Cela devait faire des années entières que Ben n'avait pas pris de permission. Autant qu'il put s'en souvenir, la dernière fois qu'il avait pu se rendre dans un bar remontait à bien avant la guerre, quand il était encore sur Terre. Il y avait emmené sa petite amie de l'époque, Diane, qui depuis l'avait quitté. En songea à ce lointain souvenir, il se rendit compte qu'il n'avait jamais plus eu de nouvelle d'elle. Avait-elle pu fuir la Terre avant que la situation ne devienne incontrôlable et que les Moissonneurs massacrent tout sur leur passage ? Ou bien avait-elle péri sous le feu de ces immondes et cruelles machines ? A vrai dire, Ben ne savait quoi penser, quelque que fut la réponse à cette question. Il éprouvait un sentiment de rancoeur et d'amertume mélangé à de l'inquitéude ; malgré leur séparation qui lui avait brisé le coeur il y a déjà presque dix ans, il n'avait jamais été aussi rancunier au point de vouloir souhaiter la mort de qui que ce soit. Perdu dans ses pensées, il ne remarqua même pas la serveuse qui lui apporta sa bière. Tiré de ses pensées par ses interpellations incessantes, il s'excusa de son inattention puis la remercia lorsqu'elle lui donna la bouteille.

Il sirota le liquide doré et pétillant avant lenteur, appréciant chaque gorgée à sa juste valeur : c'était de la vraie bière Terrienne, celle qu'il préférait. Dégustant sa boisson plus qu'il ne la buvait, il ballada son regard sur l'intérieur du bar. Humains, Turiens, Galariens, Asaris et Krogans s'y cotoyaient sans qu'aucune tensions ne s'en fasse ressentir. Il se souvint qu'avant la guerre, une telle situation n'aurait même pas pu être envisagée ailleurs que dans les rêves du plus fou et insouciant des utopistes. Mais voilà que le bar de la capitale de Piétas, où était désormais basé le Conseil Galactique, abrittait pratiquement toutes les races conciliennes de la Galaxie, à l'image de l'Académie Shepard et de la planète en elle-même.

Mais derrière cette joie apparente qu'on pouvait lire sur son visage se cachait des sentiments de culpabilité et de mélancolie. Il repensait à la fois à Féros et Novéria. Les deux missions avaient été de véritables épreuves pour lui. La première avait entraîné la mort de toute son équipe, et l'avait laissé seul face une armée de trois cent mercenaires et leurs otages civils, à savoir la colonie entière de Zhu's Hope. Et pour résultat, il avait sauvé une poignée de colons, ainsi qu'un Quarien en pélerinage qui s'était trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, prenant la fuite pendant que la colonie était réduite en cendres. Quant à Novéria, la mission qui consistait à sauver les civils victimes d'une attaque de pirates Butariens avait réussi, mais à quel prix ... Là encore, presque toute l'unité, dont il était aux commandes, avait périt sur la planète de glace. Seul son second, Johnny Rico, et un soldat, Martin Kyle, avaient survécu. Le choc psychologique avait été rude pour Ben, même s'il avait noué des liens très solides avec un Geth, Syneos.

Perdu dans ses pensées, il regardait au dehors, observant d'un regard absent la cohue qui régnait dans les rues de Piétas. Les gens allaient et venait de partout, couraient dans tous les sens, se bousculaient même parfois. En contemplant cela, le jeune homme aux cheveux blonds - qui n'était d'ailleurs plus si jeune que ça mine de rien - se demandait ce qui motivait tous ces gens. Pourquoi couraient-ils ainsi partout ? Quel était leur but ? A quoi bon se donner tant de mal pour construire une vie agréable et se forger un avenir puisque chacun était destiné à mourir un jour où l'autre ? C'est pendant qu'il se livrait à ce genre de pensées pessimistes qu'il entendit les prémices d'une bagarre non loin de sa place.

Deux hommes, assez bourrus, le crâne rasé de très près et à la musculature assez imposante, étaient en plein débât avec une jeune femme, prétextant qu'elle leur avait "volé leur place". Ben se leva et alla à la rencontre des deux hommes qui importunaient la jeune femme. Il posa sa main sur l'épaule du plus grand - et accessoirement le plus musclé - ce qui le fit se retourner.

"Tu veux quoi, avorton ? Te mêles pas de ce qui te regardes pas si tu veux pas que mon frangin et moi on te refasse le portait au point que ta môman puisse plus te reconnaître.
- Je veux que vous laissiez cette jeune femme tranquille. Je ne le répèterai pas.
- Quoi ? Alors celle là elle est forte ! Un minus comme toi qui me menace ? J'en tremble de frayeur ! Tu ne me fais pas peur, gamin.
- Tu devrais."

Suite à ces mots, le second individu, visiblement agacé, lui décrocha une droite que Ben encaissa en pleine figure. Il n'y avait pas à tergivercer : ils étaient costauds. Mais décidé à ne pas se laisser abattre par deux gros lourdeaux comme eux, il se contenta de leur faire une dernière mise en garde.

"Pour la dernière fois, laissez la tranquille et foutez le camp. Et toi, ne t'avise même pas de me frapper encore."

Pour toute réponse, son adversaire arma un violent coup de poing. Ayant cette fois anticipé la manoeuvre, Ben se contenta de faire un pas sur le côté, ce qui fit perdre l'équilibre à l'autre, qui bascula en avant. Ben en profita pour lui enfoncer son genou dans l'estomac, coup qui suffirait à le paralyser un temps. Puis il se concentra sur l'autre, qui se préparait à se battre alors que la jeune femme fuyait au moment même où une autre personne entrait dans le bar.