Le ciel artificiel de la Citadelle était déjà bien sombre, le restaurant où était attablée Azhareen se vidait petit à petit. Le Marxus était un des restaurants les plus prisés du Présidium, et l’un des préférés de la Turienne. La terrasse offrait une vue spectaculaire sur la statue du Commandant Shepard et le monument aux morts. On y mangeait pour peu cher et la carte était riche en plats dextro-aminés. La terrasse presque déserte maintenant commençait à tomber dans la quiétude des fins de soirée.

Il ne manquait plus que Nimor.

Ce matin, elle s’était levée, faite jolie autant que faire se peut et était partie travailler. Elle s’était garée à son emplacement habituel, puis avait salué ses collègues comme tous les jours, avant d'enchainer avec leur réunion quotidienne. Une journée normale.

Elle était partie tard du boulot, après une réunion interminable avec le Chef de département sur l’avancement de son projet qui lui avait mis les nerfs à vif. Et plutôt que de rentrer chez elle, elle avait laissé sa voiture au parking pour une longue marche le long du lac du Présidium.

Et juste comme ça, sans trop réfléchir, elle avait appelé Nimor, lui laissant à peine le temps d’acquiescer avant de raccrocher. Elle savait qu’il viendrait. C’était peut-être égoïste de sa part de l’appeler si tard et d’attendre de lui qu’il rapplique aussitôt. Sur le chemin du Marxus, Azhareen avait longtemps hésité à le rappeler pour décommander. Nimor aussi était un homme occupé.

Mais tant pis, ce soir elle allait s’accorder un petit caprice. Un dîner en famille, à une heure du matin, où ils allaient parler du passé avec le sourire. Pour la première fois en douze ans, elle n’avait pas envie de passer cette soirée recluse chez elle. Elle avait assez pleuré, il était temps de laisser les morts reposer en paix.

« Etes-vous prête à commander, Madame ? »
« Oui, je vais prendre le plat du jour s’il vous plait. Mettez en deux tout compte fait, pour dextro. Mon ami ne devrait plus tarder à arriver. »

Nimor ne lui en voudrait pas de commander pour lui, et même s’il avait déjà mangé, Azhareen, en bonne grande sœur, était une experte pour lui faire finir son assiette.

A peine quelques minutes plus tard, la serveuse asari revenait avec deux assiettes bien remplies. Rôti d’oie de Palaven avec ses légumes en tout genre. Azhareen n’avait jamais aimé les brocolis, elle était en plein tri lorsqu’une ombre bien connue et un raclement de chaise la sortirent de sa concentration.

« Tu as failli manger froid. »

BIP BIP BIP BIP

La sonnerie du réveil sorti Nimor des bras de Morphée. Il appuya sur le petit appareil sur sa table de nuit pour mettre fin aux stridulations insupportables. Il repoussa les draps et se leva. Il activa son Omnitech et regarda son emploi du temps journalier. Entrainement, paperasse, la routine quoi. Puis son regard s’arrêta sur la date et son cœur sauta un battement. C’était aujourd’hui.

Il prit une douche, enfila son uniforme et parti au poste. Après deux heures de maniement des armes, il reçut un appel de sa sœur. Il n’était pas étonné, il savait qu’elle allait appeler. Elle voulait qu’ils dinent ensemble. Son ton ne permettait pas de refuser. Il viendrait. Elle avait besoin de lui, il serait là. C’était évident.

L’après-midi s’étira en longueur. C’est fou comme le temps semble s’allonger, que les horloges semblent ralentir au fur et à mesure que l’on approche d’un moment important, et plutôt désagréable. Comme si une entité supérieure prenait un malin plaisir à torturer l’esprit des êtres qu’elle supervisait en laissant leurs pensées les torturer le plus longtemps possible.
Il finit son service à une heure. Il n’avait pas pu se libérer plus tôt. Une intervention nécessité son équipe. Au fond de lui, c’était une véritable aubaine. Cela occupera son esprit quelques heures. A la sortie du poste, il se rendit au Marxus. Plus il s’approchait, plus son ventre se serrai. Il ne le montrait pas, mais pour lui aussi ce jour était un vrai calvaire.

Il la vit de loin. Elle était assise, pensive, devant deux plats. Comme à son habitude, elle avait commandé pour lui. Il ne put s’empêcher de sourire. Elle n’avait jamais su se résoudre au fait qu’il pouvait faire ses propres choix, comme commander lui-même un plat. Son impatience était légendaire. Il se dirigea d’un pas qu’il aurait souhaité plus décidé vers la table et s’assit.
Azhareen s’était faite plus coquette que d’habitude. Elle se cachait sous un masque. Elle n’avait même pas touché à son plat, preuve d’un grand malaise. Il lui attrapa la main et la regarda dans les yeux.

« C’est aujourd’hui, n’est-ce pas ? »