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 À la croisée des chemins [terminé]

Alessa N'Mara

Personnage RP
Faction : Indépendante
Rang : En cavale
Alessa N'Mara
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MessageSujet: À la croisée des chemins [terminé]   À la croisée des chemins [terminé] Icon_minitimeLun 12 Jan 2015, 00:46
Intervention MJ : Oui Mi-août 2199 RP Tout Public
Alessa N’Mara
À la croisée des chemins



Les Chroniques d'Alessa - Interlude 1

Alessa venait de quitter Oméga à bord d’une navette personnelle dont lui avait fait gracieusement don le Ravageur dénommé Abel – une de ses anciennes conquêtes du temps où elle vivait sur l’astéroïde, voilà de ça une douzaine d’années ; et l’un des rares habitants de cette galaxie qu’elle pouvait de toute évidence appeler « ami ». Certes, leur relation était quelque peu ambigüe. Elle avait commencé comme un banal coup d’un soir ; avant de devenir un coup régulier au fil des jours. Puis la situation avait pour ainsi dire manqué de s’achever dans un bain de sang quand les deux amants s’étaient retrouvés à se tirer dessus mutuellement afin de solder un contrat sur lequel ils étaient concurrents. Finalement, ils étaient parvenus à enterrer la hache de guerre entre des draps de satin et avaient fini par retrouver leurs petites habitudes nocturnes. Jusqu’au jour où Alessa avait dû fuir la station pirate sans un regard en arrière et sans même pendre le temps de faire ses adieux à l’Humain.

Et voilà que deux jours plus tôt, elle avait de nouveau remis les pieds sur l’astéroïde servant de capitale aux systèmes Terminus. Elle qui n’avait espéré y faire qu’un court arrêt, histoire de passer inaperçue le temps de prendre une correspondance pour un autre trou paumé perdu au fin fond de la galaxie, il se trouve que le hasard avait voulu qu’elle fasse un retour plus ou moins remarqué dans la station de tous les vices. Plus ou moins à cause d’elle, une partie du spatioport avait sauté et elle avait manqué servir de jouet à un Turien qui n’en avait probablement pas seulement après ses crédits. Et tout cela l’avait menée à ses retrouvailles avec Abel. Des retrouvailles plutôt chaleureuses et… divertissantes.

Mais là n’était pas la question. Le plus important était qu’Abel lui avait révélé l’avoir cru morte depuis des années. Le bruit courait effectivement qu’Éclipse l’avait refroidie quelques mois seulement après sa défection. Alessa ignorait comment cela était possible. De toute évidence, elle était toujours de ce monde. Bel et bien en vie. Et Éclipse n’étant pas réputé pour sa douceur ni pour être du genre à lâcher l’affaire aussi facilement, ils ne pouvaient tout simplement pas avoir décidé de tirer un trait sur elle en la faisant passer pour morte histoire de sauver la face. S’ils avaient décrété qu’elle était morte, c’est qu’ils avaient effectivement un corps sous la main pour le prouver ; et en l’occurrence, son corps à elle. Chose qui était bien entendu impossible. Alors Alessa ne comprenait pas.

Mais le fait est que cela l’arrangeait beaucoup dans le fond. Elle n’avait désormais plus rien à craindre d’Éclipse ; et ce d’autant plus que, selon Abel, ils n’étaient plus la grande puissance mercenaire qu’ils avaient été jadis. Leur temps était passé ; et c’est tout juste s’ils parvenaient à recoller les pots cassés depuis que les Ravageurs avaient pris le contrôle d’Oméga sous la houlette de la Reine Pirate. Alessa pouvait donc se rassurer : elle n’avait plus à se terrer dans les Terminus comme elle l’avait fait ces douze dernières années. Elle était un peu plus libre désormais.

Libre, certes… mais pas non plus totalement tirée d’affaire. À l’heure qu’il est, elle aurait dû se trouver dans les bras de son bel amant, doucement tirée de ses rêves par les caresses matinales de ce dernier désireux de remettre le couvert pour encore quelques heures de détente ; et pourtant, elle était là, à bord de cette petite navette qui venait à l’instant de quitter le spatioport privé des Ravageurs. Depuis le poste de pilotage, elle discernait encore sur les écrans radar la large baie d’amarrage tandis qu’elle s’en éloignait lentement avec les moteurs poussés à pleine puissance. Et tout ça à cause de quoi ? Un stupide message reçu sur sa boîte Extranet durant la nuit. Un message qui avait su remettre le feu aux poudres et pousser l’Asari à quitter la station pirate sans tarder. Pourtant, n’aurait-il pas été plus sûr de demeurer aux côtés d’Abel ? Il était loyal et digne de confiance. Peut-être aurait-il pu se servir de ses relations et de ses attaches avec les Ravageurs pour assurer sa sécurité ? Quoique… cela aurait été probablement au-dessus de ses prérogatives. Et Alessa ne voulait pas l’entraîner dans une histoire dont elle ignorait pour l’heure les tenants et aboutissants. La fuite semblait la meilleure solution possible – du moins dans l’immédiat. Chassez le naturel le temps d’une nuit et il revient au galop le lendemain.

Tapotant sur les commandes de la navette, Alessa programma un trajet direct à destination du relais cosmodésique le plus proche. Elle comptait sauter vers un autre système solaire moins fréquenté où, elle l’espérait, elle pourrait échapper à ce mystérieux individu qui ne cessait de la harceler en se faisant passer pour sa défunte épouse. C’était macabre et Alessa ne supportait pas de voir le nom de Tarana au bas de ces étranges messages de mise en garde. C’était même angoissant. Qui pouvait avoir l’esprit aussi tordu pour lui jouer ce mauvais tour ? Et surtout… qui avait les connaissances nécessaires pour être parvenu à retrouver sa trace malgré ses multiples changements d’identité au cours de ces vingt-cinq dernières années ? Cela défiait les lois de la logique et de la compréhension. Peut-être était-ce le mystérieux Courtier de l’Ombre ? Mais Alessa en doutait. Elle ne possédait rien qui aurait pu intéresser ce sombre personnage dont personne n’avait vu le vrai visage. Qui pouvait donc lui en vouloir à ce point ? Qui donc cherchait à lui rappeler constamment l’hécatombe qui lui avait coûté sa femme ?

Tandis que le vaisseau passait en vitesse supraluminique, Alessa se laissa aller au fond de son siège en soupirant. Elle était vidée. Elle n’avait pas beaucoup dormi cette nuit. D’une part à cause d’Abel – mais cela ne la gênait pas du tout ; d’autre part parce qu’elle n’avait pas pu refermer l’œil de la nuit après avoir découvert ce nouveau message sur sa boîte Extranet. Encore un message signé du nom de son épouse décédée. Encore un message la mettant en garde contre les menaces pesant sur sa vie. Encore un message l’invitant à découvrir la vérité à propos de la mort de ses parents et de Tarana. Tout ceci était décidément tiré par les cheveux. Un complot ? Une conspiration ? Et puis quoi encore ? Elle avait déjà reproché à son père de se faire tout un film à propos de l’accident qui avait ôté la vie à sa mère, voilà de ça une centaine d’années maintenant. Elle ne comptait pas suivre les traces de son père sur cette pente glissante qui avait eu raison de sa santé mentale et qui l’avait poussée à tirer un trait sur tout ce qui faisait sa vie et sa réputation : Tashaa était tombée en disgrâce et avait finalement disparu du jour au lendemain sans laisser de trace. Suite à sa lente descente aux enfers, les autorités avaient conclu à une fugue s’étant très probablement soldée par un accident ou un suicide. L’affaire avait été classée et Alessa avait fait le deuil de son père en s’efforçant de se souvenir de la femme qu’elle avait été avant la mort de son épouse Naala. Alessa poussa un profond soupir.

*Arrête de repenser à tout cela ou tu vas craquer. Essaye de dormir un peu. Cela te fera le plus grand bien. Tu as besoin de faire un somme pour oublier toute cette histoire.*

Il restait en effet deux heures avant de parvenir au relais cosmodésique. En attendant, le vaisseau ne nécessitait aucune intervention de sa part. Il était passé en mode automatique pour toute la durée du trajet en vitesse supraluminique. Elle n’avait pas non plus besoin de surveiller les moniteurs. Tout ce qu’elle avait à faire, c’était régler une alarme pour être réveillée au moment de l’approche du relais, et ensuite, elle pourrait s’allonger un peu le temps que la navette atteigne sa destination. Et c’est ce qu’elle fit. Elle programma une alarme avant de quitter la cabine de pilotage.

La navette offerte par Abel mettait à disposition d’Alessa les plus basiques des commodités. Derrière le poste de pilotage se déroulait un étroit couloir avec : d’un côté, un espace privé dédié au repos et disposant d’une couchette confortable pour une personne ; de l’autre, un coin cuisine équipé d’une plaque de cuisson et d’un réfrigérateur. Au fond de la navette, une douche et des toilettes, dans une zone à part assurant un semblant d’intimité ; ainsi qu’un espace cargo séparé de l’habitacle principal et servant à entreposer quelques possessions matérielles disons… « encombrantes ». Cela avait tout l’air d’avoir été un ancien vaisseau de contrebande. Mais Alessa avait demandé à Abel un moyen de transport intraçable et passe-partout lui permettant de circuler librement que ce soit dans ou hors de l’espace concilien. Et c’est ce qu’elle avait obtenu. Abel ne s’était pas joué d’elle. Néanmoins, elle avait plutôt l’impression de se trouver dans un petit studio équipé de moteurs et d’un module électronique spécifique permettant d’emprunter sans aucun risque les relais cosmodésiques encore plus ou moins défectueux pour certains depuis les événements survenus à la fin de la Grande Guerre.

Alessa se dirigea vers la couchette et s’allongea dessus. Elle eut tout juste le temps de soupirer avant que ses yeux ne se ferment tout seuls et qu’elle sombre dans un sommeil sans rêve.

À son réveil, un signal sonore résonnait à ses oreilles pour lui indiquer que la navette approchait de sa destination. Alessa quitta donc la couchette en se sentant fraîche et reposée. Elle retourna s’installer dans le cockpit à l’instant même où la navette décélérait et recouvrait une vitesse subluminique plus standard. L’horizon trembla un court instant et soudain apparut au loin, à plusieurs centaines de milliers de kilomètres, la gigantesque construction permettant les voyages longue distance d’un bout à l’autre de la galaxie. Le relais était tout simplement énorme ; même à cette distance. Et il faudrait encore plus d’une demi-heure à Alessa pour arriver à portée de saut. Entrant une trajectoire d’approche dans la console de navigation, la jeune femme se mit en tête d’envoyer un message à Abel pour s’excuser de la manière dont elle avait une nouvelle fois pris la tangente. Elle avait pris soin de lui laisser une note sur l’oreiller – contrairement à ses vieilles habitudes du temps où ils se fréquentaient presque tous les soirs. Mais étant plus mature désormais, elle estimait qu’un autre message s’imposait pour justifier sa hâte à quitter la station. Avec de la chance, il comprendrait et ne lui en tiendrait pas rigueur cette fois.

Cependant, lorsque la balise de la navette se connecta au réseau Extranet, Alessa eut la désagréable surprise de découvrir qu’elle avait reçu un message durant son somme. Non pas de la part d’Abel – ce qu’elle aurait de loin préféré ; mais bien de ce mystérieux expéditeur qui prenait un malin plaisir à se faire passer pour la défunte Tarana. Alessa hésita à ouvrir le message pourtant intitulé : « urgent ».

Qu’était-elle censée faire ? Le lire quand même ou bien l’ignorer ?


Dernière édition par Alessa N'Mara le Dim 01 Mar 2015, 20:55, édité 1 fois
Alessa N'Mara

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MessageSujet: Re: À la croisée des chemins [terminé]   À la croisée des chemins [terminé] Icon_minitimeDim 18 Jan 2015, 18:35
Après plusieurs minutes d’hésitation, Alessa finit par ouvrir le message pour en découvrir le contenu. La curiosité avait pris le pas sur tout le reste. Elle tenait à découvrir ce que ce mystérieux harceleur lui voulait et pourquoi il ou elle tenait à ce point à se montrer insistant. Le message qu’elle découvrit eut le mérite de la laisser pantoise. Qu’est-ce tout cela pouvait bien signifier ?

    « Alessa,

    Ce n’est pas en fuyant de nouveau que tu pourras faire disparaître les démons du passé. Si tu veux pouvoir recouvrer un jour ta liberté, tu dois au préalable découvrir la vérité sur ce qui s’est réellement passé cette nuit-là. Tu dois découvrir pourquoi je suis morte et qui en est responsable. C’est le seul moyen que tu as pour faire disparaître les soupçons qui pèsent sur toi et pour laver ton nom. Tant que tu refuseras de faire la lumière sur toute cette histoire, tu te condamneras à vivre dans la crainte et dans l’appréhension perpétuelle. Tu détiens les clés de ta délivrance, même si tu n’en as pas encore véritablement conscience. Tu es la seule à pouvoir te sauver ; mais encore faut-il que tu le veuilles pour y parvenir. Toi seule es maître de ton destin, Alessa.
    Tu trouveras ci-joint toutes les recherches menées par ton père suite au décès de ta mère. Tu y trouveras également les informations complémentaires que j’ai rajoutées au fil de ma propre investigation. Je sais ce que tu penses de tout ceci : que ce n’est que les fantaisies d’une femme qui n’a pas su faire le deuil de son épouse. Mais tu as tort ! La menace est bien réelle et tu es la prochaine sur la liste. Tu es un risque qu’ils ne peuvent pas se permettre de prendre. Tant que tu seras en vie, tu es une épine dans leur pied qui menace de tout faire capoter. Si tu tiens à la vie, achève notre travail et découvre de quoi il en retourne. C’est là le seul moyen de te sauver toi-même.
    Je ne détiens malheureusement pas toutes les réponses. Tout ce que je sais, c’est que tu trouveras le début d’une explication sur la Citadelle. Rends-toi là-bas, là où tout a commencé et où tout s’est achevé. C’est là que tu trouveras ce dont tu as besoin pour comprendre ce qui s’est passé. C’est là que tu comprendras que je dis la vérité et que tout ceci n’est pas à prendre à la légère. Tu n’as rien à te reprocher, mon amour. Ce n’est pas ta faute si je suis morte à présent. Tu n’y es pour rien. Va sur la Citadelle et tu en auras la preuve. Cherche la vérité et sauve-toi avant qu’il ne soit trop tard. Tu ne mérites pas de subir le même sort que nous. Tu dois vivre. Pour nous toutes.

    Avec tout mon amour,

    Ta Tarana. »


Alessa demeura un moment à fixer le message sans l’ombre d’une réaction. Et soudain, un très vieux souvenir lui revint en mémoire. Celui-ci remontait à cinquante-quatre ans de cela. C’était le jour où la vérité au sujet de Tarana avait éclaté au grand jour ; le jour où Alessa avait découvert ce qu’elle faisait dans son dos depuis plusieurs mois. Alessa s’en souvenait comme si c’était hier…

***

— Où est-ce que tu vas ? lui demanda Tarana en la voyant sortir un sac dans lequel elle s’empressa de fourrer des vêtements pris à la volée dans l’armoire. Alessa ? Réponds-moi !
— Ça ne se voit pas ? Je m’en vais.
— Pourquoi ? Ça n’a pas de sens. Pourquoi t’en irais-tu ?

Alessa releva les yeux et fusilla son amante du regard. Ne comprenait-elle vraiment pas ?

— Tu m’as mentie, Tarana.
— Menti ? Mais à propos de quoi ?
— J’ai découvert tes travaux de recherche ; ceux que tu conservais dissimulés dans le double fond de la penderie. Je suis tombée dessus par hasard et je ne comprends pas pourquoi tu enquêtes sur cette histoire vieille de presque cinquante ans. Et pourquoi le faire dans mon dos ? Pourquoi me le cacher ?

Tarana demeura sans voix un moment. On eût dit qu’elle ne trouvait pas les mots pour se justifier de la manière dont elle avait procédé. Et finalement, elle révéla :

— Ton père me l’avait demandé.
— Quoi ?! s’exclama Alessa en cessant de remplir son sac. Qu’est-ce que cela veut dire ?
— Quelques semaines avant de disparaître, ton père m’a révélé qu’elle n’avait eu de cesse depuis la mort de ta mère de rechercher les commanditaires de l’accident. Elle était convaincue qu’il s’agissait ni plus ni moins que d’un assassinat. Un meurtre déguisé en accident.
— Je le sais, soupira Alessa. C’est pour cela que je ne lui ai pas reparlé depuis. Elle a tenté de me faire adhérer à cette thèse du complot. Mais j’ai refusé. C’était bien trop tiré par les cheveux. Et cela n’avait aucun sens. Comment as-tu pu te ranger de son côté ?
— Elle avait des preuves pour étayer sa thèse, répondit Tarana. Elle avait monté un dossier en béton. Hélas, il manquait de faits réels. Elle n’avançait que des théories et avait besoin de déclarations écrites pour avoir une chance de convaincre le Conseil des Matriarches qu’elle disait la vérité et que ta mère n’était pas morte dans un simple accident de voiture. (Tara se tut un bref instant.) Ton père avait peur que tu ne comprennes pas. Elle était convaincue que tu ne reprendrais pas l’enquête si jamais il devait lui arriver quelque chose…
— Sur ce point, elle avait parfaitement raison. J’ai découvert ces archives en vidant la maison après sa disparition. Mais je n’ai pas été convaincue par les résultats de cette enquête de longue haleine. Rien de tout cela n’avait de sens. Alors je me suis débarrassée de ces dossiers. J’ai tout brûlé. Comment as-tu pu mettre la main sur une copie ?
— C’est ton père qui me l’a envoyée, expliqua Tarana. Comme elle se doutait que tu risquais de ne pas reprendre le flambeau, elle m’a demandé de le faire à ta place. Elle avait peur que cette histoire ne soit pas terminée et que tout finisse un jour par te retomber sur le dos. Elle voulait te protéger et faire en sorte que tu ne vives pas en ayant en permanence une cible dans le dos.
— C’est insensé ! s’exclama Alessa en secouant la tête. J’ai vu ces recherches dont tu parles. Ce n’était qu’un ramassis de théories du complot sans queue ni tête visant à justifier une horreur sans nom qui ne relevait que du hasard. Ma… Ma mère est morte dans un accident de voiture. Cela arrive bien plus communément qu’on peut le croire. Il n’était pas question de complot ou de prétendue conspiration gouvernementale. C’était un accident. Un accident. (Alessa avait les larmes aux yeux.) Mon père n’a jamais pu se faire à cette idée. Elle a toujours prétendu qu’il y avait plus derrière toute cette histoire. Mais ce n’était rien de plus que de la paranoïa. Elle a cru voir ce qu’elle désirait voir car cela lui a permis de soulager sa conscience. Non pas qu’elle ait eu quoi que ce soit à se reprocher ; mais c’est toujours plus réconfortant d’avoir quelque chose ou quelqu’un à blâmer en lieu et place du hasard.
— Ce n’était pas de la paranoïa, Alessa. Les faits prouvent que…
— Il n’y a aucun fait, Tara ! Ce ne sont que des théories, de vulgaires suppositions. Il n’y a absolument aucune preuve de quoi que ce soit dans ce dossier ; si ce ne sont des preuves témoignant que mon père avait véritablement perdu la tête à la mort de ma mère. Comment peux-tu croire un seul instant que quoi que ce soit dans ces archives puisse être vrai ?
— Et toi ? Comment peux-tu croire que rien de tout ceci n’est vrai ? C’est de tes parents dont il s’agit. Ta mère est morte et ton père a disparu du jour au lendemain sans laisser de traces. Tu ne trouves pas ça un peu suspect. Tu ne crois pas qu’il y a « plus » derrière cette histoire ? N’es-tu pas curieuse ?

Alessa demeura silencieuse un moment. Elle finit par soupirer en recommençant à remplir son sac de voyage. Elle n’osa pas croiser le regard de sa compagne. C’était trop douloureux.

— Pourquoi est-ce que tu t’entêtes à refuser de regarder la vérité en face, Lessa ? Pourquoi continuer à t’aveugler alors que je sais que tu te poses des questions sur ces troublants événements. Toutes les réponses que tu cherches sont juste là, sous ton nez. Tout est dans ce dossier et pourtant tu t’obstines à ne pas vouloir reconnaître que ton père était sur une piste sérieuse. De quoi as-tu peur au juste ? De la vérité ? C’est ça qui t’effraie et qui te pousse à prendre la fuite ? Réponds-moi, Lessa !

Alessa releva la tête et posa ses yeux rougis sur sa compagne. Elle ouvrit la bouche pour lui rétorquer quelque chose… mais aucun mot ne parvint à franchir ses lèvres. Elle finit par secouer la tête et fermer son sac d’un mouvement brusque.

— N’essaye pas de me contacter ; oublie-moi pour un temps.

Et elle quitta la pièce sans un regard en arrière. Pendant les dix années qui suivirent, Alessa et Tarana s’étaient pour ainsi dire perdues de vue ; et ni l’une ni l’autre n’avait cherché à entrer en contact avec son ancienne amante. Mais tout avait changé le jour où Tarana fut grièvement blessée sur le champ de bataille et contrainte au repos forcé sur Thessia pour plusieurs mois. Revenant sur sa planète natale pour prendre des nouvelles de Tarana et s’assurer qu’elle s’en sortirait sans complication, les deux amantes avaient fini par se rapprocher l’une de l’autre et était finalement venu le moment de la réconciliation.

— Tu avais raison, Lessa, admit Tarana d’une voix honteuse. Je n’aurais pas dû poursuivre l’enquête de ton père. C’était stupide de ma part ; et dangereux aussi… Tu n’as pas idée. (Elle marqua une pause et chercha ses mots un instant.) Tout ce que j’ai fait, c’était pour toi que je l’ai fait. Je voulais que tu sois en sécurité. Si ton père disait vrai et que ta vie était elle aussi menacée, je ne voulais pas tu coures le moindre risque. Le fait que ton père disparaisse du jour au lendemain n’a fait que donner encore plus de poids à tout ce qu’elle m’avait dit et je me suis laissée aveuglée par ma crainte qu’il puisse t’arriver le moindre malheur. Je voulais te protéger et au final… c’est à cause de ça que je t’ai perdue.
— Tu ne m’as pas perdue, la rassura Alessa. Ne suis-je pas là aujourd’hui ?
— Oui, mais pour combien de temps encore ? soupira Tarana.
— Eh bien… cela dépendra de toi.

Un silence suivit les paroles d’Alessa et Tarana hocha silencieusement la tête.

— J’ai suivi pratiquement toutes les pistes figurant dans le dossier de recherches de ton père et je ne suis parvenue à trouver aucune preuve tangible corroborant sa thèse de l’assassinat. (Alessa baissa les yeux sans faire le moindre commentaire.) Je pense que tu avais raison, reprit Tarana en soupirant. Ton père a simplement tenté de faire son deuil à sa manière et elle m’a embarquée dans cette histoire de conspiration en jouant sur ma peur de te perdre. Je… Je ne sais pas quoi dire. Je suis tellement désolée, Lessa. Si j’avais su que tout cela ne me mènerait nulle part si ce n’est te perdre, je n’aurais pas autant insisté. Pourras-tu un jour trouver la force de me pardonner ?

Alessa ne répondit pas. Elle laissa planer un pesant silence quelques secondes durant avant de pencher la tête en avant et de déposer ses douces lèvres sur celles de son amante. Le geste valait tous les beaux discours et toutes les belles déclarations d’amour. Et quelques semaines plus tard, Alessa et Tarana se promettaient l’une à l’autre un amour éternel sous la bénédiction d’Athamé.

***

Émergeant lentement de ces vieux souvenirs, Alessa se retrouva de nouveau derrière les commandes de sa navette. Une alarme discrète tentait d’attirer son attention pour l’informer qu’elle serait bientôt à porter de saut mais qu’aucune destination n’avait encore été entrée dans le système de navigation. Alessa pianota sur la console haptique et commença à entrer une destination se trouvant dans l’une de ces régions reculées des systèmes Terminus. Cependant, au moment de valider son choix, elle ne parvint pas à presser la toucher « entrée » du clavier lumineux.

Le doute venait soudain de s’emparer d’elle. Inconsciemment, elle retourna sur sa boîte Extranet et se surprit à relire le dernier message reçu sur son terminal. Son regard se porta finalement sur le dossier lié en pièce jointe. Elle hésitait. Finalement, après avoir pris une profonde inspiration, elle se décida à l’ouvrir. Sa curiosité avait pris le pas sur la raison, pour le meilleur ou pour le pire…
Alessa N'Mara

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Alessa N'Mara
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MessageSujet: Re: À la croisée des chemins [terminé]   À la croisée des chemins [terminé] Icon_minitimeVen 06 Fév 2015, 14:52
Les minutes s’écoulèrent lentement les unes après les autres. Ce n’est que lorsque l’alarme commença à retentir plus fort qu’Alessa reprit contact avec le présent et se rendit compte qu’elle avait passé près d’une heure à consulter le dossier joint au dernier message reçu sur son terminal Extranet. Elle n’avait pas vu le temps passer et s’était laissée complètement absorber par sa lecture. Cela ne ressemblait en rien aux vieux souvenirs qu’elle avait gardés des quelques pages feuilletées à la va-vite cinquante ans auparavant. Le dossier semblait bien plus étoffé que ce qu’elle avait eu entre les mains en ce temps-là. Il contenait quantité de nouvelles entrées et débuts de pistes que Tarana elle-même n’avait pas eu le temps d’explorer à cette époque. Mais la curiosité d’Alessa fut brusquement balayée par la douleur de la trahison quand elle découvrit des traces de l’écriture de sa défunte épouse.

Les notes sur lesquelles la fugitive venait de tomber dataient d’après leur mariage. Or en ce temps-là, Tarana avait décrété avoir laissé tombé cette affaire faute de preuves tangibles pour étayer la théorie du complot de la Matriarche N’Mara. Et pourtant, Alessa avait sous les yeux la preuve qu’elle avait poursuivi ses travaux dans le dos de son épouse ; encore une fois. Pourquoi lui avait-elle menti une fois de plus ? Pourquoi avoir repris ces recherches dans son dos sans l’en informer ? Tarana craignait-elle une dispute qui aurait pu mener à une rupture ? Avait-elle peur qu’en révélant son terrible secret à Alessa, celle-ci décide de rompre et de tirer un trait sur leur relation ? C’est sans nul doute ce qu’elle aurait fait, oui. Mais découvrir après tant d’années que sa femme lui avait menti ouvertement en la regardant en face, c’était trop douloureux.

Les larmes inondèrent silencieusement les joues de la jeune femme. Cela faisait tant d’années qu’elle faisait de son mieux pour fuir le douloureux souvenir de Tarana ; et voilà que quand elle décidait enfin d’y faire face, c’était pour découvrir que leur relation était principalement basée sur le mensonge et la duperie. C’était comme si un poing d’acier s’était refermé sur sa poitrine et comprimait son cœur dans un étau infernal. Le souffle lui manquait et la douleur était insupportable. Prise d’un accès de colère, la fugitive asari donna un coup de poing sur la console de navigation et lâcha un cri rageur avant de se prendre la tête dans les mains. S’efforçant de retrouver son souffle, elle perçut soudain le son d’une voix qu’elle n’avait plus entendue depuis des années. Une voix qui lui brisa le cœur une fois de plus.

« Mon amour,
Si tu entends ces mots, c’est que tu auras découvert que je t’ai mentie. Sache que je m’en veux pour ne pas avoir su tenir ma promesse. J’ai essayé. Je me suis débarrassée de toutes les preuves et de tous les dossiers en ma possession concernant l’enquête de ton père. J’ai fait tout mon possible pour m’en tenir à ta décision. Et puis j’ai reçu des nouvelles d’un de mes contacts ; une pirate informatique ayant les moyens de mettre la main sur des preuves accablantes qui auraient peut-être pu étayer les théories de ton père. Les informations qu’elle m’a communiquées concordaient avec plusieurs scénarii que je ne croyais pas réalistes. Et pourtant, voilà que grâce à ces informations, j’ai finalement découvert que ton père avait vu juste depuis le début. Il avait raison, Alessa, tu entends ? Il disait vrai. Ce n’était pas un simple accident ; mais bel et bien une exécution transformée en accident.
Peut-être aurais-je dû tout te révéler bien avant, mais il est trop tard maintenant. J’ai peur de t’avouer ma duperie ; peur que tu ne me quittes à cause de ça. Mais comprends-moi, il est trop tard maintenant. Je ne peux pas revenir en arrière ; je ne peux pas ignorer ces dernières découvertes. Je dois poursuivre le travail de ton père et le mener à terme pour honorer sa mémoire et par respect pour ta mère. Une mission que tu refuseras peut-être de comprendre… aussi j’espère que tu ne le découvriras pas avant que tout soit terminé. En attendant, notre demande de mutation a été validée par les hautes instances et nous retournons dans l’espace concilien dès le mois prochain. C’est dans cette direction que pointe la piste découverte par la hackeuse. Le nom d’une dénommée Rana apparaît dans plusieurs messages. Je vais tâcher de découvrir ce qui la rattache à tout ceci.
Si jamais tu venais à écouter ce message, sache que je te demande pardon. Ne m’en veux pas d’avoir menti et de ne pas avoir eu la force d’être honnête avec toi…

— Tarana ? (C’était la voix d’Alessa.) Qu’est-ce que tu fabriques ? Tu viens te coucher ?
— J’arrive dans deux minutes.
Je t’aime de tout mon cœur et de toute mon âme. Pardonne-moi. »

Le message prit fin. Les yeux rivés sur le terminal, Alessa se rendit compte qu’il s’agissait d’un mémo, glissé dans le dossier parmi les entrées les plus récentes. Séchant ses larmes du revers de la main, elle prit quelques secondes pour feuilleter les dernières pages du dossier et se rendit finalement compte que sa femme n’avait pas menti. Un trou de près de dix années séparait les entrées récentes de la plus ancienne compilée avant ça. Elle avait effectivement essayé de s’en tenir à sa promesse. Mais le fait est qu’elle avait replongé suite à une récente découverte. Alessa pouvait-elle lui en tenir rigueur ? Si les rôles avaient été inversés, elle-même n’aurait probablement pas pu résister à la tentation. Mais le risque en valait-il la chandelle ? Tarana avait été prête à tout risquer pour quoi ? Une vulgaire théorie du complot… Pourtant, toutes les informations qui défilaient devant les yeux d’Alessa semblaient de nature à valider cette théorie. La découverte faite par la hackeuse semblait avoir été le pont qui avait permis à Tarana de faire le lien entre différentes pistes qui, prises séparément, l’avaient menée dans une impasse à chaque fois. L’enquête qui avait paru tellement brouillonne aux yeux d’Alessa il y a de ça une cinquantaine d’années semblait à présent faire sens. Et si Tarana avait dit vrai ? Et si son père, cette femme dont elle avait refusé d’écouter les propos délirants, avait eu raison depuis le début ?

Alessa refusait de répondre à cette question. Elle refusait d’admettre qu’elle ait pu avoir tort car cela impliquerait qu’elle avait tourné le dos à son père au moment où elle avait eu le plus besoin d’elle. Ce genre de trahison lui était insupportable. Se dire qu’elle aurait pu être là pour son père ; se dire qu’elle était peut-être en partie responsable de sa disparition inexpliquée… c’était trop pour elle. Et dire que Tarana avait cru à la véracité des propos de Tashaa depuis le début. Alessa avait aussi déçu son épouse et peut-être cela l’avait-elle aussi menée à sa perte. Alessa était-elle la cause de tous ses malheurs ?

Des passages marquants du message reçu sur son terminal lui revinrent en mémoire. Ce n’est pas en fuyant de nouveau que pourrais faire disparaître les démons du passé… Tant que tu refuseras de faire la lumière sur toute cette histoire, tu te condamneras à vivre dans la crainte… Tu détiens les clés de ta délivrance… Toi seule es maître de ton destin… Tu ne mérites pas de subir le même sort que nous. Tu dois vivre. Pour nous toutes…

Reportant son attention droit devant elle, Alessa vit le relais cosmodésique bien plus proche qu’elle ne l’aurait cru. Elle avait encore de la marge devant elle, mais d’ordinaire, les vaisseaux ne s’approchaient pas aussi près. La console de navigation continuait de faire retenir une alarme pour l’informer qu’elle n’avait toujours pas validé de destination pour le saut entre relais. Il était grand temps de prendre une décision. L’heure de vérité avait sonné. Qu’allait-elle choisir ? La fuite – une incessante vie de cavale qui avait fini par devenir la seule constante dans sa vie – ou bien allait-elle enfin se décider à affronter ses vieux démons en face comme son père et sa femme l’avaient toutes deux fait avant elle ?

Reposant les mains sur le clavier haptique de la console de navigation, Alessa effaça les coordonnées précédemment entrées et entra celles d’une destination qu’elle n’avait encore jamais visitée de toute sa vie : la Terre, dans le système Hélios. C’est autour de cette planète qu’orbitait dorénavant la station qui tenait lieu de cœur à la galaxie civilisée. La Citadelle. Or selon Tarana, c’est là qu’elle trouverait les réponses à ses questions. Dans ce cas, c’est là qu’elle se rendrait.

À peine eut-elle validé les coordonnées que la navette accéléra de nouveau en changeant légèrement de cap. Puis lorsqu’elle eut atteint la vitesse nécessaire pour effectuer le saut, le relais cosmodésique s’activa et Alessa quitta la Nébuleuse d’Oméga pour faire route vers la Bulle Locale et la Citadelle.


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À la croisée des chemins [terminé]

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