Teddie vérifia son omni-tech qui venait de vibrer. Tante Suzanne lui demandait si tout allait bien, puisqu’il était déjà sur place depuis maintenant quelques jours avec le comité d’étudiants volontaires qui était chargé de nettoyer la zone morte située au sud-est de la capitale canadienne. Ottawa était dans un état beaucoup plus chaotique que la grande ville de Toronto qui avait été reconstruite un peu plus rapidement que celle-ci.

Les gens allaient et venaient d’Ottawa, mais n’y restaient jamais longtemps car de nombreux déchets toxiques de guerre avaient empoisonné l’air avec le temps. Teddie portait un masque à oxygène comme la plupart de ses camarades de classe. Leur professeur d’environnement leur avait bien spécifié de ne pas trainer près des flaques d’eau ainsi que s’éloigner des miasmes qu’ils arrivaient à percevoir. L’air était toxique, mais on n’en mourrait pas rapidement. Le jeune homme était chargé de ramasser des déchets, de les transporter dans l’un des véhicules de transports situé près de leurs voitures et d’empiler tout ce qui pouvait être recyclé au centre de leur zone de travail. On ferait le trie plus tard.

Nikki Jameson, l’une des collègues de classe de Teddie, faisait une maîtrise en écologie et en foresterie. Elle semblait mieux placée que leur professeur en ce qui concerne le triage des déchets et des objets à sauver. Depuis trois jours maintenant, les six élèves et leur tuteur sondaient cette zone morte, rencontrant par hasard de petits animaux sauvages qui erraient dans les ruelles désertes de cette partie de la capitale.

Il y avait quelques sans abris qui se cachaient dans les bâtiments abandonnés, ils évitaient les regards de Teddie et de son groupe et préféraient s’éloigner à chaque fois qu’ils tentaient d’aller vers eux. Le jeune homme plutôt empathique laissa quand même une partie de son repas, la veille, près de la porte d’entrée de l’un des repères de ces misérables.

Une ambiance de mort régnait partout où le groupe passait. Pourtant, c’était leur devoir de faire leur part pour cette société qui avait été brisée il y a maintenant dix ans à cause de cette fichue invasion. Malgré cela, Teddie gardait espoir que leur planète reprenait des forces, qu’elle ne les laisserait pas tomber. Les endroits les moins toxiques de la ville lui rappelait que de nombreux groupes tel que le sien étaient passés avant eux.

C’était partout la même affaire, sur Terre. Les zones qui n’étaient pas affectés avaient un semblant de vie normale, mais les zones mortes étaient si désolantes que la plupart des gens perdaient espoir de tout rénover.

C’était à présent l’heure de la pause du midi, Teddie, Nikki et le Professeur Neil Thomas se rassemblèrent à un petit parc où l’herbe était encore assez verte et en santé pour accueillir des gens dans le besoin de faire un piquenique.  Les quatre autres élèves mangeraient ailleurs. Teddie en profita pour envoyer un message à sa tante via l’omni-tech. C’était un vieux modèle, il n’avait pas suffisamment d’argent pour le faire remplacer. Il enviait un peu les soldats de l’Alliance qui étaient gâtés à ce niveau. Même Nikki et Mr. Thomas avaient moins de soucis au niveau de leur budget.

« Je vais bien, Tante Sue. Nous rentrons bientôt » écrit simplement l’étudiant.

Il posa ensuite son regard vers Nikki et le professeur qui semblaient discuter de l’état de la ville. Il était perdu dans ses pensées. Il repensait à l’époque où il était partit vivre avec sa tante dans l’appartement qu’ils n’avaient plus quitté depuis dix ans. Pendant des semaines, il s’était enfermé dans sa chambre et refusait d’en sortir. Il se souvient d’avoir pleuré longtemps la mort de ses parents d’avoir juré vengeance contre ces machines volantes dans le ciel.

Tout ceci était de l’histoire ancienne. Il n’avait jamais accompli quoi que ce soit et n’était jamais entré dans l’armée telle qu’il l’avait imaginé quand il n’était encore qu’un gamin. Peut-être était-ce mieux ainsi.

— Au fait Teddie, fît Nikki en s’approchant de son ami. Tu ne parles pas beaucoup on dirait. Nous savons tous que tu es l’un des élèves les plus dévoué de notre classe, mais on en sait peu sur toi. Pourquoi ne te joins-tu pas à nous?
— Euh… C’est que… Je suis pris au dépourvu…

Il rougit. Il n’était pas rendu compte dans sa petite transe que la demoiselle la plus populaire de sa classe s’était approché de lui. Elle était un peu plus petite que lui. Une brunette aux yeux verts et aux cheveux châtain qu’elle attachait en queue de cheval.

Aujourd’hui elle portait un chandail jaune canari moulant et des pantalons marron. Il paraîtrait qu’elle soit l’une des élèves au classement le plus élevé dans les notes de ses examens écrits de l’an dernier. Teddie est loin d’être un élève modèle mais arrivait quand même à envier son intelligence.

— Ne fais pas cette tête, dis. Ça fait quand même depuis deux ans que nous suivons les mêmes cours ensembles, non? Pourquoi ne t’intéresses-tu pas au reste de notre groupe?
— Je… Je n’y ai jamais pensé à vrai dire…

A court de mots, l’étudiant lança un regard vers son professeur, lui insinuant de lui venir en aide. Ce dernier interpella Nikki aussitôt et Teddie s’excusa sans délai avant de s’absenter un moment. Il s’éloigna du parc avec son sac à vidanges, enfilant par la suite son masque à oxygène. Tant pis pour le sandwich qu’il avait laissé sur le banc de parc. Il n’avait pas si faim que ça, tout compte fait.

Socialiser pour lui était toujours un calvaire. Voilà pourquoi il avait confié ce secret à ses professeurs. Lui qui rêvait de devenir journaliste, il réalisait à quel point ce type de comportement était absurde. Peut-être serait-il mieux de faire des articles d’opinions en ligne, au lieu de songer à interroger les gens. Il n’avait pas le courage, la sagesse de certaines personnes de son entourage. Il serait mieux placé derrière un écran d’ordinateur ou bien dans sa chambre, bien au chaud.

Le ciel gronda. Il y avait un orage dans l’air. En levant les yeux vers le ciel, l’aspirant écrivain réalisa que les nuages se faisaient de plus en plus sombres à chaque minute qui s’écoulait depuis qu’il avait quitté le parc. Peut-être ferait-il mieux de se diriger vers les voitures et le camion transporteur. Quelqu’un l’attendrait probablement sur place. Si ça se trouve, les fouilles cesseraient pour aujourd’hui. Ils reviendraient demain si possible avant de repartir pour Toronto.

Teddie regrettait de ne pas avoir rempli plus de quatre sac de déchets cet avant-midi-là. Hier, il avait réussi à trouver une tonne d’objets à jeter et d’autres recyclables. Ils avaient bien nettoyé les lieux pour le peu de temps qu’ils avaient passés par ici, ce qui fait qu’ils en avaient moins à ramassé aujourd’hui.

« Punaise que j’ai chaud… » Pensait Ted en s’appuyant, dos contre un mur de briques. L’été était bientôt fini, mais la température n’avait fait qu’empirer avec l’humidité et la chaleur qui persistait depuis une semaine. « Courage… Tu es presque arrivé à destination. »

Il se mit à pleuvoir. Le parking était à un kilomètre ou deux du parc. Il se mit donc à marcher en direction des voitures, trimballant son sac à vidanges d’un côté et de l’autre. Ses bras commençaient à être engourdis. Même si son sac contenait peu d’objets, ils étaient moyennement lourds. Des boites de conserves, un boyau d’arrosage brisé et du papier jaunis par les années, ainsi que de vieilles affiches qui s’étaient déteintes à cause des rayons solaires.

Bizarrement, le grand timide ne se sentait pas en sécurité, il se sentait observé et suivit. Simple intuition. Il brusqua le pas, se disant qu’il s’agissait probablement d’un voleur ou bien d’un sans-abri qui lui voudrait du mal. Il n’était pas du genre à devenir paranoïaque, mais cet endroit lui donnait la chair de poule avec cette pluie, cette chaleur et l’obscurité grandissante des ruelles.

Il n'avait pas d'arme sur lui. Voilà qui n'était pas prudent, puisqu'il était fortement recommandé de ne pas entrer dans les zones mortes sans moyens de défenses. Le professeur avait un fusil autorisé avec lui et l'autre groupe avait à leur disposition un judoka. Il serait bête que cette activité dite scolaire tourne au vinaigre...

« Cesses donc d'être si négatif! » grognait le solitaire pour lui même, alors qu'il traversait un rond-point.

En fait, Teddie ne parla pas beaucoup. Il était à la fois sous le choc et soucieux en compagnie de cet étrange personnage qui semblait lui aussi faire paire partit de la population des sans-abris. Le grand timide ignorait quoi répondre. Il se contentait de hocher de la tête et de le remercier de lui avoir sauver la vie. Ils reprirent la marche, mais firent demi-tour. Son sauveur préféra le ramener au professeur et à Nikki. Logique, il ne devait pas s'éloigner de son groupe ainsi. Les zones mortes ne sont pas sécuritaire pour les civils. A moins d'être un soldat ou bien un mercenaire, y traîner seul était du suicide.

Les sans-abris étaient beaucoup plus braves qu'il ne le serait jamais.

"Moi c'est Teddie..." Dit-il une fois que l'étranger fût présenté.

Il remarqua que ce dernier commençait déjà à s'éloigner.

"Hé! Mais ne partez pas comme ça!" S'écria Nikki en s'approchant de l'étrange personnage. "Tenez, voilà ce qu'il nous reste de nos provisions. Merci de nous avoir ramener notre ami."

Elle donna un sac rempli de pains, fruits et morceaux de viandes sèches à l'homme qu'elle croyait être un sans-abris, alors que Teddie observait la scène, abasourdi. Tout à coup, il se sentait minuscule, ridicule.

- Nous devrions rentrer... Suggéra Sage, intimidé.
- Pour aujourd'hui, en effet, il serait préférable que nous retournions à l'auberge. Teddie, pourrais-tu prendre soin de contacter l'équipe de Jason? Ajouta Neil.
- Oui, Professeur. Tout de suite, Professeur.
- Pas besoin d'être si formel...

Son élève se mit aussitôt à chercher la personne en question dans le répertoire de son omni-tech. Pendant ce temps, la pluie devenait de plus en plus violente et l'on pouvait ressentir les éclairs et la tonnerre devenir beaucoup plus fort.

De son côté, Nikki tentait de faire connaissance avec Steffen. Elle savait que la température n'aiderait pas à faire en sorte qu'elle devienne ami avec lui, mais au moins, elle voulait s'assurer que son sac de nourritures lui soit utile.

- La communication a été coupée, dit Teddie en jetant un regard vers le professeur.
- Son omni-tech soit sûrement être en panne... Puis-je suggérer de rejoindre Annie ou Peter?
- Peu importe, nous ne pouvons pas les rejoindre. Le parking n'est pas si loin que ça. Ils nous attendent probablement là-bas... Je crois que nous ferions mieux de nous y rendre maintenant.

S'avouant vaincu, Neil Thomas ramassa son sac à ordures et celui de Nikki pour ensuite rejoindre la demoiselle et le "sans-abris". Teddie le suivit de près.

Neil portait aujourd'hui une simple chemise à carreaux rouge et noire avec des jeans troués. Il avait une vieille casquette tournée à l'envers sur son crâne chauve qui lui donnait des allures de gamin et des verres fumés pour complémenter le tout. C'était le genre de personne qui avait adopté la philosophie du vivre et laisser vivre au cours de son existence, qui ne souciait pas tellement de son apparence et qui n'était pas très adorateur des formalités. Teddie doutait que Neil était en pleine crise de la quarantaine, pour avoir célébré son quarantième anniversaire il y a quelques mois et c'est pratiquement vers ce moment qu'il a commencé à adopter ce style vestimentaire plutôt décontracté. Avant cela, il était un peu plus conventionnel.

- Les miasmes risquent de se répandre. Vous devriez mettre vos masques, suggéra Teddie à l'attention de Nikki et de son professeur.
- Bonne idée, va, répondit sa camarade de classe.
- Plus tôt nous serons sortis des lieux, mieux ça sera, rajouta son interlocuteur.
- Par contre, ça m'inquiète que nous soyons sans nouvelle de Jason et des autres, poursuit l'autre.

Teddie haussa des épaules.

- On ne peut tout de même pas partir à leur recherche dans cette température, râla ce dernier.
- Ne vous inquiétez pas, vous deux, coupa le professeur. S'ils ne reviennent pas au campement d'ici demain, nous enverrons une équipe de secours à leur recherche.

Nikki dût se résigner à l'offre de son mentor. Cependant, elle n'appréciait guère la tête de mule de Teddie Sage qui semblait tout à coup prendre beaucoup trop de place dans leur groupe. Elle le fusillait du regard. Celui-çi lui rendait le même regard, il n'aimait pas trop cette femme.

Leurs personnalités étaient trop différentes. Il était comme un félin sauvage, mais calin lorsqu'il était en compagnie de gens qu'il aimait. Cependant, il devenait froid comme la glace avec les gens qui ne partageaient pas les mêmes opinions ou plans que lui. La fille la plus intelligente de la classe, quant à elle, était beaucoup plus chaleureuse et accueillante, comme un chien qui suivrait son maître partout.

Bref, ces deux là s'entendaient comme chien et chat. Neil Thomas devait souvent s'interposer entre eux durant les cours lorsqu'ils étaient en désaccord. Il les traitait comme des gamins, étant donné qu'il agissaient comme des bébés.

Le dénommé Steffen assista malgré tout à la rivalité étrange de Teddie et Nikki alors que la tempête faisait rage dans la nature. Soudain, alors qu'ils commençaient à s'éloigner du parc, un éclair alla frapper un immeuble à l'ouest de leur localisation actuelle. Un gratte-ciel. Cet éclair prit le petit groupe par surprise à un tel point qu'ils n'avaient pas remarqué qu'une partie de l'immeuble était en train de tomber vers eux. La ville tombait vraiment en ruines.

Teddie leva les yeux vers le morceau de gratte-ciel tombant en chute libre, bouche bée.

"ATTENTION!" Hurla le professeur.

Lorsque la terre cessa de gronder autour de Teddie, ce dernier remarqua qu’il s’était cassé le bras en tombant et en se faisant écrasé celui-ci par les ruines de l’immeuble qui venait de tomber vers lui. Nikki se chargea rapidement de lui faire une attelle avec un morceau de son vêtement et communiqua avec Neil, de l’autre côté du mur. Puis, plus rien. Silence total. La jeune femme sembla s’affoler, craignant qu’il soit arrivé malheur au professeur, puis retint son souffle lorsqu’elle entendit des rires moqueurs de l’autre côté de leur prison temporaire. Du sang coulait à ses pieds, elle comprit que le professeur venait d’être blessé. Par qui? Par quoi? Steffen était-il toujours dans le coin?


—     On les a bien eus, ces p’tits gosses de riches. Ils n’ont pas leur place ici, déclara une voix forte au sein de leur groupe.
—     Oui chef. Les trois autres qu’on a abattus avaient plein de fric sur eux. Celui-là est assez vieux pour être leur père ou quelque chose du genre.
—     Il a un fusil hein? Oh, comme c’est malheureux, il ne pourra plus jamais s’en servir. Ah… C’est une bonne marque en plus.


Nikki avait-elle bien comprit? Les autres, abattus? Teddie rampa jusqu’à elle, légèrement engourdit de tous ses membres et utilisa sa main libre pour tirer la demoiselle vers lui. Il lui fit comprendre du regard qu’il ne fallait pas s’attarder ici. Elle passa le bras de celui-ci par-dessus son épaule et l’aida à s’éloigner du mur de pierres.

—     Qui étaient ces gens? Demanda Nikki, affolée.
—     Des brigands. Sûrement des sans-abris qui ont décidés de se rebeller contre les autorités et les honnêtes citoyens…
—     Mais pourquoi? Ça fait des mois que nous venons dans le secteur leur apporter du manger et des couvertures chaudes.
—     Ne cherche pas à comprendre, les dix dernières années ont fait de notre terre un véritable calvaire pour des milliards de personnes.

Il dit vrai, songea la jeune femme. Ils faisaient partit des adolescents fortunés qui avaient eus la chance d’être aidés financièrement par l’Alliance et d’autres compagnies importantes de la planète terre. Leurs bourses faisaient d’eux des êtres privilégiés. Teddie gémit de douleur à cause de son bras, son amie lui proposa de se reposer, mais il secoua de la tête. Il leur fallait quitter les lieux, et vite.

—     Et Steffen… Tu crois qu’il est de mèche avec eux? Dit la fille.
—     Je l’ignore. J’espère que ce n’est pas le cas et qu’il est sain et sauf.
—     Et les autres… Sûrement que l’un d’entre eux s’est échappé… Non?
—     Ils ont bien dit avoir abattu les trois, Nikki. Nous sommes les seuls survivants.

La jeune femme le regarda, outrée et choquée. Elle refusait d’accepter cette réalité. Elle déniait ces paroles, secouant sa tête, et répétant sans cesse que c’était des mensonges, qu’ils s’étaient sûrement trompés. Sa meilleure amie Dawn était avec eux, après tout. Elle était judoka… Elle saurait les défendre.

Ils arrivèrent au parking, les voitures étaient encore là. Nikki avait les clés de sa propre voiture, ce qui les permettrait de quitter les lieux, finalement.

Un coup de feu se fit entendre. Une balle siffla près de la tête de Teddie qui l’évita de justesse. Au loin, les brigands étaient déjà leur poursuite. Ils semblaient se déplaçaient sur des motocyclettes. Brusquement, Nikki empoigna Teddie et le rentra de force dans sa voiture avant d’aller le rejoindre, côté conducteur. Elle démarra le véhicule et appuya à fond sur la pédale d’accélération.

Ça leur prit au moins une bonne dizaine de minutes avant de rejoindre le campement, aux bordures de l’ancienne ville, où ils rencontrèrent d’autres équipes d’élèves qui étaient venu à la capitale afin de faire du nettoyage. Teddie et Nikki leurs expliquèrent qu’il fallait partir rapidement, car ils étaient poursuivis par des criminels. On entendait les moteurs des motos qui devenaient de plus en plus fort derrière eux.

Les étudiants conclurent que l’endroit n’était plus assez sécuritaire pour s’y aventurer sans l’aide de personnes armées. Leur chef décida qu’il fallait partir. Rapidement, ils ramassèrent ce qu’ils purent de leur campement et suivirent Teddie et Nikki qui continuaient leur course folle à travers la grande rue.

Quelques instants plus tard, ils remarquèrent que les brigands étaient repartis pour la capitale. Ils n’oseraient pas quitter ces terres mortes, puisqu’elles étaient désormais leur terrain de jeu, leur repère. La jeune femme gara sa voiture près d’un arbre et se mit à sangloter, alors que d’autres voitures s’arrêtèrent près de la sienne.

—     On a fait tout ça pour rien… Gémit cette dernière.
—     … Erf…
—     Et Dawn… Neil… Jason et Steve… Ils sont tous morts…
—     … Hm…

Teddie ne trouvait pas les mots pour réconforter sa camarade de classe. Son bras gauche, toujours dans l’attelle ne lui servait à rien. Il aurait aimé lui prendre le bras amicalement, mais de sa position, il préférait ne rien dire, ne rien faire. Peut-être était-ce mieux ainsi. Il n’était pas vraiment doué pour la conversation non plus.

—     Nous devons prévenir la police, dit Teddie.
—     Bonne idée, répliqua la jeune femme, après avoir reniflé un bon coup.

Elle activa son omni-tech et commença à entrer les coordonnées pour contacter les autorités de la ville. L’autre enseignant qui les avait accompagnés pour le projet semblait faire la même chose dans sa voiture, avec les autres élèves. Teddie se sentait tout à coup si inutile, si petit. Il se demandait comment les choses auraient tournées s’il avait été entraîné par les militaires à combattre ce genre de criminels. Il regrettait en silence de ne pas avoir accepter de rejoindre l’académie militaire lorsqu’il était encore tout jeune. Pour le moment, il n'y a rien d'autre qu'il puisse faire.

Des semaines s'écoulèrent suite à cet incident, voir un mois et demi. Les choses reprirent leurs cours normal. Dû à l'application du médi-gel dans les os fracturés de Teddie, ce dernier récupéra rapidement, mais dû tout de même passer quelques temps en réhabilitation pour s'ajuster à l'usage de son bras. Nikki, entre ses cours et ses tâches habituelles commençait à se faire plus présente dans la vie du jeune homme, depuis la disparition de son groupe d'amis et du professeur. Bien qu'il n'était pas trop excité à l'idée que son amie soit devenu un vrai pot de col, il n'arrivait pas à s'ôter de la tête cette image de la fille terrifiée qu'il avait vu ce jour là, celui où il s'était sentit impuissant... Celui où il avait vu la flaque de sang couler sous les débris...

Les policiers qu'on interpella à cette période avaient mener l'enquête et traqués le groupe de criminels dans les taudis de la ville fantôme. Quelques uns d'entre eux furent arrêtés, d'autres furent abattus sur place puisqu'ils refusaient de coopérer. Apparemment, l'équipe de Neil et celle de Jason n'était pas la seule à s'être fait prendre en ambuscade. Plus de quinze cadavres furent retrouvés, des amis et des proches de leur comité, ainsi qu'un sans-abris qui aurait servit de bouclier humain pour l'un des groupes. Ce nombre était petit comparé à celui des pauvres gens qui mourraient seuls dans les rues, de faim, de soif ou de diverses maladies. Il était petit, mais choquait les gens.

Cet incident passa aux nouvelles, quelque chose de banal aux yeux de plusieurs téléspectateurs qui avaient connus pire que ça durant leur existence, mais qui suscita l'intérêt de divers groupes sociaux. Teddie s'enferma dans un mutisme, ne parlait plus à personne que sauf s'il avait besoin de quelque chose. Il préférait garder tout pour soi, même si Nikki essayait tant bien que mal de lui sortir quelques pensées de la tête. Elle parlait beaucoup trop. Ils étaient tous les deux le contraire de l'autre. Malgré tout, ils arrivaient quand même à apprécier la compagnie que chacun leur apportait. Les funérailles eurent lieu quelques jours après l'incident. Teddie se souvient que des centaines de personnes s'étaient déplacés pour les personnes tuées dans cette tragédie, même sa tête Suzanne avait prit congé de son travail ce jour-là afin d'assister à la cérémonie. Cette événement avait affecté la vie de tout le monde, d'une façon ou d'une autre. Ce genre de situation ne devait plus se reproduire, surtout pas après les dix dernières années où les terriens et plusieurs extraterrestres avaient tentés de réparer ce qui avait été détruit par la guerre.

Le jeune homme sortait à présent du centre de réhabilitation en compagnie de Nikki, comme à tous les soirs. Cette dernière était toujours bavarde comme une pie, mais semblait avoir perdu beaucoup de son enthousiasme. Même si les études avaient repris, elle ne se sentait plus en sécurité et semblait avoir perdu un brin d'ambition. Elle vivait chaque jour avec une expression positive forcée sur les lèvres. Teddie remarquait qu'elle s'enfonçait. Probablement que si elle ne se soignait pas, elle ferait bientôt une dépression.

"Sais-tu..." Commenta Teddie qui voulait aborder une conversation avec son amie. "Peut-être devrait-on prendre des cours d'auto-défense..."

Ils marchaient en direction du casse-croûte qui se trouvait à quelques pas du centre. Surprise que le jeune homme soit tout à coup bavard, Nikki joua le jeu.

- En effet. J'ai songé rejoindre une équipe de judokas pour débutants l'autre jour, mais j'ai vite abandonnée. J'ai l'impression que ça ne servirait à rien. Tôt ou tard, nous allons tous y passer.
- Ce n'est pas ce que la vraie Nikki dirait, celle que je connais se battrait pour un monde meilleur et ne se laisserait pas décourager pour si peu, répondit son interlocuteur.
- Oui, mais cette partie de moi est morte le jour où nous avons perdus nos amis.

Teddie se mordit la lèvre inférieure. Le regard de Nikki était sans vie, sans espoir. Elle n'était plus la jeune femme positive et débordant d'énergie qu'elle fût autrefois. Elle devenait une épave. Teddie devait tout de même lui raconter la décision qu'il avait prise l'autre jour, alors qu'il s'entraînait au centre.

- D'ici quelques semaines, je vais prendre congé de mes cours. J'ai demandé à un représentant de l'Alliance qu'on m'inscrive à un camp d'entraînement militaire. Je lui ai fait comprendre que j'ignore si je serais capable de devenir un soldat, mais que j'avais besoin d'apprendre à me défendre pour mon propre bien et celui de mes proches. Ces camps d'entraînements recrutent à peu près n'importe qui depuis dix ans. On veut tellement reconstruire notre monde que les gens vont et viennent dans les rangs de l'Alliance.
- Je ne sais pas trop quoi répondre...
- Dans ce cas ne dis rien. J'essaie simplement de trouver ma voie.
- Je croyais que tu rêvais de devenir journaliste.
- Oui, ça reste mon rêve le plus cher. Mais je dois aussi apprendre à me défendre. Ce genre d'incident n'a fait que renforcer mon désir de voyager et d'en apprendre plus sur notre cause et sur celle de nos amis extraterrestres. Nous avons tous notre fardeau à épauler, mais si nous cherchons plus loin... Peut-être nous sera-t-il possible de trouver de nouvelles solutions qui pourrait faire la joie de tous.
- Tu parles comme un scientifique toi, pas comme un journaliste.
- Ma tante Suzanne me dit tout le temps que j'ai tendance à être un idéaliste qui a trop d'imagination...
- Et elle a raison. Enfin... Au moins toi tu sais ce que tu veux faire, moi j'ai plus envie de rien...

Jugeant qu'il n'y avait plus rien à dire à ce sujet, Teddie décida de parler de la pluie et du beau temps avec son amie. Ils rentrèrent au restaurant et passèrent leur commande. Pendant un certain temps, le jeune homme se perdit dans ses pensées, alors que Nikki quant à elle songeait à ce que son ami venait de lui dire. Peut-être devrait-elle l'imiter, tout compte fait. Il serait probablement une bonne idée pour elle qu'elle reprenne sa vie en main. Elle n'était pas encore certaine, mais sûrement qu'elle trouverait quelque chose pour redonner un sens à sa vie dans l'Alliance. Avec ce plan en tête, les deux universitaires continuèrent leur existence normalement jusqu'au jour où ils furent appelés à rejoindre le camp. Qui sait ce qu'adviendrait d'eux, là-bas?

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