- Comment ça, c'est trop cher ?
- Kalius fait le même flingue pour cinq cent crédits de moins ! répliqua le Galarien d'une voix aussi stridente qu'agaçante.
- Et bah si c'est le cas, casse-toi de mon étal et va lui acheter ce putain de fusil chez lui !

L'amphibien marqua une hésitation silencieuse, son regard noir fixant celui de l'Humain qui lui faisait face. Avant de partir sans un mot, agacé au vu de sa démarche ridicule. Abel poussa un court soupir en levant les yeux au ciel. Fouillant dans la poche de son pantalon, il en sortit une clope qu'il coinça entre ses lèvres, tirant un zippo de son autre poche. L'espace d'un instant, son regard s'arrêta sur l'inscription au dos du briquet métallique. En alphabet cyrillique -un type d'écriture désuet, à cette époque, mais qu'on lui avait tout de même enseigné- était gravé son nom de famille. Mine de rien, Abel Sajko était fier de chacun des membres de sa parenté. Ca ne le gênait pas spécialement d'être considéré comme un "raté" -et le terme restait fort-. Mais, après tout, après un tel parcours, il l'avait un peu cherché. Ca rendait les liens avec ses parents et sa soeur un peu plus complexes, certes, il ne fallait surtout pas parler de son taff, mais du moment qu'on oubliait ça... Au final, on passait un bon moment.

Lena, sa frangine, une tempête sur pattes, avait marché sur les traces du paternel, en s'engageant dans l'Alliance. Une voie honorable, qu'Abel n'aurait pas supporté, mais qu'il ne pouvait que respecter. Devoir obéir à des ordres qu'il ne comprenait pas, c'était pas son trip. Mais lui aussi avait besoin d'action, d'adrénaline. Pouffant comme un imbécile heureux en repensant à ses bagarres avec sa soeur, il alluma le briquet et le porta au bout de son bâton de nicotine, tirant une longue bouffée, qu'il recracha en l'air, observant du coin de l'oeil, amusé, le Galarien faire machine arrière.

- Bon. Je...
- J'te fais une réduc' de cent crédits si tu la boucles dès à présent.

Affublé d'un sourire vorace, il était curieux de voir comment le batracien allait réagir. Allait-il tenter de lui arracher encore quelques crédits, ou se contenter de ce qu'on lui offrait ? Même sur Oméga, se montrer raisonnable pouvait parfois être bénéfique. Mais connaissant la nature loquace à en être gavante des Galariens...

- Cent cinquante.

Abel recracha le contenu de ses poumons en plein visage de l'amphibien.

- Dommage, c'était une offre limitée. Toute jovialité quitta soudainement ses traits. Barre-toi au lieu d'me faire perdre mon temps.
- T'as pas d'autres clients.
- Rien à battre, la grenouille. J'vends pas quand on me casse les couilles. Et j'commence diablement à avoir envie de tester mon propre matos, là...

Et comme pour appuyer ses propos, il caressa du bout du doigt l'arme qui était l'objet des désirs du Galarien. Galarien qui se barra en pestant, mais seulement après qu'Abel ait allumé une seconde clope. Histoire de se détendre complètement après une telle plaie. Il s'installa sur la chaise derrière son étal et croisa les mains au niveau de sa nuque, observant le plafond d'un regard vague. Pensant qu'il allait devoir sortir son armure de freelance, avec un tel chiffre d'affaires.

Calé au fond de son siège, les mains sur les manettes, une lueur bleutée à peine perceptible baignant son cockpit, Abel observait d'un oeil hagard l'infinité d'étoiles, la Voie Lactée, au moins dans ce que pouvait recouvrir son champ de vision. Bon, peut-être qu'il n'aurait pas dû se mettre une telle murge jusqu'à des pas d'heures la veille d'un job se déroulant majoritairement dans le silence et le noir.
Ouais, en fait, c'était même carrément débile, comme idée.

- Escorte numéro deux, veuillez répondre.

Le jeune homme secoua la tête vivement pour reprendre ses esprits, avant d'appuyer sur l'oreillette qui venait d'émettre en étouffant un baillement.

- Je vous reçois.
- Nous empruntons le relais d'ici cinq minutes. Rien à signaler de votre côté ?
- C'est si tranquille que je pourrais m'endormir.
- Si vous tenez à recevoir votre prime, évitez. Terminé.

Le freelance dut se mordre la lèvre pour ne pas exploser de rire. Apparemment, le propriétaire du convoi n'avait pas tellement envie de se voir mêlé à des groupes comme Eclipse ou les Soleils Bleus, car l'escorte était uniquement composée de types comme lui. Des gars libres comme l'air. Enfin, des gars. Ils comptaient aussi une jolie blonde dans leurs rangs. Se demandant si elle accepterait de boire un verre avec lui une fois le job terminé -une gueule de bois n'empêche pas de tenter sa chance, après tout !-, il observa d'un oeil distrait un écho s'afficher sur son radar, pour disparaitre aussi sec. Probablement un parasite.

Les vaisseaux d'escorte, de petits chasseurs aussi maniables que fragiles, étaient fournis par le commanditaire, le temps de la mission. Une jolie paie, et on leur offrait même le retour ! Autant dire que malgré sa détente apparente et sa somnolence patentée, les sens d'Abel étaient aux aguets et il soupçonnait ses quatre compagnons de faire de même. Quand un contrat paraissait trop alléchant, c'était qu'il y avait anguille sous roche. Mais ses ventes n'avaient pas été suffisantes ce mois-ci, et il devait compenser comme il pouvait pour ne pas crever de faim.

Nouvel écho.

- Dites, convoi. Nos ennemis, ils sont équipés comment ? Pas de réponse, mais il était prêt à parier que les autres freelances écoutaient eux aussi la fréquence. Allons, pas de cachotteries entre nous. Parce que je pense qu'on sera attaqués avant vos cinq minutes.

Et comme une réponse à sa remarque, de multiples signaux apparurent sur l'écran du radar.

- Abel...
- Ouaip, Alik ?

Alik était un Drell avec qui le jeune homme avait déjà travaillé plusieurs fois. A force de se côtoyer face au danger, ils avaient créé une relation aussi professionnelle qu'amicale. Sachant l'un l'autre comment ils faisaient face à une situation, ils se protégeaient mutuellement le derrière, en cas de pépin.
Un peu comme maintenant, en fait.

- La prochaine fois, fais-moi le plaisir de fermer ce qui te sert de bouche.
Une relation aussi professionnelle qu'amicale, qu'on vous dit !
- Promis.

Abel poussa la manette des moteurs, reprenant soudain son sérieux en comptant le nombre d'ennemis et en visualisant leurs positions, leurs trajectoires. Ca promettait d'être folklorique.
Malheureusement, la blonde ne survécut pas à l'affrontement.

Pour éviter toute emmerde et toute obligation -quoique ces termes pouvaient se montrer étrangement synonymes, parfois-, Abel avait choisi de ne rejoindre aucune organisation mercenaire. Après tout, s'il avait refusé de rejoindre l'Alliance Interstellaire, c'était à cause de son problème avec les ordres aux objectifs obscurs. Eclipse, Soleils Bleus, Berserkers... S'il fuyait déjà une autorité à peu près respectable, ce n'était pas pour devenir le vassal d'un type au passé si trouble que les marécages de Virmire pouvaient paraitre limpides, en comparaison.

Et puis, il y eut Cerberus.
Cerberus qui s'était mise en tête de conquérir la station sur laquelle résidait le jeune homme. Faisant couler le sang, chez les malfrats, les mercenaires et les civils. Aucune distinction. Un truc vraiment moche. Aria semblait ne pas pouvoir reprendre le contrôle. Elle, la reine des criminels, dont on disait qu'elle avait le bras long, venait de se faire bouter hors de chez elle.
Autant dire que la situation n'avait vraiment rien de glorieux.

- Hep, Alik, grogna le blondinet, une cigarette dépassant de sa barbe de plusieurs jours, tout en rechargeant son arme.
- Ouaip ?
- Pourquoi tu t'es pas cassé avec ta Drellette, y a sept mois ?

Le lézard sur pattes rechargea à son tour, en lançant un regard étonné à son compagnon d'armes.

- Putain, t'es sérieux là, mec ?
- Ca me turlupine, répliqua-t-il en haussant les épaules et en balançant ce qui était à présent un mégot, un mince sourire étirant ses traits. Tu veux jamais en parler et j'me suis promis de découvrir ce que tu cachais. Puis si on doit crever aujourd'hui...

Le Drell poussa un long soupir.

- Tu te souviens que je t'ai dit que c'était ma copine ?
- J'ai p'tete pas une mémoire de Drell, mais mon cerveau d'Humain fonctionne encore, tu sais, lança Abel avant d'envoyer une rafale, plus pour empêcher les gars de Cerberus d'avancer pour réellement toucher quelqu'un.

Pas comme le gars à sa gauche, un tireur d'élite qui gardait un flegme incroyable en dépit de la situation. Le contraire des civils cachés dans la pièce derrière leur barrage de fortune, dont on pouvait entendre les cris et les lamentations en dépit de la porte fermée. Sérieux, il y avait des gens aussi fragiles sur Oméga ?

- C'était ma fille.

Le blondinet manqua de tomber par terre sous le coup de la révélation.

- T'as une gamine ? Mais qu'est-ce qu'elle foutait là, putain ?

Le lézard le regarda de haut en bas, termina de charger son fusil et explosa de rire.

- Tu sais que t'es un grand malade ?
- Je croirais entendre ma soeur, se contenta d'ajouter Abel, avant de remarquer que les tirs s'étaient arrêtés du côté de Cerberus.

Attrapant le miroir dans une poche de son armure, il observa le champ de bataille en restant à couvert derrière sa caisse métallique. De multiples silhouettes se battaient au corps-à-corps, au loin. Curieux, il allait se lever, quand trois personnes vêtues d'armures noires et de rouges atterrirent derrière leurs lignes. Aussitôt, l'Humain leva son arme en prévention, mais un agile coup de pied dedans le désarma aussi sec.

- Bordel de... Il allait riposter, mais déjà un canon était pointé dans sa direction. Silencieux durant quelques secondes où il constata que ses compagnons d'infortune se trouvaient dans la même merde, il étudia l'accoutrement des assaillants, reconnaissant le symbole. Les Serres, hein ?

L'un des mercenaires se dirigea vers la porte, pour vérifier ce que les freelances protégeaient, en plus de leur propre cul. Avant de revenir, une minute plus tard.

- Vous détestez Cerberus à quel point ?

Consultant du regard son ami Drell, Abel secoua la tête en soupirant.

- Ils voulaient notre peau et la peau des civils. A ton avis ?
- En d'autres termes, vous résistiez.
- Si ça te fait plaisir de le voir de cette façon, grogna Abel en haussant les épaules.
- On a besoin de bras sachant tenir des fusils, chez les Serres, pour organiser la défense d'Oméga. Le mercenaire casqué marqua une pause, pour laisser les trois larrons comprendre d'eux-même l'ampleur de leur décision. Vous en êtes ?

Pieds sur la table métallique aux tâches sombres incrustées par des années d'usage, Abel gardait son regard braqué dans celui de Rhys. La brute épaisse au service de Shoran. On lui prêtait volontiers le potentiel destructif d'un Krogan et une xénophobie à peine voilée. Peut-être que c'était pour ça qu'on l'avait coincé avec le blondinet. Après tout, il était Humain comme lui. Tant qu'il ne tentait rien, il resterait en un seul morceau.
En principe.
Suite à l'invasion d'Oméga par Cerberus, le Terrien était resté chez les Serres. Lui qui n'avait jamais envisagé de rejoindre une organisation se retrouvait dans les rangs de la "police" -même si cela restait un bien grand mot- de la station. Même s'ils entreprenaient des actions qu'il n'appréciait pas forcément, Abel s'était plutôt bien accoutumé au fait de recevoir des ordres et avait l'impression de servir à quelque chose, après toutes ces années en freelance juste pour amasser quelques crédits et payer sa bouffe. C'était avec une certaine nostalgie qu'il avait revendu son étal pour s'investir à cent pour cent chez les Serres, évitant autant que faire se peut les histoires les plus louches, pour respecter la volonté de sa famille qui ne voulait pas le voir devenir un vulgaire truand.

Mais tout avait changé avec la mort de Lena.
Après avoir visité son père, veuf depuis la guerre contre les Moissonneurs, et surmonté le choc, Abel avait compris quelque chose, en réétudiant les circonstances du décès. Il n'avait aucune preuve, car il n'avait jamais été un enquêteur et n'en possédait pas les méthodes, ni les relations, mais une certitude s'implanta dans son esprit. Peut-être avait-il tort, mais il n'y croyait pas une seconde : sa soeur n'était pas morte accidentellement. Peut-être en aurait-il fait part au mari de Lena, Liam Walker, si celui-ci n'avait pas purement et simplement sombré dans la dépression. Si leur relation de beaux-frères avait toujours été singulière, de par l'activité d'Abel, le mercenaire n'avait rien contre le journaliste. Un pauvre bougre qui n'avait pas supporté la disparition de sa femme et de son futur gosse. Le Terrien pouvait comprendre cette réaction, si bien qu'il ne méprisait pas son beau-frère. Il en venait même presque à compatir.

Après cet "accident", Abel avait bien changé. Devenant plus renfermé et apathique, moins souriant et espiègle, trouver des indices sur la mort de sa frangine devint une obsession. Et où trouver des indices sur une affaire louche, mieux que dans la capitale du crime ? Appartenant déjà aux Serres, il commença donc à pourchasser tous les criminels qu'il pouvait choper, tentant de leur extirper toujours des informations avant de leur faire subir la loi des Terminus.
Sans grand succès, jusqu'à présent. Après tout, il cherchait une aiguille dans une botte de foin galactique. Mais il avait hérité des Sajko un entêtement et une volonté infaillibles.
A force de ne prendre que des boulots pour faire tomber les malfrats plus ou moins notables, ne s'occupant plus de livraisons, d'escortes, entre autres, il avait fini par attirer l'attention sur lui. Shoran, qui gagnait de plus en plus en influence, l'avait gentiment "invité" en lui envoyant Rhys. Abel n'avait pas refusé, curieux de savoir ce que pouvait bien lui vouloir la mystérieuse Turienne. Le bras droit de celle-ci semblait l'ignorer, ce qui collait plutôt bien à sa réputation. Alors que le blondinet se grattait distraitement la barbe, Shoran entra silencieusement dans la pièce, s'installant face à lui, jambes croisées, regard dur.

- Enchanté, grogna le Terrien.

Pas de réponse. Il laissa donc le silence s'installer, alors qu'ils se contentaient de se fixer l'un l'autre, se jaugeant. Abel était loin de se douter qu'il allait, ce jour-là, faire la connaissance de celle dont il allait devenir l'un des pires chiens les neuf années qui suivraient.

- Vous allez le regretter ! Détachez-moi tout de suite !

Abel eut un regard fatigué pour sa victime, avant d'afficher un faible sourire forcé qui ne tint que quelques fractions de seconde. A califourchon sur une chaise, il laissa son menton barbu reposer sur son avant-bras. Il faisait bien trop chaud pour garder son casque après la baston et les caméras étaient déjà désactivés. Le gars en face devait savoir comment ça fonctionnait. S'il n'avait pas peur de dévoiler son visage, c'est que son tortionnaire ne comptait pas le garder vivant.

- Le regretter, vraiment ? Intéressante théorie. J't'écoute.
- Je... Je... Il prit une longue inspiration pour calmer les tremblements de sa voix. Je peux vous donner de l'argent. Des propriétés. Tout ce que vous voulez !

Le blondinet se leva, silencieux, et, sans geste avant-coureur, planta sa lame dans le genou du pauvre bougre, puis se réinstalla dans la même position sur sa chaise, plus proche du type cette fois, ignorant royalement ses hurlements de douleur.

- Tu vois que c'était pas une bonne idée d'insonoriser cette pièce, gros malin. Il supporta les cris quelques secondes de plus, avant d'envoyer une mandale dans le visage du bonhomme. Continue, et je m'arrange pour que tu ne puisses plus pousser un gémissement.

La lèvre en sang, le bonhomme lui envoya un mollard sanglant au visage, hargneux. Abel ne réagit pas dans un premier temps, clignant simplement des yeux, avant d'enfin prendre la peine d'essuyer son visage.

- Un partout, je présume.
- Va te faire foutre ! Si tu crois que tu vas t'en sortir...
- C'est là que tu te plantes, coco. Celui qui va crever ici, c'est toi. J'sais pas ce que t'as foutu, et honnêtement, j'm'en balance pas mal. Mais t'as carrément énervé la patronne. Tu sais, faut pas trop déconner, quand on se trouve sur Oméga.
- Si tu crois que ta merdeuse de...

Une nouvelle droite interrompit sa phrase, lui pétant le nez cette fois.

- Un autre langage, s'il te plait. Après tout, tu dois être un beau parleur, vu ta villa... Il désigna les quelques cadavres au sol. Et vu le nombre de gars pour protéger ton cul.

L'autre ne broncha pas. Abel frappa dans ses mains.

- Bon, je suis censé te faire comprendre qu'on déconne pas avec Oméga. Bien sûr, c'est une revanche, mais également un avertissement pour ceux de ton cercle qui aimeraient y trainer. En général, le message passe plutôt bien quand on voit qu'un collègue a été écorché vif, tu sais... L'autre se mit à trembler et à chialer, arrachant un soupir au blondinet. Mais bon, honnêtement, je trouve ça surfait.
- Putain de sadique... parvint-il à articuler, tête basse.
- Un job est un job.

Sans prévenir, il ôta le couteau de l'articulation du bonhomme, lui arrachant un nouveau cri de douleur.

- Entre nous, je pense qu'on n'a pas besoin de te faire subir ça. Sa victime releva son visage ensanglanté, le regard incertain. Donc, voilà ce que je te propose : tu réponds à ma question et je fais ça vite. Il marqua une pause, pour laisser le gars prendre l'ampleur du marché. Et tente pas de me mentir. Ca me mettrait de mauvaise humeur, et t'as pas envie de voir ça.
- C'est... C'est quoi ?
- Lena Sajko.

L'autre parvint à hausser un sourcil, avant de renifler.

- Qui c'est ?

Abel soupira, puis répliqua :

- Laisse-moi te dire que ton ignorance vient de t'épargner bien des souffrances.

Et alors que le dernier mot franchissait ses lèvres, il se leva sans crier gare, perçant la chair de sa victime au niveau de sa glotte, mettant fin à sa vie en quelques secondes. Ôtant sa lame dans un jet écarlate, le blondinet jaugea le cadavre, avant de grommeler :

- Maintenant, la partie marrante.

Après tout, il n'avait pas promis qu'il laisserait le corps intact, non ?

Vêtu de son armure de Ravageur, Abel étira ses muscles tendus. Il y avait longtemps que son égo ne s'était plus manifesté, pas plus que son sens moral. Mais il fallait avouer que cette catastrophe, ce foutoir... Tout cela réveillait la part d'humanité qu'il avait cru perdue à la mort de sa soeur. Il n'avait pas revu son père depuis, car c'était la seule personne face à laquelle il aurait eu honte des actes qu'il avait pu commettre ces dernières années. Et ça lui faisait peur. Car retrouver cette humanité pouvait l'handicaper dans son deal avec Shoran et, par extension, sa quête pour retrouver les assassins de sa frangine.

- Au lieu de glander, amène-toi !
- J'pense que tu devrais plutôt venir voir, répliqua le blondinet.
- Abel.
- Hm ?
- Tu souris.

L'Humain porta ses doigts à ses lèvres, pouffant en constatant que c'était la vérité.

- Tu veux que je vois quoi ?
- L'exécution de Zevik. C'est retransmis sur tout Oméga.

Alik lâcha la plaque de tôle qu'il portait sur son épaule et se rapprocha de son compagnon d'armes, s'installant sur la même poutre que lui. Il activa son Omnitech à son tour, observant et écoutant Shoran en train de discourir avant l'exécution.

- Les Serres sont finis.
- Et les Ravageurs vont prendre leur place, compléta le Drell avec un sourire complice.

Abel fouilla dans sa poche et en sortit un bâton de nicotine qu'il alluma en caressant l'inscription au dos de son zippo qui commençait à avoir bien vécu.

- Zevik doit être heureux qu'on mette fin à ses jours de manière si rapide. Même si on se souviendra de lui comme d'un perdant.

Le lézard sur pattes détailla son frère d'armes du regard, alors que ce dernier se contentait de fixer la retransmission sur son Omnitech.

- Tu regrettes de ne pas pouvoir le torturer ?
- C'est pas ce que j'ai dit.
- Pourquoi tu fais toujours les pires boulots, Abel ?

Le Terrien poussa un long soupir enfumé, joignant ses paupières l'espace de quelques secondes.

- Depuis quand tu fais dans le sentimentalisme ?
- Depuis que tu souris comme un imbécile sans raison.
- Grmbf. Le mercenaire se gratta la barbe avant de saisir sa clope, la tapoter pour en virer les cendres et la remettre à sa place d'origine. C'est juste ce qu'on a décidé avec Shoran.
- Et tu aimes ça ?

Le blondinet se raidit l'espace d'une seconde, lançant un regard noir au Drell.

- On s'en balance, de ça.
- Moi, pas.
- P'tain, mais t'es retourné sur Kahjé, récemment, pour me gaver avec tes conneries ?
- C'est à cause de ta soeur, c'est ça ?

Abel ne réfléchit pas. Son poing partit avant même qu'il ne puisse peser le pour et le contre. Durant cinq bonnes minutes, les deux frères d'armes se battirent, aucun des deux ne prenant l'avantage et tous deux finissant au sol, le souffle court, le visage ensanglanté et les mains pulsant au rythme des battements de leurs coeurs affolés. Tentant de calmer sa respiration, vidé d'énergie, le blondinet se mit à rire, bien vite rejoint par Alik.

- Aaaaaaaah ! grogna-t-il en restant étalé par terre. Puis au bout de quelques dizaines de secondes, il lança : J'ai passé un deal avec Shoran, quand je l'ai rencontrée. Je m'occupe des taffs dont personne ne veut et, en échange, j'peux interroger les cibles. Comme j'ai aucun indice, j'y vais au pif, mais j'me dis que c'est dans ce milieu que j'ai le plus de chances de trouver quelque chose.
- Je vois.

Nouveau silence.

- Et toi, bientôt grand-père ?
- Oh, ta gueule.

Abel est un solide gaillard, au corps forgé par des années au combat en tant que mercenaire. Haut d'un mètre quatre-vingt sept, il a une forme d'athlète qu'il ne met pourtant presque jamais au service du sport. Il ne connait pas l'inactivité physique et a attrapé, au fil des années, une méchante addiction à l'adrénaline qui lui permet de garder un flegme incroyable dans nombre de situations, lui faisant parfois prendre ce que la plupart des gens considèrent comme des risques inutiles. Son armure de Ravageur souvent sur les épaules, il ne l'ôte que lorsqu'il se trouve au QG, au bar et/ou, plus simplement, lorsqu'il se sent en sécurité. Ce qui est relativement rare, sur Oméga.

Ne se rasant que lors des grandes occasions -ou quand Shoran ne supporte plus d'avoir un homme de caverne près de lui-, il porte une barbe blonde tirant vers le châtain et ses cheveux longs sont souvent rabattus en arrière ou coiffés en bataille. Selon ce que sa chevelure daigne lui laisser faire. Derrière cette masse de poils se cachent des lèvres fines qui, autrefois, s'étiraient facilement en des sourires aux sens aussi divers que variés : badins, complices, charmeurs, sincères... Aujourd'hui, les rares sourires que semble capable d'afficher Abel sont fatigués, quand ils ne sont pas tout simplement forcés. Un regard dur, bleu du fond des océans marins, hérité de son paternel, surmonte des joues creuses .

Le Terrien est devenu, au fil du temps, un pur produit taillé par Oméga. Son caractère est gravé à jamais par les expériences qu'il a vécu sur la Station, et pourtant, l'évènement qui l'a le plus marqué, jusqu'aux tréfonds de son être, c'est la mort de sa soeur, bien loin de la capitale du crime. Suite à cela, Abel a passé un deal avec Shoran qui va le mettre face aux situations les plus affreuses que connaissent les humains. La torture est devenu son dada, et son sens de la compassion s'est peu à peu effacé, seulement ravivé à certains moments, lorsque ce sont des proches qui sont touchés par tel ou tel souci. Apathique, son sens de la morale s'est lui aussi fait la malle. Il ne désire qu'une seule chose : trouver des infos sur ceux qui ont tué sa soeur, sur la raison de cet assassinat.

Rancunier, têtu, il faut savoir se montrer persuasif et patient pour le faire démordre d'une idée, d'un point de vue. Le recours à la violence ne le dérange pas -après tout, c'est devenu là son quotidien-, pas plus que de mettre fin aux jours de quelqu'un. Pour autant, il ne se montre pas désagréable avec les gens en général. Relativement franc, il peut paraitre impoli, mais une fois qu'on le connait, on sait juste que c'est sa façon d'être et qu'il ne cherche pas forcément à blesser par cette démarche. La solitude est devenue une compagne qu'il invite volontiers avec lui, mais il n'a rien contre la présence des autres. En vérité, il s'en fout pas mal. Quand la solitude lui permet de se laisser aller à des moments de contemplation, à errer dans le dédale de ses pensées, la compagnie des gens lui permet de partager des moments qu'il savoure, même si ce n'est pas toujours flagrant.

Signe(s) distinctif(s) : Porte presque tout le temps une écharpe noire, dernier cadeau de sa petite soeur. A souvent une clope au bec.
Relations avec les autres : Dépendent généralement de ce qu'a demandé Shoran.
Des liens prédéfinis ? Liam Walker.

Célébrité sur l'avatar : Nikolaj Coster-Waldau.
Comment avez-vous connu le forum ? Excellente question.
Est-ce un double compte ? Naaaaa.
Des remarques ? Bulubulu.