La famille Pearson était une famille qui avait subit un profond traumatisme. Emily, la mère de Tricia et la femme d'Eric, était morte en novembre 2170, alors que Tricia avait dix ans. Cette dernière n'a d'ailleurs jamais cru la version officielle, sans vraiment savoir l'expliquer. Ce n'est que quelques années plus tard qu'elle arrivait à mettre un nom : la présomption. Elle n'avait évidemment pas de preuves, mais de ce qu'on lui avait dit, elle doutait de la version.

Eric avait trouvé une nouvelle femme mais celle-ci l'avait abandonné peu de temps après lui avoir donné un enfant. Une fille qui s'appelait Marion. Tricia avait bien accepté l'arrivée de Marion mais, en contrepartie, elle avait mal pris le départ de sa belle-mère, accusant son père d'en être responsable. Cela durait depuis quelques mois et, pour calmer les esprits, Eric avait décidé d'emmener Tricia en vacances pendant que Marion était chez sa mère pour un mois.

Tricia avait seize ans et allait rentrer en première scientifique. De bonnes notes, des appréciations convenables, on pouvait toutefois trouver quelques altercations verbales au sujet d'élèves. Elle était déléguée de classe et n'hésitait à pas à monter au créneau défendre ses camarades, si elle jugeait la raison pertinente. Fort caractère, elle ne se laissait pas draguer et montrait une certaine maturité par rapport aux autres adolescents, dans certains domaines. Elle avait déjà des notions d'indépendantisme, son père passait la majorité du temps à s'occuper de sa petite Marion, elle s'occupait d'elle même comme si elle était seule dans la maison. Un comportement qui avait déjà débouché sur des disputes entre le père et la fille, qui finissait par montrer le côté entêté et immature de Tricia : la crise d'adolescence. Si d'immaturité on pouvait parler toutefois.

Elle montrait un certain intérêt pour les matières scientifiques et c'était pour cette raison qu'elle avait choisit sa filière. raison pour laquelle elle avait opté pour un cursus plutôt scientifique. Mais elle ne considérait pas un métier scientifique par la suite, en revanche. Elle était assez appréciée de ses camarades malgré son fort caractère, elle savait s'allier les bonnes personnes. Pourtant, contrairement à ce qu'on pouvait penser, elle n'était pas une leader, suivie par tout le monde. Elle avait juste l'intelligence de s'intégrer socialement tout en observant de manière un peu reculée ses camarades. C'était en partie ainsi qu'elle savait quand intervenir en faveur ou en défaveur de ses condisciples.

Tricia n'avait jamais eu de petit ami, et pourtant ce n'était pas faute de choix. Elle n'avait juste pas les bons feelings. En revanche, elle s'était pas mal rapprochée de quelques filles de sa classe, qui étaient de véritables amies. L'une d'elle accompagnait d'ailleurs Tricia durant ces vacances en Aquitaine, où Tricia avait prévu de visiter plusieurs sites de tourisme. La dune du Pila, bien entendu, mais aussi les montagnes qu'étaient les Pyrénées, en passant par les grottes de Lascaux et le château de Pau, l'Aquitaine regorgeait de sites touristiques que Tricia estimait intéressants.

Elle privilégiait les sites historiques, elle avait un penchant pour le passé. Déjà, elle avait compris que pour éviter de futures erreurs, il suffisait de consulter les erreurs passées, qu'elles soient nôtres ou pas. Le trajet de Paris à Bordeaux s'était effectué dans un semi silence, brisé par des petites cachotteries entre Tricia et Jennifer. Elles espéraient bien sûr être dans la même classe mais surtout avoir de bons profs. Un bon prof et un mauvais prof, ça changeait pas mal de choses. Alors, quitte à douiller, elles préféraient s'amuser en amont.

Les dunes du Pila étaient en vue quand Tricia regarda sa montra : midi. Le plus dur allait commencer : l'ascension. Mais c'était une partie de plaisir pour les deux jeunes filles, qui distancèrent rapidement l'adulte. Elles passèrent un superbe après-midi, se baignant pendant une bonne heure, profitant du soleil et du sable le reste du temps. Elles avaient même construit un petit abri grâce à une planche trouvée non-loin. Cela avait de quoi intéresser Tricia, qui se sentait une âme à guider les autres, pas au sens propre, mais au sens légal. Oui, elle n'avait pas encore trouvé le métier qu'elle voulait faire, mais elle sentait qu'il s'agissait autant d'observer les gens que de les aider - y compris contre leur gré. Cela enlevait déjà quelques métiers : un psychologue ou psychiatre ne pouvait opérer que si la personne se prêtait au « jeu ».

Elle se surprit à penser ainsi. Elle était du genre débrouillarde mais pas du genre à se soucier autant de son futur - bien que cela la préoccupait quand même de ne pas savoir - aussi en fit-elle part à Jennifer :
« Je sais toujours pas ce que je veux faire plus tard... J'commence à en avoir marre de pas savoir. Ne pas savoir où je mets les pieds c'est... Ca ne m'a jamais réellement bouleversé jusque là, tu sais, mais plus je réfléchis et moins je trouve... »
« Non mais t'inquiètes. T'sais, mon grand-frère était pareil. Il a fait deux ans d'études supérieures et il a finit dans l'armée. Y'a toujours de l'espoir, même si tu le vois pas. C'est juste que... Bah faut pas tomber sur des connards quoi ! » fit-elle en souriant pour détendre l'atmosphère, ce qui marcha effectivement.


De retour à Paris, la rentrée était prévue pour jeudi. En ce mercredi, c'était tout naturellement que Tricia faisait les derniers préparatifs. L'avant dernière année avant sa majorité. Et, à la différence des autres, elle ne se voyait pas faire de longues études par la suite. Elle aimait bien le concret, la pratique, elle commençait à bien se connaître : ça allait la saouler de devoir apprendre des années la théorie sans jamais toucher à la pratique. Un BTS ou bac pro lui aurait convenu tout aussi bien, mais un bac S ouvrait plus de portes. Elle avait aussi appris que son lycée allait recevoir des élèves venus d'autres régions voir pays dans un programme d'échanges international, et elle ne saurait que le lendemain si elle était concernée.

Un petit message reçu de Jennifer et Tricia délaissa ses affaires pour traîner un peu en ville. Cela lui arrivait de temps en temps, mais elle évitait de traîner en bande. Elle le faisait plutôt dans des coins tranquilles, à deux ou trois, guère plus. Après tout, ce n'était pas la quantité mais la qualité des ami(e)s qui importait ! La balade se déroula tranquillement mais un petit imprévu survint sur le chemin du retour : elles croisèrent les transports amenant les élèves étrangers. Ils allaient être hébergés par des familles d'accueil ou des familles volontaires du lycée qui avaient accepté de les héberger. Eric avait refusé, avec Marion encore petite, il estimait que cela pouvait être une gêne. Bien sûr, Tricia avait pris cela comme un refus personnel à son encontre, et ne s'était pas gêné pour lui répondre.

Ce qui était plutôt étonnant, c'était que Tricia et Marion s'entendaient bien. Enfin, Marion n'avait pas réellement d'avis, elle n'avait même pas trois ans, mais on aurait pu s'attendre à des hostilités envers elle. A croire que sa maturité/immaturité survenait parfois de manière étonnante.