide de toute perspective négative sur la vie. Oh mince, j'en venais à me dire que je n'avais pas parlé de Rannoch et des Geths, ou même des Quariens. Ferait-il le rapprochement entre les maladies des Drells et les Quariens ? Si seulement cette conversation avait pu se faire avec un distributeur de crédits galactiques piraté et ouvert sur les comptes les plus fortunés d'Illum. Et que cette borne ne parle pas.

« Besoin d'investissement pour des recherches personnelles. Le syndrome de Képral est ici en étude depuis des années et nos avancées sont à chaque fois ridicules. Je voudrais exploiter le résultat de mes recherches et expérimenter sur la longévité Galarienne. Avons été capable d’anéantir une espèce par la maladie, surement que faire évoluer par un vaccin peut être envisageable... Peut être que le GIP dispose de souches dans ses données, de formules chimiques auxquelles je n'aurais pas eu accès. Notre échange saurait profiter tant au peuple quarien, qu'aux recherches décisives effectuées dans ce laboratoire. Aimerais finir mes recherches sur le syndrome avant de perdre la vie, n'est pas amusant de laisser un novice reprendre son travail... Me fait vieux.»

Je repris une grande inspiration avant de me diriger vers un écran pour y afficher les résultats des dernières recherches au Geth. Des maladies soignées sur Illum, des épidémies endiguées par les recherches. Plusieurs virus en étude, d'autres créés à but militaire semblerait-il. Des résultats de simulation, des remèdes créés aux virus assemblés, puis tous détruits. Cela semblait être comme des essais ou des prévisions d'attaques, les dates concordent avec les attentats que la galaxie a pu subir. On pouvait y croiser des rapports d'examen sur des Drells, en phase terminale du syndrome de Képral, morts, ou alors dans des phases à peine déclarées. Des témoignages, rien de très révolutionnant. Simplement des tentatives de ralentir la maladie, car tous les essais pour la soigner semblaient avoir mené à la mort dans ce qui était le résultat de millions de simulations toutes différentes.

Je pris le temps d’écouter le morceau de ferraille que l’on m’avait envoyé en guise de grille-pain assistant avec une somme rondelette à me donner. Je levais tantôt le doigt à mon écharpe que j’entortillais autour, alignant déjà quelques idées puis me reposais, dans la contradiction. Je me mis à tourner dans mon laboratoire, marmonnant à voix basse avant de conclure :

« Non, non, non. Pas seulement à but scientifique. Si, majeure partie. Mais variable secondaire à prendre en compte. Développement d’un sérum est conséquence de recherche, pas l’inverse. N’était pas mon but à l’origine.. J’ai besoin de génome quarien, humain. Des souches pures. Peut être vu comme une action diplomatique. Un acte pouvant convaincre les sceptiques anti-machines que vous n’êtes pas de vulgaires grille-pain surévolués. »

Je me mis à tourner dans mon laboratoire une nouvelle fois, imaginant les retombées d’une telle collaboration. Me tournant ensuite vers Information.

« Oui. Un fer-de-lance vers une entente mutuelle. Cela fera progresser mes études.. Oh. Ne fais pas que des recherches sur le syndrome de Képral. Occupe seulement vingt pourcent de mon temps total. Doit fournir des résultats à la fondation Sirta. Képral n’est pas… vraiment signe de résultat. Achat de matériel plus que de chercheurs. Bien que l’incapacité de certains de mes confrères soit une véritable calamité, certains n’arrivent pas à entrevoir la portée de mes travaux. Ils se focalisent sur un seul et unique aspect de mes recherches, une pensée si linéaire est vraiment déroutante dans un laboratoire. Il n’y a pas de place pour la médiocrité dans la science, nous progressons.»

Je pris un temps ridiculement long à scruter la machine que était sensée me juger, m’octroyer ou non ma bourse. Je cru me revoir lors des études, à procrastiner mes demandes de bourse pour atteindre le point critique et en faire des demandes désespérées… En fait je n’ai pas changé en presque quarante années de vie. L’injection de gênes de meilleure qualité dans un archétype précis est bien évidemment la meilleure solution. Je ne me prends pas pour un dieu créateur, qui imposera la vindicte sur sa création dans une jalousie sans pareille. Non, je tends à faire s’élever mon peuple.

« Les manipulations génétiques font partie de la science, mon cher. » Concluais-je.