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 Invitation à dîner

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MessageSujet: Invitation à dîner   Invitation à dîner Icon_minitimeSam 07 Mar 2015, 16:04
Intervention MJ : Non Date : Février 2200 RP tout public
Ella Gardner ♦ Thomas Dole
Invitation à dîner


La Terre. Rebâtie, du moins en partie. Rayonnante, de nouveau. A peine arrivée au spatioport de Londres, Ella avait décidé de se rendre à Vancouver, voulant profiter de sa permission pour aller sur la tombe de ses parents, éventuellement pour voir ce qui avait pris la place de son ancien domicile, marcher de nouveau entre les murs de l'Université rebâtie, toutes ces choses qu'elle n'avait pas eu le temps de faire la dernière fois qu'elle avait posé le pieds sur la planète bleue, sa planète, son foyer.

Mais, à peine arrivée dans la capitale de l'Alliance, encore vêtue de l'uniforme réglementaire, elle sut qu'elle ne ferait probablement pas la moitié de ce qu'elle voulait faire, du moins si sa permission ne durait pas trop longtemps. Les passants autour d'elle, les enfants qui jouaient dans les rues, toute cette agitation lui avait manqué, plus qu'elle ne l'aurait cru. Bien sûr, la vie sur un vaisseau de la flotte était loin d'être de tout repos, voire même agitée lors des missions, mais il ne s'en dégageait pas la même innocence que dans une ville.

Et l'innocence, c'est justement ce dont Ella avait besoin à l'heure actuelle. Des gens qui ne se préoccupent pas de savoir s'ils seront encore en vie après leur prochaine journée de travail, qui pensent plus à la surprise qu'ils feront à leur conjoint en rentrant qu'à la meilleure manière de réarranger le système de quart pour que l'Enseigne Peters et le Sergent Gin ne soient plus en service en même temps, étant donné le passif entre les deux hommes. Bref, le calme d'une agitation purement civile. La jeune femme voulait en profiter, simplement déambuler dans les rues, sourire face aux enfants qui s'amusaient avec des armes factices, s'asseoir à la table d'un café et siroter tranquillement un espresso sans que personne ne vienne la voir pour savoir de quelle façon il fallait calibrer les détecteurs infrarouges du vaisseau.

Encore sur les marches du hall d'arrivées des navettes, Ella ferma les yeux, et prit une grande inspiration. Malgré tout ce qui avait eu lieu ici, les horreurs qu'elle avait vues et vécues, c'était bon d'être de retour. Ouvrant les yeux, elle s'aperçut qu'un homme se tenait non loin d'elle, et semblait lui porter une attention toute particulière. Vêtu d'un costume de bonne qualité, il attendait, appuyé contre une voiture de luxe, probablement appartenant à quelqu'un d'important. L'espace d'un instant, Ella se demanda si son père n'avait pas possédé le même modèle, à l'époque. Ou le modèle précédent, qui sait? Mais après tout, cela n'avait pas vraiment une grande importance, elle n'avait jamais été une grande amatrice de voitures.

Voyant qu'il avait été repéré, l'homme s'avança d'un pas tranquille vers la jeune femme. Les mains en évidence, la militaire de carrière en elle se dit qu'il ne devait pas être animé de mauvaises intentions, tandis que l'ancienne étudiante férue de politique lui soufflait que c'étaient parfois les mains tendues qui se trouvaient bien plus dangereuses que le cuirassé le plus imposant de la flotte. L'Histoire l'avait souvent prouvé, un politicien se faisant un ennemi d'un autre, ou qui ne partageait pas les idées de ses confrères, pouvait se montrer à l'origine d'une guerre plus sûrement qu'un soldat en tuant un autre de sang-froid. La politique dirige le monde, et les militaires serventt la politique.

C'était dans l'ordre des choses, et Ella l'avait compris bien avant de s'engager. Elle ne partageait pas le dédain, le dégout que pouvaient éprouver nombre de ses collègues de carrière pour la branche politique de la société. A leur manière, ils prenaient également des risques. Evidemment, il est difficile pour un simple soldat de comprendre cela quand on voit des dizaines de camarades se faire éliminer parce qu'un parlementaire a décidé qu'il était temps de reprendre un astéroïde minier de moindre importance à des gangs criminels, mais... En tant qu'officier, il fallait voir les choses de façon plus globale. Penser que sacrifier dix hommes permettrait d'en sauver deux cent autres, permettre d'acquérir une ressource tactique ou un point stratégique pour la campagne. Pour les politiciens, il fallait également prendre en compte le statut économique, les relations diplomatiques, et tout un tas d'autre chose. Les soldats disent souvent que les politiciens vivent dans un autre monde, et ils n'ont pas totalement tort. Ils vivent simplement dans un monde plus grand, et plus compliqué.

L'homme finit par se poster devant elle, avant de lui offrir un sourire poli de connivence.

"Pardon mademoiselle, êtes-vous bien le Lieutenant-Commandant Gardner?"

Le ton de la question, et le sourire assuré de l'interrogateur, ne laissaient aucun doute sur le caractère rhétorique de sa demande. Mais comment pouvait-il déjà être au courant de son arrivée? Difficile à dire, mais elle imaginait facilement que des personnes haut-placées pouvaient avoir accès aux registres des passagers des vols à destination de la Terre, sans compter qu'il était prévisible qu'elle passe sa permission sur sa planète d'origine.

-Elle-même, oui. Puis-je vous être d'une quelconque utilité?

Question rhétorique, une fois encore, simple question de politesse. Il était évident que l'homme voulait quelque chose de précis, sans quoi il ne l'aurait pas abordé d'une telle manière.

-A vrai-dire, je suis ici pour vous conduire au Trennet. Il s'agit d'un rest...

-Je sais parfaitement de quoi il s'agit, monsieur...?

Le Trennet. Le restaurant le plus huppé de la ville, comme il l'avait été avant la Grande Guerre. Le restaurant où ses parents avaient coutume de dîner lors des repas d'affaire. Un simple dîner là-bas lui coûterait sans doutes la moitié de sa solde, si elle se contentait des plats du jour. Mais pourquoi donc l'emmener là-bas? Un rendez-vous galant venant d'une personne influente un peu trop... Excentrique? Ou quelque chose de plus sombre?

-Hörst. Frederick Hörst. Je veille à la sécurité de monsieur Thomas Dole, directeur du cabinet du Premier Ministre, qui m'a chargé de vous transmettre son invitation, et de vous fournir un transport jusqu'au restaurant.

Thomas Dole. Ella avait déjà entendu ce nom auparavant, le personnage apparaissant parfois aux côté d'autres politiques, parfois dans certains discours, mais elle n'avait jamais eu affaire à lui, de près ou de loin. Et, pour autant qu'elle sache, il n'était pas lié à Terra Firma. Quel intérêt pouvait-il alors avoir à lui lancer ainsi une invitation? Sans doutes pas pour des raisons disciplinaires, sans quoi elle aurait été accueillie par la police militaire, ou quelqu'autre magistrat chargé de l'arrêter. La curiosité l'emporta néanmoins sur l'inquiétude latente de la jeune femme, qui finit par acquiescer simplement. De toutes façons, on ne pouvait pas décemment refuser une telle proposition, pas dans sa situation.

-Je serais ravie de dîner avec monsieur le directeur, monsieur Hörst. Auriez-vous cependant une idée du pourquoi de cette... Invitation?

- Je suis sûr que monsieur Dole vous expliqera tout en détail lors de ce dîner. Si vous voulez bien me suivre...

Le voyage fut confortable, la voiture ne subissant aucune secousse en vol. Pourtant, il fut silencieux, le chauffeur n'ayant plus prononcé un mot depuis qu'elle était entrée dans l'habitacle. La tension montait lentement chez la jeune femme, qui ne pouvait s'empêcher d'imaginer tous les scénarios catastrophes possibles quant à cette entrevue. Ce n'est qu'une fois arrivée devant les portes du restaurant que le chauffeur la salua une dernière fois, avant de lui ouvrir la porte et de s'éloigner, dans son véhicule.

Ella fut accueillie avec politesse par le maître d'hôtel, bien qu'elle sentit à son regard qu'il lui reprochait quelque peu sa présence ici. Le restaurant n'avait pas pour habitude de servir des officiers subalternes, ou alors accompagnés de leur famille richissîme, ou d'officiers supérieurs. Et en effet, dans la grande salle de réception, les uniformes présents ne montraient aucun grade inférieur à celui de colonel. Si Ella avait un jour appartenu à ce monde huppé, ce n'était plus le cas, et la réalité la heurta aussi sûrement qu'une cartouche thermique.

"Je... Suis sensée rejoindre monsieur Dole, qui doit m'attendre."

Le visage du maître d'hôtel se fit tout de suite plus chaleureux dès qu'elle eut prononcé le nom du politicien. Plus entendu aussi, comme s'il avait enfin compris comment un officier de si bas rang pouvait se permettre de mettre les pieds dans son restaurant. Ce fut donc avec une prévenance à peine exagérée qu'il la guida à travers les tables, jusqu'à lui indiquer une table occupée par un homme seul, de dos. S'approchant le plus discrètement possible, Ella se redressa néanmoins à l'approche de la table, jusqu'à prononcer:

"Monsieur Dole? Lieutenant-Commandant Ella Gardner. Vous m'avez demandée, je crois?"
Thomas Dole
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MessageSujet: Re: Invitation à dîner   Invitation à dîner Icon_minitimeDim 08 Mar 2015, 16:25
Dole était déjà assis dans le restaurant depuis maintenant une bonne dizaine de minutes. Il observait silencieusement un datapad qui montrait les derniers sondages pour les législatives. Ils étaient... Moins mauvais que prévus. L'argent d'Ivrancic, que Dole avait obtenu, était en train de faire son boulot. Les députés qui étaient en difficulté se retrouvaient avec cette sacrée aide qui leur permettait de reprendre leur campagne et d'espérer renouveler leur siège. Et bien sûr, les députés réélus devenaient soudain redevables. Pour autant, il ne fallait pas se faire d'illusions, et le politicien qui était en bout de salle, discrètement assis sur son siège, ne s'en était jamais faite : Une majorité absolue va être difficile à obtenir. S'il voulait obtenir le pouvoir, il lui faudrait commencer à faire des coalitions... Marcus avait les clés de la gauche, et puis, par son programme, il séduirait sans problème les centristes.
Non, au fond, les vrais chieurs, les vraies raclures, ceux qui allaient rendre la vie compliquée pour tous les politiques, c'était Terra Firma. Les populistes avaient fait une montée extrêmement dangereuse, surtout pour les sièges de colonies éloignées. Pour la première fois de leur histoire, ils pourraient se démerder pour avoir presque un quart du parlement. Officiellement, la consigne du parti était claire : Aucune alliance avec Terra Firma. C'était même une consigne supportée par Dole. Mais il ne fallait pas toujours faire les choses à la régulière dans la vie...

Passer des coups de fils était un exercice assez incontournable. Aussi, lorsque Dole se réveilla un beau jour en se disant qu'il allait avoir besoin d'un allié dans le parti extrémiste, quelqu'un capable de lui donner des informations et d'agir à l'intérieur, la première chose qu'il fit fut de passer un coup de fil au bureau du whip du parlement. Il demanda à Francis Urquhart, un vieillard qui servait la position de Chief Whip, de trouver un membre de Terra Firma qui serait apte de remplir ses critères de recherche. Urquhart, à la fois par son vieil âge mais également par sa tâche, connaissait tous les députés de Vancouver.
Le vieux britannique prit un dîner avec un obèse du sud des États-Unis, qui après quelques verres fut très rapidement bien trop bavard pour son propre intérêt. Après cela, Urquhart fit ses propres coups de fils et lis de vieilles coupures de presses archivées, avant de redonner un nom à Thomas. Ce nom, c'était celui d'une jeune officière de l'Alliance Interstellaire, vétéran, fille de deux industriels auprès desquels Thomas serait sûrement allé pour demander des donations de campagne... S'ils n'avaient pas été tués.

Enfin bref. Après avoir vu les sondages, Thomas reçut un message privé sur son omni-tool. Il souleva son bras de la table et aperçut que le message était de Frederick Hörst, aussi concis qu'efficace : « Elle est là ». En tant que vétéran également, Frederick donnait les informations de manière simple et expéditive. Si Ella se comportait de la même façon, le dîner devrait être rapide. D'ailleurs, Thomas rangea son datapad alors qu'il prévoyait l'arrivée de la jeune femme dans pas longtemps. La table devant laquelle il était assis était pour l'instant totalement vide.

- Monsieur Dole?

Il tourna la tête lorsqu'il entendit une voix lui parler à côté de lui.

- Lieutenant-Commandant Ella Gardner. Vous m'avez demandée, je crois?
- Ah, effectivement.

D'un geste rapide, il poussa un peu sa chaise pour se lever, et serra la main d'Ella de façon ferme, ses yeux bruns directement dirigés dans ceux de la militaire, un léger sourire esquissé en coin.

- Je suis heureux que vous ayez pu venir, lieutenant-commandant. Asseyez-vous je vous prie.


Pour sa part, il se rassit immédiatement. Le maître d'hôtel, qui n'était pas extrêmement loquace, posa deux cartes des apéritifs sur la table et partit sans dire un mot ou même simplement regarder ses clients. Peut-être était-ce l'habitude d'être ignoré... Peu importe.

- Vous allez boire quelque chose ?

Thomas ouvrit la carte, observa rapidement l'intérieur puis se contenta de la reposer sans même avoir plus enquêté. De toute façon, il prenait toujours la même chose, et Ella allait avoir beaucoup de questions.

- J'espère que vous avez fait bon voyage. J'aimerai vous présenter mes excuses de vous avoir kidnappé comme ça... Vous avez sûrement mieux à faire de votre permission... Néanmoins, je devais vous parler, et disons que c'était plus simple et rapide que d'envoyer un faire-part...
Enfin. Qu'importe. Vous êtes venue.


Le maître d'hôtel arriva pour commander ce qu'ils allaient boire.

- Du Pineau, s'il vous plaît.

En fait, Dole n'aimait même pas l'alcool, mais bon, tout le monde buvait à ce genre de repas pour faire genre, alors tant pis...
Sans écouter la commande d'Ella, il observa le serveur partir après avoir écrit sur un datapad qu'il gardait en main. Il les laissa maintenant tous les deux un peu plus seuls, et Thomas put se poser de manière plus confortable sur la chaise, une jambe au-dessus de l'autre et une main sur la table. Elle avait fait le chemin, c'était cool, mais maintenant Dole devait la convaincre de l'aider lui. Il avait à peu près le temps d'un déjeuner et c'est tout.

- Dites-moi, mademoiselle Gardner... Vous permettez que je vous appelle mademoiselle ? On peut passer sur les grades militaires tant que vous êtes en permission ?
Enfin bref. Vous avez fait des études de politique. Personnellement je n'ai jamais eu l'occasion de suivre des cours de « politique », alors je n'ai pas la moindre idée de comment ça se déroule... Mais en tant que militaire et citoyenne de l'Alliance, j'aimerai bien savoir... Quelle opinion vous avez des actions de l'Alliance Interstellaire ? Vous savez qu'on a eu fort à faire ces derniers temps. Il y a quelques mois nous avons réussi à changer le traité de Farixen pour que nous ayons une plus grande importance dans l'espace concilien. Je me demande ce que vous en pensez. Est-ce que c'est du gâchis d'argent ? Ou bien était-ce nécessaire ?
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MessageSujet: Re: Invitation à dîner   Invitation à dîner Icon_minitimeLun 09 Mar 2015, 11:08
- Je suis heureux que vous ayez pu venir, lieutenant-commandant. Asseyez-vous je vous prie.

Une poignée de main, un sourire poli, et une invitation à s'asseoir, ferme, mais courtoise. De ses rares contacts avec les politiciens haut-placés de Terra Firma, Ella n'attendait que rarement autant. Quoi qu'il aie à lui demander, le directeur de cabinet faisait preuve d'une politesse fort agréable, qui, curieusement, firent vaciller quelques unes des pires craintes de la jeune femme quant à l'objet de cet entretien. Lui rendant son sourire, Ella se dirigea vers son siège et s'assit, prenant garde àne pas froisser son uniforme dans la manoeuvre.

Presqu'aussitôt, le maître d'hôtel surgit, et posa une carte devant Dole et elle sans ajouter un mot. Curieusement, le regard de l'homme n'avait pas osé croiser le sien, ou celui de Dole. Preuve de bienséance, sans doutes, et puis, le "petit" personnel devait savoir faire preuve de déférence face à des clients, quelles que soient leur origine, tant qu'ils avaient l'assurance qu'ils seraient payés. Sans perdre de temps, le politicien lui demanda si elle comptait boire quelque chose, ce à quoi elle répondit, poliment et un ton plus bas, par l'affirmative.

Cela faisait presque une éternité, du moins lui semblait-il, qu'Ella n'avait pas fréquenté un milieu d'un standing équivalent au repas qu'elle s'apprêtait à prendre, pourtant, toutes les manières qu'elle avait du apprendre dans sa jeunesse lui revenaient aussi facilement que si elle les avaient apprises la semaine dernière. Toujours, par exemple, parler un ton plus bas que son interlocuteur lorsque l'on commence une conversation, durant le moment des mondanités, du moins si on considère son interlocuteur comme se situant plus haut sur l'échelle sociale, ce qui n'était pas vraiment sujet à controverse dans le cas présent.

Ouvrant la carte et parcourant la liste des apéritifs, Ella en profita pour rassembler intérieurement les informations dont elle disposait sur Dole. Thomas Dole, elle n'en avait que rarement entendu parler durant le peu d'études qu'elle avait fait avant la Guerre, généralement comme contribbuteur à tel ou tel texte, ou bien comme soutien à un personnage de premier plan, lui semblait-il. Elle pensait même avoir déjà vu son visage en arrière plan, après la Guerre, lors d'allocutions de l'Amiral Hackett. Il lui semblait effectivement qu'il avait été le conseiller de celui-ci, mais sans certitudes. Ces derniers temps, elle avait lu son nom lors des dernières élections, lorsqu'il avait été nommé au cabinet du Premier Ministre, mais sans plus, ses missions ne lui laissant pas autant de temps qu'elle l'aurait voulu pour s'intéresser à la politique de l'Alliance. Cependant, une chose était certaine, et il ne fallait pas être un surdoué pour le comprendre: un homme politique qui survit au désastre de la guerre sans faire de vagues, et qui finit directeur de cabinet de la première personnalité politique de l'Alliance, ne pouvait être qu'un homme habile et talentueux, ou bien il était extrêmement chanceux.

Ella referma sa carte quelques secondes après Dole, qui semblait avoir attendu qu'elle ait terminé pour entamer la conversation.

- J'espère que vous avez fait bon voyage. J'aimerai vous présenter mes excuses de vous avoir kidnappé comme ça... Vous avez sûrement mieux à faire de votre permission... Néanmoins, je devais vous parler, et disons que c'était plus simple et rapide que d'envoyer un faire-part...
Enfin. Qu'importe. Vous êtes venue.


Une preuve de politesse, encore. Ceci dit, tout montrait qu'un sujet d'importance allait être abordé, sujet valant largement les informations qui avaient dû être glânées pour savoir où Ella se trouverait, quand, et le prix du dîner à venir, au moins.

Maintenant que tu es dans la gueule du loup... Autant savoir à quelle sauce tu seras mangée, et puis, au moins celui-là est poli.

Un sourire de connivence, de nouveau, avant de répondre, d'une voix légèrement plus assurée:

-Le cadre de cette rencontre vaut largement le désagrément de cette invitation, monsieur. Et à vrai dire, je n'avais presque aucune idée précise de ce que j'allais faire de cette journée, donc vous m'avez sauvée d'un ennui possible, en quelques sortes. Un Daïquiri, je vous prie.

Le maître d'hôtel était réapparu alors qu'elle répondait, se déplaçant toujours de façon imperceptible jusqu'à ce qu'il prenne la parole. Un prérequis du métier, peut-être, à moins que ce ne soit la militaire, trop absorbée par son interlocuteur et ses intentions, qui ait oublié de rester attentive à ce qui se passait autour d'elle. Elle sourit de nouveau, plus sincèrement et ouvertement cette fois.

Si tu avais été sur un champ de bataille, il n'en aurait pas fallu plus pour que tu finisses sur la liste des morts au combat.

Le maître d'hôtel parti, le politicien en face d'elle sembla s'autoriser à s'installer plus confortablement, aussi, dans un certain mimétisme, Ella abandonna sa tenue un peu trop militaire pour l'endroit et s'autorisa à se détendre quelque peu, du moins en apparence. Elle se pencha un peu en avant, joignant ses mains, laissant le politicien entamer la conversation. Marque de politesse, bien sûr, mais également la marque d'une certaine intimidation ressentie par la jeune femme. Derrière son ton sympathique, Dole gardait quelque chose de plus autoritaire, d'impressionnant, mettant la militaire de carrière qu'elle était dans une position d'insécurité juste nécessaire, du moins le sentait-elle de cette façon, pour laisser le champ libre à l'homme de diriger la conversation. Sans doutes cela valait-il mieux ainsi, pour commencer, mais Ella se dit qu'il faudrait qu'elle prenne plus d'assurance pour la suite, ne serait-ce que pour ne pas passer pour une gourde.

- Dites-moi, mademoiselle Gardner... Vous permettez que je vous appelle mademoiselle ? On peut passer sur les grades militaires tant que vous êtes en permission ?
Enfin bref. Vous avez fait des études de politique. Personnellement je n'ai jamais eu l'occasion de suivre des cours de « politique », alors je n'ai pas la moindre idée de comment ça se déroule... Mais en tant que militaire et citoyenne de l'Alliance, j'aimerai bien savoir... Quelle opinion vous avez des actions de l'Alliance Interstellaire ? Vous savez qu'on a eu fort à faire ces derniers temps. Il y a quelques mois nous avons réussi à changer le traité de Farixen pour que nous ayons une plus grande importance dans l'espace concilien. Je me demande ce que vous en pensez. Est-ce que c'est du gâchis d'argent ? Ou bien était-ce nécessaire ?


Acquiescant directement à la première question du directeur, Ella prit cependant quelques secondes avant de répondre à la seconde, plus complexe. Bien sûr, la ligne de Terra Firma au sujet du Traité de Farixen était claire: tout ce qui pouvait attacher l'Alliance au Conseil était mauvais, le Traité l'était donc aussi, peu importe sa forme. Mais, si Ella partageait également une préférence pour une Alliance indépendante qui n'aurait pas de comptes à rendre aux autres nations, son avis était moins tranché. Elle allait prendre la parole lorsque le serveur vint apporter les apéritifs, aussi le remercia-t-elle avant de reprendre:

- Je fais partie de ceux qui pensent que le Conseil, dans sa forme actuelle, bride beaucoup trop l'Alliance. Disons que... Si j'avais eu mon mot à dire lors de notre intégration en son sein, j'aurais certainement refusé de signer un traité qui limite nos forces militaires de grande envergure. Stratégiquement et d'un point de vue militaire, nous nous affaiblissions volontairement au profit de liens commerciaux et diplomatiques assurés. Je n'ai suivi que quelques mois de cours en politique, avant la Guerre, donc je ne me considérerais pas comme experte dans le domaine, et mon avis tient plus de l'opinion personnelle que d'une base véritablement argumentée, mais pour moi, c'était une erreur, du moins de le signer si tôt. Peut-être aurions nous pu trouver une alternative nous offrant également des liens commerciaux et diplomatiques sans pour autant nous affaiblir de la sorte? Enfin, soit.

Ella prit son verre, et le leva en direction de Dole.

-A l'Alliance?

Prenant une gorgée, la militaire poursuivit.

-Maintenant, en prenant en compte le fait que ce traité a été signé, de toutes façons, je pense que tout amendement nous permettant d'y prendre une plus grande importance ne peut qu'être bénéfique, puisqu'il nous rend moins vulnérables face aux autres nations. La présence de la Citadelle dans notre territoire souverain n'y est pas pour rien non plus je suppose, mais... Pour vous parler franchement, je redouterais de voir l'Alliance totalement intégrée à l'espace concilien, notre politique dissoute au profit d'un gouvernement... "Universel" unique. Pour moi, le salut de l'Humanité se trouve dans une collaboration avec les autres races, certes, mais une collaboration seulement, pas une intégration pleine et entière, c'est ce qu'il faut éviter. D'un point de vue citoyen, bien sûr, je pourrais également vous dire que tout l'argent utilisé pour le Traité aurait pu être employé pour armer nos colonies, et leur donner la force de se défendre. Mais, bien évidemment, il y a tout un contexte à prendre en compte, alors je dirais plutôt que peut-être cette dépense aurait pu être consentie après d'autres priorités, du moins, d'après le peu de connaissances que j'en ai.

Reprenant une gorgée, Ella plongea son regard dans celui de l'homme, y cherchant une réaction face à ses propos. Laissant un temps de silence, elle reprit la parole, souriante:

-Mais, vous êtes le politicien, vous devez avoir un avis sur la question bien plus éclairé que le mien? Peut-être même que vous avez participé à cet amendement? Pour être franche, je sais peu de choses sur votre carrière, mais en savoir plus me ferait extrêmement plaisir.
Thomas Dole
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MessageSujet: Re: Invitation à dîner   Invitation à dîner Icon_minitimeMer 11 Mar 2015, 14:06
Dole écouta attentivement et silencieusement la jeune femme. Ses opinions n'avaient, au fond, rien de vraiment surprenant de la part d'une sympathisante de Terra Firma. Elle parlait avec beaucoup de tact et de calme, d'une façon un peu mielleuse. Ça se voyait qu'elle avait une certaine éducation. Dole sourit un peu alors qu'il s'imaginait discuter avec sa sœur.
Il détestait sa sœur. Elle le répugnait.

- A l'Alliance?

Dole lui fit un signe de tête alors qu'il leva également son verre, avant de le ramener vers sa bouche pour prendre une gorgée. Dans le même geste, il reposa le verre devant lui et planta son regard directement vers les yeux d'Ella. Il était étonnamment peu réactif. Il se contentait de l'observer et de l'écouter sans dire un mot, sans faire un signe, sans même laisser échapper un tic sur ses paroles. Il la jaugeait, calmement.

- Mais, vous êtes le politicien, vous devez avoir un avis sur la question bien plus éclairé que le mien? Peut-être même que vous avez participé à cet amendement? Pour être franche, je sais peu de choses sur votre carrière, mais en savoir plus me ferait extrêmement plaisir.

La manière dont elle avait dit ça la ferait presque passer pour une politicienne, en fait. Elle gâchait vraiment ses talents en restant dans l'armée et en traînant avec les extrémistes de TF. La pauvre, il fallait lui refaire toute son éducation... Thomas pouvait s'en charger si elle voulait. Enfin, qu'importe. Le politicien s'enfonça un peu dans sa chaise tout en continuer de la regarder.

- C'est vrai. J'ai fait partie de la délégation qui était présente pour renégocier Farixen. L'Alliance s'en tire très bien, non ? Je suis un peu déçu de ne pas avoir pu obtenir une limitation de cuirassés basé sur les gouvernements, avec les Geths et les Quariens qui ont chacun un tonnage... Mais bon. Les quariens ont une population ridicule et les Geths ne sont pas actifs de ce côté-ci.
Vous devez admettre que Terra Firma a eu tort. Au départ, ils critiquaient l'Alliance pour ses positions d'intégration, prônaient l'isolement et le « Humanity First ». Mais au jour d'aujourd'hui, jamais l'Humanité a été aussi puissante... Oublier les terroristes de Cerberus et leur idéologie bizarre. C'était des bleus, des amateurs. L'Alliance, c'est le pouvoir du futur. Nous sommes une puissance économique, diplomatique, culturelle et militaire. Il n'y a aucune race plus influente, étendue ou importante que la nôtre. Depuis le sacrifice de Shepard l'Humanité s'est mise à pisser sur tout le monde, et le fait qu'on soit maintenant juste au cul des turiens pour le nombre de jolis cuirassés en est une preuve.

Il leva un peu sa main droite, tout sourire.

- Au fond vous connaissez mes positions politiques. Je suis une sorte de centriste un peu à droite. Les considérations sociales et économiques ne m'intéressent pas. Contrairement à mes pairs, je ne suis pas intéressé par les commissions et négociations parlementaires. On pourrait passer des heures à débattre des impôts, des taxes, des réglementations... Mais ça ne veut rien dire. Moi, ce que j'adore, c'est le régalien...
L'Alliance n'est pas un État unifié. Et pourtant tout se joue au régalien. Mon idée de la politique est que le but premier de l'Alliance est d'assurer la sécurité absolue de tous nos citoyens, à n'importe quel prix. Je me félicite de la renégociation de Farixen, parce qu'il permet à l'Alliance d'avoir une armée assez forte pour avoir un poids. Nous sommes forcés d'assurer la sécurité de l'espace concilien, à nos frais. Mais ce n'est pas, contrairement ce que croient les isolationnistes de Terra Firma, une mauvaise chose... C'est au contraire le meilleur moyen de chier à la gueule des turiens et de les rendre totalement obsolètes.
Vous vous rendez compte ? Les galariens sont affaiblis par leur guerre civile. Les asari sont haïes. Les turiens sont inutiles. Dans 5 ans, l'Alliance sera une super-puissance. Dans 15 ans, nous serons les vrais dirigeants du conseil. Si les krogans restent médiocres et débiles et si le GIP n'est pas capable d'investir... Nous n'avons aucun adversaire.


Il se nettoya la gorge avec un verre rapide de pineau. Il ne la laissa pas réagir, réfléchir, ou prendre la parole, il reprit immédiatement le train. Il n'avait pas invité la jeune Ella pour lui faire un cours de géopolitique. Et elle n'était pas née de la dernière pluie...

- Hmm... Voyez-vous, le problème, c'est que dans l'Alliance, nous sommes perdus dans nos petites rivalités. Nous sommes humains, et nous les humains, on est bien connus pour notre individualisme. Oh, c'est louable vous savez, je suis un peu libéral... Bien sûr je suis pour les allocations et aider les gens, mais au fond, rien ne remplacera l'esprit d'entreprise.
Enfin bref... Ce que je veux dire, c'est que plutôt de nous unir et de nous battre, nous sommes une constellation de partis et de groupes d'intérêts. La gauche, la droite... Les biotiques, les entreprises... Les écologistes, les corporations... L’École, l’Église, l'armée... Les cadres, les paysans, les ouvriers... Les vieux et les jeunes... Il n'y a pas « un » humain, pas « un » genre d'humain. C'est ce qui fait notre richesse et notre force, mais c'est aussi un défaut.
Le défaut, c'est que plutôt que de nous battre ensemble, nous réglons les affaires avec des élections et tous les partis s’entre-tuent. Mais moi je refuse ce système. Je suis centre-droit. Mon meilleur ami, Marcus Santiago, est d'extrême-gauche. J'ai des relations avec des écologistes et des patrons conservateurs. Mon idée, c'est de rassembler, tout le monde. J'ai conscience que ce genre d'actions demande des concessions... Et je suis prêt à en faire. Toujours. Parce que je pense que l'Alliance a le potentiel pour devenir une super-puissance, mais il va falloir l'aide de tout le monde.
Les seuls gens qui sont sourds à mes demandes, c'est, paradoxalement, ceux qui aiment le plus l'Humanité.


Il la laissa compléter toute seule en recommençant à boire.

- Terra Firma est un allié essentiel. Mais je ne sais pas ce qui se passe chez eux, leurs demandes, leurs idées...
Moi ce qu'il me faut, c'est quelqu'un dans ce parti. Disons, quelqu'un, qui me donne des informations... Sur leurs rapports, leurs actions, leurs demandes, leur rhétorique... Je veux être capable de savoir à l'avance quel sujet ils vont attaquer, qu'est-ce qu'ils vont dire à une actu, si un de leurs cadres est un abruti à remplacer... L'information est le pouvoir. Et j'ai un déficit d'information gigantesque avec TF.
Mais bon. Ce n'est pas de la politique habituelle, là. N'est-ce pas ?
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MessageSujet: Re: Invitation à dîner   Invitation à dîner Icon_minitimeVen 13 Mar 2015, 13:47
- Vous devez admettre que Terra Firma a eu tort. Au départ, ils critiquaient l'Alliance pour ses positions d'intégration, prônaient l'isolement et le « Humanity First ». Mais au jour d'aujourd'hui, jamais l'Humanité a été aussi puissante... Oublier les terroristes de Cerberus et leur idéologie bizarre. C'était des bleus, des amateurs. L'Alliance, c'est le pouvoir du futur. Nous sommes une puissance économique, diplomatique, culturelle et militaire. Il n'y a aucune race plus influente, étendue ou importante que la nôtre. Depuis le sacrifice de Shepard l'Humanité s'est mise à pisser sur tout le monde, et le fait qu'on soit maintenant juste au cul des turiens pour le nombre de jolis cuirassés en est une preuve.

Dole n'avait pas tort, sur ce point. Terra Firma, depuis des années, se basait sur la menace des autres cultures pour la culture humaine. Encore étudiante, le discours avait séduit Ella, ravivé ses peurs vis-à-vis des autres races, mais... Force était de constater que grâce à Shepard, et à la situation qui a suivi les affrontements contre les Moissonneurs, les humains avait rapidement pris une position presqu'inégalée sur la scène galactique. De ce coté des choses, il fallait bien avouer que les autres races n'étaient plus une menace pour la culture humaine comme elles avaient pu l'être.

Ella, de son côté, avait plusieurs fois souligné le coté dépassé de certains discours de Terra Firma, notamment du coté des "anciens" du parti, ceux qui se contentaient généralement d'assénner toujours le même discours. Et comme il s'agissait de ceux qui rapportaient des voix dans le noyau d'électeurs, il s'agissait de ceux qu'on entendait le plus.

Personnellement, elle soutenait bien plus certaines nouvelles têtes, dirigeant leur discours vers la protection des intérêts humains avant tout, notamment au niveau des colonies. Mais Dole avait néanmoins raison sur un point, Terra Firma s'était trompé, et lourdement.

-Il faut savoir admettre ses erreurs, et il est vrai que Terra Firma a du mal à le faire, mais leur base politique se situe surtout dans la contestation de ce que les autres partis font. Hormis la préservation de l'Humanité, et le choix de l'humain avant le meta-humain, le programme de la plupart des célébrités du parti consiste à dire qu'ils feront mieux que les autres, qui sont des vendus aux Conseil. Je ne vous apprends rien sur le sujet, je suppose, mais... Je suis plutôt d'accord avec vous, sur ce point du moins.

Dole, plus souriant, repris alors la parole, lui décrivant ses objectifs en tant que politique, le pourquoi du Traité, d'une façon claire et concise, néanmoins tournée vers son interlocutrice. Le discours militaire, la comparaison avec Terra Firma, il s'était bien renseigné à son sujet. On y voyait également tout le talent de politicien de l'homme. Adapter son comportement, son discours, il savait parfaitement comment amener son sujet, si bien qu'Ella voyait presque comme naturelle la suite des événements. Il termina en lui exposant ses difficultés actuelle, le "seul obstacle à la suprématie humaine dans toute la galaxie".

Intérieurement, Ella trouvait la situation plutôt ironique. Incapable de dire si l'homme en face d'elle lui faisait réellement part de ses convictions, ou s'il lui servait uniquement ce qu'elle voulait entendre. Dole ne l'avait pas quitté du regard pendant son exposé, et elle n'avait pas pu lire dans son regard la moindre trace de doute, ou d'inconfort. Fait troublant pour un officier de l'armée, qui avait appris ces dernières années à décrypter le comportement de ses soldats, elle se rendit compte qu'elle avait encore du chemin à faire, beaucoup de chemin avant de pouvoir réellement appréhender la nature humaine. Ne sachant pas vraiment que penser de son interlocuteur, elle se contenta de hôcher la tête, attentive à son discours, attendant qu'il finisse par formuler clairement ce qu'il voulait.

La demande en elle-même n'en était pas vraiment une. Un état de fait, plutôt, un moyen de dévoiler son jeu sans le poser.

- Terra Firma est un allié essentiel. Mais je ne sais pas ce qui se passe chez eux, leurs demandes, leurs idées... Moi ce qu'il me faut, c'est quelqu'un dans ce parti. Disons, quelqu'un, qui me donne des informations... Sur leurs rapports, leurs actions, leurs demandes, leur rhétorique... Je veux être capable de savoir à l'avance quel sujet ils vont attaquer, qu'est-ce qu'ils vont dire à une actu, si un de leurs cadres est un abruti à remplacer... L'information est le pouvoir. Et j'ai un déficit d'information gigantesque avec TF.
Mais bon. Ce n'est pas de la politique habituelle, là. N'est-ce pas ?


Dans un premier temps, Ella quitta l'attitude simplement attentive qu'on aurait pu facilement trouver chez une élève écoutant patiemment son professeur pour se caler plus confortement sur son siège, autant pour la tenue militaire. Croisant sa jambe gauche au dessus de la droite, elle reprit son verre en main et en pris une longue gorgée, profitant du moment pour fixer Dole un instant sans dire un mot. Elle ne sachait que penser, se demandant pourquoi il avait décidé de s'adresser à elle plutôt qu'à quelqu'un d'autre. Sans doutes parce que la plupart des militants auraient craché au visage du politicien plutôt que d'admettre une faille dans leur parti. Peut-être était-ce autre chose, mais pour l'instant, Ella préférait se focaliser sur cette possibilité plus confortable.

Elle garda son verre en main, pour se donner un peu plus de constance, et se prit à voir sa propre mère à sa place, dans la même position, lors de négociations avec un concurrent ou un futur partenaire. Etonnant comme le mimétisme pouvait refaire surface des années après, sans même que l'on s'en rende compte. Elle se contenta de sourire en coin, avant de fournir sa réponse.

-Pas pour moi, en tout cas, je dois admettre avoir peu d'expérience en matière de... Stratégie politique, bien que je comprenne très bien l'importance des informations en question, surtout en ce qui concerne Terra Firma. La plupart de ses militants, et même de ses politiciens, croient tellement en leur idéologie qu'il est difficile d'en tirer quoi que ce soit. Et pour les autres, ils savent que leur chance de se faire réélire, c'est de ne surtout pas coopérer avec d'autres partis. Mais, les forcer à coopérer en sachant pertinemment ce qu'ils veulent, les empêcher de faire sauter une négociation en connaissant leurs revendications avant... Non seulement ça permettrait de leur faire perdre quelques voix, mais en plus, ça mettrait la personne capable de faire ça en bonne position pour prendre de l'importance. Une manoeuvre de génie, en somme.

Reprendre une gorgée d'alcool, pour reprendre son souffle, pour réfléchir à la suite des événements, aussi. Si elle le désirait, elle avait les moyens d'aider Dole. Pas autant que si elle avait elle-même été parlementaire, bien sûr, mais elle avait accès à quelques informations, connaissait quelques personnes haut-placées qui lui avaient déjà demandé quelques services, elle pourrait toujours dénicher l'une ou l'autre information utile, s'il lui demandait. Mais, il y avait d'autres éléments à prendre en compte, à commencer par les propres problèmes personnels de la militaire, et la confiance qu'elle pouvait avoir dans cet homme qu'elle ne connaissait que très peu.

-Je m'excuse pour, disons... Mon manque de tact, sans doutes hérité de ma carrière, mais je vais aller au but: vous m'intriguez, monsieur Dole. Je ne nierai pas que votre discours est convaincant, et je vous épargnerai le passage où je dirais que je ne comprends pas la raison de cette invitation dans le contexte actuel, à quoi vous répondriez sans doutes avec politesse. Mais, puisqu'il y a toujours un mais, j'ai du mal à vous cerner, et je pense ne pas être la seule dans le cas, non?

A nouveau, le serveur revint, posant d'autres cartes devant eux, et s'éloignant aussitôt. S'étant interrompue pendant ce laps de temps, Ella se rendit compte qu'en réalité, elle aimait cette conversation. La sensation de jouer quelque chose d'important, avec quelqu'un qui, à n'en point douter, était dangereux. La question était maintenant de savoir s'il était ambitieux, ou si, simplement, il était là pour quelqu'un d'autre...

-Vous me disiez avoir des amis situés dans tout le paysage politique, par exemple, enfin presque. Vous voulez rassembler l'Humanité, quelques soient leurs opinions, et bien que l'idée semble utopique, elle pourrait fonctionner, au moins un court instant. Bien evidemment, un court instant peut être suffisant pour tout changer... Surtout en politique. Il est vrai qu'un Premier Ministre de l'Alliance portant une coalition universelle serait une première, avec toutes les conséquences diplomatiques intérieures et extérieures que vous connaissez sans doutes mieux que moi. Mais je m'interroge pourtant sur un point: qui serait ce Premier Ministre?

Terminant son verre, Ella précisa sa phrase, sur un ton moins sérieux, reprenant un sourire, plus chaleureux, plus intéressé:

- A vrai dire, ma vraie question est plutôt de savoir si, dans cette hypothèse utopique, vous seriez toujours directeur de cabinet, ou si plutôt vous en engageriez un. Votre meilleur ami Marcus Santiago, par exemple?
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MessageSujet: Re: Invitation à dîner   Invitation à dîner Icon_minitimeSam 14 Mar 2015, 16:23
Le déjeuner continuait avec un rythme soutenu, ce qui rendait les choses très intéressantes... Malgré son jeune âge, Ella n'était pas née de la dernière pluie. Elle n'était pas une nouvelle journaliste crédule ou une militante idéaliste, le genre de femmes beaucoup trop facilement manipulables pour leur propre bien, le genre qui était attirée par les alcôves du pouvoir et les hommes comme Dole avant de vite déchanter quand elles comprenaient comment ce monde marchait... Mais c'était bien. Ça rendait la chasse intéressante. La position qu'adoptait la militaire sur sa chaise elle-même semblait beaucoup plus mature et réfléchie. C'était tellement naturel qu'il était difficile de penser à un simple rôle qu'elle se donnait. Elle était même attirante dans ce style que tant de femmes de fer se donnaient.

Elle commença par parler des défauts de Terra Firma. Ce n'était pas d'importance pour lui, il connaissait déjà les défauts de ce parti xénophobe et arriéré, tout le monde les connaissait. Tout le monde, sauf le bas peuple et les classes populaires débiles qui votaient par flemmardise intellectuelle pour les partis qui criaient le plus fort.

-Je m'excuse pour, disons... Mon manque de tact, sans doutes hérité de ma carrière, mais je vais aller au but: vous m'intriguez, monsieur Dole. Je ne nierai pas que votre discours est convaincant, et je vous épargnerai le passage où je dirais que je ne comprends pas la raison de cette invitation dans le contexte actuel, à quoi vous répondriez sans doutes avec politesse. Mais, puisqu'il y a toujours un mais, j'ai du mal à vous cerner, et je pense ne pas être la seule dans le cas, non?

Les sourcils du politicien se levèrent presque immédiatement. Le serveur s'approchait avec des cartes, mais Dole n'en fut pas troublé et ignora totalement le carton qu'on déposait juste devant lui.

- C'est vrai, mademoiselle Gardner. J'ai l'impression que beaucoup de gens sont frustrés par le fait qu'ils n'arrivent pas à me cerner... On dirait qu'ils se méfient de moi.

Il avait dit ça sur un ton fort désintéressé, comme s'il feignait d'être choqué. En réalité, c'est vrai que Dole avait cette capacité de tellement mentir ou d'embrouiller les gens qu'il pouvait les manipuler très aisément... Comme cette fois, sur la Citadelle, où il s'était arrangé pour qu'une simple turienne se retrouve dans une sordide histoire de meurtre et qu'il puisse ainsi se débarrasser d'une menace. Il ne lui avait fallu qu'un seul quart d'heure avec elle, ni plus ni moins. Mais bien sûr, les gens un peu plus rodés ou ayant fait l'expérimentation des hommes comme Dole étaient plus... Protégés contre lui. Il fallait mieux alors les traiter d'égales à égales, et négocier. Et peut-être même les mettre dans une situation périlleuse...
Mais bon. Gardner n'était pas une menace, ou un objectif. Il avait tout à gagner de l'avoir comme « amie ». Il valait mieux alors la mettre à l'aise, ce qui n'était pas forcément une chose facile.

-Vous me disiez avoir des amis situés dans tout le paysage politique, par exemple, enfin presque. Vous voulez rassembler l'Humanité, quelques soient leurs opinions, et bien que l'idée semble utopique, elle pourrait fonctionner, au moins un court instant. Bien evidemment, un court instant peut être suffisant pour tout changer... Surtout en politique. Il est vrai qu'un Premier Ministre de l'Alliance portant une coalition universelle serait une première, avec toutes les conséquences diplomatiques intérieures et extérieures que vous connaissez sans doutes mieux que moi. Mais je m'interroge pourtant sur un point: qui serait ce Premier Ministre? 
A vrai dire, ma vraie question est plutôt de savoir si, dans cette hypothèse utopique, vous seriez toujours directeur de cabinet, ou si plutôt vous en engageriez un. Votre meilleur ami Marcus Santiago, par exemple?


Alors que Ella souriait, l'expression de Dole se changea aussitôt. Il avait un large et long sourire esquissé, qui répondait à ce qu'il prenait comme un compliment de la part de la soldate. Enfin, le fait qu'elle décrivait la situation avec une telle logique, comme une élève qui respectait et appréciait son maître, il le prenait comme un compliment... Thomas aimait bien se comporter comme un loup, mais au final il tenait plus du chien : Il adorait qu'on lui caresse et qu'on lui donne une petite tape sur la tête, c'était peut-être dû au fait de sa relation avec ses parents, qu'il tentait désespérément de rendre fiers...

Enfin bref. Il souriait, et répondit avec le ton le plus mielleux qu'il pouvait synthétiser.

- Marcus Santiago serait un formidable directeur de cabinet. Voyons, Ella... Vous ne pensez tout de même pas que je vais rester dans l'ombre indéfiniment ?

Il attrapa son verre et le termina cul-sec, avant de le reposer un peu sèchement sur la table. Il recommençait alors à observer son interlocutrice, tout sourire.

- Pour être parfaitement honnête avec vous, je suis un peu vexé que vous appeliez mon idée « utopique ». Déjà parce que penser que mon hypothèse soit parfaite et sans faille, un âge d'or pour l'Humanité, est un peu un contre-sens. Je ne vois aucun politicien comme le messie qui dirigerait sa race vers les grandeurs... Juste un homme qui se débarrasserait de ce qui entrave l'Alliance.
Vous êtes une militaire, Ella. L'armée est un outil politique, la guerre est juste une continuation de la politique. Dites-moi, est-ce que vous préféreriez savoir cette armée entre les mains d'une oligarchie qui se bat bêtement dans une assemblée, ou bien entre les mains d'hommes qui ont les moyens de faire quelque chose ?
Enfin. Je ne voudrais pas vous mettre des idées dans la tête... Au fond, comme vous dites, vous avez du mal à me cerner. Vous devez vous demander ce que je ferais si, hypothétiquement toujours, j'étais à la tête de l'Alliance. Il y a tellement de choses à faire... Mais vous n'êtes pas une idiote. Je ne vais pas vous promettre des choses débiles et sans utilité pour vous convaincre de quoi que ce soit. Ce que je voudrais, c'est que vous vous imaginiez ce que pourrais faire un chef de gouvernement avec des moyens constitutionnels beaucoup, beaucoup plus importants...


C'était un peu plat comme réponse, et il est vrai, franchement moins subtile. Mais il reprit légèrement son souffle et humidifia sa bouche un peu pleine de salive. Il décolla le dos de sa chaise et sembla s'approcher un peu plus d'Ella.

- J'ai une question très simple à vous poser, et je sais que c'est une question un peu bizarre, c'est vrai, mais c'est une question à laquelle je veux que vous répondiez honnêtement :
Est-ce que vous avez peur de moi ?
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MessageSujet: Re: Invitation à dîner   Invitation à dîner Icon_minitimeMar 17 Mar 2015, 10:45
Ce que je voudrais, c'est que vous vous imaginiez ce que pourrais faire un chef de gouvernement avec des moyens constitutionnels beaucoup, beaucoup plus importants...

D'un coup, le débat prit une ampleur toute différente. Dole dévoilait un jeu qui, bien que simplement théorique, amenait la militaire sur des chemins dangereux. Que penser de ces paroles? Dole était-il en train de lui suggérer que son prochain mouvement serait une forme de coup d'état? Bien qu'incertaine à ce sujet, en jaugeant l'homme en face d'elle, sa carrière, le peu qu'elle savait de lui, Ella estima que si son but réel était bel et bien de prendre le pouvoir, pour ensuite en modifier les fondements, Thomas Dole le ferait de façon bien plus insidieuse, plus dicrète, et surtout plus légale.

Partiellement rassurée, elle se pencha sur la question de Dole: et si le dirigeant de l'Alliance avait les mains moins liées? Sans doutes des vies seraient-elles sauvées, le délai de décision du parlement sur certains sujets, c'était prouvé, avait retardé la Flotte, et causé des dizaines de mort, au nom d'une opposition de principe plutôt que de fait. C'était une des choses qui déplaisait le plus à Ella dans le système actuel: même lors des questions d'urgence, les parlementaires préféraient retarder une intervention rapide, dans l'unique but de montrer que la majorité "n'avait pas réagi à temps". Sans doutes était-ce l'une des raisons pour lesquelles le discours de Dole lui parlait autant: avec un dirigeant aux pouvoirs plus forts, il ne serait plus question de ce genre de choses, et on saurait tout de suite qui accuser en cas d'échec.

Cependant, Ella se rappelait également les différentes dérives d'un gouvernement centralisé sur une seule personne, les dangers que cela pouvait avoir. Il suffisait de regarder les actions de la Dalatrace galarienne qui avait entrainé leur guerre civile, ou même dans l'Histoire de l'Humanité, où les exemples de dictateurs ne manquaient pas. C'est pourquoi tout les professeurs qu'elle avait pu entendre sur le sujet avaient toujours répété que la démocratie, bien qu'elle soit loin d'être parfaite, était le meilleur moyen de gouverner, puisqu'elle empêchait un seul homme d'imposer sa volonté toute puissante.

Bien entendu, l'arrivée de l'Humanité sur l'échiquier galactique pouvait également changer les choses: d'autres races avaient adopté d'autres modèle de gouvernement plus forts, sans pour autant être tombés dans une dictature sombre et cruelle. Non, Ella se prit même à penser qu'avec la bonne personne à sa tête, l'Humanité pourrait facilement sortir plus forte d'un gouvernement plus central que de l'actuelle bureaucratie. Sans parler de son coté militaire, qui lui criait intérieurement qu'un gouvernement plus fort était un gouvernement qui n'hésiterait pas à employer la force quand il le fallait.

Tu te montes la tête pour rien. Il n'a même pas parlé de dictature, et tu es déjà en train d'imaginer le pire. Ce dont il te parle, là, c'est simplement d'un gouvernement plus restreint, et plus fort. Parfaitement faisable, sans dérives. Que des bons côtés.

Ella se mordit légèrement la lèvre inférieure, en se rendant compte que, de toutes évidences, elle avait trop longtemps rangé dans un coin de son esprit les méandres des opinions politiques, des discours en eux-même, pour pouvoir en jouer aussi facilement que son interlocuteur, à supposer que ce soit possible de toutes façons. La vie militaire ne laissait pas de place au débat, elle obéissait ou se faisait obéir, sans plus. Ici, il s'agissait d'accepter ou non une proposition, et Ella se sentait plus que désavantagée face au politicien. Néanmoins, elle se devait de conserver une apparence assurée, ne fut-ce que pour ne pas trahir son manque d'assurance.

-Un gouvernement plus fort permettrait sans doutes de sauver des vies, militaires ou civiles d'ailleurs. Sans compter que j'apprécierais sans doutes de voir tout ces parlementaires se voir retirer certains de leur privilèges en matière de décision, étant donné leur... Lenteur habituelle, pour ne pas parler d'immobilisme. Moins de discussions interminables sur des sujets futiles ou dont la réponse est évidente, que demander de plus? Certains répondraient l'assurance que le gouvernement ne transgresse pas les valeurs d'une démocratie, mais, moi... Vous disiez que l'armée, la guerre étaient le prolongement de la politique? Je dirais que dans un sens, elle en est également le garde-fou. Ce rôle s'est peut-être un peu dilué avec l'avènement du Conseil, et des autres races, mais... J'ose espérer que dans le cas où la démocratie serait vraiment menacée, il se trouvera des militaires suffisamment... Idéalistes, disons, pour empêcher de telles dérives extrêmes.

Au fond, votre idée me plaît, monsieur Dole. Du moins, énoncée comme elle l'est.


Souriant encore une fois, Ella reprit néanmoins son sérieux lorsqu'il lui demanda si elle avait peur de lui. Elle porta alors son attention sur la carte, profitant d'un prétexte pour réfléchir à sa réponse. Avait-elle peur de lui? Difficile à dire. Dans un sens, oui, il représentait une force contre laquelle une militaire de son rang ne pouvait pas lutter. Visiblement, il savait tout ou presque d'elle, alors qu'elle ne savait presque rien de lui. Mais, d'un autre coté, ses manières, ses idées, ses propos laissaient entendre qu'il pouvait être un ami, un allié plutôt qu'un adversaire. Dole jouait en plus sur son assurance pour se rendre, d'une certaine manière, un peu plus rassurant, évoquant parfois une figure paternelle à laquelle Ella n'avait pas vraiment été habituée. A une question simple, la réponse n'en était pas moins complexe. Lentement, elle referma la carte et la reposa sur la table, avant de fixer de nouveau l'homme en face d'elle, une expression plus sérieuse sur le visage.

-Pour être parfaitement honnête... Ma seule peur, actuellement, serait de vous avoir comme ennemi, sans doutes. Vous avez des objectifs qui me plaisent. Ambitieux, difficilement réalisables, oui, mais néanmoins séduisants. Mais, je crois ne pas me tromper en disant qu'il n'existe dans ces plans que deux possibilités: vous suivre, ou m'opposer à vous. Le fait est que ma première tentation est de vous suivre, vous vous en doutez. Vous avez quelque chose à gagner avec moi, et je ne doute pas que je devrais avoir pas mal de choses à apprendre de vous, entre autre...

Observant son verre vide, Ella fit une moue contrariée, se disant qu'elle aurait peut-être du en garder un peu, avant de s'approcher également un peu plus de la table, et de poursuivre un ton plus bas, comme pour une confidence:

-Mais, Terra Firma n'est pas vraiment le genre de Parti qui restera les bras croisés s'il apprend que j'aide quelqu'un d'autre... Surtout dans mon cas. Je me pose donc une question, monsieur Dole... Jusqu'où êtes-vou informé à mon sujet?
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MessageSujet: Re: Invitation à dîner   Invitation à dîner Icon_minitimeMer 18 Mar 2015, 14:42
Thomas écouta toujours attentivement la militaire. Il était extrêmement satisfait de la manière dont elle semblait agréer avec ses paroles. La seule chose qui l'avait un peu gêné, c'était lorsqu'elle avait parlé des officiers de l'armée, comme si elle sous-entendait qu'un faux-pas le taxerait d'un coup d'État... Est-ce que c'était une menace ? Ou bien étais-ce involontaire ? Voire-même, si on réfléchissait bien, un avertissement, un peu une façon de dire : « Monsieur Dole, si vous voulez prendre l'Alliance, surveillez l'armée »...
Dole n'avait pas de relations conflictuelles avec les militaires. Il était ami avec l'amiral Alexandre Kaneway. Marcus Santiago était un ancien marine. Il avait une relation de travail saine avec Joshua Gordon, le ministre de la défense, peut-être plus que n'importe quel autre ministre du gouvernement.
Non... Thomas Dole était aimé par l'armée. Il avait augmenté le tonnage de Farixen. Il voulait augmenter les budgets. Peut-être même mettre un service militaire. Ce n'était pas l'armée qui le faisait peur. Au contraire, c'était les jeunes qui le faisaient peur. Le peuple pouvait facilement être manipulé, ils n'étaient que des veaux qui attendaient un protecteur, un homme fort... Mais les universitaires ? Les gamins qui étudiaient et rêvassaient d'un monde meilleur ? Ça, ça lui foutait les jetons. C'était une autre histoire, malgré tout.

- Mais, Terra Firma n'est pas vraiment le genre de Parti qui restera les bras croisés s'il apprend que j'aide quelqu'un d'autre... Surtout dans mon cas. Je me pose donc une question, monsieur Dole... Jusqu'où êtes-vous informé à mon sujet?


Le sourire de Thomas Dole se fit plus... Glaçant. Il n'était maintenant dirigé plus que d'un côté du visage. Il posa lentement ses yeux sur la carte.

- Vous avez commandé, finalement ? Le cerveau réfléchit mieux quand il est alimenté.

Le serveur approcha dans son costume fort sympathique de pingouin, et prononça 5 syllabes étonnamment musicales, comme tous les serveurs savaient faire.

- Vous avez choisi ?
- Un steak-frites. Et vous amènerez une bouteille de pauillac.

Le serveur rédigea la commande sur un petit calepin, avant de regarder Ella.

- Et pour mademoiselle ?

Thomas Dole aimait les choses simples. Même dans son assiette. Il n'avait jamais apprécié les frasques et le luxe. Il ne vivait pas pour ça.
Le seul problème qu'il avait vraiment, au fond, c'était avec l'alcool. C'était remarquable comment les politiciens buvaient beaucoup. Outre leurs déjeuners d'affaire, qu'ils faisaient très souvent, il y avait les cocktails dans lesquels ils étaient invités, ou les producteurs qui leur faisaient boire leurs vins et liqueurs quand ils étaient en déplacement... Ils buvaient tout le temps, et le parlement de Vancouver avait une buvette plus grande et plus fournie que la plupart des bars de la ville.
C'était à ça qu'on payait les députés, en partie : Se bourrer la gueule. Mais c'était la société qui voulait ça. On pouvait pas voir un député qui boit du jus de fruit ou de l'eau.

Ella commanda, le serveur les quitta alors pour aller en salle. Mais la militaire avait posé une question à Thomas, qui avait certes profité du moment pour noyer le poisson. Il n'aimait pas les questions directes, surtout celles qui changeaient l'asymétrie entre lui et un interlocuteur. Il aimait bluffer ou profiter des présomptions que les gens avaient sur lui.

- Pauillac... Vous avez déjà entendu parler des vins de Bordeaux ? Une partie de moi pense que seuls les vins français valent le coût.
Ça me fait penser que j'avais une... « amie » qui venait de Bordeaux... Enfin, elle faisait ses études dans l'aéronautique, à Toulouse. Une très belle jeune fille, et très agréable... C'est incroyable ce que les compagnies aéronautiques ont pu faire comme progrès en si peu de temps. Mais les moissonneurs ont tout rasé. On pourrait reconstruire mais on a des problèmes de financements. Il y a pas mal de débats sur la manière dont on pourrait organiser les fonds.
Enfin, oui, très gentille fille, mais les étudiantes, c'est plus compliqué qu'on ne le penserait.


Il posa nonchalamment la carte et lia ses poings, ses mains au niveau de sa bouche, coudes sur la table. Il se donnait une constitution un peu plus sérieuse et présente.

- Terra Firma a toujours eu des fuites. Et il n'est pas le seul parti dans lequel j'ai des entrées... Il suffit d'être discret, mademoiselle Gardner.
Les choses peuvent être beaucoup plus claires entre nous : Je ne veux pas que vous passiez vos journées à attendre au parti. De toute façon, vous êtes une militaire, vous êtes débordée. Je ne veux pas non plus que vous installiez des micros ou des écoutes... Il y a d'autres personnes compétentes pour ce genre de travail...


Il eut un léger rictus sur ces mots, comme s'il voulait sous-entendre qu'il en connaissait, lui, des gens qui posaient des micros et des écoutes.

- Non, ce que j'ai besoin, c'est de quelqu'un avec un tout petit peu d'influence... Pas pour diriger le parti ou le plier sous ma volonté, je ne suis pas un fou. Juste quelqu'un qui pourrait suggérer ou désinformer.
Tiens, je parlais de votre carrière. Très belle carrière que vous avez. Mais vous n'êtes pas mariée... Pas assez de temps ? Vous préférez vous concentrer sur votre service envers l'Alliance ?


Il avait dit ça avec toujours le même ton nonchalant, comme s'il voulait montrer que oui, il était informé, sans oser aller très loin.
Oui, du bluff, au fond.
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MessageSujet: Re: Invitation à dîner   Invitation à dîner Icon_minitimeLun 23 Mar 2015, 16:52
- Vous avez commandé, finalement ? Le cerveau réfléchit mieux quand il est alimenté.

Ella n'eut pas le temps de répondre qu'un serveur fit son apparition, comme si, à une dizaine de mètres et dans le bruit de fond, certes tamisé mais néanmoins bien présent, il avait pu entendre la question de Dole et se faisait un devoir de la souligner. Fringuant et souriant, il vint tout naturellement prendre la commande.

- Vous avez choisi ?

Dole commanda, et demanda une bouteille de vin, probablement un grand cru, mais Ella ne s'y connaissait que peu en vin, et sa carte, comme dans tous les restaurants de luxe, ne comprenait ne les prix des plats, ni les vins. A croire, que malgré la modernisation du monde et l'apport des autres races, certaines choses restaient inchangées. Rassurant, en quelques sortes, mais aussi un peu révoltant. Ella remit ses cheveux en place, se reprochant intérieurement de tout trop analyser, une fois qu'elle était dans une conversation dépassant le stade de la discussion cordiale, puis porta son attention sur le serveur, juste au bon moment semblait-il.

- Et pour mademoiselle?

-La dorade grillée, avec du riz, s'il vous plait.

Ella sourit au serveur, qui lui semblait nettement plus sympathique que le maître d'hôtel, avant de reporter son attention sur Dole. Celui-ci avait quitté son attitude bienveillante, adoptant un regard plus... Carnivore. Son attitude ressemblait presque à celle d'un varren prêt à sauter à la gorge de sa proie, jusqu'au sourire en coin laissant presque paraître ses dents. Bien sûr, les termes communément utilisés par les humains pour ce genre d'attitudes étaient plutôt "requin" ou "loup", mais Ella n'avait jamais vu de loup, elle n'était même pas sûre qu'il en existait encore, et les rares requins qu'elle avait pu voir en aquarium ne lui avaient pas semblé si redoutables. Le varren, lui, était redoutable. Elle en avait vu un, embusqué jusqu'au dernier moment, presque arracher le bras pourtant protégé par une armure d'un soldat quelques mètres devant elle.

Et en ce moment, elle avait l'impression que si cela pouvait servir ses intérêts, Dole lui arracherait volontiers le bras. La réflexion arracha un frisson à la jeune femme, qu'elle réprima avec quelque difficulté, frôlant sa hanche par réflexe, y cherchant le réconfort d'une arme de poing.

Ella ne sut pas si Dole ne remarqua pas son écart, ou s'il fit simplement de ne pas l'avoir fait, par égard ou politesse, mais celui-ci commença à lui parler de vin, puis d'une amie qu'il aurait connue, sur un ton désinvolte. Néanmoins, ce fut la dernière phrase du politicien qui retint toute l'attention d'Ella, celle-ci y voyant le réel message derrière toutes ces élucubrations.

-Les étudiantes, c'est plus compliqué qu'on ne le penserait.

Etait-ce un appel du pied? Un avertissement? Difficile à dire, et il paraissait évident à la jeune femme que l'objectif de Dole était clairement de semer une forme de doute dans son esprit. Cependant, même au courant de la manoeuvre, celle-ci n'en était pas moins efficace. Ella avait sans doutes les manières et les bases de rigueur en diplomatie, mais elle n'avait pas l'expérience du politicien, ni l'habitude de cotoyer des hommes plus subtils. Même parmi les hautes sphères de Terra Firma, le niveau n'était jamais vraiment haut, et elle avait fini par s'y habituer.

Dole était d'une autre trempe, c'était une chose clairement établie. Un discours maîtrisé, une dialectique bien rôdée, au point qu'il était difficile à la jeune femme de faire autrement que d'être d'accord avec lui.

Quelque part, il y avait quelque chose d'attirant chez lui, de la même façon qu'il y avait toujours quelque chose d'attirant face au danger. Mais pas le danger gratuit, plutôt comme le saut qu'il faudrait effectuer pour prendre l'ennemi à revers, et lui loger une balle entre les deux yeux sans même qu'il puisse ouvrir la bouche en signe de surprise. Un saut juste trop long pour être facilement effectué, laissant un risque de chute en cas d'échec, mais néanmoins rien d'impossible. Face à ce vide, on ne peut alors que ressentir l'irrésistible tentation de tenter sa chance, contrebalancée par la rationnalité de la peur de la mort, ou celle de l'échec. Ou cette envie de caresser un fauve sauvage, en ignorant tout des conséquences de l'acte.

Le menton posé entre le pouce et l'index de sa main gauche, Ella écoutait presque ditraitement Dole lui exposer ses attentes, obnubilée par ses propres pensées. Quelque part, manipuler Terra Firma lui semblait un juste retour des choses, étant donné le peu de considérations qu'ils lui portaient. Un nouveau défi, également, autre chose que de simplement gérer des soldats, ou savoir quand tirer sur l'ennemi, ennemi fort peu présent ces derniers temps, de toutes façons.

Dole acheva sa tirade en lui demandant pourquoi elle n'était pas mariée. Que ce soit une pique, une proposition ou de la simple curiosité, Ella jugea que ce qu'il savait d'elle devait probablement se limiter à son dossier militaire, peut-être à des dossiers datant d'avant la guerre, et à ce qu'on avait pu lui dire sur ses affinités politiques. Elle reprit de l'assurance sur ces propos, se penchant de nouveau un peu plus sur la table, arborant le même sourire en coin que Dole, avant de lui répondre.

-Je n'ai jamais trouvé quelqu'un qui me donne envie de l'accompagner plus de quelques semaines, que ce soit intellectuellement ou par ses ambitions, du moins pour l'instant. Et, comme vous le dites si justement, je suis débordée, j'aime passer le peu de temps libre que j'ai à des choses qui m'intéressent vraiment. Vous même n'êtes pas marié, je crois?

Simple conjoncture, Ella n'en savait pour ainsi dire rien, mais l'absence d'alliance au doigt de l'homme laissait penser qu'il ne l'était effectivement pas. Avec une pointe d'amusement, elle se dit même que la question pourrait déstabiliser son interlocuteur pour la première fois depuis le début du dîner. Souriant de nouveau, elle remit ses cheveux en place, avant de terminer simplement, sur le même ton désinvolte:

-J'avais toujours cru que les politiciens d'importance se devaient d'être mariés, pour l'image publique. Je me trompais, visiblement.
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MessageSujet: Re: Invitation à dîner   Invitation à dîner Icon_minitimeLun 23 Mar 2015, 23:18
-Je n'ai jamais trouvé quelqu'un qui me donne envie de l'accompagner plus de quelques semaines, que ce soit intellectuellement ou par ses ambitions, du moins pour l'instant. Et, comme vous le dites si justement, je suis débordée, j'aime passer le peu de temps libre que j'ai à des choses qui m'intéressent vraiment. Vous même n'êtes pas marié, je crois? 

Ella semblait prendre de l'assurance. Elle imitait le politicien, se penchant sur la table, maniant l'ironie pour tenter de s'imposer et de le déstabiliser.

-J'avais toujours cru que les politiciens d'importance se devaient d'être mariés, pour l'image publique. Je me trompais, visiblement.

Tant mieux. Ça rendait les choses intéressantes.

Dole recula de la table, pour plaquer son dos contre le dossier de la chaise. Il retirait également ses mains de la table pour les poser sur ses genoux, alors que ses jambes se déployaient un peu, talons sur le sol. Il lâcha un très léger rictus, un peu nerveux. Un coup d’œil vif mais visible fut lancé vers le reste de la salle, avant qu'il ne repose son regard droit vers la jeune femme.

- Certes.

Il avait dit ça sur un ton sec et froid. Ce n'était pas tellement habituel de sa part, aussi, il se reprit très vite, et recommença à fabuler avec une voix un peu plus suave.

- Disons que... Les femmes que j'ai fréquenté n'avaient pas... Les mêmes « qualités » ou « intérêts » que j'avais. Vous avez dit que je vous intriguiez. Je pense que vous pouvez comprendre que peu de personnes voudraient vivre avec un homme comme moi... Imaginez-les, les pauvres.

Une légère pensée trotta dans son esprit. C'est vrai qu'il n'avait jamais eu de vraie relation. « Relation » au sens absolument normal du terme, comme celui de deux adultes qui vivent ensemble et se comportent comme des adultes. À chaque fois qu'il s'attachait un peu à une femme, il se mettait à se comporter bizarrement. Il devenait parano, odieux, il était incapable de faire confiance à d'autres personnes, ou même à apprécier de passer du temps avec. Il se contentait uniquement d'avoir des rapports purement sexuels, où il était ou bien totalement soumis, ou bien un immonde enfoiré qui voulait tout contrôler. Le fait que lui-même soit bipolaire et ait du mal à comprendre ce qu'il voulait y était pour quelque chose.
Mais bon, Thomas Dole ne serait pas vraiment Thomas Dole s'il n'était pas un frustré...

- C'est vrai que souvent c'est un peu bizarre pour la presse. Mais bon. Je suis français. Nous les Français, on apprécie que la vie privée reste ce qu'elle est : Privée.
Enfin. Pourquoi vous posez-vous des questions sur moi, mademoiselle Gardner ? C'est de vous dont il est question, ici.


Il se redressa dans sa chaise et dans sa posture, sans toutefois s'approcher de la table ou tenter de se montrer plus imposant. Il avait toujours les yeux rivés dans les siens, depuis le début du dîner. Il tentait de la jauger, et il commençait à hésiter...
Les jeunes. Les idéalistes. Ces gens-là, Dole les admirait, mais en même temps, les plaignait. Il avait été jeune et idéaliste, un militant plein de rêves. Ils étaient tous idiots et impossibles à atteindre. Le pouvoir s'obtient en l'infiltrant, pas en s'y opposant. Quand Dole avait vu arriver Ella, il s'était attendu à voir une jeune militaire vive et pleine d'idéaux qu'il pourrait facilement manipuler, foutre des idées dans le crâne et retourner pour l'utiliser comme il voulait. Mais la manière dont elle parlait, dont elle bougeait, la prestance qu'elle avait... Elle semblait beaucoup moins naïve qu'il ne pensait. Peut-être même qu'elle voulait faire partie des manipulateurs...
Malheureusement pour Dole, d'ailleurs, les seules personnes qui l'intéressaient étaient celles qu'il ne pouvait pas manipuler. Josh Ivrancic était détestable par son ton de persiflage dégueulasse, mais au moins, Dole savait à quel genre de type il avait à faire. Marcus Santiago pouvait être ridicule avec ses opinions de communiste, mais au moins, Dole savait que c'était un gars redoutable et impossible à faire plier. Oui, les seules personnes qui avaient un intérêt pour lui, c'étaient celles auxquelles il ne pouvait pas mentir et faire faire des choses contre leur gré, comme de vulgaires moutons.

- Ah, Ella... Il faudrait que je vous invite au parlement, un jour... Pas dans l'hémicycle, il ne se passe rien là-dedans. Mais dans les galeries, à la buvette, où on tente de se mettre des députés dans la poche et d'influencer leurs votes. Bon, je doute que ce soit aussi excitant que d'aller au combat, mais je suis sûr qu'une partie d'entre vous aimerait ça...

Le serveur revint. Pas avec les plats, qui devaient être en train d'être terminés ; mais avec une bouteille de vin, dont il retira le bouchon. Il servit alors les deux verres des deux humains attablés, avant de la poser et de s'éloigner sans dire un mot.
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MessageSujet: Re: Invitation à dîner   Invitation à dîner Icon_minitimeDim 29 Mar 2015, 15:36
- Disons que... Les femmes que j'ai fréquenté n'avaient pas... Les mêmes « qualités » ou « intérêts » que j'avais. Vous avez dit que je vous intriguiez. Je pense que vous pouvez comprendre que peu de personnes voudraient vivre avec un homme comme moi... Imaginez-les, les pauvres.

Dole s’était redressé, et sa réponse était plus sèche, plus directe. Ella ne put cacher un sourire en coin face à cette attitude. Avait-elle touché un point sensible ? Dole avait-il décidé de jouer un jeu différent ? A vrai dire, elle n’en savait rien, mais la militaire se plaisait à cet échange. Elle considéra avoir marqué un point, aussi se détendit-elle quelque peu. Dole devait avoir réellement besoin d’elle, pour ne pas s’emporter, ou menacer aussi tôt. Peut-être même prévoyait-il autre chose que de simples remerciements, si elle devait accepter. Mais cela, encore une fois, il était trop tôt pour le dire.

Ella ne parvenait pas non plus à savoir si les dernières paroles de Dole étaient une forme d’invitation, ou pas. Une première pour la femme qu’elle était, généralement habituée à remarquer quand elle plaisait à un homme, et sachant en jouer plus ou moins efficacement, selon sa motivation du moment. Depuis l’université et ses études en politique, elle s’était servie une ou deux fois d’arguments plus charnels pour gagner certaines personnes à sa cause, quand les mots ne suffisaient pas. Quelque part, ces garçons lui plaisaient tout de même un peu, mais sans plus. A bien y réfléchir, elle n’avait jamais fréquenté quelqu’un plus d’une semaine sans un objectif derrière la tête. L’armée n’avait pas aidé, apportant son lot d’abrutis incapable d’aligner deux pensées consécutives sans bafouiller ou s’embrouiller. Elle avait eu une brève aventure avec son commandant, mais encore une fois, ça n’avait pas été très loin, l’homme se trouvant être un radical du genre incapable de se remettre en question. Gentil, mais pas assez subtil.

Dans le doute, opter pour une réponse ambivalente, lui avait-on appris lorsque, enfant, elle avait du apprendre l’art de la conversation pour ne pas faire honte à ses parents lorsqu’ils recevaient des invités. La chose s’appliquait parfaitement ici.

-J’imagine qu’au moins, les débats du matin doivent être plus intéressants que simplement demander si on a bien dormi. Qui sait, peut-être même plus agréables que les réveils automatiques quand on doit prendre son quart.

Dole enchaîna, parlant encore une fois de son pays d’origine. Elle n’avait jamais visité la France, elle n’en avait entendu que l’avis de son père, qui trouvait les hommes d’affaires locaux trop excentriques, et de sa gouvernante, d’origine anglaise, qui comparait toujours les Français à des fouines prêtes à vous tendre un piège sournois dès que vous aviez le dos tourné.

Enfin. Pourquoi vous posez-vous des questions sur moi, mademoiselle Gardner ? C'est de vous dont il est question, ici.

-Par ce que je m’intéresse à vous, simplement. Si nous devons collaborer, je dois savoir à qui j’ai affaire, non? Je m’en voudrais de m’engager dans quelque chose que mon manque de connaissances à votre égard me ferait regretter...

Un nouveau sourire, en demi teinte, ne laissant pas vraiment la place à une quelconque certitude sur ses intentions. Ella se surprit à s’adapter relativement bien à la joute, malgré ses appréhensions toujours bien présentes. Peut-être n’avait-elle pas ce qu’il fallait pour réussir dans les hautes sphères de la politique, mais au moins, elle pouvait tenir une conversation avec un politicien rôdé, et elle en tira une certaine satisfaction.

- Ah, Ella... Il faudrait que je vous invite au parlement, un jour... Pas dans l'hémicycle, il ne se passe rien là-dedans. Mais dans les galeries, à la buvette, où on tente de se mettre des députés dans la poche et d'influencer leurs votes. Bon, je doute que ce soit aussi excitant que d'aller au combat, mais je suis sûr qu'une partie d'entre vous aimerait ça...

Visiter le Parlement ? L’arrière du décor ? Cela pouvait être une expérience intéressante, oui… A moins qu’il s’agisse là d’une autre forme d’invitation ? Difficile à dire… L’espace d’un instant, Ella s’imagina l’endroit, et se prit bien vite à comparer la chose à un endroit où les loups, dans le cas présent les politiciens ambitieux, qui cherchaient autre chose que la simple représentation de leurs citoyens ou la garantie d’un revenu extravagant, venaient cueillir les moutons, ceux qui avaient encore une vision idéaliste ou naïve de la politique, peut-être ? Ceux qui n’avaient pas ce qu’il fallait pour s’imposer, en tout cas.

La militaire se demanda ce qu’elle serait devenue dans ce milieu. La force des moutons, c’est leur nombre, bien entendu, mais la vraie menace, la personne vraiment importante restait le loup. Un tempérament plus solitaire, ne se regroupant en meute que si besoin était, autrement plus ambitieux, plus manipulateur aussi… Elle se dit qu’elle préfèrerait être un loup, sans savoir si elle en aurait réellement été capable.

-Ce serait avec plaisir, monsieur Dole… Thomas.

Après tout, il avait utilisé son prénom plusieurs fois, elle ne voyait pas vraiment ce qu’il l’empêcherait de le faire dans l’immédiat. Dans le pire des cas, il la reprendrait, et elle s’excuserait avec le sourire. Le sourire est la meilleure arme d’une femme, lui avait dit sa mère quand elle était enfant. Plus tard, une connaissance d’Ella avait ajouté au dicton « quand elle ne porte pas de décolleté ». Et, dans le cas présent, on ne pouvait pas dire que l’uniforme de l’Alliance laissait la place à un décolleté.

-Je suppose qu’il s’agit de deux choses différentes, chacunes excitantes à leur manière… Bien sûr, la probabilité de mourir réellement doit être un peu moindre, mais on doit parfois y perdre beaucoup, autour d’un verre, non ?
Elle prit son verre de main entre les doigts, et fit doucement tourner le liquide à l’intérieur, profitant du moment pour se vider la tête un instant. Bien qu’agréable et intéressante, la conversation n’en avait pas moins un coté éprouvant, aussi la militaire se saisissait de toutes les opportunités de calme, mais très courtes.

Elle absorba une gorgée du liquide, et en apprécia la qualité. Au moins, Dola savait choisir un vin, c’était un bon point.

–Si vous imposez vos idées aussi bien que vous choisissez le vin, je doute que vous deviz attendre encore longtemps avant de devenir Premier Ministre. Mais, dites-moi… Êtes-vous déjà allé au front ? Ressenti cette sensation que vous pourriez mourir au premier faux-pas, où chaque seconde compte au point que vous en arrivez à ressentir chaque battement de votre cœur? C’est étrange, mais j’ai presque l’impression d’avoir cette sensation, en ce moment même. Comme si autour de ce dîner se jouait… Quelque chose de déterminant pour la suite de ma vie, et de ma carrière. Et pourtant, ce n’est pas moi qui veut devenir Premier Ministre.

Ella sourit en coin, prenant une autre gorgée de vin, avant de reprendre :

-J’ai toujours aimé la politique, sous la plupart de ses formes. Je ne vais pas vous mentir en disant avoir une passion pour le budget, ou ce genre de choses, mais… J’en comprends l’utilité, et je sais l’apprécier à sa juste valeur. J’ose espérer savoir reconnaître un politicien qui monte de celui qui pense monter, également. Appelez-ça l’intuition féminine, ou ce que vous voulez, mais je sens que vous obtiendrez ce que vous voulez. Et au fond, ce sont un peu des personnes comme vous qui manquent à Terra Firma. Des gens de la trempe de ceux qui se donnent les moyens d’atteindre leurs ambitions.

Le verre en main, la militaire se rabattit sur le dossier de sa chaise, pour avoir une meilleure vue sur son interlocuteur.
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MessageSujet: Re: Invitation à dîner   Invitation à dîner Icon_minitimeSam 04 Avr 2015, 14:13
Le déjeuner semblait tourner à la discussion. Une discussion légèrement plus ouverte. Trop ouverte comparé à ce que Dole voulait. Il appréciait la façon dont Ella s'amusait à ce jeu, mais ils ne s'étaient pas rencontrés depuis une heure... Il ne faut jamais abattre ses cartes trop tôt. Il ne fallait pas lui parler trop ouvertement.

Dole ne prêta pas grande importance aux sortes de compliments que la militaire lui donnait. Il les appréciait, bien sûr, il appréciait toujours qu'on le caresse dans le sens du poil... Mais il savait qu'on ne complimentait jamais quelqu'un si ce n'était pas pour obtenir quelque chose en retour. Peut-être qu'après tout, Ella n'était pas intéressée par sa proposition, peut-être qu'elle allait rapporter cette discussion à Terra Firma sitôt qu'ils auraient quitté le restaurant. Pour l'instant, les conséquences seraient nulles. Mais il fallait peut-être faire une sorte de test, une sorte de demande peu conséquente pour voir si elle pouvait être digne de confiance.

- Non, je n'ai jamais été au front d'une quelconque guerre. Mais je vois parfaitement le genre de sensation dont vous parlez... Je l'ai ressentie maintes fois... Et encore aujourd'hui je la sens.

Un serveur amena deux assiettes, les posa, et échangea les simples banalités d'un serveur avant de partir. On pouvait maintenant commencer à manger, et en finir le plus tôt possible avec cette conversation. Alors que Dole déployait une serviette sur ses genoux comme le matador qui agitait son tissus pour venir attirer le taureau, il saisit sa fourchette comme une lance qu'il allait écraser sous la peau de la bête, et vint la planter dans un morceau de pomme de terre frite.

- Ella, vous savez, la première fois que je me suis présenté à une élection, je me suis fait humilier. Le pire score jamais réalisé dans une telle circonscription... Et vous savez ce que j'ai appris de cette défaite ?
Que je ne gagnerais jamais. Pas de cette façon. Que c'était un autre jeu, avec des règles que je ne pouvais pas suivre. Je ne peux pas combattre les autres politiques, et je ne vais pas les battre ; Je vais les enculer. C'est ce que je sais, c'est ce que je suis, et uniquement en sachant ce que l'on est pouvons-nous avoir ce que nous voulons.


Entre deux bouchées de frites il se décida à proposer quelque chose de concret. Quelque chose de réellement utile.

- Suite à la démission de leur député, la circonscription d'Europe du Nord va avoir des élections anticipées. La campagne démarre très bientôt. J'aimerai savoir quel candidat Terra Firma va envoyer. Je parie sur deux d'entre eux en particulier, mais ça me semble trop évident...
Obtenir le nom du candidat ne devrait pas être compliqué. Mais plus tôt je l'aurai, mieux ce sera. Je pense que cela pourrait être une bonne expérience pour vous. Mesurer votre capacité et votre... Discrétion.
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MessageSujet: Re: Invitation à dîner   Invitation à dîner Icon_minitimeLun 06 Avr 2015, 19:50
Ella se contenta de prendre une bouchée de sa dorade, sans donner de réponse au politicien tandis qu'il lui exposait ce qu'il attendait d'elle. Visiblement, il voulait savoir s'il pouvait faire confiance à la militaire, avant d'aller plus loin dans une relation avec elle, quelle qu'elle soit. Une mesure prudente, qui laisserait suffisamment de temps à la militaire pour savoir comment elle devrait jouer son jeu.

Beaucoup de choses étaient à prendre en compte, à commencer par sa relation avec Terra Firma, celle qu'elle pourrait avoir avec Dole, les conséquences de tout ça, pour sa carrière, pour le reste de sa vie... Autant de choses qu'elle avait eu tendance a oublier, ou du moins à mettre de coté. Il était peu probable que Terra Firma se contente de la sermonner s'ils apprenaient qu'elle sympathisait avec l'ennemi, ils n'étaient pas réputés pour leur tendresse avec les transfuges, encore moins dans son cas à elle... Mais le directeur de cabinet du Premier Ministre ne devait pas être sans ressources non plus. La militaire devrait songer à lui demander sa protection, en temps voulu, ou bien assurer ses arrières et se retourner à temps, comme elle avait déjà pu le faire par le passé.

Mais avant ça, elle devrait prouver sa valeur. Ella avait pensé demander l'appui de Dole sur sa carrière dès la fin du dîner, mais la tournure des événements lui laissaient plutôt penser qu'elle allait lui rendre son premier service pour la forme. Elle laisserait la main à Dole, pour mieux voir comment il envisageait leur collaboration, ce qu'il lui proposerait... Et réajusterait l'offre, si c'était nécessaire. Il était le plus influent, et il serait présomptueux de la part d'Ella d'exiger quelque chose tout de suite, surtout sans preuves de son efficacité.

L'Europe du Nord... Pas vraiment un fief de Terra Firma, si les souvenirs d'Ella étaient bons. Les derniers sondages avaient donnés la gauche en tête, les scandinaves ayant toujours été relativements progessistes d'un point de vue social. Bien sûr, la démission de l'ancien député suite à une affaire de moeurs-ou était-ce de la corruption?- n'allait pas aider à leur réelection, mais la chose devait être encore jouable. Actuellement, Ella n'avait pas la moindre idée du visage local de Terra Firma, mais si elle devait parier, les huiles du Parti devaient certainement avoir choisi un jeune, issu du peuple, avec des idées tranchées mais capable de les formuler pour qu'elles semblent attirantes à ses concitoyens. La méfiance générale envers les vieux de la vieille du parti coulerait leurs chances dans l'oeuf.

L'information en elle-même ne serait pas difficile à obtenir. Un passage en revue des communications internes des militants locaux devrait permettre d'isoler un nom en particuliers, qu'il suffirait de faire confirmer par un parlementaire, en jouant la jeune innocente qui s'intéresse à l'avenir de son Parti. Un simple nom n'était pas le genre d'informations qu'ils cachaient, elle n'aurait probablement même pas à jouer la carte du charme...

Deux jours devraient suffire à obtenir l'information, un ou deux de plus pour réfléchir à quoi en faire... Maintenant, il fallait fixer une contrepartie à l'information, pas un paiement, juste un moyen de conserver un certain contrôle, pour montrer qu'elle n'était pas un simple larbin qui ferait automatiquement tout ce qu'on lui demande. S'il y avait une chose qu'Ella n'avait pas chez Terra Firma, et qu'elle comptait bien obtenir de dole si elle devait travailler avec lui, c'était le respect.

-Cette dorade est vraiment excellente. Le quotidien sur un vaisseau de l'Alliance m'avait presque fait oublier le goût d'un vrai poisson.

Ella reprit une bouchée, puis une gorgée de vin, avant de fixer de nouveau Dole dans les yeux, reprenant une expression sérieuse, propre aux affaires. Visiblement, le temps du jeu avait laissé la place à celui des affaires, et elle devait à présent s'y conformer.

-Admettons que je puisse vous obtenir l'information. Il me faudra quelques jours pour le faire, et... Je voudrais être là, le jour de l'élection. Ce serait juste une question de curiosité, bien sûr, et une façon pour moi de mieux cerner ce que vous pensez réellement faire... Et un moyen de mieux vous connaître vous, sans aucuns doutes.

Ayant terminé sa phrase, Ella reprit une gorgée de vin, et s'autorisa à sourire de nouveau. La suite promettait au moins d'être intéressante.
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MessageSujet: Re: Invitation à dîner   Invitation à dîner Icon_minitimeJeu 09 Avr 2015, 21:50

La jeune femme parla de la bonne qualité gustative de sa poiscaille, ce qui, à la vue du visage passif de Thomas Dole, n'intéressait nullement le politicien dont le triste sort du pauvre animal arraché aux siens et grillé vif pour être servi avec la céréale asiatique semblait être un juste paiement pour son inutilité totale. En réalité, les animaux étaient atrocement détestables aux yeux de Thomas. Enfin, la plupart des animaux, les animaux débiles, chiants et cons, comme les chats. Les chats et la plupart des chiens. Il aimait à voir le regard plein de haine et de hargne de certains des chiens, mais été répugné par les yeux doux et craintifs d'autres.
Pour satisfaire ses pulsions, on disait qu'il abattait des chiens. Mais bon, le nombre de rumeurs débiles qu'il y avait sur les gens...

Bref. On s'écarte. C'est pas bien de parler de trucs qui n'ont pas de rapports avec l'histoire, ça ennuie le lecteur, et là je suis sûr si vous avez commencé à lire depuis le début vous devez bien vous ennuyer, alors je vais écourter.

Thomas Dole s'en foutait carrément de savoir si la dorade d'Ella était bonne à bouffer. Et puis c'est vrai qu'ils servaient de la merde dans l'Alliance mais ça veut pas dire que son poisson il était bon, les océans terrestres sont ultra pollués, sa dorade devait être remplie de produits chimiques, de mercure ou de gras, ce genre de conneries. Les entreprises agro-alimentaires comme Josh Ivrancic vendaient de la bouffe aux normes, bien sûr, mais ça voulait dire qu'ils foutaient des médocs dans leurs poissons d'élevage, alors que les pauvres des Terres Mortes n'avaient pas de poisson, tant ces petites bêtes crevaient dans de la merde polluée.

Heureusement, elle remonta le niveau avec une question beaucoup plus intéressante : Elle voulait être là le jour de l'élection. Ce commentaire fit immédiatement lever un sourcil à Thomas. Qu'est-ce qu'elle insinuait ? Son regard doux et froid se tourna légèrement pour observer la militaire, et il baissait ses couverts avant de répondre avec un ton légèrement choqué, comme un comédien qui jouait au théâtre.

- Mademoiselle Gardner... J'espère que vous ne pensiez pas que me trouver un nom suffirait à officialiser notre relation.

Il reprit avec un sourire carnassier et un air beaucoup plus suffisant.

- Enfin, Ella... Tu me déçois, vraiment. Tu vas faire plus que me trouver le nom du candidat. Tu vas m'aider à le détruire. Tu vas m'aider à faire monter un de mes députés sur le siège.
En revanche, j'aimerai mettre les choses au point avec nous.


Il pencha légèrement la tête, et s'approcha un peu de la table. Il essayait de se donner un air, pas vraiment dominant, mais plutôt... Paternaliste.

- Toi et moi, on va faire de grandes choses. Mais si tu oses tenter de me trahir, de me vendre, ou de me doubler...
Sache que notre relation peut ou être très bénéfique pour nous deux. Ou très mauvaise pour toi.
Mais je suis sûr que tu avais déjà compris ça.


Dole n'irait pas plus loin aujourd'hui. Mais il avait un siège à gagner.
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