Chez les Faucons Rouges l'ambiance était au beau fixe, une "cargaison" avait récemment été remise et la paie était arrivée. Préférant les fêtes privées où les risques de se faire voler étaient plus réduits, les principaux lieutenants avaient convaincu leur commandant de faire venir de quoi s'amuser. Par là il fallait comprendre : des asaris, de l'alcool, des asaris, de la drogue et encore des asaris ; une définition qui n'avait pas vraiment plu à tout le monde, ainsi on s'en était tenu à des parts égales des trois.
Résultat la vigilance s'était relâchée, il y avait théoriquement des tours de garde et une équipe de surveillance mais personne pour s'assurer que le travail était fait, et la discipline absente.
En guise de sentinelles ne restait qu'un turien et un humain, totalement accaparés par leur capacité à uriner plus loin que l'autre.

" Ch... Che te...dép... pa... passe. Tr... mètres. "

L'humain eu un hoquet avant de vomir par dessus la rambarde, incapable de répondre au défi. Il finit par se redresser avec difficultés, observant avec une attention malsaine quelque chose dans la canopée.

" -Merde ! J'me sa..vais pas aussi défoncé ; je vois une drell là-bas.
-T'es dégueu... lasse. Elles so... nt moches. "

Quel cocktail de substances pouvait bien engendrer ce genre de visions bizarres ? Difficile à dire.

" Et si c'... était pas une vi... sion ?"

L'alcool aidant il faudrait un petit un moment pour qu'une conclusion se forme dans les esprit embrumés des deux faucons.

Tout était définitivement trop facile ; les Faucons Rouges faisaient preuve d'un relâchement affligeant et remarquablement dangereux. Leur coller à chacun un traceur avait été aisé et ainsi Elsia s'était assurée de pouvoir explorer les zones les plus sensibles ; qui se méfiait d'une vulgaire prostituée asari ?

Refilant chaque mercenaire qui s'intéressait à elle à une "collègue", elle avait pu passer les différentes sentinelles avec facilité.
Ne restait plus qu'à s'introduire dans les systèmes du commandant des Faucons Rouges et c'était là la partie la plus délicate, ce krogan était loin de la crétinerie si fréquente chez ses congénères. S'il la repérait ici elle aurait du mal à le mener en bateau et plus encore à s'en sortir sans casse. Elle s'approcha du "bureau" sur la pointe des pieds, cachant son phalanx derrière son dos, lui même collé à un mur ; il ne lui restait plus qu'un coude à franchir et elle serait en face de la porte. Le krogan était absent mais l'endroit pas désert. Elle jeta un coup d’œil pour évaluer leur état.
Passablement atteints mais pas hors course. Ennuyeux. Elle allait devoir...

Deux bips résonnèrent à son oreille. Elsia activa son omni-tech et constata la mort de deux Faucons Rouges sur la passerelle sud du complexe ; ce n'était pas surprenant que des concurrents tentent de s'approprier une part de marché supplémentaire mais cela restait ennuyeux. Dans leur état les Faucons Rouges n'arriveraient à rien et se feraient massacrer avant d'avoir pu s'en rendre compte ; il fallait les avertir pour éviter cela.
A moins que les forces assaillantes soient de potentiels alliés bien sûr. Il fallait vérifier. Elle fit demi-tour, cachant son arme dans les méandres de son épaisse et ample tunique, et intercepta bien vite un groupe de Faucons Rouges encore conscients. Ils étaient quatre et légèrement éméchés ; autant dire que la promesse d'un spectacle un tant soit peu érotique était pour eux synonyme de paradis. Les menant par le bout du nez elle les conduisit tranquillement jusqu'à l'endroit où les deux morts avaient eu lieu avant de commencer le spectacle promis. Elle n'avait pas l'intention de le terminer et espérait secrètement que les assaillants profitent de l'occasion aussi vite que possible ; elle n'aurait plus qu'à jouer un rôle très crédible : celui de la pauvre asari terrifiée.

En temps normal toute personne qui lui aurait tenu de tels propos se serait ouvert la gorge dans les minutes suivantes ; mais la situation était plus complexe et Elsia gardait cette donnée en mémoire.

Son plan avait marché comme prévu et elle avait ainsi pu en apprendre beaucoup sur les mystérieux assaillants : des drells, donc un groupe très précis et l'asari n'avait jamais entendu parler d'un groupe esclavagiste ou mercenaire composé de cette race. Autrement dit il ne pouvait s'agir que deux choses : des agents au service d'un gouvernement ou un groupe de freelance anti-esclavagiste, les Faucons Rouges n'avaient pas d'ennemis assez important pour justifier un déploiement important...

Cette attaque ne l'arrangeait qu'à moitié, elle doutait que les drells la laissent vagabonder à son aise dans les installations, pas avant d'avoir fait le nettoyage en tout cas ; paradoxalement il fournissait également une opportunité, à condition de pouvoir la saisir bien sûr.

" Les Faucons Rouges sont une soixantaine mais la plupart d'entre eux sont trop allumés pour reconnaître leur propre mère. "

Pouvait-elle en connaître d'avantage sur eux et sur leur chef ? Pour que son rôle soit crédible la réponse était non ; forçant un peu le trait de la frayeur elle répondit :

" Je ne sais pas qui est leur chef ; j'ai juste été payée pour venir ici il y a deux jours, je ne sais rien de plus. "

Elle espérait donner d'elle l'image d'une pauvre prostituée terrifiée à l'idée de mourir, sans pour autant être capable de certifier sur sa vie qu'elle y parvenait. Et comme il n'y avait pas de Faucon Rouge dans les environs immédiats elle ne pourrait compter que sur ses propres ressources en cas d'incident.

L'usage d'une langue qu'elle ne comprenait pas et cette soudaine question firent comprendre à Elsia qu''ils ne la laisseraient pas partir aisément ; c'était certes logique mais cela ne l'arrangeait pas pour autant.

" Je m'appelle Elsia, Elsia Vilosin. Mais je ne sais pas où se trouves leur commandant... enfin je sais où est son bureau mais lui... "

Se trouvait tranquillement près de la plateforme d'atterrissage de l'autre côté du bâtiment, probablement en train de sermonner l'un de ses hommes au sujet de la surveillance de leurs navettes. Mais cette information elle n'était pas censée la connaître.
Aussi elle commença à mener le groupe de drells aussi discrètement que possible, mais avec hésitation ; il n'était en effet pas prudent que ces intrus rencontrent des Faucons Rouges et déclenchent une fusillade. Ainsi, en feignant un mauvais sens de l'orientation et une méconnaissance des lieux, elle mena les drells dans les installations en évitant les groupes les plus denses des esclavagistes. Peu lui importait ce qu'il advenait de ceux croisés.
Au bout d'une vingtaine de minutes de tours et détours ils parvinrent jusqu'au bureau du commandant ; celui-ci était toujours gardé par les deux mêmes soldats dans un état de sobriété impressionnant au vu de la situation. Chez les krogans on imposait son autorité par la force et la crainte et ces deux-là semblaient en éprouver pour leur supérieur.
Elsia leur indiqua d'un vague signe l'endroit en espérant que le chef des Faucons n'arriveraient pas trop vite ; ce dernier avait en effet commencé à se déplacer.

Bien ; les choses avançaient correctement finalement. Ce drell avait bien failli lui couper tout accès aux ressources qu'elle était venue prendre mais par ses décisions venait de rectifier son intrusion dans les affaires du Protocole.

Elsia s'arrangea pour croiser le regard de chacun des trois membres du commando ; chacun à leur tour, ils sentirent leur volonté s'éroder pour ressembler de plus en plus à celle de l'asari.

" Continuez à surveiller la porte et abattez tous ceux qui s'approcheront ! "

Elle mit leur omnitech sur la fréquence de ses balises ; ainsi ils connaîtraient avec précision la position de leurs ennemis, qu'ils se servent de ces informations comme bon leur semblera ! Elsia s'installa au bureau du chef des Faucons Rouges et commença son intrusion dans les fichiers du groupe. Tout y était : les noms des receleurs, les sites de cibles faciles et même quelques coordonnées bancaires.
L'asari récupéra le tout avant de se lever pour se débarrasser des derniers éléments encombrants de son costume ; elle avisa la seule fenêtre du bureau et la brisa d'un coup de coude. Un des drells bougea un peu trop, son contrôle s'amenuisait apparemment, elle se faufila à l'extérieur avant de lancer :

" Je vous laisse les infos et le plaisir de descendre ces enfoirés d'esclavagistes ! "

Elle relâcha son emprise sur les drells et disparut ; les signaux indiquaient l'approche du chef Higvul Dek et de quatre de ses hommes, mieux valait ne pas traîner dans le secteur.

Higvul Dek avançait de son pas pesant le long des couloirs, engueulant copieusement tout ce qui passait à sa portée pour la raison qui lui venait à l'esprit. Il était furieux. L'un de ses hommes, dans son ivresse avait joué à la roulette russe avec un lance-grenades, tuant trois personnes, et un autre lui avait vomit sur les bottes. Aucun des responsables ne serait en mesure de lui casser les pieds autrement que par leur absence à partir de maintenant mais il lui fallait autre chose pour se calmer.
Aussi il avait déjà commotionné un turien, fracturé deux bras, assommé un humain et balancé une asari par une fenêtre.

Lorsqu'il arriva devant son bureau il constata avec hargne que ses deux gardes ne s'étaient pas droits et ne le saluaient pas ; il tenait son prétexte. Il s'avança pour infliger au premier un formidable coup de tête mais s'arrêta en chemin en remarquant l'étrange immobilité de son congénère ; en temps normal il aurait reculé, demandé pardon, riposté (avec un peu d'espoir)... là rien. Higvul remarqua les fils le maintenant en place ; quelqu'un avait buté ses hommes et s'était introduit dans son bureau. Parfait !

Il décrocha les grenades de sa ceinture, en dégoupilla une, attendit quelques instants, entrouvrit légèrement la porte et lança son colis à l'intérieur avant de refermer. Une formidable explosion s'ensuivit ; au moins ferait-elle office de signal d'alarme.
Les Faucons Rouges s'étaient déjà armés, eux aussi avaient compris.

" A mort ! "

Higvul donna un coup de pied dans la porte, la défonçant, et observa le nouvel emplacement de son bureau ; réactif il aligna son lance pic graal et tira dans le meuble, le pulvérisant, avant de recharger. Deux de ses hommes se placèrent de chaque côté de l'embrasement de la porte alors que les autres lançaient des fumigènes ; ils mirent leur casque et activèrent la vision infra-rouge.
Le krogan souriait, deux drells avaient été dévoilés, deux cadavres en perspective ; car l'idée de les capturer pour interrogatoire ne lui vint pas une seconde à l'esprit. Il se précipita et sentit quelque chose heurter sa barrière biotique ; il leva les yeux et constata la présence d'un troisième adversaire. Manque de chance ses protections épaisses avaient très bien encaissées le coup.

Il déchargea à nouveau son fusil dans un grand éclat de rire avant de retourner à ses cibles initiales. Il atteignit rapidement le corps à corps mais les drells faisaient, réflexion faite, de mauvais adversaires, non pas qu'ils ne savaient pas se battre mais leur habitude de sauter et d'esquiver dans tous les sens rendait le combat très énervant.
La colère d'Higvul ne descendant jamais bien bas, elle remonta rapidement pour qu'il en oublie la prudence au profit d ela onne vieille méthode du "tout ou rien". Il décrocha une nouvelle grenade, à lévitation cette fois, et attendit le dernier pour la lancer en plein milieu du corps à corps.

La conséquence fut une important explosion biotique qui fit voler ses barrières en éclat mais déstabilisa ses adversaires. Il avisa la plus proche et lança une charge biotique, sonnant son adversaire et rétablissant instantanément ses protections. Il saisit la drell par le coup et lui donna un formidable coup de tête avant de la jeter négligemment un peu plus loin. Morte ou inconsciente, et donc grièvement blessée, cela n'avait aucune importance pour le moment ; il rechargea et se prépara à régler son compte au deuxième.

" J'espère que vous avancez les gars ! J'en ai déjà eu un ! "

Depuis quand les drells se montraient-ils aussi bourrins ? Higvul ne pouvait pas cacher une certaine surprise devant le cadavre d'un de ses hommes, pourtant robustes, explosé contre un mur d'un seul coup. Mais loin de se démonter le chef de guerre éclata de rire.

" Ah ! Enfin un peu de répondant. "

Le krogan déchargea son arme sur la barrière du drell sans que celle-ci faiblisse d'un iota.

" Celui-là est à moi ! "

Il Lâcha son arme, inutile il n'avait plus de cartouches, et frappa ses poings l'un contre l'autre alors qu'une aura biotique l'enveloppait. Il chargea en hurlant, encaissant sans difficulté les ripostes de son adversaires. Son premier coup de poing se heurta à la barrière de son ennemi ; bloqué à quelques centimètres du visage du drell, la main continuait pourtant de se rapprocher à mesure que le krogan forçait. Pendant quelques instants ils restèrent ainsi, immobiles à observer ce duel entre leur volonté respective.
Le krogan perdit patience le premier et ré-attaqua de la manière la plus simple : un coup de tête. L'assaut porta en partie ses fruits alors que le visage du drell encaissait un coup qui le fit saigner. Gray perdit momentanément le contrôle et Hicvul crut pouvoir en profiter en armant sa prochaine attaque. Mais le drell se reprit très vite et, faisant appel à toute sa force, projeta le krogan dans les airs où il heurta brusquement le plafond. Higvul grogna de douleur, tout krogan qu'il était il restait sensible à la douleur, et ré-atterrit sans la moindre grâce ; permettant ainsi à Gray de reprendre son souffle. Le chef des Faucons Rouges se releva avec un air mi fou mi ravi.

" Je t'interdis de mourir tout de suite ! Balance tout ce que t'as ! "

Se propulsant au contact d'une rapide charge biotique le krogan déstabilisa le drell avant de le saisir et de l'envoyer valser contre un mur ; il n'était pas certain que son ennemi n'ait pas ralenti sa course mais peu importait ! Éclatant d'un rire sauvage Higvul se précipita au contact et se mit à frapper la barrière biotique tel un dément. Donner tout ce qu'on avait sans avoir la crainte de voir son ennemi mourir trop vite ; avoir le sentiment de pouvoir y passer face à un adversaire. Quelles sensations jouissives !
Augmentant le rythme pour briser la barrière plus vite et forcer le drell à passer à l'offensive Higvul ne s'aperçut pas que ses hommes étaient pris à revers par un geth.

Higvul ne s'était que rarement senti aussi heureux. Un adversaire à sa mesure capable d'opposer une vraie résistance même lorsqu'il se donnait à fond ; quel bonheur ! L'échange de frappes biotiques et de coups plus classiques était un régal.
Mais comme toujours lorsque les choses vont trop bien il y eu un impair.

Le krogan sentit une lame se glisser entre deux de ses vertèbres ; de quoi se mêlait cet importun ? Que faisait dont ses hommes ? Ne pouvait-il pas s'occuper d'un unique drell ?
Il avait entrepris de se retourner quand un coup de fusil à pompe l'expédia au sol où il décida de faire le mort. Il avait reconnu le bruit de l'arme ; aussi étrange que cela lui paraissait il y avait un geth dans sa base et celui-ci était un allié du drell.
Ses blessures lui faisaient un mal de chien mais l'anatomie kroganne était admirablement faite ; la perte d'une partie du système nerveux n'était pas très dommageable en soit lorsqu'on a la chance d'en posséder un deuxième. Mais l'adrénaline du combat était retombée et le chef des Faucons Rouges avait remis son cerveau en marche pour se concentrer sur l'instant présent. Il ne pourrait savourer un affrontement avec ce drell s'il était gêné par d'autres. Il lui fallait donc battre en retraite.

Il attendit calmement que ses ennemis lui tournent le dos et commencent à s'éloigner pour se relever d'un bond. Le bruit les fit se retourner mais pas assez rapidement pour l'empêcher de lancer une charge biotique. Le groupe fut renversé. Higvul, barrières biotiques rétablies, ne perdit pas de temps et s'éloigna aussi vite qu'il le pouvait, utilisant une dose de médigel pour soigner quelques unes de ses blessures. Il fallait qu'il rallie ses hommes, ou ce qu'il en restait si le drell était là depuis longtemps.

" Rassemblement sur la piste bordel ! On est attaqués ! "

Le message devrait être assez clair ; il y en aurait pour ne pas le comprendre mais la vie de ceux-là n'importait pas au krogan, ce n'était que sélection naturelle après tout.

Et après c'est moi le bourrin ? pensa Higvul. Ce drell réagissait avec la subtilité d'un dévoreur mais les moyens offensifs d'un pyjak.
La rage qui l'avait saisi plutôt l'avait forcé à se dépenser énormément et ce dernier effort pour le rattraper n'avait probablement rien arrangé, sans compter que les barrières des drells ne sont pas réputés pour leur solidité. A l'inverse Higvul s'était administré les premiers secours et, plus que tout, il était krogan, ce qui voulait dire : résistant, doué d'une grande capacité de régénération et endurant.

De fait lorsqu'il entendit le cri de défi le krogan activa le magnétisme de ses bottes pour se préparer au choc, lequel ne suffit pas à faire décoller son imposante masse, laissant devant lui un drell affaibli et une superbe ouverture. La scène n'avait duré que quelques instants mais avait permis à Higvul d’assommer et de prendre en otage celui qui, de toute évidence, était le chef du groupe. Il lança un regard mauvais à ses ennemis :

" Si vous bougez je le bute. "

C'est le moment que choisirent quatre de ses hommes pour venir renforcer sa position et lui offrir leur soutien armé. Higvul tenait dans sa main droite le crâne du drell, lequel en avait pour un bon moment, l'autre son fusil qu'il braquait sur sa victime.

" Vous allez gentiment poser vos armes et vous rendre ; je vous promets que je ne tuerai personne. "

Tuer ou mutiler c'était bien gentil mais c'était surtout contre-productif et sans le moindre intérêt sinon immédiat ; pour le marchand d'esclave qu'il était, c'était passer à côté de sa prochaine cargaison. Après tout si les produits venaient d'eux mêmes, et gratuitement, au vendeur... c'était là le progrès !